vendredi 26 avril 2013

Cinéma malgache : La jeune génération est en marche


Les Rencontres du film court de Madagascar, dont la 8ème édition s’est tenue au 5 au 13 avril 2013, mettent en exergue le potentiel des films malgaches. Occasion de toucher du doigt la dynamique qui se créé autour du cinéma qui renaît de ses cendres dans ce pays de l’Océan indien.

RFC 2013. Standing ovation pour les réalisateurs en compétition

Antananarivo, capitale politique et économique de Madagascar, ville exotique entre opulence et misère. A côté des batailles politiques en cette veille d’élection présidentielle (le 1er tour est prévu en juillet), la Cité des mille guerriers abrite les Rencontres du film court (RFC) de Madagascar qui, jusqu’à très récemment, était l’unique festival de cinéma de la Grande île.

Co-organisé par l’association Rencontres du film court, l’Institut français de Madagascar et la société de production Rozyfilms, la 8ème édition des RFC s’est tenue du 5 au 13 avril 2013. Au programme, des projections en plein air et en salles, une rétrospective du cinéma malgache avec des projections en 16mm, des conférences et neuf ateliers portant entre autres sur la réalisation, l’actorat, l’écriture scénaristique, la critique cinématographique et la production.

Les rencontres avec les professionnels du cinéma africain ont occupé une place de choix.  Notamment avec le cinéaste guinéen Cheik Doukouré, réalisateur du film Le ballon d’or (1993, 90mn) ; la productrice et réalisatrice sénégalaise Angèle Diabang, auteure du documentaire Yande Codou, la griotte de Senghor (2008, 52mn) et l’acteur sénégalais Makena Diop qui a tenu le premier rôle dans Un héros (2005, 95mn) de l’Angolais Zézé Gamboa.

350 films ont été projetés à Madagascar et dans une quinzaine d’Alliances françaises en régions, sur les 29 que compte le pays. La compétition officielle est réservée aux films malgaches, 20 au total sur les catégories fiction, documentaire et animation. Des films pour la plupart en malgache et sous-titrés en français. De manière générale, les documentaires ont manqué de profondeur, les fictions ont péché par des scénarios et un jeu d’acteur pas aboutis. L’animation s’est nettement démarqué dans cette sélection avec des films surprenants et techniquement au point. Pourtant, les auteurs de ces films sont, pour beaucoup, des autodidactes travaillant avec des logiciels piratés. 

Le palmarès a consacré les documentaires La rue : notre vie de Tianjato Rajoarinarivo et Du coq à l’âne dans la tabatière de Herménégilde Razafitsihadinoina. Le Zébu d’or en fiction est allé à Trois zébus pour un cocu de Fabien Andritiana. En animation, le film Sur une branche de Hery Andriantsitohaina a été primé. Plusieurs mentions spéciales ont par ailleurs été décernées, de même que le prix du public, des meilleurs comédien et comédienne.

Cinéma malgache, la renaissance
Entre les années 80 et 2000, le cinéma malgache a presque disparu, toutes les salles ont fermé dans ce pays de 22 millions d’habitants. Au début des années 2000, quelques personnes se sont lancées dans la vidéo sur le modèle nollywoodien. Les films vidéo produits sont souvent des comédies romantiques en malgache qui connaissent un vrai succès. Certains sont d’abord projetés  en salles (qui ré-ouvrent pour des opérations spéciales) avant d’être édités en Vcd.

Une vue d'Antananarivo

En 2006, Laza, un jeune réalisateur malgache revenu de France après des études en cinéma, décide de créer un festival pour combler le vide cinématographique sur l’île. La première édition se déroule sur deux jours. La seconde édition sur une semaine et depuis 2010, le festival dure 9 jours. Le festival grandit et gagne en fréquentation et en visibilité, avec une quarantaine de partenaires cette année, tant du secteur public que privé, pour plus de 10 000 spectateurs. Des films qui reviennent largement sur la pauvreté, les inégalités sociales et le zébu, animal mythique de l’île.

Les Rencontres du film court ont créé une vraie émulation autour du cinéma. Le festival a impulsé la naissance d’une nouvelle génération de cinéastes qui font des films, motivés par la compétition RFC dont les prix comportent des formations à l’étranger, en plus de la promotion du film. Chaque année, les RFC éditent une collection de films en compétition à ce festival. Ses partenariats avec des festivals de courts-métrages importants permettent aux films malgaches d’être présents à l’international ; même si ces œuvres ne sont pas vues sur le plan local en dehors du festival, faute d’espaces d’exploitation.

Inévitable concentration
Depuis huit ans que les RFC existent, 300 films ont été réalisés et une quarantaine primés. Les RFC ont créé en 2011 un fonds d’aide à la production baptisé Serasary qui, jusqu’ici, a produit cinq films en documentaire, fiction et animation. Le but étant d’aider les réalisateurs à faire des films dans de bonnes conditions. Cette année, l’association RFC va bénéficier du fonds d’aide à la distribution de l’Organisation internationale de la francophonie (OIF).

Par ailleurs, les RFC ont développé d’autres projets parallèles, notamment des ateliers Ti’Kino Gasy basés sur le concept du Kino et organisent, tout au long de l’année, des actions d’éducation à l’image dans un contexte d’absence d’école de cinéma. Les RFC organisent aussi le Festival du film des droits de l’homme en partenariat avec l’association Alliance Ciné et le financement de l’Union européenne. La première édition s’est tenue en décembre 2012 à Antananarivo.

Les RFC couvrent donc toute la chaîne de l’industrie cinématographique à Madagascar. Outre sa mission première de promotion des œuvres, le festival s’est lancé dans les formations, la production, la diffusion et l’exploitation. Une concentration inévitable face à la faible emprise des pouvoirs publics.

RFC 2013: projection en 16mn à la Bibliothèque nationale.

Le soutien du Tiasary
En 2000, le ministère de la Culture a créé un fonds de soutien au développement de la création et de la production cinématographique baptisé Tiasary qui, depuis, joue aussi le rôle d’une direction nationale de la cinématographie. Le Tiasary met à jour et propose des textes de loi pour encadrer l’activité cinématographique, et délivre des autorisations de tournage. Il est très souvent en conflit avec la direction de l’information du ministère de la Communication qui, elle, délivre des visas d’exploitation et des autorisations de projection. Le Tiasary se bat depuis plusieurs années pour que ces fonctions lui soient dévolues. Il est destiné à évoluer pour devenir l’Office du cinéma malgache.

En attendant, son budget est réduit, 3500 euros par an. Le Tiasary soutient des projets culturels, mais faute de budget conséquent, ce soutien est surtout moral et logistique. Pour exemple, Le Tiasary a financé les RFC 2013 à hauteur de 100 000 Ariary, soit environ 35 euros. Une goutte d’eau dans l’océan.

Néanmoins, le cinéma malgache est en marche. D’autres festivals se profilent à l’horizon. Le plus concret est la 1ère édition des Rencontres du documentaire prévue cette année à Tamatave, la seconde ville de Madagascar située à l’est du pays. Ce festival se met en place à la suite des Rencontres Tënk de Tamatave, résidence d’écriture documentaire organisé par Africadoc en avril 2012.
Stéphanie Dongmo, à Antananarivo 

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