A Gaoui, les décors picturaux, réalisés
exclusivement par les femmes sur les façades des maisons en début de saison
sèche, disparaissent progressivement face à l’urbanisation. Heureusement, les
poteries sont toujours là, le musée communautaire aussi.
Motifs géométriques
A l'entrée du musée |
Village
Gaoui, dans le dixième arrondissement de N’Djaména, capitale du Tchad. Ici vit le
peuple Kotoko, dignes descendants des Sao, présentés comme des hommes de grande
taille à la civilisation riche.
Dès
l’entrée du village, on peut apercevoir des montagnes de jarres en terre cuite.
Plus loin, plusieurs femmes installées sur un terrain vague travaillent à
fabriquer ces jarres qui devront servir à conserver l’eau potable dans les
concessions. Les poteries de ce village sont vendues dans les grandes villes
tchadiennes et au-delà. Elles ont la réputation d’être solides et de conserver l’eau toujours fraîche, même quand
il fait très chaud, par un phénomène naturel d'évaporation-condensation sur les
parois poreuses du récipient.
Un dessin artisanal sur un mur |
Gaoui,
surnommé « village artisanal »,
est composé de cours communes entourées par des murailles de terre et reliées
par de longues et étroites ruelles. Les façades de certaines maisons sont
ornées de décors picturaux aux motifs géométriques. Peintes par les femmes
d’ici à base d’une peinture traditionnelle dont elles ont le secret, ces
dessins empreints d’une grande poésie représentent des scènes de la vie
courante.
« Avant, toutes les maisons de
ce village portaient ces ornements, c’est ça qui attirait les touristes et
faisaient la particularité de ce village. Maintenant, les gens mettent de la
peinture industrielle sur leurs maisons et
les dessins disparaissent »,
se désole Allamine Kader, réalisateur
tchadien venu en pré-repérage dans le village pour un projet de film documentaire.
Le cinéaste Mahamat Saleh Haroun avait déjà tourné une partie de son film « Daratt » (1h36, 2006) à Gaoui.
Situé
auparavant à une dizaine de km de N’Djaména, le village Gaoui est maintenant
devenu un quartier du 10ème arrondissement de la capitale et se
modernise. Les toitures de tôles remplacent progressivement les toitures de
paille, les briques de terre font place aux parpaings de sable et de ciment, tout comme
les dessins sur les murs cèdent la place à la peinture industrielle.
Témoignage du passé
A l'intérieur du musée |
Heureusement,
le musée communautaire est là, qui attire encore l’attention des touristes. Les
bâtiments construits en terre cuite, selon l’architecture kotoko, sont ceux de
l’ancien sultanat transformé en musée en 1992. Dans la petite bibliothèque
municipale, qui sert aussi de bureau au directeur du musée, des livres
poussiéreux issus de dons divers attendent désespérément d’être lus.
La
visite commence par la salle 1. Ici sont exposés des objets Sao, notamment des
vases et des figurines humaines. La salle 2 permet de découvrir des outils de
pêche Sao, notamment un piège à poisson et un harpon à bout pointu. La salle 3
fait la promotion de la poterie kotoko, réputée dans tout le Tchad pour être la
meilleure. Dans la cour du musée, il y a le grenier de la grand-mère de
l’actuel sultan et il faut se baisser pour y pénétrer. Une chambre à l’arrière
abrite des trésors cachés, notamment une robe brodée à la main il y a 150 ans
et portée par les princesses du sultanat.
Après
cela, visite des chambres des trois épouses du sultan. Les deux dernières étaient
logées au rez-de-chaussée tandis que la première avait l’honneur d’occuper
l’étage. Ici, le plancher en bois menace de s’effondrer à chaque pas rapide. La
dernière réfection du musée communautaire date de 2007, sur financement de
l’Union européenne. Sur les murs de cette salle, des portraits des principautés
kotoko. En bonne place figure un portrait du Mey actuel depuis 1995, sa Majesté
Alhadji Hassana Abdoulaye.
Fouilles archéologiques
Des poteries kotoko dans le musée |
Les
objets que recèle le musée communautaire de Gaoui sont issus des fouilles
archéologiques, qui ont mis au jour une riche civilisation matérielle Sao. Et
depuis lors, interdiction pour les villageois de creuser même un puits sans une
autorisation de la mairie, en raison des espoirs de trouver encore des
témoignages du passé dans le sous-sol de ce village kotoko, qui s’est
d’ailleurs construit sur un site archéologique. La conservation du Musée est
assurée par un comité de gestion, sous l’égide du Musée national tchadien.
Aujourd’hui,
le village est menacé par l’extension urbaine de la capitale, malgré une
ceinture d’espace naturel imposé par les services d’urbanisme. Lancé en 2008
par le président Idriss Deby Itno, le projet de ceinture verte autour de
N’Djaména, qui s’étend sur près de 800 hectares, a pour but de contrer
l’avancée du désert. Mais pas l’avancée de l’urbanisation. Il est à craindre, à
court terme, que le village Gaoui y perde son âme.
Stéphanie Dongmo au Tchad
Bonsoir Stéphanie,j’apprécie le travail que tu partages à travers ton Blog,tes révélations sont pointues,moi je suis Enseignant à l'Institut des Beaux Arts au Cameroun,dans le département Art Technologie et Patrimoine;cependant,le grand mal Africain réside sur le fait d'avoir écarté de nos valeurs culturelles les vrais Héros secrets de l'Histoire,que sont les Artisans s'exprimant à travers l'Artisanat;ceci s'observe à travers mes recherches qui me donnent raison sur ma pensée,lorsque nous avons renversé les rôles,c'est à dire il y a plus d'attention à la musique et aux écrits qu'à l'Artisanat,l'un ayant une porté courte et l'autre des moyens de conservation difficile dans le conteste Africain,pourtant de tous les temps,la seule et vraie œuvre qui nous renseigne avec précision ce sont ces calebasses gravées de signes,ces statuettes traduisant une activité,ces signes et gravures indiquant et démontrant des scènes du vécues;j'aime souvent à le dire:le littéraire ou l’intellectuel ne peut bien s'exprimer qu'à travers une œuvre physique,visible et palpable.
RépondreSupprimer"si habile que tu es,si créatif et inventif,tu resteras toujours le vulgaire qui ne se nourri que du fruit des efforts de ses doigts" qui pense différemment???????????????????????
Bonjour Hilaire, je vous remercie pour votre réaction très intéressante qui vient enrichir cet article. C'est vrai que l'artisan n'est pas pris en considération, et c'est à tort. On respecte mieux les artistes et pourtant, tout art tire sa source de l'artisanat. D'autre part, nous copions l'Occident de façon caricaturale. dans ce village par exemple, les dessins sur le murs cèdent la place à la peinture industrielle. Et c'est dramatique. C'est d'autant plus dramatique que tout le monde s'en fout un peu.
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