dimanche 23 mars 2014

Cinéma : Un festival à Bafoussam

Le Festival international du cinéma se déroulera dans la capitale de l’Ouest-Cameroun du 28 mars au 5 avril.

En blanc, Alvine Kouambo, la promotrice du festival. Au milieu en noir, Reinhild Dettmer-Finke, la tête d'affiche.
Alvine Kouambo, la présidente de l’Association Ecran pour le renouveau du cinéma africain, promotrice du Festival international du cinéma indépendant de Bafoussam (Ficib), a donné une conférence de presse le 20 mars à l’Institut Goethe de Yaoundé. Le but de cette rencontre était d’annoncer la seconde édition du festival qui se tiendra du 28 mars au 4 avril 2014.

15 films toutes catégories confondues (longs-métrages, courts-métrages et documentaires) sont programmés. Six productions camerounaises sont à l’affiche. Notamment « 2000 cedis » de Banderas Kouam, « Destination fatale » de Michel Cédric Deugoue, « The bag » de Maspéro Bilobe, « Décision finale » de Mitéran Megoupo, « Le témoin de l’ombre » de Mireille Idelette Kouyembous et « Hold strong » de Marius Bonfeu, installé depuis plusieurs années en Afrique du Sud.

Huit prix seront décernés à l’issue du festival : la Silhouette d’or de la meilleure fiction, meilleur court-métrage, meilleur documentaire, meilleure animation, prix spécial du jury, interprétation féminine, interprétation masculine et prix du public.

A côté des projections cinématographiques à la Communauté urbaine et à la Maison du parti de Bafoussam, il y aura une réflexion sur le thème « le financement du cinéma camerounais : des ressources locales à mobiliser ». Le but étant d’encourager les opérateurs économiques locaux à investir dans le cinéma.

Le Ficib a pour but de promouvoir le cinéma indépendant, d’encourager la diversité culturelle, de propager l’art cinématographique, de découvrir et d’encourager de nouveaux talents et de favoriser les rencontres entre les professionnels du cinéma. Pour Alvine Kouambo, « le cinéma existe bel et bien au Cameroun et n’a besoin que d’un souffle et un esprit nouveaux ».

La tête d’affiche de cette édition est Reinhild Dettmer-Finke, épouse du sélectionneur national des Lions indomptables et réalisatrice du film « Le ventre de Tokyo » programmé au festival. « J’aime aller au cinéma. Quand je suis arrivé ici, j’ai appris qu’il n’y avait plus de cinéma du tout. Si je peux soutenir le cinéma camerounais, je le ferai. Regarder un film, c’est comme ouvrir une fenêtre sur le monde », a-t-elle déclaré.

Stéphanie Dongmo 

Théâtre : Douloureusement femmes

Dans Femmes de Ségou présenté le 22 février à l’Institut français de Yaoundé, Eva Doumbia interroge la condition féminine et donne le premier rôle aux femmes, des ombres dans le roman de Maryse Condé dont la pièce est l’adaptation. Le contexte est celui d’une Afrique prise au piège entre l’islam, la traite négrière et la colonisation, avec des conséquences contemporaines.

Eva Doumbia
Ségou, royaume bambara dans l’actuel Mali, au 18ème siècle. Guerre, esclavage, et islam provoquent de profonds bouleversements. Dans cette situation trouble, les hommes tiennent le premier rôle. Les femmes, fortes ou fragiles, ne sont évoquées qu’à travers les tribulations masculines. Ce sont ces ombres du tome I de la saga Ségou (Les murailles de terre, 1984) de l’écrivaine guadeloupéenne Maryse Condé qu’Eva Doumbia a voulu mettre en lumière dans sa pièce en construction, pour réhabiliter la parole féminine dans l’histoire de l’Afrique.

L’histoire se vit à travers la concession des Traoré, deux générations et quatre personnages principaux : Sira, la captive peule prise par force par le chef de la famille et traitée comme une épouse ; Nadié, la concubine que le fils noble n’épousera jamais parce que de classe sociale inférieure ; Nya, la bara muso (première épouse) qui se pose en maîtresse de maison incontestée et Nyeli, sa coépouse mal aimée, méchante et gourmande.

