vendredi 30 mars 2012

Littérature : le Prix Mahogany est lancé

Le jury de cette première édition est présidé par Léonora Miano.


La première édition du Prix Mahogany aura lieu en mai 2012. Ce prix est décerné à des auteurs subsahariens et afrodescendants, dans les catégories fiction et document. Les auteurs d'expression française ne sont pas les seuls concernés. Le jury accepte également des textes traduits en français, ce qui permet d'embrasser un maximum d'espaces et de sensibilités. Le choix a été fait de primer, en 2012, des ouvrages parus principalement au cours de l'année 2011 (jusqu'à janvier 2012), afin d'en prolonger l'existence dans les rayons des librairies. Le prix sera décerné me 22 mai 2012 dans les locaux de la chaînes Tv5 Monde. La cérémonie sera présidée par Marie-Christine Saragosse, directrice générale de Tv5 Monde.

Le jury, présidé par l’écrivaine camerounaise Léonora Miano, est constitué des membres du bureau de Mahogany (Frieda Ekotto, Nathalie Etoke, Léonora Miano). Il compte, en outre, Baptiste Liger, chroniqueur littéraire pour Lire, L'Express, Technikart, Claude Sérillon, journaliste et chroniqueur littéraire à France 2, Christian Eboule, journaliste et chroniqueur littéraire àTV5, Cultures Sud, Hubert Artus, chroniqueur littéraire pour Rue 89, France Inter, Kidi Bebey, journaliste pour France culture et Slate, et Insa Sané, écrivain, comédien, slameur et chroniqueur littéraire. Contact : mahogany.afrocultures@gmail.com.

Créée en 2010 et présidée par Léonora Miano, l’association Mahogany  a pour objectif de valoriser les expériences subsahariennes et afrodescendantes. Elle se veut aussi un pont entre l’Afrique et sa diaspora.

