lundi 30 mai 2011

Spectacle : Caresses Fotso


En tournée, elle a revisité ses deux albums vendredi à Yaoundé.

Vendredi soir au Centre culturel français de Yaoundé, chacune des chansons de Kareyce Fotso a été un moment de communion, d’enseignement et d’euphorie, mais surtout d’émotion. Entre Kareyce Fotso et son public, le plaisir était partagé pendant deux heures. «Trop court», estime Irène, une spectatrice ravie. «J’ai rêvé de ce moment. C’est bien de jouer dans les pays des autres, mais quand je joue chez moi, il n’y a pas de mots pour exprimer ma joie. Je suis surtout heureuse de savoir que des gens se reconnaissent dans ma musique», a confié Kareyce Fotso, émue, à la fin du concert.

Sur scène, la chanteuse a proposé deux moments. Le premier : une femme, une guitare et une voix. Une certaine maturité qu’elle a voulu montrer au public à travers «Kwegne», son nouvel album. Qu’il s’agisse de «So’a», «Peu be», ou encore le très aimé «Pac-ler française», Kareyce a laissé les spectateurs faire les chœurs. Un exercice qui a plu. D’ailleurs, elle a dû chanter ce dernier titre à deux reprises. «Moi, je connais pac-ler française, je va partir chez moi chercher mon chéri coco, il va donner pour moi bisou comme ça là. Mouah». En ghomala (dialecte parlé à Bandjoun), avec un tissu de ndop bien noué autour de ses locks ou alors au son du nkulbéti, suivi de bikutsi (petit tam-tam), Kareyce passait aisément de la culture bamiléké à la culture béti.

Kareyce s’est séparée de ses fans en allant revisiter ses débuts, marqués par les années cabaret, qu’elle a compilé dans «Mulato», son premier album. C’était le deuxième moment de la soirée. De véritables caresses musicales vécues assis, debout ou assis à même le sol. Après Douala samedi, la tournée de Kareyce Fotso se poursuit à Dschang le 31 mai et à Bamenda le 1er juin.

Eitel Elessa Mbassi

Edmond Ndata : «La Socam est une mascarade»


Le président du syndicat des producteurs éditeurs de musique du Cameroun appelle les artistes à boycotter l'assemblée générale du 11 juin prochain en soutien à la Cmc.


Depuis l'annonce de l'assemblée générale élective de la Socam le 11

juin prochain, vous lancez sur internet des appels au boycott de cette

élection. Pourquoi ?

Oui en effet, tout simplement parce que la Socam na pas lieu d’être. C’est une mascarade de société. La Cour suprême a donné raison à la Cmc [Cameroon music corporation], ce qui veut dire que seule la Cmc est habilitée à gérer les droits d’auteur au Cameroun. Aussi, les instances internationales des droits d’auteur dans le monde ne reconnaissent que la Cmc. En plus simple, c’est comme ci la Fecafoot fonctionnait sans l’accord de la Fifa.

Quel moyen avez-vous aujourd'hui pour imposer la Cmc?

Vous savez, la justice a justement lu le droit et c’est à nous qui sommes des ayants-droit du droit d’auteur de le faire valoir et de nous l'imposer. Vous me demandez les moyens. Ecoutez, je suis un citoyen camerounais respectueux des institutions, je ne vais jamais lancer un appel pour marcher sur le palais d’Etoudi. Nous avons la chance d’avoir un président de la République qui est a l’écoute de son peuple. Je suis persuadé qu'il va nous sortir de cette impasse. C'est quand même incroyable qu’un ministre ne respecte pas une décision de la Cour suprême !

Vous appelez les artistes à se mobiliser pour défendre la Cmc, n'est-ce pas là un vœu pieu ?

Du tout. J’appelle tout d’abord les artistes a la réconciliation et j’appelle aussi à une véritable table ronde sur les droits d’auteur. Un consensus doit être trouvé à l’issue de cette table ronde. Et pour des raisons que je vous ai citées plus haut, cette rencontre doit se faire autour de la Cmc.

Aujourd'hui, beaucoup appellent à la paix dans l'art musical au Cameroun. N'avez-vous pas peur de ramer à contre-courant?

Pas du tout. J’ai été l’un des premiers à prôner l’union des artistes, producteurs et éditeurs car avec la division, on voit ce que le droit d’auteur est devenu depuis plus de 20 ans au Cameroun: un échec total!

La véritable relance de la musique camerounaise ne passe-t-elle pas au-delà des querelles de chapelle, finalement ?

En effet, il faut taire les querelles et donner à César ce qui appartient à César. Autrement dit, dans ce beau pays le Cameroun, on connait très bien ceux qui ont la notion et la maîtrise des droits d’auteur.

Vous vivez en France, et vous appelez les artistes à boycotter la Socam. N'est-ce pas un peu trop facile de rester tranquillement en France et d'envoyer les autres au combat ?

Vous savez, depuis le déclenchement du combat sur le droit d’auteur, Edmond Ndata a toujours été présent, que ce soit lors de la dissolution de la Socinada ou lors de la création de la Cmc. Je vais d’ailleurs vous dire que j’ai été un acteur principal de la création de la Cmc. Depuis 1981, je vis en France, même dans la période rose de mes éditions et de mes productions. Contrairement a ce que certains pensent, résider en France ne veut pas dire ne pas être présent dans son pays. Je suis d’ailleurs persuadé que beaucoup de vos lecteurs seront surpris d’appendre que je vit en France. Je ne vois pas la raison de ma présence a Yaoundé à cette période, je ne veux pas participer à des manipulations et tripatouillages. Je vous assure et vous pouvez vérifier : Edmond Ndata n’a jamais mis les pieds dans cette société fantoche. Lle jour de ce coup d’état sur les droits d’auteur, j’ai juste appelé la Pca de cette société pour lui rappeler le contentieux qui nous oppose et jusqu’à présent d’ailleurs, je n’ai pas eu de réponse de sa part. Mais vous savez ,un proverbe dit : «La patience à ses limites ».

Propos recueillis par Stéphanie Dongmo

Patience Dabany : Elle est venue, elle a conquis



La diva gabonaise Patience Dabany a émerveillé le public au cours d'un spectacle couru vendredi soir au palais des sports de Yaoundé.

Elle le promettait déjà à sa descente d'avion vendredi matin à l'aéroport international de Nsimalen: «Ce sera youcoucou ce soir!» Patience Dabany est venue et elle a conquis un public déjà tout acquis à sa cause. 5400 personnes ont assisté à son concert le 27 mai au palais des sports de Yaoundé, d'après les organisateurs du Jambo grooving tour dont elle est la marraine. C'est à 21h45 que Landry Lemogo, alias Tchop Tchop, le promoteur du concept de divertissement, annonce le début du spectacle. Il a les traits tirés mais le sourire large. Le coup d'envoi est donné par Annie Anzouer. Auteure d'une reprise de «Chéri, ton disque est rayé», elle réalise ainsi un vieux rêve: celui de partager une scène avec Patience Dabany, même si c'est en play back. Suivra ensuite Arielle T., superbement moulée dans une robe rouge scintillante. La chanteuse gabonaise de «La go d'à côté» a commencé sa carrière dans les cabarets avant d'être prise l'aile de Dabany.

Place à La Mama

A 22h30, place à la star de la soirée. D'abord, les cinq choristes et les sept musiciens qui forment l'orchestre Pada (Patience Dabany) system international prennent possession du podium. Puis, la chanteuse, escortée par son producteur, Edgar Yonkeu, fait son entrée, sous les ovations du public. Elle est simplement habillée et porte une coiffure «passe-mèches». La communauté gabonaise est présente et le fait savoir en brandissant des drapeaux bleu, jaune et vert. Des pancartes proclament: «Maman, on t'aime!». Pendant près de 2 heures, celle que ses fans ont surnommée La Mama va chanter et danser. Plusieurs fois, elle va faire le tour de la salle pour communier avec son public, faisant courir dans tous les sens les agents de la Direction de la sécurité présidentielle commis pour la protéger. Elle ira même jusqu'à la tribune d'honneur où sont assis la ministre de la Culture, Ama Tutu Muna, le secrétaire général du Mincult, Manaouda Malachie, et l'ambassadeur du Gabon, Pierre Maboundou.