Regard de féministes
Cette femme qui n’est qu’évoquée dans le roman de Condé devient ici un personnage central qui ponctue la pièce de ses cris, qui n’arrivent pourtant pas à libérer sa colère, son désespoir et toute sa solitude. Un rôle porté avec hauteur par une Clémentine Abena en grande forme. Mais il y a aussi les petites esclaves dont le bavardage, alors qu’elles pilent dans un mortier sans beaucoup de naturel, permet de renseigner sur le contexte de la pièce et de faire avancer la fiction. Bien que très différentes, ces personnages se ressemblent par une vie de sacrifices et de souffrance. Les cris de ces femmes de Ségou résonnent à Yaoundé, trois siècles après, avec beaucoup de justesse. Le regard est celui de féministes (texte et mise en scène), la condition de la femme n’a pas évoluée en changeant de costume et d’époque.

Ce sujet épuisé au théâtre est mis en perspective à travers l’histoire d’un peuple, d’un continent violé, dépouillé et soumis tour à tour par l’islam, la traite et la colonisation. Ils vont mettre l’Afrique à genou et provoquer des changements radicaux dont les ramifications alimentent aujourd’hui encore la crise au Nord du Mali. Une situation que Doumbia avait déjà dénoncée dans la pièce Guerre de Lars Noren, présenté en décembre dernier à Bamako.

Cette  tranche d’histoire ne s’enferme pas entre les murailles de terre de la concession des Traoré mais s’élève jusqu’à Tombouctou et même au-delà de l’océan. De l’impressionnant décor architectural décrit dans le roman, la metteure en scène qui signe aussi la scénographie a restitué un pan dans une grande sobriété. Avec un sol de sable qui rappelle le rivage et les navires qui ont enlevé des fils à des familles. Un déracinement qui fait qu’aujourd’hui encore, nombre d’Afrodescendants essaient, tant bien que mal, de reconstruire une identité en miette. Des plaies béantes qui se transmettent de génération en génération, comme si les chambres noires n’avaient pas disparu avec la traite négrière.

Moment de réalité
Sur la scène, les hommes sont évoqués mais complétement effacés. Seul Tiekoro est présent. Il n’apparaît que pour briser le cœur de sa compagne (Nadié) ou celui de sa mère (Nya). La comédienne Salimata Kamate est touchante dans son rôle de mère. Pour exprimer sa douleur de voir son fils se convertir à l’islam, elle laisse tomber, dans un cri de désespoir, le pagne noué autour sa poitrine nue en battant le sol des pieds. Nous plongeant ainsi dans la nostalgie d’une époque révolue où les femmes africaines, camerounaises notamment, savaient pleurer.

Doumbia introduit un moment de réalité dans la pièce lorsqu’il est question de la nudité de Nadié et que les autres comédiens obligent presque Assitan Tangara qui l’incarne, à se débarrasser de son boubou, en prenant le public à témoin. Cette volonté de faire comprendre qu’en réalité, la jeune fille à cette époque-là ne porte qu’un cache-sexe peut déconcentrer le spectateur. Le jeu, subtil, est mis en relief par la lecture et la narration. Les accents sont différents comme pour souligner l’africanité de la pièce, mais la prononciation non harmonieuse des noms comme Tomboutou ou Tiekoro entre les comédiennes ouest-africaines et camerounaises saute à l’oreille.

N’empêche, la musique jouée en live par Lamine Soumano et les chœurs chantés en bambara installent définitivement le spectateur au Mali, dans une ambiance des temps anciens qu’avait déjà décrite la série Les rois de Ségou (21 épisodes de 26mn, 2010) de Boubacar Sidibé. Présenté au public pour la première fois, la pièce tient le spectateur en haleine durant un temps qui semble très court.
Stéphanie Dongmo

Femmes de Ségou, d'après Maryse Condé
Adapté par Fatou Sy Savané
Mis en scène par Eva Doumbia, assistée de Junior Esseba.
Avec Salimata Kamate, Assitan Tangara, Hermine Mingèlè, Clémentine Sheen Abena, Atsama Lafosse, Beh Mpala Becky, Junior Esseba, musique live par Lamine Soumano

mercredi 5 mars 2014

Lady Ponce : femme en diamant

La diva du bikutsi lance une foire-exposition de neuf jours à Yaoundé, à l’occasion de la Journée internationale de la femme 2014.