Cinéma : La polygamie, une comédie dramatique

Projeté le 28 mars dernier à l’Institut Goethe à Yaoundé, « Le mariage d’Alex » de Jean-Marie Teno raconte un mariage polygamique où, derrière les sourires et la résignation, se cachent des drames.
L'affiche du film.
Jean-Marie Teno est coutumier du fait : faire un film sans l’avoir planifié. En vacances dans son village Bandjoun, à l’ouest du Cameroun, le cinéaste est sollicité par son voisin pour filmer son mariage. De ce travail de vidéaste, réalisé dans des conditions techniques dramatiques, avec des décors et les lumières naturels, sans aucune mise en scène, Teno a pu faire un film cinématographique. Un documentaire qui, s’il est catastrophique sur le plan de la technique, ne manque pas d’émouvoir et d’interpeller par son thème : la polygamie. Occasion pour le documentariste de montrer, une fois de plus, qu’il est bon dans l’improvisation.
Après 18 ans de mariage et six enfants, Alexandre décide de prendre une seconde épouse, pour réaliser l’ambition de sa vie : avoir vingt enfants. Le film montre Alex qui va prendre sa nouvelle femme chez ses parents et la conduit dans sa nouvelle demeure. Mais tout concourt à faire de cette soirée que le réalisateur a filmé, une comédie, qui, malgré les cris de joie, la nourriture abondante, les rires tonitruants, la musique partout présente, couve le drame d’une vie. Ou plutôt de trois : celles d’Alex le mari, d’Elise sa première épouse et de Joséphine, la nouvelle mariée. Teno a la polygamie en horreur. Né lui-même dans une famille polygamique, il dédie son film à sa mère hier, à Elise et à Joséphine aujourd’hui et à sa fille demain. Dès lors, toute sa démarche sera de trouver des éléments pour corroborer son point de vue. Même si, quelques fois, ces éléments ne sont pas aussi évidents qu’il voudrait le faire croire au spectateur. Ce qui laisse une impression de neutralité qui, en réalité, est fausse.
Les protagonistes
Les protagonistes de ce mariage se prêtent bien au jeu. D’abord, c’est le pasteur venu bénir le mariage qui annonce la couleur en assenant : « Aimer, c’est conjuguer le verbe supporter à tous les temps, et jamais à la forme négative ». Ensuite, c’est Elise, la première épouse, dont la couleur bleue de son tailleur renvoie à un signe de deuil chez les bamiléké, ce peuple de la région de l’Ouest dont il est question dans ce film. Fait-elle le deuil de la relation privilégié qu’elle a jusqu’ici eu avec son mari ? Car, elle a beau savoir qu’avec un titre de notabilité, Alex est destiné à être polygame, son sourire demeure  crispé. Mais une fois qu’elle se sent en terrain conquis, elle se lance dans la bataille en titillant sa co-épouse, avec un sourire perfide. Ses non-dits parlent pour elle de sa frustration. 18 mois après ce mariage, on la retrouve avec 15Kg en plus.
Joséphine, elle, doit passer sa nuit de noce seule. Entre le célibat et la polygamie, elle a choisi ce qui lui semblait être le moindre mal. Dès le premier soir, elle se sent exclue et pressent que rien, dans sa vie, ne sera plus comme avant, et qu’il va falloir batailler dur pour se frayer une place dans sa nouvelle famille. Son insistance sur l’acte de mariage, qu’elle qualifie de « titre foncier, assurance-vie », est révélateur de ce manque de confiance qu’elle a en l’avenir. Alex, le coq de la basse-cour, est plus réservé. Face à la caméra, il annone plusieurs fois des « tout va bien ». Mais dans sa bouche, ces « il n’y a pas de problèmes » qu’il veut rassurants disent tout le contraire. Il décrète qu’il fait d’Elise sa reine, comme pour mieux l’enfermer dans sa tour pour pouvoir jouir de son nouveau mariage. Sa nuit de noce, il va la passer avec ses amis, qui se lancent dans des commentaires pour justifier cette violence faite aux femmes. Avec des arguments plats du genre : « Un seul doigt ne peut pas prendre la viande dans la marmite » ; « sur la planète terre, il y a plus de femmes que d’hommes ».
Jean-Marie Teno
Journaliste de formation, Jean-Marie Teno, né le 14 mai 1954 à Bandjoun, fait du cinéma-vérité. S’il manipule le spectateur pour lui faire partager sa vision de la polygamie, si le montage privilégie des images qui corroborent sa thèse, c’est pour la bonne cause. Car, il dénonce une violence qui continue à être faite à des milliers de femmes sous le couvert de la convention sociale. Cependant, le regard de Teno est à la fois critique envers la pratique et tendre envers ses pratiquants. Sa famille, au sens large du terme. Il n’est pas un témoin muet, sa caméra, son commentaire parlent pour lui. A la faveur du christianisme, de la modernité et de la cherté du coût de la vie, la pratique polygamique tend à diminuer. Officiellement. Mais qu’en est-il des maîtresses et autres « bureaux » ?
Stéphanie Dongmo

Filmographie de J-M Teno
1983 : Schubbah (court métrage)
 1985 : Hommage (court métrage)
 1985 : Fièvre jaune taximan (court métrage)
 1987 : La Gifle et la Caresse (court métrage)
 1988 : L'Eau de misère (documentaire)
 1990 : Le Dernier Voyage (court métrage)
 1991 : Mister Foot (documentaire)
 1992 : Afrique, je te plumerai... (documentaire)
 1996 : La Tête dans les nuages (court métrage)
 1996 : Clando (long-métrage de fiction)
 1999 : Chef ! (documentaire)
 2000 : Vacances au pays (documentaire)
 2002 : Le Mariage d'Alex (documentaire)
 2004 : Le Malentendu colonial (documentaire)
 2009 : Lieux saints (documentaire)



jeudi 29 mars 2012

Théâtre : La condition de l’enseignant dénoncée

Le public de l’Institut Goethe de Yaoundé a eu l’occasion de regarder « Verre cassé » le 21 mars dernier. Mise en scène par Louise Belinga, la pièce est interprétée par David Noundji. Critique de Landry Nguetsa (correspondance particulière).


David Noundji interprète Verre cassé.

