mardi 31 janvier 2012

Marlyse Beté : « L’art de la marionnette est une thérapie »

La directrice du Festival international des théâtres d’ombre, d’objet des marionnettes et de clown parle de l’importance de la marionnette, mais aussi des difficultés liées à l’organisation et à la tenue de la 2ème édition du festival « Noel en marionnettes », du 13 au 16 décembre 2011 à Yaoundé. 

Marlyse Beté

Quel bilan faites-vous de la 2ème édition du Festival international des théâtres d’ombre, d’objet des marionnettes et de clown baptisé « Noël en marionnettes »?
Dans l’ensemble, le festival s’est bien passé. Nous avons fait un atelier de bricolage des marionnettes à papier qui a été animé par l’Anglaise Déborah Maurice. A la maison du parti de Nkoldongo, nous avons organisé  une exposition des marionnettes qui a reçu la visite d’environ 300 personnes, dans la journée du 17 décembre. A l’institut Goethe de Yaoundé, du 14 au 16 décembre, les artistes et professionnels de la communication ont échangé sur le thème : « Les technologies de l’information et de la communication au service de l’art de la marionnettes ». Tous les jours, il y a eu des représentations théâtrales à l’immeuble siège de la Cnps et les soirs à la maison du parti de Nkoldongo. Nous avons reçu une forte délégation d’artistes venus d’Afrique et d’Europe. Nous pouvons dire que ce bilan a été positif.
 
Quels sont les difficultés que vous avez eu à organiser ce festival?
Les difficultés ont été d’ordre divers:
1-    Le manque de sponsor et de financements adéquat.
Au niveau des subventions,  nous n’en avons pas obtenu, en quantité suffisante, pour pouvoir faire un festival dans des bonnes conditions. Les institutions avec lesquelles nous avions des négociations assez avancées ne nous ont signalé leur manque de fonds qu’une semaine avant le début de l’évènement.
Pour ce qui est du sponsoring, nous n’en avons pas obtenu à cause  du désintéressement des entreprises face aux projets artistiques.  
2-    La hausse brutale des prix de transport
Au moment de l’achat des titres de transport aérien, nous avons été confrontés à la hausse brutale des prix à cause des fêtes de fin d’année et du manque de vols suffisants sur le Cameroun. Pour cela, nous avons été obligés de réduire le nombre de compagnies invitées.
3-    Le retard de livraison des supports de communication.
La communication, quant à elle s’est mise tardivement en place, à cause, comme nous l’avons dit plus haut, des retards accusés dans la confirmation de leur participation, à quoi il faut ajouter la défaillance de l’imprimerie qui n’a pas respecté les délais de livraison.
4-    Le départ en congé des écoles
L’autre difficulté majeure rencontrée est celle du départ en congé des écoles. Etant notre public cible, nous n’avons pas pu faire de bonnes négociations avec les écoles. Celles-ci ne pouvant prendre des engagements pendant cette période, elles nous ont dirigé vers les parents d’élèves. Seules quelques écoles internationales, à l’instar de Academic School of Excellency et Amity, ont pris sur elles l’engagement de faire participer les élèves au festival.
5-    La tenue simultanée  dans la ville de Yaoundé de plusieurs autres évènements.
Dans ce même mois de décembre, se tenaient dans la ville trois autres festivals au rang desquels les Retic (Rencontre théâtrales internationales du Cameroun) et le salon international de l’entreprise (Promote), sans oublier les préparatifs de Yaoundé en fête (YA-FE). Cette multitude de manifestations à créé des difficultés au plan communicationnel d’une part, la difficulté des déplacements dans la ville, qui fait que le public adulte était partagé entre plusieurs spectacles et assez souvent confrontés aux embouteillages.
6-    L’inadéquation des salles aux conditions de représentations théâtrales.
L’absence de salle répondant aux normes de prestations artistiques nous a mis dans la difficulté la plus grosse à transcender. Hormis la salle de conférence de l’Institut Goethe, l’acoustique dans les autres salles était difficile à obtenir et les dispositions à transformer obligatoirement. Nous avons dû louer un matériel d’éclairage et de sonorisation appropriés pour donner de la valeur aux spectacles, surtout pour le théâtre d’ombre a besoin d’une salle totalement obscure et du matériel de bonne qualité. 
A cause de ceci, nous avons demandé la salle de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale qui nous a causé de nombreux préjudices, tant au plan moral que financier. Le 13  décembre s’est tenue dans la même salle à 10h du matin, le spectacle de lancement du festival par le GASCA Théâtre de Côte d’Ivoire.  Cette représentation a vu la participation de  145 enfants des écoles internationales et de trente adultes.

Mais la cérémonie d’ouverture, prévu à la salle de la Cnps, a été délocalisée au denier moment…
Alors que nous préparions la cérémonie d’ouverture solennelle du festival, notre régisseur a dévissé une chaise afin de placer le castelet de Madame Adama Bacco du Togo. Une responsable de la Cnps a qui cela n’a pas plu, a mis toute l’équipe technique qui y travaillait dehors, a fermé la porte et s’en est allée, éteignant son téléphone portable. Toutes nos tentatives de recherche de solutions à ce problème n’ont pas suffit à la ramener. Plusieurs invités, au rang desquels l’ambassadeur de Tunisie, le représentant résident de Médecins  Sans Frontières et une vingtaine de représentants des organisations internationales présents à Yaoundé, ont dû partir. Finalement, l’ouverture officielle s’est tenue à la maison du parti de Nkolndongo. Informé de la situation, le supérieur hiérarchique de la dame suscitée nous a à nouveau ouvert les portes le lendemain.
 
