A
Yaoundé, capitale du Cameroun, les taximen ont trouvé un moyen assez original
de partager leurs pensées et leur vision du monde.
C’est
une chose incontournable : les écrits sur les taxis à Yaoundé. Inscrits
sur les pare-brise ou pare-chocs arrière des véhicules, ils nous offrent un peu
de lecture dans les embouteillages.
Il
y en a de tous les types et pour tous les goûts. Certains textes appellent à la
prudence, en rappelant le code de la route. Du genre « Respectez la
distance de sécurité », « Attention à mes fesses », ce qui peut
faire sourire. On trouve aussi des réflexions universelles :
« L’homme c’est sa parole ».
Sur
les taxis de Yaoundé, il y a aussi des remerciements, adressés à la personne
qui a aidé à acquérir le véhicule : un tonton, une maman, ou une
communauté. L’amour n’est pas en reste, avec des « Je t’aime
chérie », « Amour de ma vie ». Et le désespoir n’est jamais loin.
J’ai été particulièrement surprise de cette inscription : « Sophie,
méchante femme ! » Et on peut aisément imaginer le dépit de notre
taximan.
Dans
la circulation, on peut encore lire des coups de gueule : « Les
jaloux vont maigrir », ou des messages carrément misogynes, du genre
« Qui dit bonjour à la femme dit au revoir à l’argent ». L’actualité
est bien présente, avec des « Yes we can », « Opération
Epervier », du nom de cette campagne de lutte contre la corruption en
cours au Cameroun. Dieu occupe la première place. Des versets bibliques et des
prières appellent à la foi et à l’espérance.
En
fait, pour mettre un taxi en circulation, le propriétaire a l’obligation légale
d’inscrire sur la voiture des informations comme le nombre de places et le
numéro de portière. Il va donc chez le sérigraphe et en profite pour commander
des messages personnels. C’est parfois le sérigraphe qui propose des formules, et
les prix varient entre 3000 et 5000Fcfa, selon la longueur du texte.
Dans
un pays bilingue comme le Cameroun, vous imaginez bien que non. Les textes sont
en français, en anglais, en pidgin english et même en langues locales. Le taxi
devient ainsi une tribune où on peut exprimer sa pensée, son rapport à l’autre,
sa spiritualité, ses joies mais aussi ses peines. On communique avec les autres
sans nécessairement entrer en dialogue. Ce phénomène est visible dans d’autres
villes comme Douala et Limbé, mais aussi dans d’autres pays d’Afrique, à
l’exemple de la Côte d’Ivoire.