« Verre cassé » est une adaptation du roman de l’écrivain congolais Alain Mabanckou, écrit en 2000. Le roman en lui-même a plus de 200 pages mais c’est à partir de la page 111 que David Noundji qui interprète le personnage « Verre Cassé » trouve son intérêt. Car, c’est la partie qui conserve toute la pertinence du livre, toute la cruauté, toutes les émotions mais surtout qui vibre en  phase avec le contexte camerounais.

Le roman est écrit en focalisation interne. L’auteur et le narrateur se confondent aisément. Le style est assez léger et digeste. La temporalité dominante est le présent, comme si l’auteur voulait dépeindre l’actualité. Alain Mabanckou soulève ici l’éternel problème de la place de l’alcool, de sa nature sémiologique en tant que boisson ou en tant que palliatif pour surmonter les dures réalités de la vie quotidienne, surtout celles des enseignants qui sont très souvent tenaillées par les injustices de toutes sortes et qui échappent très rarement au gap d’autres souffrances liées aux relations humaines.

Qui aurait été le mieux interpellé, le mieux concerné par cette thématique si ce n’est un enseignant, lecteur avisé qu’est David Noundji ? Son adaptation de « Verre cassé » semble nous interpeller en ces termes : « l’alcool sert à des fins différentes selon les besoins. Mais avant de critiquer ses effets, il vaudrait mieux interroger les causes qui poussent un tel ou un tel à boire de façon immodérée ». Le spectacle se joue finalement dans un espace dont les coordonnées ont été considérablement réduites, comme si l’on voulait faire des confidences aux spectateurs.

Diabolique

Sur la scène on aperçoit une table au dessus de laquelle se trouvent une bouteille et un plat de « poulet bicyclette ». Qui a cuisiné ce plat, est-on tenté de se demander, quand on sait que la relation entre « Verre cassé » et sa femme Angélique, pardon, Diabolique, n’est pas l’harmonie rêvée. Comment l’a-t-il obtenu ? Et toutes les bouteilles de la SOVINCO qu’il vide dans bar dénommé « le crédit a voyagé » ? L’on est informé également sur la situation de cet ancien instituteur qui a été relevé de ces fonctions. D’où lui vient l’argent ? Ah je vois, il existerait un autre moyen de se faire de l’argent en restant assit dans un bar et à ne rien faire d’autre qu’ingurgiter les bouteilles d’alcool. Ce moyen s’appelle ‘la tricherie d’Alain Mabanckou’

En dessous de la table on observe six autres bouteilles vides renversées. Si vous vous attendiez à de l’ordre de la part de cet ivrogne, c’est que vous-même en êtes un. A côté de la table, nous avons un box qui sert de support à trois autres bouteilles recouvertes d’un voile. La quantité impressionnante de ces bouteilles nous renseigne sur le penchant de notre personnage à tout ce qui est éthylique. Il dissimule difficilement son avidité en recouvrant quelques bouteilles d’un voile. C’est normal, on doit être jaloux de ce qu’on a de plus précieux.

En avant scène gauche, se trouve un tabouret qui est sensé servir de siège mais qui est utilisé plutôt pour le support des bouteilles. Louise Belinga, la metteure en scène, voudrait elle nous dire que le comédien accorde plus d’importance à une bouteille qu’à un homme ? Louise Belinga opte donc pour le mono théâtre comme si elle voulait nous faire des confidences. Mais ces confidences qui auraient pu être un moment privilégié, un moment d’intimité et de confession, se passent plutôt de tout commentaire : l’état d’ébriété de « Verre Cassé » l’explique.

Symbolisme à succès

Cette metteure en scène use de son génie pour faire jouer avec David un nombre impressionnant de personnages écrans (les oiseaux, un riverain, un lecteur indiscret, un voisin plaignant, sa belle famille, Diabolique, la tante, zéro faute, le préfet, le ministre de l’éducation et un élève). Tous ces personnages écrans sont en conflit avec le comédien ; sauf le dernier ; l’élève qui est ici représenté par une bouteille. Quel symbolisme réussi ! « Verre Cassé » serait il dans un monde incompris de tous où la seule chose à laquelle il fait confiance c’est les bouteilles de la « SOVINCO » ?       

