mercredi 29 janvier 2014

GPAL 2013 : Comment une belle idée sombra dans l’arnaque et l’imposture

Le regard critique d’un enseignant-chercheur sur le Grand Prix des Associations littéraires décerné le 7 janvier 2014 à Yaoundé par le Club des Muses.

Francis Bebey, Grand Prix de la Mémoire aux GPAL 2013

Le 7 janvier dernier s’est tenue à l’Institut Français de Yaoundé, une cérémonie de remise des prix, annoncée à grand renfort de publicité par les journaux quotidiens et les médias audiovisuels. Plusieurs associations littéraires ayant cru à cette initiative, ont présenté à ce concours littéraire, plus de cinq cents livres d’auteurs plus ou moins connus de la scène intellectuelle camerounaise, publiés dans les derniers dix-huit mois, comme le stipulait le règlement dudit concours.

Au final, le « Grand Prix de la Mémoire » fut décerné à Francis Bebey ; dans les deux autres catégories retenues (recherche et belles lettres), l’organisateur fut le principal gagnant ! En violation du règlement qu’il a lui-même écrit pour son concours, Eric Mendi le président de l’association organisatrice de l’événement (Le Club des Muses) s’attribua éhontément le « Grand Prix des Belles lettres » pour son roman intitulé « Opération Obama », publié par une maison d’édition qui n’existe que dans son imagination, car portant le nom de son association (Le Club des Muses, association des belles lettres) !

Dans la deuxième catégorie « Grand Prix de la Recherche », le lauréat désigné fut Magloire Ondoa ; seul problème et grosse curiosité, le titre primé n’était pas en compétition ! Le battage médiatique s’est fait autour des 67 volumes et 250 tomes de « Textes et Documents du Cameroun (1815-2012) » alors que le jury a reçu pour examen « Introduction historique au droit camerounais : la formation initiale, éléments pour une théorie de l’autonomie des droits africains » ! Simple méprise ou complicité d’escroquerie savamment organisée ? La réponse est attendue !

L’ordonnancement de la cérémonie de remise des lots fut en lui-même un cas de haute voltige dans la fumisterie : le président du jury relégué au bout de la table, privé de proclamer les résultats, réduit à serrer les mains des personnes appelées sur l’estrade par un présentateur (Armand Okol) distributeur des lauriers, aux propos déplacés et discourtois surtout à l’égard des dames invitées au podium, jetant un malaise et un climat de gêne dans l’assistance ; pas de mot de bienvenue ou sur la portée de l’événement par l’organisateur ! Pourquoi ? Parce que trop flagrant ! Comment peut-il se présenter comme organisateur et s’adresser à l’assistance alors qu’il s’est attribué le titre de lauréat ?

Eric Mendi s’est contenté de se faire tout petit dans la foule, attendant avidement récupérer son prix et disparaître ! Dans une cérémonie dédiée aux livres, les éditeurs furent royalement oubliés ! bien-sûr, car l’éditeur du lauréat-organisateur est aussi son association, qui l’a présenté à son propre concours ! Bien plus curieux, pas de représentant du principal sponsor de l’événement, Castel Beer, qui aurait pu expliquer cette association entre une marque brassicole et la littérature !

Les questions que je me pose c’est comment les membres du jury ont travaillé et procédé à leurs délibérations ; quels sont les choix qu’ils ont porté et comment entendaient-ils sécuriser les secrets de leurs délibérations ; par quelle alchimie ont-ils été convaincus de cautionner pareille imposture et laissé faire en y associant leur nom à cette arnaque ? Qui étaient-ils ? Des personnalités toutes respectables : Président du Jury, Guillaume Oyono Mbia ; membres : le sénateur Pierre Flambeau Ngayap, le conseiller municipal Célestin Djamen, les journalistes Alain Belibi, Sarah Sakho, Suzanne Kala Lobe…

En fait de secret, il n’y en avait pas du tout : dans les six valises publicitaires faisant office de lots destinés aux nominés, les livres étaient déjà estampillés du sceau de « Lauréat » ou de celui de « nominé » ! Tout laisse montrer qu’il n’y a jamais eu de secret, les prix furent attribués d’office par l’organisateur sans même la pudeur d’un simulacre de proclamation par le jury ! Dans les valises remises aux nominés, qui ne furent ouvertes qu’après la cérémonie, rien de la valeur de ce qui avait été annoncé à l’assistance : deux pagnes publicitaires Castel beer, deux tee-shirts noirs Castel beer, une enveloppe contenant le règlement du concours, une plus petite contenant une sorte de diplôme plastifié remerciant le nominé pour sa participation aux GPAL 2013 et enfin cinq livres présentés par les auteurs en compétition dans les deux catégories Recherche et Belles-lettres.

