L’opéra du bout du monde de Marie-Clémence et Cesar Paes raconte en
musique les coulisses d’un spectacle joué à La Réunion, à Madagascar et en
France. Le documentaire sort en salles en France le 28 novembre. Article paru sur www.africultures.com/php/index.php?nav=article&no=11105
Une scène du film |
Jean-Luc Trulès est compositeur et chef
d’orchestre. Emmanuel Genvrin est auteur et metteur en scène. En 2005, ils
créent un opéra en quatre actes, Maraina.
Pendant quelques années, le spectacle fait son petit bonhomme de chemin et puis
s’arrête. Aujourd’hui, Maraina est
plus que jamais dans l’actualité grâce au documentaire L’opéra du bout du monde de Marie-Clémence et Cesar Paes. Un road
movie historique qui raconte, côté jardin, un spectacle dessiné entre la
Réunion, Madagascar et Paris.
Ce faisant, le film de 96 mn produit par
Laterit production, restitue l’histoire que porte le livret d’opéra : celle
des premiers habitants des îles de l’Océan indien et de l’annexion de ces
territoires par l’Empire colonial français. L’histoire officielle et ses différentes
versions se font face sans s’affronter. Racontée par les descendants des
protagonistes, elle est tantôt légendée, inconsciemment embellie par le temps,
quelque fois trahie par la mémoire vacillante. Au centre de ce récit, un ménage
à trois entre la belle Maraina, le rebelle malgache Jean et le colon français Louis
Payen.
L’opéra
du bout du monde rappelle fort à propos le documentaire Kinshasa symphony des Allemands Claus Wischmann et Martin Baer, l’épopée
d’un orchestre symphonique en République démocratique du Congo. Les ingrédients
y sont les mêmes : les coulisses d’un spectacle qui se monte pièce par
pièce, l’angoisse et la pression à l’approche de l’échéance, la rencontre entre
un art considéré comme élitiste et une population ordinaire. Car l’opéra est
tout aussi étranger dans ces îles de l’Océan indien que la 9ème
symphonie de Beethoven l’est à Kinshasa. Les deux spectacles montés avec des
bouts de bois finissent cependant par trouver leur public.
Dans le car vétuste qui transporte l’équipe de Maraina de La Réunion à Madagascar, la
caméra se fait intimiste pour porter les secousses du véhicule et la poussière
de la route jusqu’au spectateur. Les plans d’ensemble permettent de saisir la
beauté des paysages, traversés parfois par des ombres. Le tout est bercé par le bruit des vagues qui
s’écrasent sur les rochers et par la musique, omniprésente dans ce documentaire
qui peut ainsi se passer de commentaires. L’opéra
du bout du monde prend le temps de filmer le vent, de dessiner les contours
d’une montagne, d’écouter les mythes et d’interroger leur origine.
Marie-Clémence et Cesar Paes sont déjà auteurs
de plusieurs films documentaires musicaux dont Saudade do futuro sur les joutes musicales improvisées à Sao Paulo,
et Mahaleo sur les 30 ans de carrière
du groupe de musique éponyme, à Madagascar. Avec cet autre film, le couple de
réalisateurs a le mérite d’avoir capté un spectacle vivant à l’espérance de vie
limitée pour le prolonger, en le démocratisant. L’opéra du bout du monde échoue cependant à briser la distance établit
entre le film et le spectateur. Il ne situe pas l’opéra dans le quotidien des
villes où il est représenté et implique le spectateur sans l’émouvoir. Heureusement,
quelques fois, l’histoire personnelle des membres de la troupe se mêle à la
narration pour sortir Maraina du
passé et l’inscrire dans le présent.
Stéphanie
Dongmo
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