« Aujourd’hui » du réalisateur franco-sénégalais Alain Gomis s’attarde
à filmer l’éternité de chaque instant du dernier jour d’un homme qui se sait
condamné.
Une scène du film "Aujourd'hui" |
Nous avons tous peur de la mort. La plupart
d’entre nous évite soigneusement d’y penser. On pense à celle des autres, on
vit celle des autres, mais rarement la nôtre. Et pourtant, la mort est
peut-être la seule certitude de la vie. Alain Gomis a choisi de raconter l’instant de
la fin, ce moment à la fois si long et si bref dans un long métrage fiction. Le
titre est « Tey », qui
signifie aujourd’hui en wolof.
C’est un conte philosophique sur la finitude de la vie. Victor Hugo l’a fait au
19ème siècle. En 2012, Alain Gomis nous raconte le dernier jour d’un
homme qui se sait condamné.
Satché est parti aux Etats-Unis pour étudier. Mais quand sonne l’heure
de la mort, il retourne dans son pays, le Sénégal. Et son dernier jour, Satché
le passe sur les sentiers de sa vie : c’est la maison familiale, le quartier de
son enfance, ses copains, son premier amour… Un rôle de premier amour porté par
une Aissa Maiga magnifique. Après avoir déambulé toute la journée, Satché finit
par rentrer chez lui. Il retrouve ses enfants et se couche aux côtés de sa
femme. Tous ces
chemins qu’il revisite auraient pu lui réserver un autre destin. Ce film est
d’un déterminisme absolu.
La narration est faite de mystère, elle ouvre la
porte aux questionnements. On ne sait ni pourquoi, ni comment Satché va mourir.
La seule certitude est que la fin, c’est aujourd’hui. « Aujourd’hui » est plein de contrastes, à la fois
silencieux et sonore. Il y a beaucoup de sons d’ambiances. Le film s’ouvre d’ailleurs
sur une comédie musicale. Il y a aussi une scène où on voit des Sénégalais
manifester dans les rues de Dakar pour l’alternance politique. D’un autre côté,
le personnage principal ne parle pas beaucoup. D’abord, c’est un exilé. Il retourne
dans son pays où il se sent tout aussi étranger. Ensuite, i aussi un exil
intérieur du fait de sa condition d’homme qui ne verra pas le lendemain. Il
flotte déjà entre la vie et la mort.
Ce rôle principal est joué par un célèbre
slameur américain, Saul Williams. Alain Gomis a écrit ce rôle pour lui, avant
même de l’avoir rencontré. Son personnage est profond, il oblige le spectateur
à s’impliquer en tant qu’être humain périssable. Il se tait, mais tout se joue
dans son regard et sur l’expression de son visage. Et la caméra s’attarde à
saisir l’éternité de chaque instant de ce dernier jour de vie. Satché est
égaré, mais pas abattu. C’est pourquoi, tout en étant sombre, « Aujourd’hui » est une
célébration de la vie.
Né à Paris en 1972, Alain Gomis inscrit son troisième
long métrage fiction sur des moments de flottement. Il poursuit ainsi à creuser
une voie qu’il a commencé à tracer en 2001 avec « L’Afrance » et en 2007 avec « Andalucia ». « Aujourd’hui » sort en salle en France
le 9 janvier 2013. Mais déjà, il a été été présenté à de nombreux festivals: Berlin, Cannes, Cordoue en Espagne, où il a été distingué du prix du meilleur long métrage fiction.
Stéphanie
Dongmo
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