Le clou de la soirée a été l'interprétation de «L'amour d'une mère». «C'est la fête des mères. Je fais cette chanson pour vous montrer mon amour, mes enfants», dit Dabany au public. Pendant qu'elle chante, un jeune homme bondit sur la scène et se jette à ses pieds. Il est rattrapé par les agents de sécurité qui le rouent de coups. «Laissez-le», demande-t-elle. Les «bissé, bissé» déchaînés du public l'obligent à reprendre la chanson. Et cette fois-là, elle est accompagnée sur scène par des enfants. Après le jazzé, la danse qu'elle a créée, la diva feint de partir. «C'est fini», lance-t-elle. «Non, crie le public. «Il reste quoi?», demande-t-elle. «On vous connaît», crie encore le public. Alors que l'orchestre entame les premières notes de la chanson, elle explique: «Quand tu fais de mauvaises choses, c'est que tu es né avant la honte, c'est que tu es sorcier, si bien que tu peux tuer quelqu'un et aller le pleurer après». En bonus, le public a eu droit au titre très enlevé, «Ewawa».

Le secret de Dabany

«Une fois de plus, Patience Dabany a confirmé», soutient Hervé Ela, un fan, à la fin du spectacle. «Je suis venue du Gabon spécialement pour ce concert, je n'aurais voulu le rater pour rien au monde», affirme Estelle Kwigoua qui vit à Libreville. Patience Dabany aura interprété, au total, une dizaine de morceaux. Malgré son âge (67 ans) et une journée chargée (avec un point de presse et des entretiens avec, entre autres, le directeur-adjoint du Cabinet civil de la présidence de la République), elle a gardé une forme remarquable. Son secret? «Je ne mange pas de viande, je ne bois pas et je ne fume pas. Je mange beaucoup de légumes et du poisson; je ne bois que de l'eau et je fais de la gymnastique», révèle-t-elle. Dabany a donné un autre spectacle samedi au Saint John's Plazza à Douala. Elle est retournée à Libreville hier à bord de son jet privé.

Stéphanie Dongmo


Patience Dabany en bref

De son vrai nom Marie Joséphine Kama, Patience Dabany naît le 22 janvier 1944 à Brazzaville au Congo, d'un père accordéoniste. A l'âge de 15 ans, elle épouse Albert-Bernard Bongo qui devient président du Gabon en 1967. Avec lui, elle a trois enfants : Ali Bongo, l'actuel chef de l'Etat gabonais, Pascaline Bongo et Albertine Lamissia Bongo (décédée en 1993). En 1986, Patience Dabany divorce et s'installe aux États-Unis où elle entame une carrière musicale. Depuis 1997, elle est retournée au Gabon. Elle compte à ce jour une dizaine d'albums à succès.


dimanche 29 mai 2011

Les artistes déjouent la piraterie


Musiciens et cinéastes descendent dans la rue pour vendre leurs Cds et Dvds originaux à des prix promotionnels.

Ils ont choisi la station Tradex au quartier Bastos à Yaoundé comme point de vente. Habillés de T-shirts à l'effigie d'Auguste, de Roger et de Haïs, les trois membres de X-Maleya, de jeunes gens proposent le cd original de «Tous ensemble», le nouvel album du groupe de musique, au prix de 1000Fcfa. «Les pirates ne dorment pas, nous devons trouver des stratégies pour les contourner. Aussi avons-nous mis sur pied cette campagne, du 9 au 29 mai», explique Jules Martial Gatchuessi, le représentant du producteur du groupe, Empire company, basé en France. «A ce prix là, il faut vraiment être de mauvaise foi pour acheter un Cd piraté», martèle-t-il. Ils sont de plus en plus nombreux, les musiciens et cinéastes, qui choisissent de descendre dans la rue pour vendre leur produit.

Après la fermeture de la dernière salle de cinéma en janvier 2009, la réalisatrice Joséphine Ndagnou, alors très remontée, cherche un moyen de faire face au ras-de-marée des pirates afin de rentrer dans les frais engagés pour la production de «Paris à tout prix». Elle met alors son film sur support Dvd et recrute des jeunes pour les commercialiser dans la rue à Yaoundé et à Douala, au prix de 2500Fcfa. Le chanteur de bikutsi, Bisso Solo, lui, a choisi de faire plus simple. Après la sortie de son album «Yi décembre» en 2010, il a conclu un marché avec des vendeurs de Cds piratés : il met à leur disposition son album original à bas prix, et ceux-ci se chargent de les vendre. Mais cette stratégie ne porte pas toujours de fruits. «Le problème que l'on a avec les vendeurs de Cds piratés c'est qu'ils font la surenchère, et on ne peut pas les contraindre à vendre au prix promotionnel convenu», regrette Jules Gatchuessi. D'autres artistes ont choisi de ne se fier qu'à eux-mêmes. Ils descendent dans la rue pour vendre leurs produits en misant sur leur notoriété. C'est le cas de la troupe Les Déballeurs. Ses membres, dont Ebenezer Kepombia (Mintoumba) et Sylvie Sintcheu (Tonga), parcourent régulièrement les artères des grandes villes du pays et proposent leurs téléfilms au prix de 500Fcfa.

Records de ventes

Et ça marche, à en croire les acteurs de ce marché. Le réalisateur Narcisse Mbarga affirme avoir vendu, en un an, 30 000 copies de son film «Les larmes du regret» qu'il a lui-même produit, à raison de 1000Fcfa le Dvd. «Aujourd'hui, je suis à plus de 150 000 copies de films vendus», résume-t-il. Si au départ, son objectif était de lutter contre la piraterie, Narcisse Mbarga a fini par faire de cette activité un véritable business. Après 17 jours de campagne, les X-Maleya affichent, eux aussi, un bilan positif. «C'est le Cd qu'on a le plus vendu, environ 8 000 copies à Yaoundé et pendant un week-end à Douala», se réjouit Roger Samnig, le leader du groupe. Et il ajoute : «il y a un véritable problème de diffusion des Cds originaux. Nous avons voulu les mettre à proximité du public, car tout le monde ne va pas dans les supermarchés et dans les discothèques où on les vend habituellement. C'est une nouvelle façon de faire qui porte des fruits».

Stéphanie Dongmo


Les autres formules

Partant de l'idée selon laquelle la piraterie naît de l'absence d'un réseau formel de distribution du disque et du prix élevé des produits originaux, des artistes multiplient des formules pour mettre les œuvres originales à la portée du public. Culture Mboa, créé par un collectif d'artistes, installe des points de vente dans des espaces culturels, les supermarchés, les hôtels... Il y vend le disque original à bas prix, par rapport aux discothèques. Par ailleurs, Ekambi Brillant vient d'ouvrir une boutique de vente de produits de musique originaux à Yaoundé. «Chaque Cd d'origine acheté est un signe de respect pour le mélomane, pour le fan et pour l'artiste producteur de l'œuvre », soutient-il.

vendredi 27 mai 2011

Patience Dabany est à Yaoundé


La diva gabonaise de la chanson, 67 ans, est arrivée ce matin à Nsimalen par vol spécial. Elle a été reçue au bas de la passerelle par Pierre Maboundou, l'ambassadeur du Gabon au Cameroun et Landry Lemogo, alias Tchop Tcho, le promoteur du Jambo grooving tour dont elle est la marraine. Après un point de presse de cinq minutes avec les journalistes du Jour, de la Crtv et de Canal2, Patience Dabany a eu un entretien avec le ministre de la Culture, Ama Tutu Muna.

Accompagnée de Annie Anzouer et de la chanteuse gabonaise Arielle T., Patience Dabany donne un concert ce soir au palais des sports de Yaoundé.


Légende photo : 27 mai 2011 à Yaoundé. Patience Dabany avec Ama Tutu Muna. En arrière plan, Pierre Maboundou.

mardi 24 mai 2011

Nana Ardo : L'humoriste justicier


L'artiste de 26 ans a récemment donné deux spectacles à Yaoundé pour dénoncer la corruption de la justice camerounaise.


