jeudi 23 février 2012

Livre : Le prix de l’ambition


L’œuvre théâtrale de Guillaume Nana, « La tête sous l’eau », porte sur cette question. 

Guillaume Nana, l'auteur.
Jusqu’où un homme est-il prêt à aller pour assouvir ses ambitions? C’est à cette question que « La tête sous l’eau » répond. L’épigraphe signé de l’historien français Jules Michelet prévient : « Le difficile n’est pas de monter, mais, en montant, de rester soi ». Guillaume Nana a voulu écrire une œuvre théâtrale qui allie le divertissement aux problèmes sociaux de l’heure. Lenke a longtemps pointé au chômage. Il était de « ceux qui font partie des problèmes ». Grâce aux efforts conjoints de sa mère, Makena, et de son ami, Jobajo, il obtient enfin un emploi. Mieux, il est nommé directeur général d’une importante société d’Etat, puis, ministre. Mais à quel prix ? « Peu importe le chemin à emprunter, pourvu qu’il me mène à la réussite », soutient Lenke à la page 70. 

L’auteur jette un regard amer sur la situation sociale qu’il décrit. Il fait dire au personnage principal du livre que « pour mieux réussir dans ce pays, la seule entreprise c’est l’Etat (…) pour bien évoluer dans cette entreprise, il faut être politicien… » (P. 29) Dans ce pays-là, la politique semble aller de pair avec des pratiques magico-mystiques. Lenke est partagé entre le voyant de sa mère et le « réseau » de son ami. Si Guillaume Nana présente le voyant qui est aussi tradipraticien comme une solution, en revanche, il est plus critique envers la secte. Celle-là qui donne le succès en échange de la fertilité. Et d’ironiser : « A l’heure actuelle, certains vendraient volontiers leur père, leur mère, leur frère ou leur sœur pour occuper un grand poste ; car de nos jours (…) pour réussir, il ne faut pas faire de détails, même si dans la course, sacrifier quelqu’un est le chemin incontournable… »

La pièce repose sur les techniques du flash back et du flash forward. Ce qui lui donne un rythme rapide et un genre hybride. « A-t-on affaire au théâtre classique de type français, au théâtre de l’absurde, au théâtre post dramatique ou tout simplement à un scénario filmique ?», se demande Jacques Raymond Fofié, enseignant des arts du spectacle et de la cinématographie à l’université de Yaoundé I, qui signe la préface. Il ajoute : « L’auteur mêle tout cela avec art, tournant ainsi le dos aux contraintes du théâtre traditionnel ». Cependant, l’intrigue du livre, qui porte sur les pratiques peu orthodoxes auxquelles les gens s’adonnent par ambition, est une caricature des histoires de quartier que certains aiment à se raconter (pour se consoler de leur insuccès ?) sur l’origine de la richesse et du pouvoir. 

Guillaume Nana est fonctionnaire au ministère des Arts et de la Culture. Il est l’auteur des romans « Le cri muet » (Clé, 2010) et « Grains de poussière » (2005, Clé), qui a été inscrit au programme des classes de 4ème.
Stéphanie Dongmo

Guillaume Nana
La tête sous l’eau (Théâtre)
Editions Lupeppo
Yaoundé, 2011
71 pages

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