Le
groupe donne un concert le 14 septembre 2014 dans la mythique salle de
spectacles parisienne. Un enjeu de taille pour le trio qui aiguise ses dents
pour croquer le monde, en prenant l’Afrique pour marchepied. Retour sur le
parcours de ces nouveaux ambassadeurs de la musique camerounaise, auteurs de
quatre albums.
De g à d. Haiss, Auguste et Roger |
L’Olympia, tous les
artistes en rêvent. En Afrique, les plus grands ont donné des concerts dans
ce music-hall créé en 1889 à Paris : Tabu Ley Rochereau, Koffi Olomidé, Fally
Ipupa, Ismaël Lo, Manu Dibango et maintenant… X-Maleya.
Un rêve caressé depuis
longtemps et qui, pour le trio de trentenaires (Roger Samnig, Auguste Rim et
Haïss Zaiter) représente une étape importante de leur carrière musicale, comme
en témoigne Roger, le porte-parole du groupe : « On vit ici mais on va faire l’Olympia, c’est notre challenge. Pour
nous, c’est le moment de passer à autre chose. C’est nous qui produisons ce
spectacle mais à ce niveau, il ne s’agit plus de X-Maleya mais du Cameroun ».
Pour le coup, X-Maleya va se faire accompagner par une grande équipe : « on ira avec tous les musiciens, les
danseurs et les réalisateurs qui nous ont accompagné jusqu’ici. On prendra
aussi un jeune groupe camerounais qui n’a pas encore de nom pour la première
partie de notre spectacle ».
C’est donc un rêve
devenu réalité pour ce groupe de musique qui lance aussi une marque de vêtement
qui sera vendu dans deux boutiques à ouvrir à Yaoundé et à Douala. Son quatrième
album, « Révolution », est
sorti en août 2013. Par cet opus produit par Empire Company du rappeur Pitt
Baccardy, le groupe s’est donné une nouvelle ambition. Une affiche gigantesque sur
un pan de mur de l’immeuble Shell, en plein cœur de Yaoundé, annonçait la
couleur. Mais la révolution est restée plus dans l’approche marketing que dans
la musique, selon une bonne partie de la critique. Des critiques qui ont touché
les X-Maleya en plein cœur.
Les X-Maleya. De g à d: Roger, Haiss et Auguste |
Critique amère
Invité d’une rencontre
professionnelle avec des journalistes culturels de la Cameroon art critics
(Camac) le 23 janvier dernier à Yaoundé, le groupe n’a pas manqué de dire sa
déception par une longue tirade de Roger: « Sur
notre quatrième album, j’ai vu la haine, la méchanceté des gens. Je ne peux pas
faire comme si ça n’a jamais existé. Nous ne demandons rien à personne, nous ne
trichons pas, nous travaillons pour donner quelque chose à ce Cameroun.
Aujourd’hui, si vous écrivez des choses comme « ils se répètent »,
« c’est du déjà entendu », vous détruisez le groupe. Mais vous n’êtes
pas Dieu. A la limite, n’écrivez pas mais ne détruisez pas ce que nous faisons.
Si vous devez devenir de grands journalistes, c’est parce qu’il y aura de
grands artistes. Si on fait la musique, c’est par passion. Il faut écrire
avec du recul, en laissant ses émotions de côté ».
Les clips sont en train
d’être tournés progressivement. Dans ce nouveau-né, X-Maleya a introduit des chansons
de son premier album, « Exil ».
Des chansons passées inaperçus depuis 2006, et que le groupe essaie de faire
connaître. Depuis la sortie de ce dernier album, le groupe n’a pas encore donné
de concert. Haiss explique que « dans
notre contexte, il n’est pas très intelligent de faire des concerts juste après
la sortie d’un album car le public ne connaît pas encore les chansons. Il faut
lui laisser le temps de les apprendre, pour pouvoir chanter en cœur avec nous en
concert ». Pour eux, aucun album des X-Maleya n’a décollé dès qu’il
est sorti.