Difficile de croire que ce jeune homme à la poigne molle, à la voix douce et au regard fuyant puisse se tenir devant un public et le faire mourir de rire. Et pourtant, c'est le cas. Les parents peulhs de Nana Ardo, né en 1985 à Awa, à environ de 60km de Ngaoundéré, lui ont inculqué la réserve comme étant une valeur et un mode de vie. Rester à sa place, ne pas parler pour ne rien dire, ne pas dévoiler ses émotions. Et aujourd'hui encore, « ma mère trouve que faire des grimaces sur scène n'est pas digne », raconte-t-il. Pour se dépouiller de sa timidité, le temps d'un spectacle, Nana Isamaïla, de son vrai nom, a trouvé la solution : le yoga, qu'il pratique avant chaque prestation.

« Le justicier », c'est le titre de son dernier sketch. Il l'a présenté à Yaoundé, le 5 mai à l'espace Othni à Titi Garage, et le 15 mai au Centre culturel Hell à Essos. Le spectacle a été si acclamé que l'Othni a décidé de le reprogrammer au mois de juin. Sa création, Nana Ardo la définit comme un mélange de théâtre, de conte et d'humour. Parce que « c'est le style qui fait l'art », il entend ainsi se démarquer du stand up porté par Valery Ndongo et Major Asse, mais surtout de « l'imitation et de la bouffonnerie » qu'il déplore chez la majorité de ceux qui prétendent faire de l'humour au Cameroun.

Éveilleur de consciences

Nana Ardo trouve son inspiration partout : « Un jour, je suis allé au tribunal pour assister à un procès. Toutes les parties étaient présentes pour le délibéré, mais le procès a été renvoyé. J'ai entendu les gens dire que c'est parce que les juges n'ont pas reçu de l'argent ». La corruption dans la justice camerounaise, il en a fait le thème d'un sketch. « Le justicier est le spectacle le plus burlesque que j'ai créé », dit-il, avec fierté. Il y joue un président de tribunal qui voit passer des cas de viol, d'escroquerie et de trafic de toutes sortes, et qui se sert à chaque fois. Une pilule rendue moins amère par la satire du texte et la légèreté du jeu d'acteur.

Nana Ardo compte deux autres créations : « Nous sommes tous intelligents » en 2007 et « Le 15è viol » en 2008. Des textes qui brillent par leur engagement. Son humour, il le considère d'ailleurs comme une arme avec laquelle il tire sur les maux sociaux. « Je suis un éveilleur de consciences. Mais je me contente de pointer du doigt un problème qui existe, car, je n'ai pas le pouvoir politique de changer les choses », déplore-t-il.

Conseiller de jeunesse et d'animation en service depuis quelques mois à la délégation régionale de la Jeunesse pour le Centre, Nana Ardo a remporté en 2010 le prix Jean Michel Kankan, du nom de son modèle, au festival Yaoundé fou rire.

Stéphanie Dongmo

Cinéma : Cannes, c'est fini

Dimanche, 22 mai au soir, la Palme d'or du 64e Festival de Cannes a été décernée au film «The Tree of Life» de l'Américain Terrence Malick, avec Brad Pitt, Sean Penn et Jessica Chastain dans les rôles principaux. «C'est le film qui avait la grandeur, l'ampleur, les intentions et l'impact qui semblent convenir à ce que l'on peut attendre d'une Palme d'or», a expliqué Robert De Niro, le président du jury.

Le cinéma africain était le grand absent de ce festival. Un seul film du continent noir a été sélectionné dans la section «Un certain regard» : «Skoonheid» du Sud-africain Olivier Hermanus. Le Tchadien Mahamat Saleh-Haroun était membre du jury. Le Cameroun était présent à cette édition dédiée à l'Egypte. Le ministre de la Culture, Ama Tutu Muna, y a conduit une délégation de cinéastes pour une campagne baptisée «Venez tourner vos films au Cameroun». Producteur basé à Paris et membre de la délégation, Jean Roke Patoudem explique que ce projet « rentre dans le cadre du démarrage d'un vaste programme de refonte et de relance du cinéma camerounais, dirigé en priorité vers les cinéastes».

Littérature : Les éditeurs lancent un prix


L'Association des éditeurs de livres du Cameroun veut récompenser les ouvrages et les manuscrits. Les textes sont réceptionnés jusqu'au 31 juillet.


La présidente de l'Association nationale des éditeurs de livres du Cameroun (Anelcam), Simone Ezoa, a donné une conférence de presse jeudi dernier à Yaoundé, pour présenter le prix et le concours littéraires que cette association a lancé le 18 mai. Cinq catégories sont ouverts : le théâtre, le roman, la poésie, la nouvelle et la littérature pour enfant. Les textes seront réceptionnés jusqu'au 31 juillet prochain, et les résultats devront être officiellement publiés en novembre 2011. Cependant, l'Anelcam n'a pas communiqué sur les primes à gagner.

D'après le règlement, seuls les éditeurs sont habilités à présenter des candidatures pour les prix littéraires, avec des textes publiés en français ou en anglais entre le 31 décembre 2009 et le 31 mai 2011. Pour l'Anelcam, il s'agit d'inciter le public à consommer les livres camerounais et de focaliser l'attention sur le livre et ses acteurs.

Le concours est ouvert aux jeunes talents nationaux ou internationaux. Le concours prime les manuscrits écrits en français ou en anglais et n'ayant jamais fait l'objet d'un contrat d'édition. L'objectif ici est de stimuler la création et de permettre l'émergence de jeunes talents. Les candidats à ce concours peuvent déposer leurs textes auprès des éditeurs membres de l'Anelcam, dans les centres culturels français et les alliances franco-camerounaises.

L'Association nationale des éditeurs de livres du Cameroun est née en février 2010 de la fusion de l'Association des éditeurs du Cameroun et du Réseau des éditeurs camerounais. A ce jour, l'Anelcam compte 29 maisons d'édition affiliées, dont Afrédit, Le Schabel, Ifrikiya, Ceper, Tropiques, Sopecam, Clé, L'Harmattan... L'un de ses principaux objectifs est de mener le plaidoyer pour que la part des éditeurs locaux augmente dans les programmes scolaires.

Stéphanie Dongmo

Patrimoine : Une journée pour les musées


La journée mondiale des musées s'est célébrée au Cameroun le 19 mai, avec un jour de retard. Le comité national du Conseil international des musées (Icom) a donné un point de presse à ce propos jeudi dernier à Yaoundé, en l'absence de son président, Joseph-Marie Essomba. Dufflot Tatuebu, muséologue et membre de l'Icom, a expliqué le thème de cette année, «Musées et mémoire». Pour lui, «le musée est un lieu où on conserve les traces de notre mémoire par des objets exceptionnels, témoins de notre culture. Aussi, nécessitent-ils d'être conservés avec soin». Mais au Cameroun, ajoute-t-il, les musées sont encore à leurs balbutiements.
Impossible d'avoir des statistiques sur les musées existants, en l'absence d'une étude. Christian Nana, le chargé de la communication de l'Icom national, déplore le «manque de volonté politique pour valoriser nos musées». Dufflot Tatuebu ajoute à ce grief le trafic des objets d'art, favorisé par l'absence d'un inventaire des objets authentiques. Depuis 2010 que le musée national a été fermé pour cause de réfection, seuls les musées communautaires et privés fonctionnent.

lundi 23 mai 2011

Musique : Longue Longue de retour au Cameroun


L'artiste donne un concert jeudi prochain à la discothèque George V à Douala.


Longue Longue est arrivé à Douala samedi dernier. Invité par la discothèque Georges V, le chanteur a été accueilli par de nombreux fans à l’aéroport international de Douala, avant de se payer un tour de ville dans les artères de la capitale économique. L’artiste offrira un spectacle le 26 mai 2011 à 21 heures au Georges V. Une occasion pour renouer avec le public sevré de Longue Longue depuis bien longtemps. Libéré sous caution après avoir été condamné à dix ans de prison ferme pour une affaire de mœurs en septembre 2010, les ennuis judiciaires du chanteur avaient défrayé la chronique et suscité un vaste mouvement de sympathie de ses fans.