 La semaine de la femme en diamant (Sefedi) se tient à l’esplanade du stade Omnisport de Yaoundé depuis le 1er mars, et jusqu’au 9 mars prochain, sous le parrainage du ministère de la Promotion de la femme et de la Famille. Plusieurs organisations y présentent leur produits et activités, parmi lesquelles l’association des femmes bayam-sellam, Unesco, le Cinéma Numérique Ambulant, Cameroon art critics, l’association de journalistes culturels camerounais.

Tous les soirs, dès 18h intervient un concert avec une palette d’artistes de choix. Le 11 mars, Le 9 mars, il est prévu une remise de prix et le 11 mars, une remise de dons dans un orphelinat de Yaoundé. Annoncé d’abord gratuits, les stands sont finalement payants pour la plupart, de même que l’entrée au Sefedi.

Lady Ponce, promotrice de la Semaine de la femme en diamant, explique : « La femme a trop d’amour à donner, c’est celle-là qui supporte tout. Le but de ce projet est de valoriser la femme multiple, de nouer un dialogue avec les femmes pour valoriser leurs activités. A la fin, nous allons décerner des prix : la Bayam-Sellam de l’année, la couturière, la braiseuse de l’année, etc.»

Lady Ponce est devenue une vraie business woman. Après le cabaret Ponce attitude, la maison de production NAR et l’espace de beauté Ponce original fashion, la voilà qui veut donner à la ville de Yaoundé une manifestation aussi grande que le Fomaric organisé à Douala par un autre artiste, Nkotti François.

Stéphanie Dongmo 

mardi 4 mars 2014

Cinéma : Mis me binga 5 est lancé

L’édition 2014 du festival international de films de femmes se déroule à Yaoundé du 6 au 9 mars prochains.
Le public à la conférence de presse 

 Les promoteurs du festival ont donné une conférence de presse ce 3 mars à l’Institut Goethe de Yaoundé, pour présenter la 5ème édition de Mis me binga qui se déroule à Yaoundé sur le thème « traditions et droits de la femme ». Une conférence est organisée autour de ce thème le 6 mars dès 10h au Clac de Mimboman. 
A l’affiche, plusieurs films sur cette thématique : « Le dos de la veuve » de Mary Noel Niba sur la spoliation des veuves, « W.A.K.A. » de Françoise Ellong qui présente les tribulations d’une prostituée qui essaie d’élever son fils dignement. 11 films sont en compétition, des courts-métrages venus d’Espagne, de Côte d’Ivoire, du Kenya et bien sûr du Cameroun avec le très récent « Touni Bush » de Pascaline Ntema qui revisite l’histoire du maquis à l’Ouest Cameroun.

Comme l’année dernière déjà, le Binga talent récompense le meilleur film tourné pendant le festival, dans le cadre d’un accompagnement des jeunes porteurs de projets cinématographiques. Mais déjà, le jury est dévoilé. Il est composé d’Astrid Ariane Atondji connu pour son documentaire « Koundi et le jeudi national », Michel Kuate, promoteur du festival la Nuit du court métrage à Douala et Enoka Ayemba, critique et consultant installé en Allemagne.

Les projections se déroulent au 6 au 9 mars à l’Institut Goethe de Yaoundé. Des projections en plein air sont prévues dans deux quartiers de Yaoundé les 8 et 9 mars, avec le soutien technique du Cinéma Numérique Ambulant. Le festival s’ouvre le 6 mars à 20h à l’Institut Goethe et se ferme le 9 mars à 20h à la Fondation Muna.

Pour Evodie Ngueyeli, directrice artistique du festival, « l’objectif est d’encourager les femmes à s’approprier du cinéma, outil de communication de masse », le festival étant une plate-forme pour rendre visibles les œuvres faites par les femmes, sur les femmes. Le festival évolue dans un environnement difficile, qui devrait impliquer plus de professionnalisation. Narcisse Wandji, fondateur de Mis me binga : « chaque édition du festival est un véritable challenge, on travaille au learning by doing et on gagne en maturité ».

Une maturité qui n’a pas empêché que le festival ne puisse pas se tenir à l’Institut français de Yaoundé cette année et pour cause ! Le dossier de demande du festival est parvenu à l’Ifc tardivement, quand la salle était déjà occupée, a dit Narcisse Wandji. 