 Aux autres personnages qui sont en conflits avec lui, « vVrre cassé » tente de les tancer vertement en leur disant qu’il s’agit d’un combat perdu d’avance. L’on ne saura jamais sur quelles forces il s’appui. « Avez-vous déjà vu un verre cassé être réparé ? » réplique-t-il. On est également très frappé par l’extraordinaire cohérence des propos de cet ivrogne au point de croire qu’il s’agit d’un « faux semblant ». Louise Belinga le fait tourner en rond autour de la table à chaque fois et dans les deux sens comme pour chercher une sorte d’harmonie. Comment donc expliquer qu’il y ait harmonie dans l’esprit et pas dans le corps ?

Pour récupérer ses chaussures qui ont été gardées chez Zéro faute, le sorcier, Louise propose à David Noundji une chanson populaire de Noël : « ma chère Diabolique/quand nous rentrerons d’ici/ avec / tes cancres par milliers/ n’oublie pas/ mes petits souliers ». « Verre cassé » serait permanemment dans l’extase, même dans les situations les plus fâcheuses. Noël serait donc ce qui reste encore de nostalgie à notre spécialiste du C2H5OH ? Il y a pourtant une chanson que propose le chanteur à la moustache avec une pipe dans le texte mais que David Noundji le dit comme s’il s’agissait d’un texte de poésie. C’est où apparait la tricherie de ce spectacle. Il aurait pu rencontrer un compositeur de musique pour ranimer et enjoliver son spectacle.

La combine Louise et David profite après tout pour proposer le débat sur la question du système éducatif. Le rapport entre l’enseignement et l’élève, le politique et l’enseignant est il aussi profond que celui d’un ivrogne et sa bouteille ? C’est quoi finalement ce machin noir ou blanc avec des lunettes rondes qu’on appelle intellectuel ? Est il cet homme de notre époque qui, lorsqu’il est sans veste ni cravate ne peut pas penser avec assurance ? Ces gens qui discutent et ne proposent rien ou alors s’il leur arrive de proposer, c’est des discussions à n’en plus finir. Mais la mise en scène ordonne à David de s’habiller de la même façon, avec l’étoffe de sa chemise sortie de l’enfilage, certainement en soulevant régulièrement son coude droit… La cravate, également mal nouée, a été desserrée pour ne pas servir de garrot lorsque s’écoulera le précieux liquide éthylique.

Le procès du français
Une autre chose intéressante est le procès de la langue française, qui n’est plus un long fleuve tranquille mais un fleuve à détourner. Le patois de Molière présenterait plus d’exceptions que de règles. Et qu’on cesse d’en vouloir aux Africains qui préfèrent contourner cette difficulté en traduisant directement leur dialecte. L’essentiel, c’est de se faire comprendre.
Dans cet espace de l’Institut Goethe qui est une forme de théâtre sous chapiteau, ouvert, l’on a vu le 4e mur résister à toutes les intempéries liées à l’alcool. Conférant à Louise Belinga le statut de metteure en scène symbolique. L’on n’aura tout de même pas compris le jeu de réserve de David Noundji, comédien camerounais qui n’a plus rien à prouver. Etant  pourtant a la 15e représentation de ce spectacle, on a le droit s’inquiéter. Car il hésitait sur les mots et pondait le texte avec un débit qui nous faisait penser à un spectacle de slam.

Le public, quant à lui, était en effervescence, mais a déploré la présence de certaines personnes qui, connaissant déjà le spectacle, disaient les textes avant le comédien, ce qui troublait les autres spectateurs. Le clou c’est que ces personnes sont elles-mêmes comédiennes. Quel bel exemple ! Le comédien David Noundji qui est à la fois instituteur et inspecteur régional des arts à Yaoundé, a l’ambitieuse de faire entendre sa voix jusqu’aux instances dirigeantes de l’enseignement, afin qu’ils soient un temps soit peu sensible à la crise que traverse le système éducatif camerounais. Un système pas adapté aux besoins du pays.

