Réalisateur
gabonais du long-métrage « Le
collier du Makoko » sorti en 2011, Henri Joseph Koumba Bididi revient
sur la production et la distribution de ce film dans lequel joue notre
compatriote Eriq Ebouaney, et qui a été diffusé à Yaoundé en juin 2012 à
l’occasion du festival Ecrans noirs.
Henri Joseph Koumba Bididi. DR |
Comment
réagissez-vous au qualificatif de « film
le plus cher d’Afrique subsaharienne » qui accompagne votre
film ?
Avec un sourire parce
qu’il y a une mythologie qui s’est créée autour de ce film. Certains ont
commencé à dire pendant que le film se tournait qu’il a coûté 4 milliards,
aujourd’hui c’est 5 milliards de Fcfa, parfois 10 milliards. Il plaît à certains
milieux du cinéma de le dire. Ce qui est vrai, c’est que ce n’est pas le genre
de film qu’on attend de nous dans le système, c’est donc devenu un buzz. Depuis
mon premier long-métrage « Les
couilles de l’éléphant » je connais ça et je l’assume.
Dans la réalité, ce
film a coûté 4 millions d’euros, c’est-à-dire à peu près 2,7 milliards de Fcfa
qui se justifient quand vous regardez le film. Le film se tourne en France et
au Gabon en 35mn avec des effets spéciaux. Toutes les scènes qui mêlent des
hommes et des animaux sont fabriquées en studio, les scènes des insectes sont
reproduites en 3D. C’est un film fait avec les dernières technologies. On n’a
pas cherché à faire l’à peu près et c’est ce qui justifie le coût du film. Son
histoire l’exigeait. Les 50% du budget du film sont allés dans la logistique.
Le reste se partage entre la technique et l’humain. C’est un film complexe à
faire et je suis heureux de l’avoir fait parce qu’il présente toutes les
facettes du cinéma : le travail avec les animaux et avec les enfants, les
trucages, etc…
Une scène du film. DR |
Combien
de temps vous a-t-il fallu pour préparer ce film ?
Ce film s’est préparé
sur 4 ans, le tournage a duré trois mois. Nous le préparions pour les 50 ans du
cinéma au Gabon. Il a une histoire par rapport au premier long métrage tourné
au Gabon. Le scénario original a été écrit par Robert Darène qui a réalisé le
premier long-métrage gabonais, « La
cage » en 1962 avec Philippe Maury qui en est l’acteur principal et le
doyen du cinéma au Gabon en tant qu’acteur et réalisateur. Et à l’intérieur,
vous retrouvez Patience Dabany qui a été
une des plus grandes productrices du cinéma au Gabon.
Quelle
est la portée de ce film dans la cinématographie gabonaise aujourd’hui ?
C’est un hommage parce
que l’avenir sort toujours du passé. La particularité de ce film c’est 50 ans
après, d’avoir l’occasion de réunir tous ces acteurs qui nous ont amené au
cinéma et qui nous ont fait rêver. Ce sont des moments rares dans une
cinématographie. Robert Darène a aujourd’hui 100 ans. Dans le même temps, on
révèle de nouveaux talents. Dans le générique vous verrez qu’il n’y a pas moins
de quatre jeunes réalisateurs qui m’entourent, qui profitent de cette
expérience et qui comptent parmi la relève la plus sûre de ma génération.
Comment
ce film a-t-il été financé ?
Il a été entièrement
financé par la société « Les productions de l’Equateur » qui
assume en totalité la production du film. Elle a été au-devant pour négocier,
trouver des sponsors, rechercher du cash-flow.
Vous
avez pu trouver des financements privés au Gabon. La personnalité du
producteur y est-il pour quelque chose ?
Oui, beaucoup. Monsieur
Jeff Bongo Ondimba, indépendamment de son relationnel, a réussi avec Charles
Mensah à convaincre les pouvoirs publics gabonais sur le fait que le cinéma
participe pleinement à l’économie du pays et qu’à ce titre, il doit bénéficier
aussi de certaines exonérations qui nous ont aidé à baisser le coût de la
facture.
