Auteure du recueil de nouvelles « Aujourd’hui, je
suis mort » qui vient de paraître aux éditions L’Harmattan, elle parle
de son écriture et de la mort, le thème central de son œuvre. Interview publiée sur www.camer.be/index1.php?art=22310&rub=2:6
Stéphanie Dongmo, photo Gervais Djimeli Lekpa |
Vous venez de publier aux éditions
L’Harmattan à Paris un recueil de nouvelles intitulé « Aujourd’hui, je
suis mort ». De quoi parle ce livre ?
Comme son titre le laisse déjà deviner, ce livre
porte sur la mort qui n’est pas seulement physique, mais aussi
spirituelle et morale. La première nouvelle, qui donne son titre à
l’ouvrage, puise dans l’anthropologie des rites funéraires Bamiléké pour
mettre en scène un suicide. La deuxième raconte le dernier jour d’une
vendeuse ambulante dans la ville de Yaoundé, où un certain Jack Bauer
sème la panique. La troisième nouvelle est le long cri d’agonie d’une
femme qui, partie à la recherche de Dieu, s’est égarée en chemin. La
dernière est le regard caustique et sévère d’un enfant de trois ans sur
les adultes qui l’entourent.
Qu’est-ce qui vous a motivé à écrire cette œuvre ?
J’ai écrit ces nouvelles entre 2000 et 2008.
Certains textes m’ont été inspirés par des faits d’actualité que j’ai
couvert comme journaliste. Ce livre est né de mon indignation face au
silence et à la résignation des gens victimes d’injustice dans une
société qui a honte des rebuts qu’elle a elle-même fabriqué. Et je n’ai
pas d’autres moyens que ma plume pour parler de ces choses qui
m’interpellent.
Vous avez une manière étonnante de le faire, en prenant pour narrateurs un enfant un mort qui parle de l’au-delà…
Oui, parce que je voulais sortir des sentiers battus. Patrice Nganang a
pris pour narrateur un chien dans « Temps de chien ». Combien de parents
se demandent ce que leurs enfants pensent d’eux ? Et combien de
familles endeuillées pensent à ce que devient l’âme du défunt ? J’ai
essayé de me mettre dans la peau de ces personnes sans-voix, dont
l’opinion ne compte pas, la plupart du temps.
Mais pourquoi écrire sur la mort, un thème si sombre ?
J’ai écrit ces textes à une époque où je
m’interrogeais beaucoup sur la mort, sur la finitude de ma propre vie.
Nous évitons soigneusement de penser à la mort et pourtant, la mort est
la seule certitude de la vie. Mon livre a pour thème central la mort,
mais celle-ci n’est qu’un prétexte pour peindre la société camerounaise
d’aujourd’hui. Et, loin d’être sombre, ce livre est une célébration de
la vie dont on doit savourer chaque instant.
Comment est née chez vous la passion pour l’écriture?
C’est la lecture qui m’a conduite à l’écriture.
J’ai commencé à lire très tôt. D’abord, les magazines « Amina » que ma
mère achetait tous les mois. Plus tard, j’ai lu les romans-photos de ma
sœur, alors adolescente. Une fois au lycée, j’ai commencé à lire les
romans sentimentaux qui me tombaient sous la main : Harlequin, Nous
deux, Barbara Cartland, Barbara Bradford Taylor… Je lisais tout ce que
je trouvais. Je suis née et j’ai grandi à Nanga-Eboko, une petite ville
dans le centre du Cameroun. Il n’y avait aucune librairie qui vendait des livres,
tout juste un homme qui faisait la location des romans sentimentaux.
Ses livres étaient très vieux et tombaient presque en lambeaux, mais je
les lisais avec assiduité. Et plus je lisais, plus mon imagination
s’envolait et plus j’avais envie de coucher toutes ces idées sur du
papier. Je n’ai pas eu la chance de lire autant que je l’aurais
souhaité, mais j’ai essayé de tirer quelque chose des lectures que je
pouvais m’offrir.
Cette soif de lecture est assez rare dans un pays où les gens ne lisent pas beaucoup…
A partir de mon expérience, je crois que si les
gens ne lisent pas beaucoup au Cameroun, c’est parce qu’on ne leur en a
pas donné l’occasion, on ne leur a pas appris à lire. Je me souviens, il
est arrivé un moment où j’avais lu tous les livres de l’unique personne
qui louait les romans à Nanga-Eboko. Je me suis alors retrouvé sevrée
de lecture et j’ai commencé à lire des morceaux de journaux dont les
commerçants se servaient pour emballer du pain. Je crois que c’est comme
ça qu’est né mon amour pour le journalisme. Pour moi, c’était un métier
qui me donnait l’opportunité de pratiquer mes deux passions : la
lecture et l’écriture.
Quels sont vos modèles dans l’écriture ?
Il y a des écrivains qui m’ont donné envie
d’écrire : Calixthe Beyala, Patrice Nganang et Alain Mabanckou. Il y a
des auteurs que j’admire : Léonora Miano, Thierno Monénembo et Colleen
McCullough. Mais il y a des romancières auxquels je voudrais ressembler.
La première de toutes est Maryse Condé. Sa trilogie « Ségou » m’a
profondément touchée. Je ne suis jamais allé au Mali mais j’ai
l’impression de connaître la ville de Ségou que j’adore, sans la
connaître. La seconde est Agatha Christie. Une femme à l’imagination
débridée capable d’imaginer une histoire comme « Dix petits nègres » est
un génie, à mon sens. J’aime la simplicité avec laquelle elle écrit des
histoires complexes.
Envisagez-vous une carrière dans l’écriture ?
Bien sur, on dit que l’appétit vient en mangeant !
Je regrette juste que mes obligations professionnelles ne laissent pas
beaucoup de temps à son imagination pour s’évader. Mais j’adore
l’écriture et je ne cède rien. Cependant, ma priorité est la promotion
de ce premier livre.
© Camer.be : Propos recueillis pour Camer.be par Ashley Papouni