Comme le présentent les billets d’invitation à la cérémonie les nominés furent :
-          Dans la catégorie « Grand Prix de la Recherche » : « L’idée de progrès dans la diversité des cultures » d’Ebenezer Njoh Mouellé et Thierry Michalon ; « Textes et Documents du Cameroun (1815-2012) », de Magloire Ondoa ; « Cameroun, l’opposition en panne », d’Ahmadou Séhou.
-          Dans la catégorie « Belles-Lettres » : « Un tilleul au Cameroun », de Marie Hurtel ; « Sur les traces d’une vie en demi-teinte » de Hilaire Sikoumo ; « Opération Obama », d’Eric Mendi.
Les vainqueurs furent Magloire Ondoa avec « Introduction historique au droit camerounais : la formation initiale, éléments pour une théorie de l’autonomie des droits africains », remis au jury sans être officiellement en compétition et Eric Mendi avec « Opération Obama », puisqu’il est l’organisateur de l’événement et son propre éditeur.

Floué par tant de prestidigitation, j’ai appelé Eric Mendi, le président du Club des Muses, association organisatrice de l’événement pour obtenir des clarifications ; par exemple comment un titre hors compétition peut-il se retrouver entre les mains du jury ou comment on peut être à la fois écrivain, éditeur, organisateur et lauréat de sa propre compétition. Il m’a raccroché au nez, me demandant de le saisir par mail si j’avais des questions à lui poser. J’ai récidivé en lui envoyant un texto lui disant que « Je ne peux en aucun cas cautionner une imposture. Je vais saisir la presse et toutes  les personnes concernées ou impliquées dans cette grossière escroquerie. » Jusqu’ici sans réponse. Je voudrais simplement lui redire avec force, reprenant la quatrième de couverture de son  « opéra » qu’ : « Eric, tu mens ! Ton film-là n’est pas vrai. Tu inventes ! ».  

Ce qui me révulse c’est que tant de personnalités respectables soient associées à une escroquerie de cette nature et que son auteur puisse s’en vanter ou se pavaner en prétendant se couvrir de gloriole.

Ahmadou Séhou
Enseignant-Chercheur

Auteur de : Cameroun, l’opposition en panne : autopsie critique et propositions de relance, Yaoundé, Editions Lupeppo, 2012, 472 p. (Préface de Mathias Eric Owona Nguini)

2 commentaires:

  1. Trente-neuf ouvrages ont été présélectionnés aux GPAL 2013 par vingt-trois associations (dont le Club Kwame Nkrumah et Lire des Merveilles), parmi près de cinq cents livres « présélectionnables » au départ. Une Commission de tri préliminaire s’est ensuite chargée de dégager six livres Nominés. De ces livres Nominés, deux lauréats ont été distingués par les membres du Jury, ainsi identifiés : Guillaume Oyono Mbia (Ecrivain dramaturge) ; Mballa Elanga (CCA / MINAC : Direction Bureau du Livre et de la Lecture) ; Sarah Sakho (Journaliste – RFI) ; Pierre-Flambeau Ngayap (Sénateur / Pharmacien) ; Suzanne Kala Lobè (Journaliste / Membre du conseil National de la Communication) ; Célestin Djamen (Enseignant / Juriste) ; Alain Belibi (Journaliste / Directeur de l’information – Radio Crtv) ; Me Bondje Laurent (Avocat) ; Françoise Ndjako (Responsable Librairie Peuples Noirs) ; Stéphane Akoa (Chercheur – Fondation Paul Ango Ela).

    Pour plus d'infos: gpalprix@gmail.com

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    1. Merci pour ce commentaire qui apporte des précisions sur ce concours littéraire

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