Quelles ont été les conséquences de cet incident sur la suite du festival ?
L’incident a créé le doute chez nos invités qui ont préféré ne plus venir à toutes les représentations qui se passaient dans cette salle. Par conséquent, pendant le reste du festival dans cette salle, le public arrivait par petites poignées de personnes et les autres préféraient se diriger vers la maison du parti de Nkolndongo en soirée.
Pour ce qui est de la maison de parti, nous devrions parfois attendre qu’un mariage programmé dans la salle soit célébré avant de donner nos représentations. Pour contourner cette difficulté, nous nous sommes installés dans la cour où toutes les représentations se sont faites et par conséquent, elles étaient toutes gratuites.
Ces différentes attitudes des administratifs nous montre quelle est la place qu’on donne à la culture dans ce pays. Apres l’incident de la CNPS, j’ai eu très honte pour la première fois d’être Camerounaise.
 
D'où est venu le financement du festival ?
Nous avons obtenu le soutien financier de l’Organisation Internationale de la Francophonie, ainsi que du ministère Camerounais des Relations extérieures, que je tiens à remercier. Pour le reste, nous avons été obligés de nouer plusieurs partenariats et de nous servir des cotisations de nos membres [de l’association Bana ba Africa, ndlr].
 
On a noté quelques couacs. La salle de la Cnps pas toujours disponible. Comment l'expliquer?
L’indisponibilité de la salle de la CNPS traduit à suffisance le fait que la plupart de camerounais ont tous une bouche, mais pas de parole. Nous étions supposés occuper cette salle pendant tout le festival, mais il se passe là-bas qu’il y a beaucoup de rois qui  en font ce qu’ils veulent, ou alors la CNPS elle-même organise des réunions dans la salle alors qu’elle sait bien l’avoir mise à la disposition des autres. Mais ces attitudes, pour moi, sont des sonnettes d’alarme comme pour nous demander de construire des salles de spectacle. Alors, je regrette leurs actes. Mais je leur pardonne, car ils n’ont rien compris à la chose culturelle et ce n’est pas eux l’autorité compétente pour la création des espaces culturels.

Quelle est la place de la marionnette dans la culture au Cameroun?
Jusqu’à présent, ces différents arts sont encore ignorés du public camerounais. Pourtant, pour les enfants, la marionnette et l’art du clown sont une bonne attraction. Ces arts devraient   participer à l’éducation, à l’épanouissement et au développement de l’enfant. Par ses traits de caricature et d’humour, la marionnette et le clown sont de véritables anti stress et permettent à ceux qui y vont d’être plus efficaces dans leurs activités. Les théâtres d’ombre et d’objet nous plongent dans un univers de rêve, totalement inconnu, où  tout a la parole : animaux, objets et autres. Au final, ces différents arts sont d’abords des thérapies pour toutes les couches sociales et pour tous les âges. Malheureusement, ici, peu de gens vont au spectacle. 
Bien que coûteux, ces arts sont de véritables vecteurs d’éducation et de formation dans les activités post et péri scolaires. On pourrait par exemple tourner des films des marionnettes ou d’objet, monter des pièces de théâtre dans le même ou s’en servir pour l’éducation civique et l’apprentissage des différentes leçons, aux enfants, à partir de l’école maternelle.
 
Quel est l'objectif du festival « Noel en marionnettes » ?
Le Festival international des théâtres d’ombre, d’objet des marionnettes et de clown, « Noël en marionnettes », vise à promouvoir et à vulgariser les arts de la marionnette, du clown du théâtre d’ombre ainsi que du théâtre d’objet. Il se donne pour objectif, entre autres, de donner à nos enfants des spectacles de qualité, de donner aux jeunes la culture du spectacle, d’amener les jeunes vers les salles de spectacle au lieu des débits de boisson, de permettre aux jeunes des couches sociales défavorisées d’assister aux spectacles et de créer un lien de proximité entre le public et les arts de la marionnette, du clown du théâtre d’ombre et d’objet.
 
Quelles perspectives pour la prochaine édition?
La réalisation  de l’acte deux  de « Noël en marionnettes » nous donne l’espoir de parvenir un jour à un très grand évènement, fédérateur et générateur de revenus pour tous les concernés. Pour y parvenir, il faudra désormais :
-    Tenir compte du Salon international de l’entreprise (PROMOTE) qui absorbe l’intérêt de toutes les entreprises susceptibles de nous épauler,
-    Programmer les spectacles dans les écoles,
-    Trouver un espace approprié pour l’exposition,
-    Animer des ateliers des marionnettes et de clown dans les écoles pour intéresser au mieux les enfants,
-    Faire une exposition encore plus large, qui ne se limite pas aux seules compagnies invitées ; mais aussi aux marionnettistes venant d’horizons divers, non programmés,
-    Décaler le colloque de l’exposition. Les deux activités pourraient se succéder de manière rotative au fil des éditions,
-    Mettre un accent sur la formation des troupes africaines afin qu’elles aient des créations convaincantes tant quantitativement que qualitativement,
-    Veiller à ce que toutes les disciplines que nous pratiquons soient effectivement présentes pour la partie festival.
A long terme, nous souhaitons créer un atelier permanent de fabrication des marionnettes de toutes sortes, atelier pouvant générer des revenus pour les artistes Nous souhaitons aussi créer des pièces et films de marionnettes et surtout, créer, au Cameroun, un centre national de la marionnette et un musée de la marionnette.
Propos recueillis par Stéphanie Dongmo

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