Ambition, les X-Maleya
veulent passer à une autre dimension, sortir de l’espace camerounais, traverser
le champ africain pour s’ouvrir au monde en prenant pour crédo talent,
professionnalisme et rigueur. Mais cela ne va pas sans heurts, d’après
Roger : « A un moment donné du
travail, il faut éviter d’avoir des états d’âme et laisser l’amitié de côté
pour évoluer. La musique est un métier, il faut travailler avec des
professionnels ». Une ambition qui reste à être atteinte pour ce qui
est de la communication du groupe. Par exemple, son site internet officiel, www.xmaleya.com, garde à ce jour l’album « Tous ensemble » (2011) en
actualité.
Le destin du groupe a
changé avec sa rencontre avec Pitt Baccardy, producteur de « Tous ensemble ». Le label Empire Company leur a ouvert bien des perspectives et
permis de toucher d’autres artistes africains. Le groupe multiplie les
featurings : Pitt Baccardy, Chidinma, J. Martins, Passi, Pharell Williams,
etc. Et les apparitions du footballeur Samuel Eto’o dans ses clips. X-Maleya
est invité à participer à l’hymne officiel de la Coupe d’Afrique des Nations de
football en 2012, aux côtés de Patience Dabany et Magic System, entre autres. Depuis
2011, X-Maleya innove en adoptant une approche originale pour sa distribution. Les
Cd sont vendus à 1000Fcfa à tous les coins de rues par des vendeurs d’œuvres
piratées. Et s’écoulent comme des petits pains. Mais malgré le succès, X-Maleya
n’oublie pas d’où il vient, de loin.
Parce
qu’on vient de loin
Le groupe est formé au
début des années 2000. Tout est parti de l’amitié entre Roger et Auguste. Dans
les années 1996, les deux garçons dansent avec Kris Badd sur des chansons de
Michael Jackson, leur idole. Trois ans après, ils décident d’associer le chant
à la danse. Vient ensuite la rencontre avec Haiss, avec qui ils travaillent
comme guitariste. « On s’est fixé
des objectifs et prit un autre chemin », explique Roger. Le groupe
fait alors du hip hop et du rap. Puis, ils décident de se donner nom : un
nom camerounais qui sonne bien et qui se retient facilement. Maleya, qui signifie
conseil en langue bassa, est choisi et le X- ajouté pour faire style.
Le groupe, qui a
composé plusieurs chansons, se met en quête d’un arrangeur. Ruben Binam, ancien
du groupe Macase, décide de les produire. Mais ils devront attendre trois ans
avoir de voir naître leur premier bébé, « Exil »,
sous le label Alizés Equateur Record en 2006. Le style a changé. Ce n’est plus
du rap mais une savante fusion de genres : « C’est Ruben [aujourd’hui chef d’orchestre du groupe, Ndlr] qui a donné de la couleur a notre musique »,
reconnaît Haiss. Le groupe sait que c’est la bonne voie et s’accroche. En 2007,
il reçoit un financement du Compte spécial d’affectation pour le soutien de la
politique culturelle qui lui permet de sortir, en 2008, son second album « X-Maleya» en autoproduction.
L’album cartonne avec son titre « Yelele »
et lance le groupe, le faisant sortir de l’ombre pour la lumière. Un succès
confirmé par « Tous ensemble » qui
propulse le groupe à un niveau supérieur.
Dieu,
au centre de tout
X-Maleya sait à qui il
doit ce succès et le clame haut et fort : à Dieu, incontournable dans
leurs albums. « Il y a 1000 bons
chanteurs là dehors. C’est par la grâce de Dieu que nous faisons ça »,
dit Roger. Après Dieu, vient l’organisation interne et la discipline : « le groupe est organisé, de right man
at the right place. Chacun respecte sa place, personne ne jalouse l’autre.
Quand il y a des problèmes, on se parle, on se soutient. Et on laisse tout à
Dieu, c’est ça qui fait avancer les choses», témoigne Haiss. X-Maleya sait
que « Ce n’est pas le talent qui
fait arriver, c’est l’état d’esprit. Nous sommes honnêtes à morts. Le jour où
nous serons malhonnêtes, nous allons tomber », ajoute Roger. Le groupe clame aussi son humilité. « Ma vie n’a pas changé, on est resté
humble. En public, je peux être sur la défensive ou nerveux, mais ce n’est pas
parce que j’ai la grosse tête », dit encore Roger.
X-Maleya promet :
dès 2015, il y aura un nouvel album. Et il compte bien gravir ainsi une marche
plus haute de l’escalier du succès.
Stéphanie
Dongmo