Le
film est sorti en 2011 au Gabon, comment a-t-il circulé depuis ?
En dehors de sa sortie
au Gabon, pour le moment, c’est un film qui ne va que dans les festivals parce
que le producteur a un agenda qui ne peut pas se décliner avant décembre 2013.
Il y a fort à parier que réellement, sur le plan international, ce film va
sortir en 2014 mais ce sont les producteurs qui gèrent cet agenda.
Ne
craignez-vous pas qu’en 2014, le film ait perdu l’engouement qu’il a suscité au
moment de sa sortie au Gabon?
C’est possible mais
vous savez, à partir du moment où on parle de distribution, c’est un problème
de la production sur lequel je ne peux pas vraiment intervenir. Mais nous
pensons que le film sera en Dvd, il sortira certainement aussi en salles à
l’étranger.
Etes-vous
satisfait du parcours du film jusqu’ici ?
Je ne suis pas
particulièrement déçu, c’est un film qui trouve sa place dans les festivals par
son genre mais ce n’est pas un film de festival, c’est un film de public. Je ne
crois pas que ce film aille au-delà de ce qu’il a déjà fait dans les festivals.
D’autant plus que quand vous ne connaissez pas son contexte historique, vous ne
percevez pas tout le fond du film et ne voyez que l’aspect aventure. Mais quand
vous maîtrisez le contexte, vous avez une autre vision. Ce n’est pas Indiana
Jones (puisque beaucoup de personnes veulent se référer à ce film), c’est autre
chose.
C’est
au film de planter justement le contexte historique pour permettre au public de
comprendre…
Non, c’est une question
de culture. La culture est prépondérante à tout jugement. Quand vous
connaissez le contexte des civilisations bantoues et pygmées, le rapport entre
toutes ces communautés, l’histoire telle qu’elle a été écrite par le
colonisateur, vous percevez derrière la comédie autre chose et vous vous
rendez-compte qu’il y a un autre discours qui tend à balayer les idées reçues.
Essayez-vous
par là de justifier le fait que ce film n’ait pas obtenu des prix de premier
plan à des festivals où il a été ?
Non parce que pour tout
vous dire, j’aime le cinéma avant tout. Si j’étais un chasseur de prix, je me
conformerais au genre attendu. Honnêtement, je fais les films que j’aimerais,
entre autres, voir et qui sont au service de ma communauté, sinon du plus grand
nombre parce qu’ils contribuent un tant soit peu à leur procurer aussi bien un
instant de dépaysement que de réflexion sur leur quotidien.
Pour l’instant, je
pense que notre cinéma doit être au service du développement de nos Etats, donc
efficace quant au message qui est transmis au spectateur. Je peux vous dire
sans trop réfléchir que parmi mes films de chevet, je ne vous citerais pas plus
de trois qui ont été des palmes d’or ou quoi que ce soit. Ce qui est par contre
incontournable, c’est que nous avons besoin d’être présent dans les festivals
pour faire connaître nos productions.
Etes-vous
confiant en l’avenir de votre film ?
Forcément. Nous avons
des demandes en télé mais que nous ne pouvons pas les satisfaire pour le moment
parce que tout cela est lié à l’agenda du producteur. D’ici décembre 2013, nous
allons étudier tous ces détails.
Propos
recueillis par Stéphanie Dongmo à Franceville
Les prix remportés par « Le collier du
makoko »
-
Prix spécial du jury et prix de
l’interprétation masculine pour le jeune Yonas Perou au festival de Khouribga 2012
au Maroc
-
Prix d’interprétation pour Yonas Perou
au festival Ecrans noirs 2012 au Cameroun
-
Prix de meilleure bande sonore et de la
meilleure affiche au Fespaco 2013
-
Prix du public au festival du film de
Masuku 2013 au Gabon.
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