La prolifération de chômeurs, la fuite des cerveaux et bien entendu le recours à la consommation immodérée d’alcool en sont quelques conséquences. Voilà un système qui a miroité la fonction publique aux jeunes comme étant le paradis rêvé. La preuve, le récent recrutement des 25 000 jeunes diplômés à la fonction publique a fait plus de mal à certains que de bien : des gérants de photocopieuses, cyber café ou vendeur à la sauvette ont abandonné un travail qui leur rapportait pas moins de 100 000 Francs CFA par mois pour être « fonctionnaire » et toucher 35 000 Francs CFA en guise de salaire. Quel pays fier !

 Dites moi comment cette personne pourra s’empêcher de corrompre, de détourner, de voler la fortune public. Et s’il n’en est pas capable, il ne lui reste plus qu’une seule solution : l’alcool.  Qu’on me dise ce que peut faire un licencié en chimie, physique biochimie dans notre pays si ce n’est l’enseignement. Et seul le ciel sait combien de millions nous en avons dans les quartiers. C’est pour éviter que ce pays s’engouffre dans l’obscurantisme que ce spectacle a été proposé.

Landry Nguetsa



L’auteur est comédien. Il a écrit et monté le spectacle « Haïti ».

Littérature : Hommage à Séverin Cécile Abega

Pour se souvenir de l’écrivain décédé il y a quatre ans, La Ronde des poètes organise une table ronde ce vendredi 30 mars à la Centrale de lecture publique à Yaoundé.
Séverin Cécile Abega
La cérémonie d’hommage posthume s’ouvre, à partir de 16 heures à la Centrale de lecture publique à Yaoundé, par une table ronde portant sur l’œuvre littéraire et scientifique de Séverin Cécile Abega. Elle aura pour intervenants Jean-Claude Awono, le président de la Ronde des poètes, Marcel Fouda, le frère de l’écrivain dont on se souvient des œuvres, Wilfried Menye, le poète et Claude Abe, enseignant de socio-anthropologie. Les débats seront modérés par Chantal Bonono. Ils seront suivis de la lecture des poèmes de Séverin Cécile Abega, qui demeurent très peu connus du grand public.
Cet arrêt sur l’héritage littéraire et scientifique d’Abega est une initiative de la Ronde des poètes, en partenariat avec l’atelier d’écriture Le Littéraire qu’anime le jeune écrivain Hervé Madaya tous les samedis au Centre culturel Francis Bebey, à la Montée du parc à Yaoundé. Il se poursuit samedi, 31 mars, par un pèlerinage sur la tombe de Séverin Cécile Abega dans son village, à Sa’a. Né à Sa’a en 1955, Séverin Cécile Abega est mort à Yaoundé le 24 mars 2008. Il était romancier, nouvelliste, dramaturge, poète et anthropologue. Il a écrit l’un des grands classiques de la littérature camerounaise, « Les Bimanes ». Publié en 1982, ce recueil de sept nouvelles qui est resté plusieurs années au programme scolaire au Cameroun raconte, avec beaucoup d’humour, la société camerounaise. Jusqu’à sa mort, Abega a enseigné à l’Université catholique d’Afrique centrale à Yaoundé.
Stéphanie Dongmo


Bibliographie de Séverin Cécile Abega



-          Le Bourreau

-          Entre terre et ciel

-          Contes du Sud du Cameroun : Beme et le fétiche de son père

-          Société civile et réduction de la pauvreté

-          Les choses de la forêt. Les masques des princes tikar de Nditam

-          Le sein t'es pris

-          Pygmées baka

-          La latrine

-          Les violences sexuelles et l'Etat au Cameroun
-           Jankina et autres contes pygmées

jeudi 22 mars 2012

Convention : le soutien du Minac aux festivals


Le ministre des Arts et de la Culture a signé, le 21 mars 2012, des accords avec Ecrans noirs, Abok i Ngoma, Festi-Bikutsi, Couleurs urbaines, Le Kolatier, Lambo La Tiki et Feschary.

21 mars 2012. Photo de famille entre le Minac et les promoteurs de festivals.

Hier a eu lieu à Yaoundé la signature de plusieurs conventions de partenariat entre le ministère des Arts et de la Culture (Minac) et sept promoteurs d’évènements culturels. Il s’agit des festivals Ecrans noirs pour le cinéma, Abok i Ngoma pour la danse, Festi-Bikutsi, Couleurs urbaines et Le Kolatier pour la musique, Lambo La Tiki pour la mode et Feschary pour la caricature. 