Les ennuis judiciaires de Longue Longue commencent le 19 novembre 2005, lorsque le « libérateur libéré » est interpellé à Nantes en France et inculpé pour le viol de la nièce de sa compagne âgée de 17 ans. Des faits dont il se serait vanté auprès de sa femme, alors que le couple était en séparation. Deux jours plus tard, Longue Longue est incarcéré à la maison d'arrêt de Gradignan, près de Bordeaux. Libéré le 22 février 2006 après le paiement d'une caution de 5,2 millions Fcfa, il est placé sous contrôle judiciaire avec l'interdiction de sortir de la France. Une interdiction qui sera levée le 19 août 2008 par la cour d'appel. L'affaire rebondit en septembre 2010, lorsque le chanteur de makossa est condamné à 10 ans de réclusion criminelle par la cour d'assise de la Gironde. Le 5 janvier, Longue Longue obtient la liberté provisoire contre le paiement d'une caution avec l'aide de Samuel Eto'o et l'interdiction de se rendre en Gironde où réside sa victime. Longue Longue a toujours clamé son innocence.

Né à Douala en 1973, Longue Longue compte quatre albums à son actif : « Ayo Africa » en 2001, « Privatisation » en 2003, « Examen de conscience » en 2006 et « A bas Judas » en 2009. Simon Longkana, de son vrai nom, annonce un cinquième album en préparation. Baptisé « Child of God », c'est un album autobiographique où il est question de justice populaire. « Je ne parle pas seulement de ceux-là qu'on brûle dans la rue. Aujourd'hui, il y a la justice populaire sur internet, dans les journaux, dans la politique... Je parle de cette mauvaise foi, de ce mauvais vent qui envahit le monde », déclarait-il en mars dernier dans une interview accordée à journalducameroun.com.

jeudi 19 mai 2011

Festival. Les dessous du voyage à Cannes



Une délégation du ministère de la Culture est à Cannes, pour inviter des producteurs à venir tourner au Cameroun. L'organisation de ce voyage est émaillée de couacs.


« Shoot your films in Cameroon », c'est le slogan qu'a adopté le ministère de la Culture (Mincult) pour sa participation à la 64ème édition du festival de Cannes, du 11 au 22 mai. Lundi, 16 mai, la ministre de la Culture, Ama Tutu Muna, a donné un cocktail au pavillon du journal Hollywood reporter, sur la Croisette, à Cannes. Le Cameroun n'ayant pas de production cinématographique à y faire valoir, il était question, d'après le secrétaire général du Mincult, Manaouda Malachie, de « vendre la destination Cameroun comme étant un plateau de tournage de films ». Que des cinéastes étrangers viennent tourner au Cameroun aura des retombées pour tout le pays, poursuit-il. Il permettra « aux jeunes d'avoir de l'emploi, d'apprendre les métiers du cinéma et aux hôtels d'être occupés ».

A cet effet, un film présentant des sites touristiques camerounais a été projeté devant le parterre d'invités. Il a été réalisé par Bassek Ba Kobhio, pour un coût de 10 millions de Fcfa. Il est aussi question à Cannes de communiquer sur la relance du cinéma camerounais, en termes de production et de salles de cinéma. Cette question avait déjà été amorcée en mars dernier à Ouagadougou, en marge du Fespaco, avec la création d'un Comité pour la relance du cinéma camerounais, présidé par le producteur Gérard Désiré Nguélé. Un groupe de travail qui, depuis sa création, ne s'est jamais réuni.

La délégation

Une délégation de neuf personnes accompagne Ama Tutu Muna à Cannes, parmi lesquelles quatre officiels et sept cinéastes. Au rang des officiels, on compte Blaise Jacques Nkene, le directeur des Arts, des Spectacles et des Entreprises culturelles qui était déjà au Fespaco 2011 et l'officier de police Bruno Bouba Sadou, garde du corps du Mincult qui lui, a participé au Festival mondial des arts nègres en fin 2010. Sur la liste des cinéastes, il y a les journalistes Sally Messio, qui était, elle aussi, au dernier Fespaco comme consultante, et Blaise Testelin Nana. Mais il y a aussi Bassek Ba Kobhio, Bernard Kwemo, auteur d'un court-métrage et Jean Roke Patoudem, exportateur et distributeur de films. Aucun agent de la direction du Cinéma du Mincult n'est du voyage. Pressenti pour y aller, Wang Johnson Sone, le directeur du Cinéma, a été écarté après sa suspension en avril dernier. Une curiosité : la liste de la délégation officielle a été proposée au Mincult par le directeur des Arts, avec 13 noms.

Trois cinéastes qui figurent sur cette liste n'ont pas, jusqu'ici, rejoint Cannes. Jean-Pierre Bekolo qui vit à Paris aurait affirmé avoir été contacté seulement la semaine dernière par un membre de la délégation officielle, alors que son nom figure sur la liste depuis plus longtemps. Il a d'ailleurs décliné l'offre. Rémi Atangana, le promoteur des Rencontres audiovisuelles de Douala, et Gérard Désiré Nguélé, n'ont pas pu monter leurs dossiers de demande de visa à temps. Informés du voyage le 5 mai, à six jours du début du festival, ils devaient s'occuper eux-mêmes de leur réservation de vol. De plus, le Mincult ne leur a pas fourni à temps leurs réservations d'hébergement.

Le projet de la participation camerounaise à ce festival de cinéma remonte au mois de février dernier, lorsqu'un Camerounais vivant en France saisit la présidence de la République pour lui proposer que le Cameroun soit présent à Cannes. Avec le Ok du chef de l'Etat, le dossier est coté au Mincult qui saisit là une occasion de relancer les accords de co-production entre la France et le Cameroun et entreprend des démarches administratives. Dans la précipitation, cependant. Le voyage à Cannes est financé par le Mincult.

Stéphanie Dongmo


La délégation du Mincult à Cannes

Les officiels

1- Ama Tutu Muna, Mincult, chef de la délégation;

2- Nkene Blaise Jacques, directeur des Arts ;

3- Eloundou Atangana Joseph, conseiller culturel, Drc/Mincult ;

4- Bouba Sadou Bruno, cabinet/Mincult


Les cinéastes

5- Bassek Ba Kobhio,

6- Sally Messio,

8- Bernard Kwemo,

9- Jean Roke Patoudem,

10- Blaise Testelin Nana

11- Ayisi Florence

Polar : Sueurs froides à Abomé


Dans un récit digne de Gérard de Villiers, Guy Josué Foumane raconte les aventures de deux enquêteurs d'une agence africaine d'investigation dans ce hameau de l'Est Cameroun. Suspense, violence et horreur au rendez-vous.


Le réalisateur et scénariste Guy Josué Foumane vient de publier «Les disparus d'Abomé» aux éditions françaises Dagan. C'est le premier tome d'une série de police scientifique baptisée A.I.A. (African investigation agency), sur le modèle S.A.S. (Son altesse sérénissime) de Gérard de Villiers. L'intrigue met en scène deux enquêteurs de cette agence panafricaine d'investigation. Les personnages, le Sud-africain Jonas Arendse Mandela et la Rwandaise Zawady, sont les meilleurs agents du desk A.I.A à Yaoundé. Jonas a le courage d'un Malko Linge, et Zawady l'intelligence d'une Miss Marple. Ce qui leur vaut d'être mis sur des enquêtes casse-cou. Celle baptisée des «disparus d'Abomé» ressemble à un commando-suicide. Les deux agents manquent plusieurs fois de rester sur le carreau, mais à chaque fois, s'en tirent entiers.

L'affaire commence par un meurtre étrange. Tabuwé Ateh Ndi est un jeune feyman. Un jour, alors qu'il boit un verre avec une femme qu'il vient de rencontrer, il est subitement pris de soubresauts, tombe et meurt. Immédiatement, des flots de sang s'échappent de tous les orifices de son corps. D'énormes parcelles de sa peau craquent. Sa chair entre instantanément en décomposition, la totalité de son corps fond et devient un magma purulent et nauséabond. Malgré leurs appareils de pointe, les agents de la section scientifique de l'A.I.A n'arrivent pas à identifier le poison qui a tué le jeune homme. Éberlués, ils découvrent des particules de plusieurs Adn différents dans les restes de Tabuwé.

