Il est comédien, metteur en scène,
enseignant de théâtre, fondateur des Rencontres théâtrales internationales
(Retic) et président du Conseil régional Afrique de l’Institut international du
Théâtre de l’Unesco, pour ne citer que ces titres. Agé de 70 ans, Ambroise Mbia
célèbre, dès le 27 juin prochain, ses 50 ans de carrière. Cette icône du
théâtre africain a laissé son empreinte aussi bien dans le cinéma que dans le
théâtre. Il a notamment joué dans le film « Profession reporter »
sorti en 1975, aux côtés de l’Américain Jack Nicholson, et dans « Le
Cercle des pouvoirs » du Camerounais Daniel Kamwa. Ancien pensionnaire du
Théâtre de France, il compte à son actif plus de 300 pièces de théâtre
radiophonique, 15 films au cinéma, 30 films dans les chaînes de télévision
françaises et 60 pièces de théâtre. Il nous a ouvert les portes de sa maison à Mfida,
par Akono, en avril dernier. Entretien à bâtons rompus.
Ambroise Mbia |
Vous célébrez, dès le 27 juin
2012, vos 50 ans de carrière. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
50 ans de carrière, pour moi, est une
étape importante parce que quand je regarde dans le rétroviseur, je me rends
compte que j’ai essayé de faire mon métier, mais surtout d’aider. Je crois que
je n’ai pas fait ce métier pour moi-même. J’ai commencé par apprendre mon
métier et je me suis donné une ligne de conduite pour travailler comme un
professionnel. Un professionnel qui devait faire du cinéma, du théâtre, de la
radio, de la télévision, enseigner le théâtre, diriger et conseiller certains
opérateurs culturels, participer à plusieurs manifestations de prestige comme
membre du jury ou directeur artistique… Ces 50 ans de carrière m’ont
comblé parce qu’ils m’ont donné l’occasion de
rencontrer des gens, des hommes de théâtre qui m’ont marqué, de partager et
surtout de dire que le théâtre est un métier noble. Je
ne regrette pas de l’avoir choisi.
Quel est le programme de cette
célébration ?
Je vais remonter sur les planches dès
le 27 juin comme comédien dans une pièce du Congolais Emmanuel Dongala. Cette
pièce intitulée « La femme et le colonel » a trois personnages. J’ai
comme partenaire Florisse Adjanohoun qui est une grande comédienne béninoise.
J’y ai associé un de mes fils, le comédien camerounais Ousmanou Sali qui, pour
moi, a beaucoup de talent. La mise en scène sera co-signée par le Tchadien
Vangdar Dorsouma et la Camerounaise Elise Mballa Meka, une ancienne du théâtre
universitaire. Blazz Design va faire les costumes et Alvarez Dissaké les
décors. Je donne rendez-vous au public de Yaoundé les 27, 28 et 29 juin à 20
heures à l’Institut français de Yaoundé.
Quel bilan faites-vous de vos 50
ans de carrière ?
J’ai aidé le maximum de personnes,
c’est ça le plus important pour moi. Je suis quelqu’un qui positive,
j’accepte la critique parce qu’elle me permet de me remettre en cause. Je ne
peux pas dire que je ne suis pas content d’avoir choisi ce métier. J’ai
tiré des leçons, j’ai compris qu’il fallait rechercher le dialogue, aller aux
spectacles tous les jours pour voir le travail des autres. Je me dois d’être
disponible pour donner à chaque fois un petit point de vue. Quand on fait le
théâtre, c’est pour le public. Je ne fais pas le théâtre parce que j’ai envie
de devenir quoi que ce soit, ou de prouver que je suis qui que ce soit. Ma
préoccupation, c’est de partager avec le public et c’est ce que je vais faire. Il faut vivre avec sa conscience,
la mienne est un peu tranquille en ce moment.
Parce que, avoir 70 ans le 27 juin, fêter ses 50 ans de carrière et organiser
en novembre les 20 ans des Rencontres théâtrales internationales du Cameroun,
je prie Dieu pour que cela se réalise, pas pour moi-même, mais pour le métier
que j’ai choisi et que je respecte, et pour le public qui m’a encouragé à être
ce que je suis aujourd’hui.
Hommage à Ambroise Mbia à Tunis. |
20 ans après sa création, quelle
est la situation des Retic ?
C’est un festival qui a, au cours des
années, donné l’occasion aux hommes de théâtre camerounais et africains en
général de présenter leur travail devant d’éminentes personnalités venues aux
Retic pour acheter des spectacles, accorder des bourses à ces artistes ou
les former. Ce festival est à sa 20ème édition, il a connu des hauts et des
bas. Il a surtout fallu que l’équipe qui travaille avec moi y mette du sien. Je
la félicite parce que ce sont des jeunes qui se sont sacrifiés car nous avons
connu d’énormes difficultés. Ce qui ne veut pas dire que nous avons été lâchés.
Nous avons été soutenus, peut-être pas tout le temps, mais nous devons comprendre que les
personnes, les organismes qui soutiennent ne sont pas des guichets automatiques
et qu’ils ont beaucoup de sollicitations.
Ce festival a donné l’occasion aux hommes de théâtre africains d’être présents
aux grands rendez-vous internationaux.
Les Retic peuvent-elles survivrent
sans Ambroise Mbia ?
