Explications par Bassek Ba Kobhio, délégué général du festival qu'il a créé en 1997. Les Ecrans noirs se déroulent à Libreville du 9 au juillet avec des projections à l'Institut français.
Bassek Ba Kobhio |
C’était l’époque où certaines semaines, il n’y avait qu’un vol pour Bangui. C’était l’époque où un visa du Cameroun pour le Gabon relevait du pur exploit et simplement quelque chose d’inimaginable pour un africain non camerounais, c’était l’époque des copies de films 35 mm qui pesaient 30 kilos, c’était déjà l’époque où les facilités de circulation douanière étaient plus du domaine du rêve d’une certaine Union que de la réalité.
Et pourtant malgré ces raisons de nous désespérer, malgré ce que certains déjà considéraient comme folie, nous le faisions. Nous passions une semaine au Cameroun, nous enchaînions avec la RCA, nous finissions par une semaine au Gabon. C’était il y a douze ans, c’était il y a longtemps, c’était en même temps hier.
En douze ans cependant, que de changements dans l’univers du cinéma en Afrique Centrale ! Le Gabon a persévéré dans sa promotion de la production, avec des films comme « Le Collier du Makoko » qui font honneur à la sous région, mais ici aussi à Libreville, les salles de cinéma ont fermé, comme à Douala, comme à Yaoundé. N’djamena, grâce aux effets de Cannes sur le film de Haroun, a vu rouvrir une salle, alors qu’il y a douze ans elle n’en avait plus. Bangui la coquette avait une coquette salle, propriété d’un milliardaire qui avait fait fortune dans le bois et le diamant, mais qui la gardait toujours fermée, parce qu’il y tenait comme à une belle femme qu’on garde de tous les regards. Elle rouvrait pour les Ecrans Noirs, et on voyait sur le visage du projectionniste tiré de son chômage technique payé, comme un rayon de lumière, avec son sourire de l’homme qui se sait utile en faisant ce qu’il aime.
Le Libreville de Charles Mensah et de Pierre Marie Ndong était l’étape de l’ultime plaisir, des forces qu’on renouvelle, des soirées qu’on finissait tard dans ses lieux de trémoussement dont la ville avait le secret, je devrais dire dont la ville a le secret pour éviter d’être accusé de médisance due à l’âge. Et Libreville c’était une ville de cinéma, avec des salles toujours remplies, chaque projection étant une fête, c’était en plus une ville de recettes à la caisse, et je n’ai jamais compris comment une cité qui était grande comme le tiers de Douala pouvait engranger dix fois les recettes de Yaoundé. Mais c’était cela Libreville.
C’était il y a douze ans. Alors parfois de guerre lasse on arrête les choses, les belles choses, parce que l’intendance ne suit pas, parce que les efforts du début reposaient sur l’espoir que les Institutions et les sponsors suivent et qu’ils n’ont pas suivi, et les choses attendent qu’au bout du chemin des circonstances favorables rallument la lampe. L’Institut Français du Gabon et l’Institut Gabonais de l’Image et du Son nous donnent à nouveau le privilège de reprendre « la caravane », dans un contexte différent, avec une philosophie différente. Je souhaite que cela dure, pour que dans douze ans, Ecrans Noirs ait davantage contribué à faire de l’Afrique Centrale, une terre de cinéma.
Source : www.institutfrancais-gabon.com
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