Pour Ama Tutu Muna, la ministre des Arts et de la Culture, ces festivals « apparaissent comme le carrefour pour la promotion de la culture camerounaise et ont, à chaque édition, bénéficié d’un appui du ministère ». Elle a exhorté les promoteurs à faire de leurs festivals, au-delà des aspects folkloriques, des instances de réflexion qui contribuent à la pérennisation du patrimoine. « Il s’agit pour nous de contribuer au renforcement de l’impact de ces évènements sur le public cible, de leur donner une meilleure visibilité », a-t-elle dit. Le Minac se réserve le droit de reformer cette convention, en fonction de l’atteinte des objectifs attendus. 

Parlant au nom des promoteurs bénéficiaires, Bassek Ba Kobhio, le fondateur des Ecrans noirs, a affirmé que ces conventions sont « une formidable opportunité, ce d’autant que les financements internationaux se font rares ». Parce que les festivals conventionnés remplissent une mission de service public, il a souhaité que le soutien du Minac soit inscrit dans le budget 2013, pour un appui efficient. Elise Mballa Meka, la promotrice d’Abok i Ngoma, se réjouit : « Nous avons décidé de tirer le maximum de cette convention. Nous avons l’obligation de réussir ». 

Ama Tutu Muna a tenu à préciser que la porte du Minac n’est pas fermée, et que d’autres conventions pourraient être passées entre son département ministériel et des festivals sérieux qui en feraient la demande.
Stéphanie Dongmo

dimanche 18 mars 2012

Cinéma : Richie En-Dada soigne la mort

Le réalisateur Tv prépare le lancement, en Dvd, de son court-métrage intitulé « L’argent soigne la mort ». 

L'affiche du film.

Le film sortira en Dvd dans quelques mois, pour une plus grande distribution. Il est signé Richie En-Dada, un acteur qui s’est illustré par ses rôles de « bad boy » dans les séries télévisées camerounaises diffusées sur Canal 2 international. « L’argent soigne la mort » raconte, autour d’un homme mourant, les batailles économiques entre deux camps : d’un côté les frères du malade, de l’autre la sœur et la fiancée du malade. Le film a été diffusé au festival Yaoundé tout court 2011.

Richie En-Dada sort ainsi de ses premiers amours, la série télévisée. Il a écrit précédemment « Papa à tout prix », un feuilleton de 15 épisodes diffusé sur Canal2 international, la chaîne qui l’emploie en tant que cameraman, réalisateur de fiction et cadreur. Il est aussi l’auteur du court-métrage « Mintchokni », meilleur film au festival As Ciné Festi 2011, organisé par la Faculté des Arts du spectacle de l’université de Yaoundé I. En ce moment, Richie En-Dada, qui ne tarit pas de projet, est sur le tournage d’une nouvelle série de 52 épisodes qui sera diffusé sur la même chaîne de télé: « Ex-silence », dans lequel joue des acteurs remarquables comme Martin Poulibé, Blanche Bilongo et Salomon Tatmfo, dit Essola. 

Né le 30 juillet 1979 à Yaoundé, Armand Richard Enama Ayissi, de son vrai nom, réalise ainsi ses rêves de jeunesse : travailler dans les arts du spectacle. Il y entre par un rôle dans la série « Scènes de vie » d’Augustine Fouda, diffusée en 2002 sur la Crtv. Pendant quelques années, il flirte avec l’animation radio dans quelques Fm de Yaoundé. La rencontre avec Parfait Zambo, réalisateur à Canal 2, sera déterminante pour la suite de sa carrière dans l’audiovisuel. Avec lui, il va commencer à travailler comme cadreur, preneur de son et monteur. Puis, Richie En-Dada évolue dans la réalisation des téléfilms et des séries. C’est ainsi qu’il fera « La Serviette » en 2009 et « Un tour à Kumba », la même année. Sorti en 2011, « L’argent soigne la mort », fiction de 27 minutes, porte cette liste à quatre. Dans toutes ces productions, Richie En-Dada tient, presque toujours, le rôle de méchant, dit "chef bandit".
Stéphanie Dongmo

jeudi 15 mars 2012

Cinéma : Ama Tutu Muna intensifie la censure


Le ministère des Arts et de la Culture demande aux centres culturels étrangers de soumettre leurs films à la Commission nationale de contrôle. 