Pourquoi pas ? Pendant 20 ans,
nous avons formé un certain nombre de jeunes, ceux qui sont là pourront
continuer. Les Retic, ce n’est pas l’affaire d’Ambroise Mbia. On en fait
son affaire parce qu’il est obligé de faire en sorte que les engagements des
Retic soient honorés, comme payer les cachets des artistes. C’est une manifestation qui a, à
sa tête, pas moi, mais de jeunes qui sont prêts à assurer la relève. Mon
souhait est que ces jeunes connaissent moins de difficultés le jour où je ne
serai plus là. Ce qui veut dire que, si un jour, les
moyens peuvent permettre que ce festival soit inscrit au budget de l’Etat, ce
serait l’occasion de pérenniser un projet qui est inscrit parmi les festivals
internationaux représentatifs de l’Institut international du théâtre Unesco.
Justement, en mars 2012, vous avez
été élu président du conseil régional Afrique de l’Institut international du
théâtre (Iit), présentez-nous cet organisme…
L’Institut international du théâtre est
un organisme qui a été créé par l’Unesco en 1948 pour développer les arts de la
scène dans le monde. Pour être plus précis, il s’agit de développer le théâtre,
la danse et le théâtre de rue. L’Institut international du théâtre organise chaque
année deux journées mondiales : une consacrée à la danse le 29 avril et
une autre au théâtre le 27 mars. C’est un réseau de plus de 100 pays à travers
le monde; c’est le plus vaste réseau pour la promotion des arts du spectacle.
Il se trouve qu’en Afrique, nous avons 15 pays dans les zones d’Afrique du Sud,
d’Afrique du Nord, d’Afrique de l’Est, d’Afrique centrale et d’Afrique de
l’Ouest. Il s’agit donc, pour Ambroise Mbia, président du conseil régional
Afrique de l’Institut international du théâtre, de coordonner les activités de
ces centres africains.
Quelles sont les opportunités
qu’offre cet organisme ?
L’Institut international du théâtre
offre beaucoup d’opportunités. Il y a des comités spécialisés dynamiques dans
tous les domaines du métier des arts du spectacle. Il y a des comités
internationaux du théâtre dramatique, des jeunes praticiens du théâtre, des
auteurs dramatiques, des droits de l’homme, de l’identité culturelle et du
développement, des festivals internationaux… Il y a une vingtaine de comités
spécialisés, et même des associations spécialisées comme celle des architectes
scénographes, des régisseurs, des critiques de théâtre, du théâtre pour enfants
et la jeunesse…
Quelles sont vos priorités à
la tête du conseil régional Afrique de l’Iit?
Nous avons, lors de l’élection, arrêté
un organigramme : il y a un vice-président chargé des partenariats, un
secrétaire général chargé de la formation et de la communication, un secrétaire
général chargé des manifestations culturelles. À un mois de mon élection (avril
2012, ndlr), je ne peux pas me permettre de dire au Cameroun, je vais faire
ceci ou cela. Nous avons un programme de rencontre. La prochaine aura
certainement lieu au mois de juin et je pense que c’est à cette occasion-là que
je pourrais parler.
Vangdar Dorsouma co-signe la mise en scène de La femme et le colonel. |
Quelle est la signification de
cette nomination pour le Cameroun?
Oui, c’est vrai, je suis Camerounais,
mais comprenez que ce poste n’est pas seulement là pour servir le Cameroun mais
toute l’Afrique. Il ne s’agit pas de faire du favoritisme. Je peux faire un
bilan des efforts qui ont été faits pour aider le Cameroun. Beaucoup de jeunes
Camerounais nous en sont infiniment reconnaissants. Nous devons continuer en
sachant qu’on ne m’a pas élu à ce poste pour que toutes les retombées
reviennent au Cameroun. Il faut quand même nous laisser le temps de faire le
travail qui nous a été assigné. Jugez-nous au bout d’un an ou deux et vous
verrez certainement que nous aurons avancé, parce que nous travaillons en
équipe.
Depuis 15 ans, vous êtes le
président du conseil camerounais de l’Institut international du théâtre, quel
est votre bilan ?
Le bilan c’est beaucoup de stages de
formation destinés non seulement aux jeunes mais aussi aux aînés, à
l’exemple de Alex David Nlongang, Valéry Ndongo, François Bingono, André Takou
Sa’a et bien d’autres. Grâce à l’Iit, beaucoup de spectacles ont circulé,
beaucoup de jeunes ont participé au congrès mondial du théâtre, la plate-forme
la plus prestigieuse. Ce n’est pas à moi de faire le bilan, mais tous ces
jeunes bénéficiaires vous diront qu’on a essayé de faire ce qu’on avait à
faire. Moi, j’ai envie de dire que nous
sommes satisfaits du travail que nous avons réalisé. Évidemment, si nous trouvons une bourse comme celle obtenue
pour Daniel Nfor, qui est le premier scénographe camerounais à obtenir une
bourse de I’Iit pour une formation au Japon, on ne va pas le crier sur les
toits. L’essentiel pour nous c’est de faire le travail. On ne peut peut-être
pas trouver dix bourses par an, mais si on en trouve deux ou trois, alors c’est
pas mal. Il faut souligner qu’il n’y a pas d’enjeux financiers. L’Iit ne finance pas mais offre
des possibilités. Il y a même pour tous les pays membres
une contribution importante à payer chaque année. Bien sûr, les contributions
ne sont pas du même montant, les Etats-Unis paient un peu plus, mais nous
sommes obligés de payer pour profiter des avantages à offrir aux hommes du
théâtre. On est tous dans ce bateau pour défendre le théâtre.
Propos recueillis par Stéphanie
Dongmo
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