Le
film « Le Correspondant » de Henri Fotso, qui a bénéficié d’une
campagne médiatique du fait qu’il avait été censuré l’année dernière, a été
projeté le 30 mai 2012 au Film Klub de l’Institut Goethe de Yaoundé. Et il s’est
placé au-dessous des attentes du public.
Henri Fotso |
« Le Correspondant »
a au moins un mérite : celui de tirer si bon parti de son qualitatif de « film censuré », depuis que son
scénariste, acteur, réalisateur et producteur Henri Fotso, a été prié par le
ministère de la Culture l’année dernière d’attendre l’après-présidentielle
d’octobre 2011 pour le projeter. Son synopsis est pourtant clair :
« Un journaliste africain [Okere Mazimba] qui travaille pour une radio
basée à Paris est envoyé en mission sur une île pour couvrir les élections.
Cela l’amènera à se questionner sur l'éthique du journalisme, la prostitution,
le proxénétisme et la pauvreté ». Mais sa mise en scène l’est moins, comme
si le film était resté dans la tête de son auteur.
Dès la première scène, « Le
Correspondant » plante le décor de ce qui va se révéler être une
perpétuelle quête de l’équilibre du son : il monte, baisse ou disparaît,
quand il n’est pas parasité par des bruits extérieurs non justifiés. Le film
impose au spectateur la chanson intitulée… « Le Correspondant », écrite par
Henri Fotso pour dénoncer la censure de son long-métrage. Pendant plusieurs
longues minutes, la chanson est interprétée par Okere Mazimba, avec une fausse
note déconcertante.
Ce film qui saute
constamment du coq à l’âne sans crier gare est un drame. Or, la dramaturgie
repose sur le conflit. Mais le héros de Henri Fotso, qui coule des jours doux,
semble n’avoir aucun autre problème que celui de protéger de jeunes femmes en
détresse. On le voit d’ailleurs plus dans leurs bras que sur le terrain. Comble
d’ironie, c’est pourtant lui qui va se prendre une balle dans sa chambre. L’absence
de cette base minimale de la dramaturgie fait qu’il est difficile de suivre le
film.
Le message de Henri
Fotso est que les journalistes sont en danger. Or, ce qui est le cas en Syrie
ne l’est pas forcément en République d’Outre-mer où Okere Mazimba mène une vie
paisible. C’est tout juste si on peut le voir lire d’une voix mal assurée ses
articles à l’antenne, dans des séquences où on voit, sur de gros plans
prolongés, son interlocuteur au studio de Paris. Un rôle joué par Henri Fotso.
La mise en scène
introduit des éléments gratuits qui ont fait irruption au moment du tournage. Il
y a aussi de gros plans insistants sur l’entrecuisse découvert de la
prostituée. Indécent. Le film n’a même pas l’avantage de la vraisemblance. Une
femme sensée avoir 26 ans mais dont on aperçoit la naissance des rides, un
député qui veut faire un coup d’Etat mais est vaincu avant même que le projet
ne soit vraiment ficelé dans sa tête, une prestation de serment annulée à cause
de l’absence d’un député…
Le public s’est fait un
plaisir de dénombrer les nombreux problèmes du film sans enjeux esthétiques, au
cours du débat qui a suivi la projection : absence d’intrigue, personnages
mal campés, acteurs manquant de direction, mise en scène absente, tournage
bâclé. Acculé, le journaliste qui a échoué dans le cinéma a répondu qu’il
voudrait apprendre.
Un bémol cependant, l’ancien
footballeur et sociétaire des Lions Indomptables, Cyrille Makanaky, qui n’a
pourtant qu’un rôle secondaire, se révèle être le seul acteur qui rentre
vraiment dans la peau de son personnage de mercenaire.
« Le Correspondant »
est le premier film de Henri Fotso. Un petit film pour un petit effet. Cette œuvre
qui a bénéficié d’une subvention du ministère de la Culture ne contribuera pas
à effacer le désamour entre les cinéastes camerounais et leur public.
Stéphanie Dongmo
Fiche technique
Titre :
Le Correspondant
Scénariste,
réalisateur, producteur : Henri Fotso
Casting : Vermont
Duclair Tasse, Cyrille Makanaky, Joe Mboule
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