L’acteur
camerounais a rencontré une dizaine d’aspirants comédiens et réalisateurs le 25
mai au siège du Programme 237 travellin’ à Yaoundé, pour un échange à bâtons rompus. Il a
entretenu les participants à cette rencontre sur le jeu d’acteur, mais surtout sur
la vie et le sens des choses.
Emil Abossolo Mbo |
Artiste
pluri-disciplinaire, Emil Abossolo Mbo est né à Mengong en 1958. Après un
passage remarqué au Théâtre Universitaire de Yaoundé, il s’installe en France
en 1984. On le voit aussi bien sur les planches qu’à l’écran au cinéma et à la
télévision. Il est acteur, comédien, conteur, metteur en scène.
Lorsqu’il ouvre la
bouche pour s’exprimer, aussi bien en français qu’en anglais, il se dégage de
tout son être une énergie presque palpable. Il parle avec des mots, mais aussi
avec chaque partie de son corps, et laisse s’échapper les choses longtemps mûries
à l’intérieur. Ses phrases résonnent avec une certaine poésie.
Et c’est avec
enthousiasme qu’il partage son expérience d’être humain toujours en quête d’un
mieux-être au monde. D’entrée de jeu, il prévient : « Je ne suis pas un prêcheur, je ne suis pas ici pour vous
enseigner des choses que vous ne savez pas, je suis venu apprendre de vous, nous
sommes ensemble dans la quête du savoir».
Rêve, partage, identité
sont des mots qui reviennent de façon récurrente dans son discours. En maître à
vivre, il partage généreusement le fruit de ses recherches sur lui-même, sur
l’humain, sur la vie. Morceaux
choisis.
Sur
les rêves
« Ton rêve est ton
bien le plus précieux, il vaut plus que de l’argent, il ne faut jamais le
vendre. Toutes les réalisations partent d’un rêve. Nous sommes des êtres
d’avenir, nous ne devons jamais laisser tomber nos rêves. Nous manquons parfois
de relais pour les transmettre. Mais si tu mets toute ton énergie, toute ton
attention, tout ton pouvoir dans la construction de ton rêve, alors il
s’envolera et quelqu’un le remarquera un jour. Il faut croire en quelque chose».
Sur
la réussite
« Dans la vie, il
n’y a pas d’échec, pas de victoire. Il n’y a que la quête. La réussite c’est
d’être sur ce qu’on veut faire, de se donner les moyens de le faire. Il faut
toujours rester positif, toujours dire : je ne l’ai pas encore fait plutôt
que je ne l’ai pas fait. Ne jamais fermer la porte, se concevoir comme
quelqu’un qui a la solution. Il faut transmettre à son enfant que tout est possible
et que, même si nous n’y sommes pas arrivé, lui va y arriver ».
Sur
la transmission
« En Afrique, il y
a un manque de transmission entre les générations, on est sous éduqué par
l’école occidentale. Sur qui nous appuyons nous, culturellement, quand nous
allons à l’international ? Je constate que les gens qui font dans l’art ne
sont pas en contact avec les jeunes qui veulent faire comme eux. A chaque
génération, on recommence à zéro comme si on n’avait pas d’aîné. Mes aînés ne
m’ont rien transmis. Tout ce que je sais, je l’ai appris dans les livres ».
Sur
nos cultures
« Nos langues
enrichissent notre travail. Tout ce que nous avons besoin de savoir sont dans
nos langues, c’est pourquoi il faut savoir parler sa langue. Je suis parti en
France à 27 ans, au mois d’août j’en aurai 57. Mais la France ne m’a pas
changé, la France ne peut pas me changer. On doit se réapproprier nos langues,
nos cultures et nous y appuyer pour faire des films. Apprenons à connaître et à
aimer notre pays ».
Sur
le jeu d’acteur
« Comme acteur ou
comme interprète, on donne un point de vue et non une vérité. Etre acteur, ce
n’est pas faire le zozo sur scène, c’est agir et non subir. Tous les mouvements
de l’acteur, toute sa manière d’être raconte une histoire. Cette histoire que
les gens ratent dans la vie quotidienne, il faut qu’ils puissent la comprendre
à l’écran. Il faut avoir l’art du conteur pour captiver l’attention, tenir les
gens par le souffle. Il faut avoir l’histoire à l’intérieur de soi et
contaminer les autres. Apprendre à jouer c’est apprendre à gérer ses émotions,
même quand on est seul, c’est apprendre à être un meilleur humain. En tant
qu’acteur, on a besoin de se préparer énormément, de s’imprégner complètement
du rôle. Si tu réalises un film et que tu n’as jamais fait l’acteur, tu ne peux
pas comprendre comment filmer un acteur ».
Sur
le vivre au monde
« Le monde est
plus uni qu’on pourrait le croire. Je cautionne un système où tout le monde est
égal à tout le monde. Nous travaillons pour construire un monde meilleur. On
n’a pas besoin de combattre les autres ni d’avoir peur des autres. Les mains ne
sont pas faites pour tuer mais pour construire le monde qui cherche la
tranquillité, la paix. L’un des moyens les plus formidables de changer le monde
est de faire bien les choses.
La première énergie
renouvelable et écologique est humaine. Il n’y a que l’humain pour prendre soin
de l’humain. Nous pensons toujours à nous, pas aux générations futures. Si on
n’est pas main dans la main avec les femmes, on ne peut pas faire avancer un
pays.
Toute activité
économique est d’abord culturelle. L’argent doit toujours être un bon ami ou un
bon esclave, jamais un maître. Il faut refuser que les autres vous imposent
leur rythme, c’est à vous d’imposer votre rythme au monde. Le diamant originel
c’est vous, vous êtes des tailleurs de diamant ».
Stéphanie Dongmo
Bio expresse
Abossolo
Mbo au cinéma
Ezra de Newton I. Aduaka, Qui sème le vent de Fred Garson, Les Savates du bon Dieu de Jean Claude Brisseau, Juju Factory de Balufu Bakupa Kanyinda, Night on earth de Jim Jarmush, Si le vent soulève les sables de Marion
Hansël, Africa Paradis de Sylvestre
Amoussou, Les Saignantes de Jean
Pierre Bekolo, Un Homme qui crie de
Mahamat Saleh Haroun, Black Mic Mac
2 de Marco Pauly, Tourbillons
d’Alain Gomis, etc.
Abossolo
Mbo au théâtre
La tragédie du
roi Christophe de Jacques Nichet, La
tragédie d’Hamlet de Peter Brook, Quelqu'un
pour veiller sur moi d’Etienne Pommeret, L’île des esclaves d’Elisabeth Chailloux, Andromaque de Daniel Mesguich, Boesman
Lena et Champs de son d’Emil
Abossolo Mbo, etc.
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