Le commissaire de police Dieudonné Mbida a porté plainte contre la Librairie des Peuples noirs que dirige Odile Tobner, pour diffamation et injure, 27 ans après la parution d’un article.
Odile Tobner, la promotrice de la Librairie des peuples noirs et surtout la veuve d’Alexandre Biyidi Awala, plus connu sous le nom de Mongo Beti, a été convoqué à se présenter hier matin à la sous-direction des enquêtes criminelles, à la direction de la police judiciaire à Elig-Essono à Yaoundé, pour être entendue. La convocation fait état d’une plainte de M. Mbida Dieudonné contre la librairie « Les peuples noirs » sis à Tsinga, pour diffamation et injure. Ni l’accusée, ni le plaignant n’étaient hier à la Pj. La première y a plutôt délégué une employée de la librairie.
Les faits incriminés par Dieudonné Mbida, à l’époque commissaire divisionnaire de police, remontent à 1983. Cette année-là, dans l’édition 36 de la revue « Peuples noirs/peuples africains » dirigée par Mongo Beti, un article anonyme est publié sous le titre « Lettre du Cameroun ». Dans ce texte, l’auteur dont la signature est « Un patriote africain », dénonce « le terrorisme étatique » et parle, en termes peu élogieux, de la « puissante police politique. Il cite trois commissaires de police qu’il considère comme étant les tortionnaires du pays : Jean Fochivé, Edouard M’boué M’boué et… Dieudonné Mbida. « Plus jeune que les autres, le commissaire Mbida est aussi le plus brutal (…) A qui veut l’entendre, il répète que tant qu’il est vivant, les upécistes peuvent faire le deuil de leur ambition de jouer un quelconque rôle politique au Cameroun », écrit-il.
Mais pourquoi avoir attendu 27 ans pour porter plainte, peut-on se demander ? Une employée de la Librairie des Peuples noirs soutient que le 5 mars 2009, Dieudonné Mbida s’est rendu dans cette librairie et a acheté précisément le numéro 36 de cette revue. Il y a sept ans, la revue, comme d’autres articles et interviews de Mongo Beti, a été mise en ligne sur le site www.mongobeti.arts.uwa.edu, hébergé par la Faculté des lettres de l’université de Western australia.
Pour Odile Tobner qui dit être tombée des nues en recevant cette convocation, Dieudonné Mbida serait manipulé : « Je ne connais pas ce monsieur, je suis sûre qu’il est manipulé. Il cherche à nous mettre dans des embrouilles judiciaires mais ça tombe à plat, car, la librairie n’a rien à voir avec cette publication. Je ne sais pas qui est l’auteur de cet article, seul Mongo Beti le savait ». La librairie des Peuples noirs a, en effet, ouvert ses portes en 1994. Trois ans après l’arrêt de la publication de « Peuples noirs/peuples africains ». La revue des radicaux noirs de langue française lancée en 1978 par Mongo Beti et Odile Tobner avait pour ambition de combattre le capitalisme en Afrique : « Dix-huit ans après les indépendances, voici enfin une publication noire importante contrôlée financièrement, idéologiquement et techniquement par des Africains francophones noirs, et par eux seuls. [Elle est] décidée à conformer sa pratique à cet axiome : le capitalisme, voilà l’ennemi mortel de l’Afrique », lit-on dans son tout premier numéro, en guise d’éditorial.
Mongo Beti est décédé en octobre 2001 à Yaoundé. Odile Tobner, elle aussi écrivain, continu son œuvre. Elle a d’ailleurs créée l’Association des amis de Mongo Beti (Sambe).
Stéphanie Dongmo
Extrait de l’article incriminé
« De source sûre, on a appris que le chef de l'Etat, qui s'est entouré de deux attachés de presse (son prédécesseur se contentait de sa police politique), souhaite que la censure soit relâchée, qu'un débat intellectuel assez libre s'instaure dans le pays et enfin que les forces de l'ordre respectent le citoyen. Malgré ce vœu, l'U.N.C. s'en tient à ses anciennes méthodes. Les trois principaux tortionnaires du pays, Fochivé, Mbida Dieudonné et M'boué M'boué Edouard, tous commissaires de la police politique à Yaoundé et à Douala, continuent de perquisitionner sans inquiétude les domiciles de paisibles citoyens dans l'espoir de dénicher des « subversifs » et ce, bien que de nombreuses plaintes déposées chez les procureurs de Yaoundé et Douala aient poussé les gouverneurs de ces deux villes à demander en vain des explications à ces puissants policiers. Les arrestations de « subversifs » s'intensifient; les principaux visés sont ceux qui lisent les journaux censurés, les upécistes (bien que M. Biya ait autorisé le retour au pays d'exilés upécistes), les Témoins de Jehovah, anti-communistes pourtant, et tous ceux qui tiennent des propos « subversifs ». Plus jeune que les deux autres, le commissaire Mbida Dieudonné est aussi le plus brutal. Il n'hésite pas durant ses perquisitions et ses interrogatoires à rouer de coups ses victimes lorsque ces dernières se montrent récalcitrantes. A qui veut l'entendre, il répète que tant qu'il est vivant, les upécistes peuvent faire deuil de leur ambition de jouer un quelconque rôle politique au Cameroun. Inculte, comme d'ailleurs ses deux autres compères, on comprend que Mbida ignore à ce point les lois de l'Histoire. Foncièrement anticommunistes, nos trois commissaires se sont fait une triste réputation par l'habitude qu'ils ont de liquider eux-mêmes, de nuit, les opposants politiques qui refusent de renoncer à la lutte révolutionnaire ».
