La
8ème édition du Kolatier, marché des musiques d’Afrique, s’est
déroulée à Yaoundé du 8 au 10 octobre. A côté des concerts, des ateliers et des
rencontres professionnelles, il y a eu une table-ronde sur le thème les musiques d’Afrique au profit des acteurs
et des Etats africains. C’était le 10 octobre dernier à l’hôtel Mont Fébé.
Quelles stratégies adopter
pour que les musiques d’Afrique bénéficient réellement aux acteurs et aux Etats ?
Telle est la question qui a réunis autour d’une table quatre hommes :
Kladoumadje Nadjaldongar, directeur de la valorisation au Centre de recherche
et de documentation sur les traditions et pour le développement des langues
africaines (Cerdotola), Manassé Nguinambaye, directeur du festival de musiques
DjamVi au Tchad, Thierno Ousmane Bâ, tourneur et producteur sénégalais installé
en Belgique et Luc Yatchoukeu, promoteur du Kolatier et président du Conseil
camerounais de la musique.
D’entrée de jeu,
Kladoumadje Nadjaldongar a parlé des politiques culturelles des Etats africains.
Il existe un florilège d’orientations culturelles promues par les organisations
internationales, entre autres l’Unesco et l’Organisation internationale de la
Francophonie : à l’exemple de la charte de Naïrobi sur les industries
culturelles, la déclaration de Cotonou, la déclaration de Beïrut, etc. Beaucoup
d’Etats ont ratifié ces textes, mais le problème se pose au niveau de leur mise
en application effective.
Et on constate qu’entre
une politique culturelle et son exécution, il y a de sérieux écarts. D’après
lui, le problème vient parfois de ce que les modèles soumis aux Etats ne correspondent
pas tout à fait à leurs visions. Il a ainsi recommandé de promouvoir des
modèles endogènes de gestion de notre patrimoine culturel, en déterminant ce
qui est bon à prendre et ce qui est bon à laisser dans la coopération
internationale.
Pourtant, malgré ces
écueils, la musique peut être un atout majeur dans le développement de
certaines villes. Manasse Nguinambaye du Djamvi a expliqué les stratégies mises
en place par son festival pour créer de la richesse autour de la musique à
Ndjaména. Par exemple des stands au village du festival où des commerçants et
micro-entrepreneurs réalisent de bons chiffres d’affaires, l’accompagnement des
artistes à la production de leurs œuvres, etc.
Parlant de
professionnalisation, Luc Yatchoukeu a souligné le déficit de formation des
acteurs de la filière. Pour lui, la forme du produit comptant autant que son
contenu, l’artiste doit se faire accompagner par des agents et attachés de
presse. Ce à quoi Thierno Ousmane Bâ a ajouté que le talent ne suffit pas, il
faut avoir derrière soi une équipe qui peut accompagner l’artiste. Car les
plateformes importantes passent par des managers pour négocier des contrats et
ne contactent pas directement l’artiste.
Alors que les artistes
d’Afrique tournent essentiellement sur le continent, en Europe de l’Ouest et un
peu aux Etats-Unis, Thierno Ousmane Bâ a parlé de nouveaux marchés pour les
musiques d’Afrique, que représentent l’Asie, l’Europe de l’Est, l’Amérique
latine, la Scandinavie… Mais pour se lancer dans ces espaces, cela nécessite
que l’artiste ait acquis une certaine maturité et soit entouré de
professionnels. Pour ce tourneur, l’artiste en Afrique doit se mettre à la page
et, comme en Europe, devenir une société avec une comptabilité, une
communication, etc. Les nouvelles technologies aussi sont apparues, changeant
le mode de consommation de la musique, avec une distribution en ligne des
contenus que les artistes d’Afrique ont tout intérêt à explorer.
Pour Kladoumadje
Nadjaldongar,
il faut que les organisations culturelles soient fortes pour pouvoir influencer
les décisions des Etats. Luc Yatchoukeu ajoute qu’il faut créer des entreprises
véritables qui puissent payer les impôts et alors, l’Etat va s’intéresser aux
arts, et particulièrement à la musique. « Il
faut s’organiser et montrer que nous sommes des acteurs du développement et que
nous pouvons apporter quelque chose de concret, démontrer l’intérêt que les
Etats ont à nous soutenir. Le gros problèmes est de travailler ensemble, de fédérer
les énergies ».
En attendant que ce vœu
pieu puisse se réaliser, le secteur musical continue à traîner ses maux.
Stéphanie
Dongmo
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