Stéphanie Dongmo 

Cinéma : Des films contre les violences faites aux femmes

Le Cinéma Numérique Ambulant a organisé, du 14 au 28 janvier, une tournée de projections-débat en plein air dans des villages de l’Extrême-Nord.

Près de 400 personnes attendent impatiemment le début de la projection. 
 Mardi, 21 janvier 2014 à Bogo. Il est 17h30 sur la place du village, devant le lamidat. L’équipe du CNA Cameroun monte l’écran et le matériel pour la projection. Tout autour, près de 300 personnes attendent déjà impatiemment le début de la soirée. Ils seront 800 à la fin de la soirée. Certains, surpris, regardent de tous leurs yeux le grand écran qu’ils découvrent.

18h30. La nuit est tombée, la prière du soir vient de s’achever, la projection peut commencer. Au micro, Valérie Tchuente, l’animatrice, présente le projet de ciné-débat éducatif contre les violences faites aux femmes que le Cinéma Numérique Ambulant (CNA) du Cameroun mène dans les départements du Diamaré et du Mayo-Tsanaga, région de l’Extrême-Nord, en partenariat avec le Fond canadien d’initiative locales.

Assis devant sa cour, le lamido assiste de loin à la projection. Le sous-préfet de Bogo, Fouapon Alassa, est présent. De même que la déléguée d’arrondissement de la Promotion de la femme et de la famille, Pauline Monembou, qui, durant le débat, répond aux questions du public en sa qualité de personne-ressource. Deux films sont diffusés : « Lani » du Béninois Claude Balogoun qui porte sur la répartition inégale des travaux domestique entre fille et garçon dans une famille et « Moolaadé » du Sénégalais Sèmbène Ousmane, sur l’excision et le courage d’une femme.

Un programme qui plait particulièrement au public. Le long métrage de fiction constitue le clou de la soirée. Les cris d’horreur fusent quand Collé Ardo, le personnage principal du film, se fait fouetter sur la place du village par son mari. Les commentaires vont bon train dans l’assistance, toute la soirée. Les populations saluent le courage de cette femme qui a su défendre les droits de sa fille. D’autant plus que le film est traduit en fulfulde, la langue locale, en simultanée à la diffusion.

Puis vient le débat. Les gens se bousculent pour prendre la parole et parler des violences et discriminations dont les femmes sont victimes : poser des questions, témoigner de leur expérience ou dire simplement leur réticence. Les femmes restent en retrait et se taisent. Mais les jeunes filles brisent le silence et disent leur détermination à s’autodéterminer, face aux hommes qui essaient d’expliquer, de justifier. Le débat est lancé, les discussions au sein de cette communauté se poursuivront bien après le passage du CNA.

Cinéma social 

Le cinéma pour promouvoir l’équité homme-femme, à quelques semaines de la Journée internationale de la femme. Violences physiques et psychologiques, viol, excision, mariage forcé et précoce, scolarisation de la fille, tout y passe. Pour présenter ce projet, la présidente du CNA Cameroun, Stéphanie Dongmo, a donné une conférence de presse le 14 janvier à Maroua. Elle explique que les problèmes cités plus haut limitent les capacités des femmes, les exposent à la dépendance et réduisent leur contribution dans la lutte contre la pauvreté. Aussi, « le but de ce projet est d’amener les femmes, mais aussi les hommes et les jeunes, à prendre conscience des discriminations et des violences dont les femmes sont victimes. Cette prise de conscience va entraîner un changement favorable de comportements, propice à l’autonomisation des femmes ».

Mais pourquoi utiliser le cinéma pour faire passer des messages sociaux ? Stéphanie Dongmo répond : « Il existe une véritable synergie entre cinéma et sensibilisation. Le cinéma est un canal approprié pour la diffusion des messages vecteurs de  développement humain durable. Par le billet de l’imaginaire et de la symbolique, les films que nous projetons permettent à des gens peu informés de percevoir que d’autres choix sont possibles pour leur vie ». Joseph Peyo, le chargé de programme politiques et affaires publiques au Haut-Commissariat du Canada au Cameroun, ajoute: « nous pensons que le CNA est un moyen puissant pour faire passer des messages concernant la promotion des droits de la personne ».

Par cette opération, le CNA Cameroun espère toucher 10 000 personnes. Un public conquis, qu’il reste à fidéliser pour le cinéma africain.

Ashley Tchameni 

Article paru dans la mensuel Mosaiques de Février 2014