Ongola, le 19 août 1983
Un Patriote africain
Source : Peuples noirs/peuples africains n°36, novembre-décembre 1983
Les faits incriminés par Dieudonné Mbida, à l’époque commissaire divisionnaire de police, remontent à 1983. Cette année-là, dans l’édition 36 de la revue « Peuples noirs/peuples africains » dirigée par Mongo Beti, un article anonyme est publié sous le titre « Lettre du Cameroun ». Dans ce texte, l’auteur dont la signature est « Un patriote africain », dénonce « le terrorisme étatique » et parle, en termes peu élogieux, de la « puissante police politique. Il cite trois commissaires de police qu’il considère comme étant les tortionnaires du pays : Jean Fochivé, Edouard M’boué M’boué et… Dieudonné Mbida. « Plus jeune que les autres, le commissaire Mbida est aussi le plus brutal (…) A qui veut l’entendre, il répète que tant qu’il est vivant, les upécistes peuvent faire le deuil de leur ambition de jouer un quelconque rôle politique au Cameroun », écrit-il.
Mais pourquoi avoir attendu 27 ans pour porter plainte, peut-on se demander ? Une employée de la Librairie des Peuples noirs soutient que le 5 mars 2009, Dieudonné Mbida s’est rendu dans cette librairie et a acheté précisément le numéro 36 de cette revue. Il y a sept ans, la revue, comme d’autres articles et interviews de Mongo Beti, a été mise en ligne sur le site www.mongobeti.arts.uwa.edu, hébergé par la Faculté des lettres de l’université de Western australia.
Pour Odile Tobner qui dit être tombée des nues en recevant cette convocation, Dieudonné Mbida serait manipulé : « Je ne connais pas ce monsieur, je suis sûre qu’il est manipulé. Il cherche à nous mettre dans des embrouilles judiciaires mais ça tombe à plat, car, la librairie n’a rien à voir avec cette publication. Je ne sais pas qui est l’auteur de cet article, seul Mongo Beti le savait ». La librairie des Peuples noirs a, en effet, ouvert ses portes en 1994. Trois ans après l’arrêt de la publication de « Peuples noirs/peuples africains ». La revue des radicaux noirs de langue française lancée en 1978 par Mongo Beti et Odile Tobner avait pour ambition de combattre le capitalisme en Afrique : « Dix-huit ans après les indépendances, voici enfin une publication noire importante contrôlée financièrement, idéologiquement et techniquement par des Africains francophones noirs, et par eux seuls. [Elle est] décidée à conformer sa pratique à cet axiome : le capitalisme, voilà l’ennemi mortel de l’Afrique », lit-on dans son tout premier numéro, en guise d’éditorial.
Mongo Beti est décédé en octobre 2001 à Yaoundé. Odile Tobner, elle aussi écrivain, continu son œuvre. Elle a d’ailleurs créée l’Association des amis de Mongo Beti (Sambe).
Stéphanie Dongmo
Extrait de l’article incriminé
« De source sûre, on a appris que le chef de l'Etat, qui s'est entouré de deux attachés de presse (son prédécesseur se contentait de sa police politique), souhaite que la censure soit relâchée, qu'un débat intellectuel assez libre s'instaure dans le pays et enfin que les forces de l'ordre respectent le citoyen. Malgré ce vœu, l'U.N.C. s'en tient à ses anciennes méthodes. Les trois principaux tortionnaires du pays, Fochivé, Mbida Dieudonné et M'boué M'boué Edouard, tous commissaires de la police politique à Yaoundé et à Douala, continuent de perquisitionner sans inquiétude les domiciles de paisibles citoyens dans l'espoir de dénicher des « subversifs » et ce, bien que de nombreuses plaintes déposées chez les procureurs de Yaoundé et Douala aient poussé les gouverneurs de ces deux villes à demander en vain des explications à ces puissants policiers. Les arrestations de « subversifs » s'intensifient; les principaux visés sont ceux qui lisent les journaux censurés, les upécistes (bien que M. Biya ait autorisé le retour au pays d'exilés upécistes), les Témoins de Jehovah, anti-communistes pourtant, et tous ceux qui tiennent des propos « subversifs ». Plus jeune que les deux autres, le commissaire Mbida Dieudonné est aussi le plus brutal. Il n'hésite pas durant ses perquisitions et ses interrogatoires à rouer de coups ses victimes lorsque ces dernières se montrent récalcitrantes. A qui veut l'entendre, il répète que tant qu'il est vivant, les upécistes peuvent faire deuil de leur ambition de jouer un quelconque rôle politique au Cameroun. Inculte, comme d'ailleurs ses deux autres compères, on comprend que Mbida ignore à ce point les lois de l'Histoire. Foncièrement anticommunistes, nos trois commissaires se sont fait une triste réputation par l'habitude qu'ils ont de liquider eux-mêmes, de nuit, les opposants politiques qui refusent de renoncer à la lutte révolutionnaire ».
Ongola, le 19 août 1983
Un Patriote africain
Source : Peuples noirs/peuples africains n°36, novembre-décembre 1983