samedi 27 octobre 2012

Cinéma : Si bref et si long


« Aujourd’hui » du réalisateur franco-sénégalais Alain Gomis s’attarde à filmer l’éternité de chaque instant du dernier jour d’un homme qui se sait condamné.

Une scène du film "Aujourd'hui"

Nous avons tous peur de la mort. La plupart d’entre nous évite soigneusement d’y penser. On pense à celle des autres, on vit celle des autres, mais rarement la nôtre. Et pourtant, la mort est peut-être la seule certitude de la vie. Alain Gomis a choisi de raconter l’instant de la fin, ce moment à la fois si long et si bref dans un long métrage fiction. Le titre est « Tey », qui signifie aujourd’hui en wolof. C’est un conte philosophique sur la finitude de la vie. Victor Hugo l’a fait au 19ème siècle. En 2012, Alain Gomis nous raconte le dernier jour d’un homme qui se sait condamné.

Satché est parti  aux Etats-Unis pour étudier. Mais quand sonne l’heure de la mort, il retourne dans son pays, le Sénégal. Et son dernier jour, Satché le passe sur les sentiers de sa vie : c’est la maison familiale, le quartier de son enfance, ses copains, son premier amour… Un rôle de premier amour porté par une Aissa Maiga magnifique. Après avoir déambulé toute la journée, Satché finit par rentrer chez lui. Il retrouve ses enfants et se couche aux côtés de sa femme. Tous ces chemins qu’il revisite auraient pu lui réserver un autre destin. Ce film est d’un déterminisme absolu.

La narration est faite de mystère, elle ouvre la porte aux questionnements. On ne sait ni pourquoi, ni comment Satché va mourir. La seule certitude est que la fin, c’est aujourd’hui. « Aujourd’hui » est plein de contrastes, à la fois silencieux et sonore. Il y a beaucoup de sons d’ambiances. Le film s’ouvre d’ailleurs sur une comédie musicale. Il y a aussi une scène où on voit des Sénégalais manifester dans les rues de Dakar pour l’alternance politique. D’un autre côté, le personnage principal ne parle pas beaucoup. D’abord, c’est un exilé. Il retourne dans son pays où il se sent tout aussi étranger. Ensuite, i aussi un exil intérieur du fait de sa condition d’homme qui ne verra pas le lendemain. Il flotte déjà entre la vie et la mort.

Ce rôle principal est joué par un célèbre slameur américain, Saul Williams. Alain Gomis a écrit ce rôle pour lui, avant même de l’avoir rencontré. Son personnage est profond, il oblige le spectateur à s’impliquer en tant qu’être humain périssable. Il se tait, mais tout se joue dans son regard et sur l’expression de son visage. Et la caméra s’attarde à saisir l’éternité de chaque instant de ce dernier jour de vie. Satché est égaré, mais pas abattu. C’est pourquoi, tout en étant sombre, « Aujourd’hui » est une célébration de la vie.

Né à Paris en 1972, Alain Gomis inscrit son troisième long métrage fiction sur des moments de flottement. Il poursuit ainsi à creuser une voie qu’il a commencé à tracer en 2001 avec « L’Afrance » et en 2007 avec « Andalucia ». « Aujourd’hui » sort en salle en France le 9 janvier 2013. Mais déjà, il a été été présenté à de nombreux festivals: Berlin, Cannes, Cordoue en Espagne, où il a été distingué du prix du meilleur long métrage fiction.
Stéphanie Dongmo

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