Poison surpuissant

Foumane donne ainsi le ton à ce qui va se révéler être la chasse à un poison surpuissant. Jonas et Zawady vont remonter la filière, des deux feymen manchots qui ont fait empoissonner celui qui les a trahis à Dubaï, jusqu'au fabriquant du poisson, un ténébreux guérisseur tapi dans l'épaisse forêt de l'Est. En démantelant sa fabrique de poison, les agents résolvent aussi le mystère des disparitions enregistrés aux environs du petit village d'Abomé. Car, le guérisseur s'est spécialisé dans l'enlèvement des personnes et des cadavres récemment enterrés. Et c'est à partir des fluides provenant des corps humains en décomposition qu'il fabrique son terrible poison, que lui commande un forestier zimbabwéen.

L'auteur à l'imagination débordante a utilisé un langage simple pour décrire des scènes apocalyptiques. Avec une précision chirurgicale, il trace les contours de la cruauté humaine, dans un savant dosage des ingrédients qui font de ce roman un livre exquis: beaucoup de suspense pour maintenir le lecteur en haleine, une pincée d'étrangeté pour le dérouter, de la violence à volonté pour le captiver, une touche de sexe pour aiguiser son appétit et de l'horreur à vomir ses tripes. « Les disparus d'Abomé » est un roman novateur, audacieux et futuriste. Le livre n'est pas encore commercialisé dans les librairies au Cameroun, mais il est disponible dans les centres culturels français de Yaoundé et de Douala.

Stéphanie Dongmo


Guy Josué Foumane

Les disparus d'Abomé (polar)

Editions Dagan, série A.I.A.

Paris, décembre 2010, 247 pages

Guy Josué Foumane : « Écrire des enquêtes 100% africaines »


L'auteur du roman de police scientifique «Les disparus d'Abomé» explique l'idée de la collection de polar qu'il lance.


Comment en arrive-t-on à écrire un polar scientifique d’une telle force ?

Je crois qu’une très forte passion pour ce genre littéraire est primordiale. Il y a aussi le flair, le génie de l’écrivain, une certaine aptitude naturelle à observer, mémoriser et surtout à savoir restituer les aspérités, ambigüités et complexités de nos cultures africaines, réputées pour leur loufoquerie, leur côté fantasque, quasi-irrationnel. L’Afrique est en effet le terrain par excellence de tous les extrêmes, des croyances les plus folles, des faits divers aussi sordides que sanglants. Ce j’ai cherché à proposer avec ce roman, c’est un savant «télescopage» entre des techniques d’investigations très avant-gardistes, et l’inadéquation entre celles-ci et nos sociétés, où les replis identitaires, religieux et culturels restent très fortement marqués. Comme vous le voyez dans le livre, on en arrive à un contexte très captivant qui, j’y compte bien, œuvrera à l’émergence d’un vrai «suspense africain».

«Les disparus d’Abomé » inaugure-t-il une série ?

Absolument! Vous savez que la production audiovisuelle coûte cher. Et plus encore un genre novateur comme celui-ci, où il est question d’enquêtes scientifiques 100% africaines, de trafics en tout genre, de meurtres, de tirs à l’arme à feu, de cascades diverses. Il était question à l’origine de lancer une série télé, projet d’ailleurs toujours en cours de développement. Mais il m’est apparu primordial de préparer les consciences à l’avènement de cette série, en recadrant le concept dans une collection de romans à paraître. La collection de romans d’action et de suspense «AIA» relate les enquêtes de ces agents, tous Africains, expérimentés, consciencieux, déterminés, bien équipés, courageux et intrépides, qui ne connaissent point de frontières et traitent au même pied d’égalité les victimes de toutes classes sociales. Le principe de la collection est de changer de pays africain à chaque tome en privilégiant un fait divers sordide et une ligne narrative qui, bien qu’en adéquation avec une certaine homogénéité de la collection, collera aux réalités, la psychologie et les us et coutumes du milieu, qu’elle se plaira à explorer. Ainsi, pour les 54 pays africains, il est prévu la publication de 54 romans, avant que le cycle ne recommence à zéro.

Vous êtes scénariste-dialoguiste et réalisateur. Pourquoi avoir choisi de raconter l’histoire des agents de l’AIA à travers un polar, scientifique de surcroît ?

Le fait est que quand vous écrivez, vous n’avez pas de limites, vous pouvez tout vous permettre, c’est presque jouissif, si j’ose dire. Ce qui est difficile ou impossible à tourner en cinéma ou en télévision, vous pouvez l’écrire, le détailler au maximum, lui donner la substance que vous voulez. C’est tout simplement génial. Pourquoi un polar scientifique? D’abord parce que le genre a le vent en poupe en ce moment dans toutes les régions du monde, et qu’il était hors de question que nous autres soyons en reste. Ensuite, parce que l’Africain en général, raffole jusqu’à l’obsession de romans d’espionnage et de polars à sensation qui très souvent déboulent de l’Occident, s’identifiant ainsi à des héros et personnages qui n’ont, pour la plupart, strictement rien à voir avec ses réalités à lui, ses réflexes, subtilités, conceptions de la vie et visions du monde. Ainsi, face à la rareté dans nos kiosques et rayons de librairies de littératures équivalentes «100% made in Africa», j’ai pensé qu’un polar scientifique bien de chez nous, même s’il parait pour l’instant en un peu avance sur notre temps, peut trouver son public, pour peu qu’il jouisse d’histoires et de contextes crédibles. Bref, il était plus que jamais temps qu’un africain s’empare de ce marché.

Quel a été l’accueil du public – camerounais surtout – à la sortie de ce roman ?

En France et en Suisse où le livre est déjà sorti, nous vivons un véritable «Tsunami» d’accueils favorables! L’AIA fait jusqu’ici une totale unanimité, pour preuve, tous les premiers stocks ont été vendus et mon éditeur est tout le temps en retirage. J’ai été convié à de prestigieuses séances de dédicaces à la librairie du Musée Quai Branly à Paris, au Salon du Livre de Paris porte de Versailles, le plus important du monde, et très récemment, au salon international du livre de Genève. À toutes ces étapes, tous les exemplaires ont été emportés, majoritairement par les diasporas africaines, dont de très nombreux camerounais.

J’ai eu la surprise de recevoir la visite de quelques uns de nos diplomates, désireux de se faire dédicacer un exemplaire. Dans l’intervalle, je dédicace abondamment en libraire, vu que rien qu’à Paris, 17 librairies vendent le roman, qui est également disponible dans toutes les FNAC d’Europe et à la vente en ligne sur les sites très populaires comme Amazon.fr. Je suis aussi régulièrement invité à Paris et Genève à des conférences sur le polar, pour partager ma vision africaine du genre.

Outre l’Afrique, nous ciblions au départ les groupes d’immigrés africains, et quelle n’a pas été notre surprise de voir un public occidental se jeter sur le livre, par désir de découverte sans doute, ou pour se changer un peu des réalités de chez eux ! Le roman n’est pour l’instant pas disponible au Cameroun, mais l’éditeur prépare une large distribution africaine. Toutefois, il peut être trouvé en libre lecture aux librairies des centres culturels français de Yaoundé et Douala, qui ont récemment achetés quelques stocks à Paris.

Propos recueillis par S.D.


Patricia Bissa Enama:«Les écrivains snobent le policier»


Enseignante de littérature spécialisée dans le polar, elle explique pourquoi le genre reste peu développé au Cameroun.


C'est quoi le roman policier?

La définition du genre policier laisse entendre cette forme littéraire comme étant le récit du meurtre et de la terreur, l’écriture du mystère et de l’énigme. Il met en scène la mort à travers des types que sont le criminel, la victime et le détective (ou l’enquêteur). Ces trois personnages fondamentaux vont donc occuper, dans un dosage alterné et très varié, la scénographie du texte, selon le choix de l’auteur et au regard du point de vue que l’intrigue veut faire valoir. Notons que lorsque le roman policier explose au milieu du XIXe siècle en Occident, bien des formes de cette littérature en avaient déjà, longtemps auparavant, préparé l’éclosion. A titre de rappel, le premier criminel de l’humanité est Caïn.

