Le
cinéaste parle de son dernier film, Le Président, qui a été présenté le 26
février à l’Institut Goethe de Ouagadougou au Burkina Faso. Au Cameroun, ce
film qui appelle à la démission d'un Chef d'Etat vieillissant fait
déjà trembler le pouvoir politique.
Jean-Pierre Bekolo |
Pouvez-vous
nous parler de votre dernier film, Le
président ?
J’ai tourné ce film pendant près
d’une année et demie. Pour justifier ma présence au Cameroun depuis deux ans, je
me suis dit qu’il faut faire quelque chose. Et comme ce que je sais faire c’est
les films… C’est un film que j’ai commencé pour une autre raison : il y a un
comédien, Gérard Essomba, qui est rentré au Cameroun après 50 ans en France. Il
n’arrêtait pas de me reprocher le fait qu’il soit au Cameroun et que je ne
fasse pas de film avec lui. Au départ, l’idée était assez floue. Je me suis dit
que ce ne serait pas mal de faire un film autour de notre président. Un
président un peu vieillissant, fatigué, qui commence à penser à sa succession.
Au départ, l’idée était d’imaginer qu’il est remplacé par un footballeur
puisque les footballeurs sont très populaires, ou par un musicien. À partir
de là, j’ai tourné une petite scène que j’ai montré à un ami, Simon Njami, qui
est aussi écrivain. Il n’a plus dormi pendant une semaine, il a écrit un
scénario à Paris. Je suis rentré au Cameroun avec ce scénario, j’ai réuni de
petits fonds pour démarrer.
C’est
une fiction qui parle d’un président vieillissant. Au Cameroun, ce n'est plus de la fiction ?
Nous croyions qu’on avait une idée géniale mais l’histoire s’est avérée être
beaucoup plus faible que la réalité. Car effectivement, le président disparaît quelques jours avant les élections. Il
était en Chine. Quand il a quitté la Chine, il a dû arriver trois mois plus
tard au Cameroun et a démarré les élections sans calendrier. Du coup, je sentais que le
film était un peu faible parce que la réalité a dépassé la fiction. On s’est
mis à réécrire le film, à suivre ce qui se passait.
L'affiche du film |
Est-ce
que l’idée vous est venue de faire un documentaire plutôt qu’une fiction ?
Le plus dur était de savoir quel
film faire, pour ne pas faire de film trop tard, quand tout est terminé. On
sent la lassitude des Camerounais qui ont un même président depuis 30 ans. Donc,
le Cameroun c’est lui, il n’y a rien d’autre. Le problème c’est comment faire
un film quand les gens ont cette autocensure par rapport à ce pouvoir quasiment
monarchique. C’est un film expérimental parce que les gens au Cameroun savent
beaucoup plus du président que moi. Ce qui était important, c’est de leur
montrer ce qu’ils refoulent en eux parce que les conséquences peuvent être
graves.
Propos
recueillis par Stéphanie Dongmo
Au cours de la soirée de
présentation du film Quartier Mozart le
26 février, au Village CNA au Fespaco.
Résumé du film Le Président : La
disparition du Président du Cameroun quelques jours avant les élections est un
signe politique fort. Jeunes, vieux, intellectuels, prisonniers, femmes, tout
le monde s'agite. Pourquoi tous les chômeurs conduisent des moto-taxis ?
Pourquoi des bébés sont volés dans des hôpitaux publics ? Pourquoi aucun héros
local n'a de rue à son nom ou de monument à son effigie ? Pourquoi un pays si
beau est dans un tel désespoir ? Pourquoi le vieux président n'a jamais été à
Soweto, ni à Harlem ?
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