La metteure en scène Marlise Bété partage
avec le grand public des contes qui lui ont été transmis par sa grand-mère
Maaga dans un livre paru aux éditions Ifrikiya à Yaoundé en 2014.
Marlise Bété |
Il
était une fois un vigneron nommé Bouboulou. Il était si chiche qu’il n’avait ni
ami ni épouse. Un jour, il tomba malade et refusa d’aller à l’hôpital se soigner,
pour ne pas dépenser son l’argent. Après sa mort, les villageois découvrirent
de grosses liasses d’argent dans sa maison situé au village Baham, dont le
musicien Saint Bruno avait déjà tiré l’avarice comme trait caractéristique. Hasard
? Cliché en tout cas.
C’est,
ainsi résumé, le premier récit que nous propose Marlise Bété dans son recueil « Contes de Maaga », publié en
2014 aux éditions Ifrikiya. Un recueil constitué de 7 textes courts qui
racontent des hommes et des femmes, des situations de vie au village et en
ville. Certains sont ordinaires. Dans d’autres, le fantastique côtoie
l’extraordinaire. Certains sont originaux. D’autres dégagent un air de déjà
entendu.
C’est
le cas de « Momkaya la petite
orpheline » qui rappelle à la fois « La
cuillère cassée » de Birago Diop (Sénégal) et « Cendrillon » de Charles Perrault (France) : une
petite orpheline est recueillie en ville par sa tante qui, avec ses deux enfants
paresseux, la maltraite. Un jour, la tante la chasse de la maison avec l’ordre
de lui rapporter ses bijoux (pourtant volés par son fils). La malheureuse rencontre
sa bonne fée qui, ici, est une sœur de l’Eglise catholique qui lui enseigne à
tricoter. Elle finit par croiser le chemin du prince qui va tomber amoureux d’elle
et l’épouser, au grand dam de sa tante et de ses cousins à qui elle va accorder
son pardon.
Un
happy end qui n’est pas le cas de toutes les histoires développées dans ce
recueil. L’un des contes les mieux relatés est assurément celui intitulé « La famille souris ». Des
souris, méchantes et terribles sèment la terreur dans un village, au point
d’arracher le sexe d’une femme pendant son sommeil. Après des recherches, il
s’avère que c’est la famille Koagne, très pieuse en apparence, qui se transforme
en souris pour nuire au village. La description des pratiques de sorcellerie ici
est très minutieuse, presque effrayante.
Les pieds ancrés dans le présent
Malgré
leur côté fantastique, les contes de Marlise Bété ont les pieds bien ancrés
dans le monde d’aujourd’hui, ils épousent ses problèmes et ses contradictions. Les contes de Maaga dénoncent les tares
de la société (l’avarice, la méchanceté, la maltraitance, le bavardage, la
jalousie, la curiosité…) pour prôner des valeurs essentielles: la
gentillesse, le travail acharné, le pardon, la pondérance, le respect de la vie
humaine…. Pour chaque conte, on peut titrer plusieurs moralités. Et comme
toujours dans ce genre littéraire, le héros positif finit toujours par vaincre
le héros négatif.
Marlise
Bété écrit des textes pour le théâtre et donc, pour l’oralité. Elle les a
d’ailleurs dits auparavant à des enfants à l’Institut français de Yaoundé, à
l’occasion du programme «L’heure du conte ».
Les formules d’usage sont bien présentes : « il était une
fois », « il y avait une fois… » De même que des expressions très
camerounaises : « Ma femme
laisse-moi comme ça », « Yah ! », « Ah
ka ! », « courir dans un sac », etc… Ce patrimoine qu’elle
restitue avec ses mots et une narration qui lui sont propres, la conteuse l’a
en grande partie hérité de sa grand-mère bienaimée Maaga.
« Quand nous étions tout
petits, nous allions très souvent passer des vacances au village, aux côtés de
Maaga, ma grand-mère maternelle. Elle nous racontait des histoires. Quand nous
n’allions pas chez elle, c’était chez MaaBatsè, notre grand-père paternelle.
Elle n’était pas du tout drôle. Mais elle nous racontait quand même quelques
histoires quand bon lui semblait », écrit-elle
en introduction. Les deux femmes venant de cultures différentes, Marlise Bété a
hérité de la culture mandeng et bamiléké.
Les
illustrations signées Chourouk Hriech et la mise en page aérée du livre rendent
agréable la lecture. En noir et blanc, ces croquis surréalistes pour la plupart
finissent de planter le décor du mythe. Et c’est avec beaucoup de plaisir que
nous nous replongeons en enfance à travers ces contes, à savourer sans
modération et sans limite d’âge.
Stéphanie Dongmo
Marlise Bété
Les
contes de Maaga
Editions Ifrikiya
Juin 2014
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