Existe-t-il un genre policier dans la littérature camerounaise ?

Le roman policier est un roman de la gestion de la ville, en particulier de l’existence des grandes agglomérations qui amènent le brassage des populations d’origines diverses, des mentalités, des niveaux d’éducation et de morale souvent radicalement variés. Ce type de romans parle de l’insécurité, de la violence et de la banalisation de la vie. Aussi, je suis certaine que l’évolution économique et démographique de nos villes africaines qui va, sans doute et malheureusement, apporter ces tares, fera éclore davantage le genre. J’en veux pour preuve les deux derniers romans de Mongo Beti, «Trop de soleil tue l’amour» (Julliard, 2000) et «Branle-bas en noir et blanc» (Julliard, 2002). Ils proposent des fresques hallucinantes faites de mystères, de morts suspectes, d’enlèvements et d’abus de toutes sortes qui prévalent dans nos villes africaines.

Qu'est-ce qui explique le manque d'engouement des écrivains camerounais pour le polar ?

On ne saurait, sans abus, parler d’un manque d’engouement. Il existe de plus en plus d’auteurs camerounais et africains qui s’intéressent au roman policier. De plus en plus aussi, ce genre passe de la périphérie pour entrer dans la sphère des genres majeurs que l’on étudie dans les milieux scolaires et universitaires. Ce qui est étonnant est que beaucoup d’auteurs, et même de lecteurs, affichent un certain mépris ou snobisme face à ce type de romans, alors que, dans le fond, ils aiment bien les intrigues telles qu’illustrées dans cet art. La preuve en est la passion que nous éprouvons pour le roman policier lorsqu’il est mis en scène par le 7è art. C’est une tricherie qui ne dit pas son nom. Les auteurs exploitent, sans le dire ouvertement, les ficelles du récit policier, afin d’accroître le suspens et le plaisir de lire, et les lecteurs aiment à être embarqués dans une histoire captivante, prenante dans le même ton. C’est un genre marginalisé que l’on aime en cachette, de peur d’être traité de vulgaire ou d’adepte de mauvais romans...

Propos recueillis par Stéphanie Dongmo


mardi 17 mai 2011

Photographie:La saga des Africains en Chin


L'agence de presse Chine nouvelle présente 45 scènes de vie joyeuse à travers une exposition aseptisée, jusqu'au 8 juin au bois Ste Anastasie à Yaoundé.

Les Africains vivent très heureux en Chine. Du moins, ceux que nous présente l'agence de presse Chine nouvelle (Xinhua), à travers une exposition de photographies en tableaux lumineux accrochés sur les grilles du bois Ste Anastasie à Yaoundé, depuis le 8 avril. Ces Africains-là sont gais, beaux et respirent la santé. Ici, un groupe d'Éthiopiens préparent un gâteau de riz farci à Chongquin, au cours de la fête des dragons, sous les regards amusés de Chinois. Là, quatre danseurs du Ballet national du Cameroun se produisent au palais des congrès de Beijing. Plus loin, Raphaël Mvogo, journaliste à Xinhua au Cameroun, est en visite à Beijing, à l'occasion du 3ème festival de la jeunesse sino-africaine, le 22 août 2009.

Sur les 45 photographies datées des cinq dernières années et signées Xinhua, la part belle a été faite au Cameroun. Liu Fang, la représentante régionale de Xinhua, a expliqué, au cours de la cérémonie de vernissage, jeudi dernier, que cette exposition a été réalisée avec les concours de trois entreprises chinoises. « Les entreprises chinoises ont beaucoup contribué dans le développement de ce pays », a-t-elle ajouté, en égrenant leurs actions : financement des projets, apport d'une main-d'œuvre qualifiée... L'exposition baptisée «Les Africains en Chine» se déroule simultanément dans les 16 villes d'Afrique subsaharienne qui abritent les bureaux de Xinhua. La qualité des photographies n'a pas été la préoccupation première de l'agence de presse du gouvernement chinois, qui a simplement sorti les photos qui dormaient dans ses tiroirs pour les montrer au public. Le but étant de présenter la coopération entre la Chine et l'Afrique sous un angle humain.

Car, depuis l'avènement de la Chine sur la scène du commerce international, le pays exerce une forte attraction. Beaucoup d'Africains n'ont pas hésité à s'y ruer pour chercher leur part du miracle chinois, au point d'y créer des « africatowns ». Installée en plein centre-ville, en un lieu aussi fréquenté que le Carrefour Warda, cette exposition semble dire : « Voyez combien vos frères vivent bien en Chine! ». Oublié donc la xénophobie dont sont victimes les Africains en Chine. Oubliée aussi la peur de l'invasion africaine qui hante les autorités chinoises, au point où, depuis 2008, le pays a considérablement diminué le nombre de visas délivrés aux Africains. Des oublis qui font des « Africains en Chine » une exposition à relent de propagande.

Stéphanie Dongmo

lundi 16 mai 2011

Socadap:L'assemblée générale reportée


Seuls 151 artistes plasticiens et graphiques étaient présents. Le quorum de 340 membres n'a pas été atteint samedi dernier à Yaoundé.

C'est sans surprise que Paulette Mvomo Ella, la présidente de la Commission permanente de médiation et de contrôle (Cpmc) et, pour la circonstance, présidente de séance, a déclaré le report de l'assemblée générale élective de la Socadap. C'était samedi dernier, aux alentours de 18h au parc Kyriakides à Yaoundé. En effet, seuls 151 artistes ont été enregistrés présents ou représentés, sur les 681 personnes inscrites à la société de gestion des droits d'auteur et droits voisin des arts plastiques et graphiques. Or, d'après les statuts de la Socadap, le quorum équivaut à la moitié des membres, soit 340 personnes. Les mêmes statuts étant muets sur la question du report, Paulette Mvomo Ella a proposé qu'une nouvelle assemblée soit convoquée dans un délai d'un mois, conformément à la réglementation des autres sociétés de gestion collective.

Manque d'engouement

Face au manque d'engouement des artistes, Théodore Ondigui, dit Othéo, président sortant du conseil d'administration dont le mandat a expiré depuis février 2010, explique :« Toutes les élections précédentes ont été financées par la hiérarchie, mais pas celle-ci. Cependant, le secrétaire général du ministère de la Culture [Manadouda Malachie] qui était là, a dit qu'ils vont nous apporter une aide financière pour que nous puissions tenir une prochaine assemblée, en mobilisant les artistes ». Pour Laurain Assipolo, administrateur de la Socadap, ce report était prévisible « compte tenu des mauvaises conditions dans lesquelles cette assemblée a été préparée. Par ailleurs, la classification des membres n'a pas encore été effectuée. Ce qui fait que tous les membres de la Socadap sont, d'office, sociétaires de l'assemblée générale ». Chef d'agence Socadap à Douala, Léopold Dika appelle les artistes à faire des efforts pour être présents à la prochaine assemblée générale. Ce à quoi John Neba Shu, vice-président de la Socadap au Nord-Ouest, répond : « On est prêts à revenir, si seulement on nous prend en charge ».

Des dettes

L'assemblée générale de la Socadap devrait élire un nouveau conseil d'administration pour un mandat de trois ans. Une seule candidature a été présentée au comité électoral présidé par Saidou Mouliom : celle d'Othéo. L'assemblée devra aussi adopter un nouveau statut. Le projet de statut révisé prévoit la réduction de la taille du conseil d'administration de 32 à 10 membres, de même que la réduction du taux de leurs indemnités. La Socadap qui a le plus faible porte-feuille du droit d'auteur au Cameroun croule sous les dettes. Le personnel n'a pas été payé depuis décembre 2010 et a déserté les bureaux, sis à Bastos; les administrateurs réclament leurs indemnités; la société accuse plus de 7 millions Fcfa de loyer impayé.

Stéphanie Dongmo

dimanche 15 mai 2011

Roman : Horrible politique des quotas


Gabriel Kuitche Fonkou relance la question de l'équilibre régional à travers les mésaventures d'un enfant naturel victime de tribalisme.


