Les
Rencontres du film court de Madagascar, dont la 8ème édition s’est
tenue au 5 au 13 avril 2013, mettent en exergue le potentiel des films malgaches.
Occasion de toucher du doigt la dynamique qui se créé autour du cinéma qui
renaît de ses cendres dans ce pays de l’Océan indien.
RFC 2013. Standing ovation pour les réalisateurs en compétition |
Antananarivo, capitale
politique et économique de Madagascar, ville exotique entre opulence et misère.
A côté des batailles politiques en cette veille d’élection présidentielle (le 1er
tour est prévu en juillet), la Cité des mille guerriers abrite les Rencontres
du film court (RFC) de Madagascar qui, jusqu’à très récemment, était l’unique
festival de cinéma de la Grande île.
Co-organisé par l’association
Rencontres du film court, l’Institut français de Madagascar et la société de
production Rozyfilms, la 8ème édition des RFC s’est tenue du 5 au 13
avril 2013. Au programme, des projections en plein air et en salles, une
rétrospective du cinéma malgache avec des projections en 16mm, des conférences
et neuf ateliers portant entre autres sur la réalisation, l’actorat, l’écriture
scénaristique, la critique cinématographique et la production.
Les rencontres avec les
professionnels du cinéma africain ont occupé une place de choix. Notamment avec le cinéaste guinéen Cheik
Doukouré, réalisateur du film Le ballon
d’or (1993, 90mn) ; la productrice et réalisatrice sénégalaise Angèle
Diabang, auteure du documentaire Yande
Codou, la griotte de Senghor (2008, 52mn) et l’acteur sénégalais Makena
Diop qui a tenu le premier rôle dans Un
héros (2005, 95mn) de l’Angolais Zézé Gamboa.
350 films ont été
projetés à Madagascar et dans une quinzaine d’Alliances françaises en régions,
sur les 29 que compte le pays. La compétition officielle est réservée aux films
malgaches, 20 au total sur les catégories fiction, documentaire et animation. Des
films pour la plupart en malgache et sous-titrés en français. De manière
générale, les documentaires ont manqué de profondeur, les fictions ont péché
par des scénarios et un jeu d’acteur pas aboutis. L’animation s’est nettement
démarqué dans cette sélection avec des films surprenants et techniquement au
point. Pourtant, les auteurs de ces films sont, pour beaucoup, des autodidactes
travaillant avec des logiciels piratés.
Le palmarès a consacré
les documentaires La rue : notre vie
de Tianjato Rajoarinarivo et Du coq à
l’âne dans la tabatière de Herménégilde Razafitsihadinoina. Le Zébu d’or en
fiction est allé à Trois zébus pour un
cocu de Fabien Andritiana. En animation, le film Sur une branche de Hery Andriantsitohaina a été primé. Plusieurs
mentions spéciales ont par ailleurs été décernées, de même que le prix du
public, des meilleurs comédien et comédienne.
Cinéma
malgache, la renaissance
Entre les années 80 et
2000, le cinéma malgache a presque disparu, toutes les salles ont fermé dans ce
pays de 22 millions d’habitants. Au début des années 2000, quelques personnes se
sont lancées dans la vidéo sur le modèle nollywoodien. Les films vidéo produits
sont souvent des comédies romantiques en malgache qui connaissent un vrai
succès. Certains sont d’abord projetés
en salles (qui ré-ouvrent pour des opérations spéciales) avant d’être
édités en Vcd.
Une vue d'Antananarivo |
En 2006, Laza, un jeune
réalisateur malgache revenu de France après des études en cinéma, décide de
créer un festival pour combler le vide cinématographique sur l’île. La première
édition se déroule sur deux jours. La seconde édition sur une semaine et depuis
2010, le festival dure 9 jours. Le festival grandit et gagne en fréquentation
et en visibilité, avec une quarantaine de partenaires cette année, tant du
secteur public que privé, pour plus de 10 000 spectateurs. Des films qui
reviennent largement sur la pauvreté, les inégalités sociales et le zébu,
animal mythique de l’île.
Les Rencontres du film
court ont créé une vraie émulation autour du cinéma. Le festival a impulsé la
naissance d’une nouvelle génération de cinéastes qui font des films, motivés
par la compétition RFC dont les prix comportent des formations à l’étranger, en
plus de la promotion du film. Chaque année, les RFC éditent une collection de
films en compétition à ce festival. Ses partenariats avec des festivals de
courts-métrages importants permettent aux films malgaches d’être présents à
l’international ; même si ces œuvres ne sont pas vues sur le plan local en
dehors du festival, faute d’espaces d’exploitation.
Inévitable
concentration
Depuis huit ans que les
RFC existent, 300 films ont été réalisés et une quarantaine primés. Les RFC ont
créé en 2011 un fonds d’aide à la production baptisé Serasary qui, jusqu’ici, a
produit cinq films en documentaire, fiction et animation. Le but étant d’aider
les réalisateurs à faire des films dans de bonnes conditions. Cette année,
l’association RFC va bénéficier du fonds d’aide à la distribution de
l’Organisation internationale de la francophonie (OIF).
Par ailleurs, les RFC
ont développé d’autres projets parallèles, notamment des ateliers Ti’Kino Gasy
basés sur le concept du Kino et organisent, tout au long de l’année, des
actions d’éducation à l’image dans un contexte d’absence d’école de cinéma. Les
RFC organisent aussi le Festival du film des droits de l’homme en partenariat
avec l’association Alliance Ciné et le financement de l’Union européenne. La
première édition s’est tenue en décembre 2012 à Antananarivo.
Les RFC couvrent donc
toute la chaîne de l’industrie cinématographique à Madagascar. Outre sa mission
première de promotion des œuvres, le festival s’est lancé dans les formations,
la production, la diffusion et l’exploitation. Une concentration inévitable
face à la faible emprise des pouvoirs publics.
RFC 2013: projection en 16mn à la Bibliothèque nationale. |
Le
soutien du Tiasary
En 2000, le ministère
de la Culture a créé un fonds de soutien au développement de la création et de
la production cinématographique baptisé Tiasary qui, depuis, joue aussi le rôle
d’une direction nationale de la cinématographie. Le Tiasary met à jour et
propose des textes de loi pour encadrer l’activité cinématographique, et
délivre des autorisations de tournage. Il est très souvent en conflit avec la
direction de l’information du ministère de la Communication qui, elle, délivre
des visas d’exploitation et des autorisations de projection. Le Tiasary se bat
depuis plusieurs années pour que ces fonctions lui soient dévolues. Il est
destiné à évoluer pour devenir l’Office du cinéma malgache.
En attendant, son
budget est réduit, 3500 euros par an. Le Tiasary soutient des projets
culturels, mais faute de budget conséquent, ce soutien est surtout moral et
logistique. Pour exemple, Le Tiasary a financé les RFC 2013 à hauteur de
100 000 Ariary, soit environ 35 euros. Une goutte d’eau dans l’océan.
Néanmoins, le cinéma
malgache est en marche. D’autres festivals se profilent à l’horizon. Le plus
concret est la 1ère édition des Rencontres du documentaire prévue cette
année à Tamatave, la seconde ville de Madagascar située à l’est du pays. Ce
festival se met en place à la suite des Rencontres Tënk de Tamatave, résidence
d’écriture documentaire organisé par Africadoc en avril 2012.
Stéphanie
Dongmo, à Antananarivo
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