Président
Directeur général de la société de production Patou Films International, il parle de l’évènement
« La Nuit de la série africaine » qu’il a organisée à Yaoundé et
Douala dans le cadre du festival Ecrans Noirs en juillet 2017, mais aussi du
succès et des difficultés des séries tv africaines et du manque des moyens de
promotion.
Bilan très positif, au-delà de
toutes nos espérances. Car il faut préciser que c’était la première fois au
Cameroun que s’appliquait le concept de « La Nuit de la série africaine »
tel que je l’avais créé en 2013 au Fespaco. A Yaoundé, la salle de l’Institut
Français était pleine dès 18h et à Douala, malgré la pluie qui est tombée sur
la ville dès 17h, nous avions eu 250 personnes sur les 300 places que compte le
CanalOlympia Bessengue. Encore que cette superbe salle n’est pas encore bien
connue du grand public.
La
Nuit de la série se greffe à des festivals qui, eux-mêmes, proposent déjà une
compétition série Tv, avec très souvent les mêmes œuvres. A-t-elle encore
ainsi, lieu d’être ?
La Nuit de la série africaine n’est
pas un festival et ne peut en aucun cas se substituer à celui-ci. C’est un
événement qui anime un festival. Son concept est d’être accueilli par des
festivals de renom tel que le Fespaco, les Ecrans noirs… et programmé avec
les productions des partenaires dont ces mêmes festivals en font partie ;
les festivals ne pouvant proposer à la programmation qu’une partie des séries
qu’ils ont en compétition. Voilà le pourquoi il y a des doublons et c’est bien
normal.
Cette
année, sur les 13 séries proposées, six était camerounais. Comment se fait le
choix des œuvres à diffuser ?
Chaque
partenaire propose par ordre de préférence les séries qu’il souhaite promouvoir
lors de l’événement. Je récupère tout cela et programme la soirée tout
simplement. Les six séries camerounaises en question sont les choix de la
chaîne A+ et du festival Ecrans Noirs, faits sans concertation aucune. Je pense
que cette forte présence des séries camerounaises est le fruit de la vivacité
de leur production.
Comment
se porte la série camerounaise aujourd’hui ?
Le Cameroun était déjà présent au dernier
Fespaco avec quatre séries, talonné par la Côte d’Ivoire avec trois séries. Le
Cameroun a maintenu la même longueur d’avance aux Ecrans noirs cette fois-ci
avec trois séries. Cela montre une production active malgré l’absence d’aide à
la production nationale ou internationale.
Ces
dernières années, on constate que la série tv est en pleine expansion en
Afrique francophone. Peut-on aujourd’hui évaluer la production de ces séries en
quantité et en qualité ?
Les séries africaines sont de plus
en plus nombreuses à être produites et de mieux en mieux en gamme de qualité.
On assiste ces deux dernières années à un réel décollage de la série
africaine : bon scénario, belle production, bon casting et bonne maîtrise technique.
Série "La Reine blanche" d'Ebenezer Kepombia. |
Malgré
cette expansion, les chaînes de télévision, publiques ou privées, accordent
encore une grande place aux telenovelas qui viennent d’Amérique du sud ou d’Asie,
en arguant la faiblesse de la production locale face au besoin. Comment inverser
la tendance ?
De part leurs statuts, les
télévisions privées font ce qu’elles veulent de leur déontologie. Quant à la
télévision publique nationale, c’est une honte de mettre à l’antenne les œuvres
des autres. Je ne comprends pas sa mission. C’est au service public de montrer
les atouts artistiques et culturels du Cameroun. Mais quelqu’un doit y trouver
son compte en montrant des telenovelas au Camerounais. Sinon, je ne
comprendrais pas ces désaveux culturels de la part d’un service de l’Etat.
Entre nous, les Camerounaises et les Camerounais du Nord au Sud, de l’Est à
l’Ouest méritent mieux leurs cultures que celle des autres !
Il
existe aussi de plus en plus de séries d’Afrique anglophone qui, doublées en
français, s’imposent en Afrique francophone. Y a-t-il aussi des séries
francophones qui arrivent aussi à s’imposer en Afrique francophone ?
Quelques grands groupes
multinationaux, via leurs petites sociétés de distribution, ont obtenu des
subventions auprès des organismes français pour doubler nos séries francophones
en d’autres langues. Pour l’instant, je n’ai pas vu de résultat encourageant.
Mais néanmoins, je pense que nous pouvons déjà amortir nos séries dans notre
espace économique francophone. Il n’y manque cruellement que des outils de
promotion.
Série Le journal de Jenifa, Nigéria |
Nos
séries africaines arrivent-elles à s’exporter vers d’autres continents ?
Si oui, jusqu’où ?
Je serais tenté par l’affirmation
si je me réfère à un ou deux exemples isolés. Mais non, les séries africaines
ne s’exportent pas encore au-delà de la Francophonie. Par contre, cela dépend
aussi de l’incapacité de l’autre, de cet autre continent à manquer de
curiosité. Le succès de la série africaine pourrait le dépasser et le
déstabiliser dans son quotidien. Laissons-le d’abord se préparer.
Quel
a été jusqu’ici l’apport de la Nuit de la série sur le développement de la
série tv ?
Le premier objectif qui pour moi
est depuis atteint, est de prolonger la promotion d’une série en salle. Ensuite
vient la satisfaction du public. A Douala, un spectateur n’en revenait pas en
ayant vu sa série préférée projetée sur un grand écran dans une grande salle de
cinéma : « C’est comme un film ! » m’a t-il dit.
Propos
recueillis par Stéphanie Dongmo