Équilibre régional et intégration nationale peuvent-ils faire bon ménage? C'est la question à laquelle Gabriel Kuitche Fonkou répond par un cinglant non, dans son dernier roman intitulé « Au pays de(s) intégré(s) », paru chez Clé en fin d'année dernière. Pour relancer le débat sur la politique des quotas, l'auteur de 66 ans a choisi de montrer ce qu'elle a de pervers à travers le parcours d'un enfant. Né de parents originaires de l'Est et de l'Ouest du pays, il est le symbole même de l'intégration nationale. Il deviendra cependant la victime de l'équilibre régional prôné par la Mécarénésie, un pays imaginaire qui rappelle en bien de points le Cameroun.

Zal Moundjoa est un enfant naturel. Moundjoa, son grand-père, a refusé de donner sa fille en mariage à son père parce qu'il est originaire de la région des montagnes. Zal Moundjoa finira par retrouver son père, Chonet. Celui-ci va le reconnaître et lui donner un nouveau nom, Naoussi Chonet. Commence alors pour le garçon une série de déconvenues. Après le bac, il n'obtient pas de bourse pour aller étudier à l'étranger, contrairement à ses camarades moins intelligents. Il est victime des quotas appliqués cette année-là. Naoussi est Montagnard, et les Montagnards sont trop nombreux à solliciter des bourses. Ses parents se ruinent alors pour l'envoyer étudier la médecine en Russie. De retour en Mécarénésie, Naoussi bute plusieurs fois sur le tribalisme, qui prospère sous le couvert de l'équilibre régional. Désillusionné, il s'écrit: «L'État reprocherait-il à certains de ses fils leur ardeur au travail ? Que récompense cette loi : le mérite ou la naissance? »

Intégrés ou désintégrés?

Gabriel K. Fonkou a voulu jouer avec les mots dans le titre de son ouvrage pour poser cette question : sommes-nous au pays des intégrés ou au pays des désintégrés ? Il révèle les contradictions d'un Etat qui dit promouvoir l'intégration nationale, en même temps qu'il créé la désintégration, l'incompétence et l'injustice, à travers une horrible politique des quotas.

Au Cameroun comme en Mécarénésie, il s'est posé la question de savoir comment construire une identité nationale à partir de plus de 200 ethnies. Et, surtout, comment rattraper le désavantage supposé d'une composante de la nation par rapport à une autre. La politique de l'équilibre régionale à été adoptée pour essayer d'y répondre. Malgré les critiques fondées et régulières, elle continue à être appliquée dans les concours, les recrutements et les nominations à des postes de responsabilité dans l'administration. Suscitant un malaise que même le football, présenté comme la principale manifestation de l'unité nationale, n'arrive plus à cacher. La France en donne d'ailleurs l'exemple avec la polémique sur l'application des quotas au sein de son équipe nationale de football.

L'inspecteur général des enseignements au ministère des Enseignements secondaires, déjà auteur de trois ouvrages, apporte, par cette dernière publication, sa pierre à la lutte pour faire tomber cette loi. Car, «l'intérêt général implique que les individus soient classés en fonction de leurs compétence », soutient-il.

Stéphanie Dongmo


Gabriel Kuitche Fonkou

Au pays de(s) intégrés(s)

Editions Clé

Yaoundé, 2010

156 pp.

vendredi 6 mai 2011

Droits d'auteur : Élections houleuses en vue à la Socadap

L'assemblée élective de la société de gestion des arts plastiques et graphiques se tiendra le 14 mai à Yaoundé. La candidature d'Othéo est contestée.


La Société civile de gestion des droits d'auteur et droits voisins des arts graphiques et plastiques (Socadap) tiendra une assemblée générale élective le 14 mai, à partir de 8h30 au Parc Kyriakides à Yaoundé. Cette réunion devra permettre le renouvellement de son conseil d'administration dont le mandat a expiré en 2010. La liste des 681 électeurs, actualisée en février dernier, a été affichée au siège de la Socadap sis à la nouvelle route Bastos à Yaoundé. Le comité électoral devra être convoqué dans les prochains jours.

Théodore Ondigui, plus connu sous le nom d'artiste Othéo, président sortant du conseil d'administration, est d'ores et déjà candidat à sa succession. Il aspire ainsi à un troisième mandat après ceux de 2003 et 2007. A une semaine de l'élection, aucune autre candidature n'a officiellement été déclarée. « Je n'ai pas encore pris de décision. Je ne tiens pas à entrer une fois de plus ma candidature dans un truc arrangé d'avance», a affirmé Jean-Marie Ahanda, principal challenger d'Othéo en 2007, joint au téléphone hier. Il conteste la candidature d'Othéo qu'il qualifie d'« illégale ». Ce que soutient aussi Tang Mbilla, administrateur de la Socadap et secrétaire général de l'Union des plasticiens du Cameroun : « Théodore Ondigui a déjà cumulé deux mandats successifs. D'après les statuts de la Socadap, il ne peut pas briguer un troisième mandat ».

La guerre des statuts

Mais de quels statuts s'agit-il ? « La Socadap a plusieurs statuts », regrette Tang Mbilla. «La Socadap n'a pas de statuts», révèle Othéo. Le Pca sortant explique que les textes adoptés au cours de la dernière assemblée n'ont jamais été régularisés (enregistrés auprès d'un notaire) par l'ancien Dg, Ildevert Tete, qui les aurait « emportés» lorsqu'il a démissionné en 2009. «Ces statuts ne prévoyaient pas de limitation de mandat. Maintenant, nous travaillons sur un projet de statuts calqué sur le modèle de la Socam qui sera soumis à l'adoption le 14 mai », ajoute-t-il.

Cette imitation est une recommandation du ministre de la Culture. Ama Tutu Muna a demandé aux sociétés civiles dans les domaines de la littérature et des arts dramatiques (Sociladra), des arts audiovisuels et photographiques (Scaap) et à la Socadap d'harmoniser leurs statuts à ceux de la société de gestion de l'art musical (Socam). Parmi les points à harmoniser, il y a l'effectif des membres du conseil d'administration [15 à la Socam, 32 à la Socadap], les indemnités du conseil d'administration [500 000Fcfa par mois pour le président et 150 000Fcfa pour les membres], le salaire du personnel et la limitation du nombre de mandat à deux. Le projet de statuts de la Socadap intègre tous les points, sauf le dernier. «Le conseil d'administration est élu pour trois ans renouvelable », stipule simplement le texte.

7 millions d'arriérés de loyer

La troisième Asemblée générale élective de la société créée en 2003 arrive dans un contexte de morosité financière. Depuis décembre 2010, le personnel n'a pas été payé et a presque déserté les bureaux. La Socadap accuse par ailleurs plusieurs mois d'arriérés de loyer, qui s'élèvent à près de 7 millions de Fcfa. Une situation causée par l'arrêt des perceptions auprès des petits usagers, prescrit par le Mincult en septembre 2010. Des perceptions qui leur permettaient de régler les charges courantes.

Stéphanie Dongmo

mercredi 4 mai 2011

Internet : Leurres et lueurs de la presse en ligne


Le plagiat et la publication de nouvelles non vérifiées sont légion, dans un contexte camerounais marqué par la précarité des sites d'information.


La 20ème édition de la Journée mondiale de la liberté de la presse s'est célébrée hier, 03 mai 2011. Le thème retenu par l'Unesco est : « Les médias du 21ème siècle : nouvelles frontières, nouveaux obstacles ». Internet et les nouveaux médias sont donc à l'honneur cette année, au Cameroun comme ailleurs, parmi lesquels la presse cybernétique. Occasion de faire la lumière sur son fonctionnement.

Problèmes, dérives

Les problème de la presse en ligne sont énormes: accès limité au réseau, faiblesse des connexions, faible rentabilité, faiblesse des ordinateurs utilisés, précarité, manque de moyens financiers et humain, rareté des annonceurs, matériel désuet et inadapté... Certains promoteurs de site d'information ne possèdent même pas d'ordinateur et doivent travailler dans des cybercafés.

