dimanche 26 juin 2011

Cinéma. Le pouvoir par la ruse


«Da Monzon...», le film du Malien Sidy Diabaté, en compétition long métrage, décrit la chute du royaume malien de Samanyana, au 18ème siècle.


L'histoire du royaume bambara de Ségou au Mali ne finit pas de séduire. L'écrivaine guadeloupéenne Maryse Condé avait déjà raconté sa chute dans une trilogie. Le réalisateur malien Boubacar Sidibé, lui, a raconté sa genèse dans une série télévisée. Son compatriote Sidy Fassara Diabaté, historien de formation, a choisi de resserrer l'angle de son film sur la conquête du royaume de Samanyana par Da Monzon, le quatrième roi de Ségou. Le film historique « Da Monzon, la conquête de Samanyana » (110 mn, 2010), a été projeté au cours du festival Ecrans noirs, du 18 au 25 juin 2011 à Yaoundé.

L'histoire se situe entre 1808 et 1827. Monzon, fils de N'Golo et petit fils de Biton, le fondateur du royaume, vient de mourir. Da, son fils le plus intrépide, s'octroie le pouvoir. Même s'il hérite d'un royaume prospère, il n'est pas satisfait. Fier comme un noble bambara qu'il est, il ne digère pas l'échec de son père face au royaume de Samanyana. Bassi, son roi, est réputé pour être un sorcier puissant qu'on ne peut vaincre par la force. Ainsi, Da va chercher un stratagème pour l'atteindre.

Le film plonge directement le spectateur dans les méandres de la cour royale. Intrigues, secrets, sorcellerie, jalousie, ruse, violence et plans se mêlent et se démêlent. Dans cette lutte acharnée, une femme entre en jeu. Bassi a pour talon d'achille les belles femmes, Da Monzon s'en souvient. Nyale paraît douce comme un agneau, mais en réalité, elle est aussi redoutable qu'un lion. Là où les hommes ont échoué, elle réussit, avec pour seules armes sa beauté et son sourire. Le film comporte une belle brochette de proverbes bambara. Extraits :«Le pouvoir est un caméléon qui change de couleur tout le temps » ; « le pouvoir ne s'immisce pas la nuit, il arrive en plein jour »...

« Da Monzon... » est porté honorablement par ses acteurs : Namory Diabaté qui joue le jeune roi fougueux et ambitieux, et surtout Magma Gabriel Konate (Bassi), qui avait déjà eu le rôle du roi Ngolo dans la série «Ségou». Leurs costumes recherchés leur donnent de la majesté et de la grandeur. Les décors, du reste naturels, ont été récompensés par le prix spécial Uemoa au Fespaco 2011. Le long métrage a été tourné en bambara, pour être le plus près possible de la réalité, et sous-titré en français pour donner la possibilité à plus de monde d'y accéder. Il est fait de dialogues et de silences. Sans aucune musique composée, mais avec, de temps à autre, des chansons de louanges des griots envers les rois. Il est produit par le Centre national de la cinématographie du Mali.

Les mauvaises conditions de l'unique projection du film au cours de ce festival n'ont pas permis au spectateur d'en percevoir toutes les nuances. Mais Sidy Diabaté a le mérite d'avoir fait découvrir un pan de l'histoire du roi le plus célèbre de Ségou. Ainsi que l'organisation sociale et politique qui existait en Afrique avant l'arrivée des colons.

Stéphanie Dongmo


Sidy Fassara Diabaté

«Ce n'est pas un film de trop»

Le réalisateur explique dans quelles conditions il a fait son film.


Pourquoi un film historique sur Ségou?

C'est un hasard. La civilisation de Ségou est belle et elle séduit. Je suis historien de formation et j'ai reconstitué cette histoire avec mon équipe. On m'a guidé pour faire les décors et les costumes, afin d'être le plus près possible de cette histoire-là.

N'est-ce pas un film de trop sur ce royaume bambara?

Il y a eu une série qui retrace l'histoire de Ségou et il y a ce film. Je crois qu'il y a de la place pour tout le monde et qu'un film ne saurait être de trop. Je crois aussi que c'est maintenant que nos enfants ont besoin de films historiques. J'ai voulu monter ce film qui parle de conquête sans le sang, car, trop de sang a déjà été versé. J'ai voulu aussi montrer qu'avant la colonisation, il y avait une organisation politique en Afrique. Je l'ai fait en bambara, parce que si un film est bien fait, la barrière de la langue va sauter. Il a été difficile de reconstituer les costumes et les décors, mais on y est arrivé.

Après ce film, à quoi doit-on s'attendre ?

Je travaille en ce moment sur un projet de documentaire sur le premier député du Soudan français intitulé « Mon tour de danse ». Ce député s'appelait Fily Dabo Sissoko.

Propos recueillis par S.D.

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