Ama Tutu Muna.

En février dernier, au cours d’une rencontre au ministère des Arts et de la Culture, le secrétaire général du Minac, Manaouda Malachie, a signifié au conseiller culturel de l’ambassade de France au Cameroun, en présence du directeur de la Cinématographie, que désormais, l’Institut français du Cameroun devra soumettre ses films à la Commission nationale de contrôle, dite commission de censure, en vue de l’obtention d’un visa d’exploitation. Cette mesure s’applique aussi à tous les centres culturels étrangers installés au Cameroun, à l’exemple de l’Institut Goethe. La semaine dernière, une demande verbale a d’ailleurs été formulée aux responsables de l’Institut Goethe dans ce sens. 

Au Minac, un responsable ayant requis l’anonymat explique : « Il est question de faire cesser le deux poids deux mesures car il n’y a pas de raison que les nationaux soumettent leurs films à la commission et pas les étrangers. Nous voulons nous assurer que ce qui est diffusé dans ces centres n’est pas de nature à inciter à la révolte, à amener des troubles à l’ordre public ou à pervertir nos jeunes. Cette décision fait suite à des dérives observées, car ces centres profitent des relations diplomatiques pour faire passer toutes sortes de choses ». Le responsable du Minac fait ainsi référence au Festival international de films de droits de l’homme interdit le 11 avril 2011 pour « menaces à l’ordre public ». Financé par l’Union européenne, ce festival devait se tenir au Centre culturel français de Yaoundé (Institut français depuis janvier 2012). Dans sa programmation, il y avait des films comme « Révolution mode d’emploi », qui a fait peur aux autorités camerounaises au plus fort du printemps arabe et à la veille de l’élection présidentielle.

Étonnement

L'entrée de L'Institut français de Yaoundé.

Joël Lebret, le conseiller culturel de l’ambassade de France au Cameroun, soutient que « l’Institut français est très respectueux des lois de ce pays. Toutefois, nous nous étonnons que cette loi soit ainsi mise en avant aujourd’hui, 20 ans après avoir été promulguée ». Il ajoute que l’Ifc « renforcera son soutien à toutes les initiatives, qu’elles soient privées ou publiques, favorisant l’accès aux œuvres cinématographiques, mais aussi la formation professionnelle par les bourses ou/et des appuis aux écoles de cinéma. L’Institut français du Cameroun, comme le faisaient les deux centres culturels français à Douala et à Yaoundé, poursuivra dans ces deux villes son activité de promotion du cinéma en général, et du film africain et camerounais en particulier ». 

Irene Bark, la directrice de l’Institut Goethe du Cameroun, s’étonne, elle aussi : « Après 50 ans de coopération culturelle, cette demande nous a surpris. Une coopération culturelle fructueuse entre les différents pays repose en grande partie sur la confiance mutuelle et le libre échange d’informations et de produits culturels, pédagogiques et scientifiques ». Elle ajoute que les accords de coopération culturelle, conclus en juin 1988 entre le Cameroun et d’Allemagne, prévoient explicitement des mesures de facilitation mutuelle et de promotion des activités culturelles. Ce qui, dans le but de la coopération culturelle, permet l’exploitation de films importés et garantit également « l’utilisation libre » de films pour la programmation culturelle. 

Cette décision du Minac pose un problème: celui de son application dans les espaces culturels situés dans l'enceinte des représentations diplomatiques, à l'exemple des centres culturels espagnol et italien à Yaoundé.
Stéphanie Dongmo


Que prévoit la réglementation ?
La loi n°88/017 du 16 décembre 1988 fixe l’orientation de l’activité cinématographique au Cameroun. En son article 10, ce texte stipule : « Aucun film cinématographique, quels qu’en soient le genre et le format, ne peut être distribué au Cameroun en vue de sa représentation en séances publiques, à des fins commerciales, éducatives ou culturelles s’il n’a obtenu l’autorisation prévue à l’article 2 ci-dessus, sauf dérogation prévue par voie réglementaire ». 