«Il y a beaucoup de plagiat », reconnaît par ailleurs Olga Tiyon, promotrice de goducamer.com. Car, plusieurs sites se contentent de relayer les informations piquées, pour la plupart, sur les sites web des quotidiens. Olga Tiyon confirme : « la plupart des scoops sont découverts sur le net et publiés. Dans un souci de déontologie, nous essayons de toujours vérifier avant de publier. Mais les dérives ne sont jamais loin dans la course à l'information ».

L'Union des cyberjournalistes du Cameroun (Ucc) a recensé plusieurs dérives de la presse en ligne, parmi lesquelles l'ouverture des sites aux internautes. Ceux-ci peuvent y publier non seulement des commentaires, mais aussi des reportages et des chroniques. Secrétaire général de l'Ucc, Beaugas-Orain Djoyum explique que « l'époque où les lecteurs étaient de simples consommateurs passifs de l'information est révolue. L'internaute est un destinataire qui peut aussi être un émetteur. A ce titre, il peut tenir des propos injurieux, diffamatoires ». A titre d'illustration, l'on se souvient que camer.be avait été suspendu en janvier 2011 par son hébergeur pour un « message de haine » publié par un internaute. Pour éviter ce genre d'incident, l'Ucc recommande aux sites d'information de se doter de modérateurs.

Suspicion des pouvoirs publics

Les dérives de la presse en ligne ne sont pas de nature à créer la confiance avec les pouvoirs publics. Dans son livre intitulé « Internet et la presse en ligne au Cameroun : naissance, évolution et usages », paru en 2010 chez L'Harmattan, Ingrid Alice Ngounou, par ailleurs promotrice du site journalducameroun.com, affirme que la presse en ligne au Cameroun émerge dans un contexte marqué par la suspicion et la méfiance des autorités qui ont du mal à la circonscrire et à la contrôler. En février 2011, au cours d'un point de presse, le ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary, a qualifié cette presse de « redoutable ». Même si, depuis 2002, la presse en ligne bénéficie de l'aide publique à la communication privée. En 2010, le Mincom a ouvert un fichier national de la presse cybernétique pour un recensement général.

Stéphanie Dongmo


Interview

Baba Wame: «Il n'existe pas de cadre juridique au Cameroun»

Enseignant en cyberjournalisme et président de l'Union des cyberjournalistes du Cameroun, il dresse un état des lieux inquiétant de la presse en ligne au Cameroun.


Quelle est la situation de la cyberpresse au Cameroun?

La cyberpresse est le parent pauvre et délaissé de la presse au Cameroun. C'est un doux euphémisme que de dire que sa situation est chaotique. Elle n'existe que par la volonté de quelques mécènes et, très souvent, elle est une sorte de journalisme d'appoint pour des journalistes qui exercent dans la presse écrite et audiovisuelle. Elle souffre surtout du manque de formation. A ce jour, hormis l'Esstic au Cameroun, aucune institution universitaire ne forme des cyberjournalistes.

Les cyberjournalistes vivent dans la précarité la plus absolue. Leurs matériels de travail, à savoir les ordinateurs et les logiciels, sont très souvent obsolètes. Dans certains journaux, ceux qui s'occupent des sites d'appoint sont considérés comme des journalistes de seconde zone et parfois ce travail est dévolu à un informaticien.

Existe-t-il un cadre juridique au Cameroun?

Il n'existe pas de cadre juridique. Pour le moment, c'est un no-man land. On y retrouve tout et n'importe quoi. Une loi sur la cybercriminalité et la cybersécurité a été adoptée en décembre 2010. Mais c'est une pseudo-loi qui est visiblement un copier-coller de la loi française sur la cyberpresse. Elle met plus en exergue l'aspect technique de la cyberpresse que son contenu. Une loi comme celle-ci devrait être le résultat d'un travail collégial entre le ministère des Postes et télécommunications, celui de la Communication et certains partenaires institutionnels ainsi que les associations de cyberjournalistes. De toute évidence, cette loi a été proposée principalement par le ministère des Postes et télécommunications.

A l'Union des cyberjournalistes du Cameroun (Ucc), vous avez recensé les dérives de la presse en ligne. Quelles sont-elles ?

L'un des objectifs majeurs de l'Ucc est la sensibilisation des confrères face à certaines dérives dans la presse en ligne. La première est déontologique et concerne la vérification de la source. La course au scoop fait très souvent oublier aux cyberjournalistes que l'information en ligne obéit aux mêmes règles que le journalisme traditionnel. Les autres dérives sont généralement celles du droit d'auteur, autant pour les images que pour les contenus textuels.

Combien de sites d'information compte-t-on à ce jour ?

L'Union des cyberjournalistes du Cameroun a dénombré un peu plus de 140 sites d'information en ligne dédiés au Cameroun. Sur les 140 sites, moins de cinq sont effectivement des sites d'information, dans le sens académique du terme. Car, pour mériter le sceau journal en ligne, il faut au minimum disposer d'une rédaction online.

Propos recueillis par S.D.



Cinéma : Comment on délivre les autorisations


La commission de censure se réunissant rarement, la direction de la cinématographie apprécie les films et délivre des visas provisoires.

Le cinéma au Cameroun reste soumis à un régime d'autorisation préalable. Le décret N°90/1462 du 9 novembre 1990 fixe les modalités d'obtention des autorisations d'exercice de l'activité cinématographique. D'après ce texte, la production, la prise de vue, la distribution et l'exploitation des films est subordonnée à une autorisation préalable délivrée par le ministre en charge de la cinématographie. Ce texte stipule aussi que le ministre prend la décision de délivrer ou non une autorisation après l'avis de la commission nationale de contrôle des films cinématographiques, prises de vues et enregistrements sonores, plus connue sous le nom de commission de censure.

« Autorisation provisoire »

Dans la pratique, au Mincult, le directeur de la cinématographie est celui qui, dans la plupart des cas, délivre les autorisations. Sur certaines, il est marqué « provisoire » et sur d'autres non. Une source au Mincult explique que cette délégation de signature a été prise en interne pour faciliter le traitement des dossiers de demande d'autorisation et de visas d'exploitation. Il ajoute que toutes les autorisations signées par le directeur de la cinématographie sont « provisoires » et permettent au demandeur de commencer à travailler, en attendant d'avoir une autorisation définitive du Mincult. Même si, dans bien des cas, cette autorisation définitive n'arrive jamais, exposant ainsi les cinéastes à une interdiction ultérieure. Le formulaire porte aussi l'entête de la commission de censure.

Autre problème : depuis la fermeture des salles de cinéma, la commission de censure, composée de représentants de plusieurs ministères, de religieux et de cinéastes, ne se réunit plus de manière fréquente et constante. D'autant plus que son budget, au fil des années, s'est amenuisé comme peau de chagrin. A titre d'illustration, il est passé de six millions Fcfa en 2010 à près d'un million Fcfa en 2011.

Face à la rareté des réunions de la commission de censure, le bureau de contrôle de films de la direction de la cinématographie s'est parfois substitué à elle. Ainsi, les films programmés au Festival du films des droits de l'homme ont été visionnés par ce bureau, qui ne possède pour le faire qu'un poste de télévision et un lecteur Dvd et un ordinateur. Et tous les formulaires d'autorisation portent la mention commission de censure.

Films interdits

L'on se souvient que le 26 avril 2011, le directeur de la cinématographie et des œuvres audiovisuelles (Dcpa) du ministère de la Culture (Mincult), Wang Johnson Sone, a été suspendu de ses fonctions par le ministre Ama Tutu Muna. Motifs : « indélicatesse et manquement à la déontologie ». Il est reproché à M. Wang d'avoir délivré une autorisation provisoire pour la diffusion des films programmés au Festival international du film des droits de l'homme, qui a été interdit le 11 avril. Le 21 avril 2011, les promoteurs de ce festival, les français Mélanie Barreau et Vincent Mercier, sont interdits de tourner un film sur la Sosucam à Mbanjock, alors même qu'ils détiennent une autorisation de prises de vue sur l'ensemble du territoire signée par le directeur de la cinématographie.

Stéphanie Dongmo