Selon cette loi, l’exploitation cinématographique est « l’acte par lequel une personne physique ou morale soit projette, soit fait projeter une œuvre cinématographique dans un lieu public ou ouvert au public, ou met cette œuvre à la disposition du public ». Et l’activité cinématographique « la production, la distribution ou l’exploitation de films cinématographiques par des personnes physiques ou morales, titulaires d’une autorisation préalable délivrée dans des conditions fixées par voie réglementaire ». 

Le décret n°90/1462 du 9 novembre 1990 est venu fixer les modalités d’obtention des autorisations pour l’exercice de l’activité cinématographique. D'après ce décret, la production, la prise de vue, la distribution et l'exploitation des films est subordonnée à une autorisation préalable délivrée par le ministre en charge de la cinématographie. Le ministre décide de délivrer ou non une autorisation, après l'avis de la commission nationale de contrôle des films cinématographiques, prises de vues et enregistrements sonores (commission de censure).
S.D.


Centres culturels étrangers: Palliatifs à la fermeture des salles

Ils permettent au public d’avoir accès aux films du patrimoine camerounais, le ministère des Arts et de la Culture n'ayant pas de cinémathèque. 

Face à la fermeture des salles de cinéma, les cinéastes n'ont d'autres recours que les centres culturels étrangers. Ici, Frank Ndema présente son film R.I.P.

Au Cameroun, l’activité cinématographique demeure soumise à un régime d’autorisation préalable, que fixe la loi n°88/017 du 16 décembre 1988. 24 ans après sa promulgation, cette loi semble aujourd’hui désuète. Elle fait référence aux salles de cinéma et à l’organisme chargé du développement de l’industrie cinématographique (en l’occurrence le Fonds de développement de l’industrie cinématographique), qui n’existent plus. De plus, sont hors du contrôle de la commission de censure les milliers de films piratés vendus dans nos rues, les films et séries diffusés sur les chaînes de télévision nationales et sur le câble, de même que les films disponibles sur internet. 

Pour Joël Lebret, le conseiller culturel de l’ambassade de France au Cameroun, « à l’heure où chaque Camerounais peut, en ouvrant son ordinateur, télécharger n’importe quel film, la question pour nous est moins dans le contrôle des films diffusés que dans une politique volontariste favorisant à la fois le retour de salles de cinéma au Cameroun et surtout  l’incitation du public à revenir dans les salles qui diffusent des films ». 

Incontournables
Depuis la fermeture de la dernière salle de cinéma en janvier 2009, et face à l'indisponibilité du Centre culturel camerounais, les instituts Goethe et français sont devenus des espaces incontournables pour l’activité cinématographique camerounaise. Des avant-premières des films y sont organisées, de même que des projections dans le cadre des festivals de cinéma portés par des associations (Ecrans noirs, Mis me Binga, Yaoundé tout court, Images en live…) ou par des ambassades (Japon, Italie, Israël…) Les deux centres abritent chacun un ciné-club qui permet aux jeunes réalisateurs camerounais et étrangers d’être confrontés à la critique de leurs œuvres. L’Institut français dispose d’un fonds de 615 films, accessibles à ses abonnés. L’Ifc a aussi les droits sur un catalogue du cinéma français et international de l’Institut français de Paris constitué de 3500 titres, en plus des 1500 titres de la Médiathèque Afrique. 

Le ministère des Arts et de la Culture ne disposant pas d’une cinémathèque ouverte au public, les Camerounais se sont naturellement tournés vers ces centres. Ils sont d’ailleurs les seuls espaces où le public peuvent avoir accès aux films du patrimoine cinématographique camerounais, à l’exemple de « Le grand Blanc de Lambaréné » de Bassek Ba Kobhio, « Quartier Mozart » de Jean-Pierre Bekolo ou encore « Muna Moto » de Dikongue Pipa.
Stéphanie Dongmo