A partir de janvier 2016, je vous propose, une fois par mois, une chronique sur un fait de société au Cameroun ou ailleurs. Coup de gueule qui se veut humoristique pour décrire les travers d'une société en mal de repères.
Cette race-là, on la trouve dans les marchés, Mokolo à Yaoundé et Nkoulounoun à Douala en tête. Ceux qui la constituent sont souvent tapis dans les rayons de friperies ou installés, marchandises à même le trottoir, en bordure de route. Des « ma chérie », ils en distribuent à la pelle. Pour eux, toutes les femmes s’appellent ainsi, qu’ils les convoitent ou non.
Pendant quelques heures, le temps que la vendeuse de beignets termine sa soirée, remballe ses affaires et rentre chez elle, ils peuvent poser les yeux sur les femmes, fixer leurs derrières en toute impunité. Pendant quelques heures, ils peuvent oublier l’extrême sècheresse de leurs cœurs, le vide immense de leurs vies, la vacuité de leurs sentiments, l’inutilité de leurs existences.
Un homme regardant une femme. |
C’est un phénomène qui s’est insidieusement installé dans les
rues des villes du Cameroun, au point où beaucoup ne se formalisent plus de
cette goujaterie sans nom. Vous êtes une femme, vous passez tranquillement
votre chemin et vous entendez un inconnu vous héler négligemment,
familièrement, grossièrement, irrespectueusement: « psst, ma chérie, viens ici
».
Cette race-là, on la trouve dans les marchés, Mokolo à Yaoundé et Nkoulounoun à Douala en tête. Ceux qui la constituent sont souvent tapis dans les rayons de friperies ou installés, marchandises à même le trottoir, en bordure de route. Des « ma chérie », ils en distribuent à la pelle. Pour eux, toutes les femmes s’appellent ainsi, qu’ils les convoitent ou non.
Ils accostent les femmes au passage, draguent pour se
divertir ou pour tuer l’ennui. Ils profitent des embouteillages des marchés
pour donner une tape sur les fesses encore fermes d’une jeune fille ou pour
toucher un sein au passage. Si la malheureuse s’en offusque, il fait rappliquer
ses acolytes et tous l’insultent copieusement. Si la femme insiste, ils iront
jusqu’à la brutaliser, dans l’indifférence totale.
Cette race-là, on la trouve aussi dans les quartiers, assis
en bande autour de la vendeuse de beignets, de la call-boxeuse ou du boutiquier
du coin. Ils sont là dès la tombée de la nuit, tous les jours que le bon Dieu
fait. Tapis dans l’ombre, profitant de la noirceur de la nuit et de la présence
de la bande, ils vont à la chasse. Ils sifflent les femmes, jeunes et moins
jeunes, comme on lance des grains de maïs aux poules, en espérant qu’au moins
une voudra bien en picorer.
Pendant quelques heures, le temps que la vendeuse de beignets termine sa soirée, remballe ses affaires et rentre chez elle, ils peuvent poser les yeux sur les femmes, fixer leurs derrières en toute impunité. Pendant quelques heures, ils peuvent oublier l’extrême sècheresse de leurs cœurs, le vide immense de leurs vies, la vacuité de leurs sentiments, l’inutilité de leurs existences.
Ils peuvent oublier leurs masturbations solidaires et leurs
réveils plein de frustration. Ils peuvent délaisser le poids de leur passé, le
flou de leur présent et l’horizon bouché de leur futur. Ils peuvent s’imaginer étalon, tombeur
de femmes, chaud lapin. Ils peuvent même rêver qu’un jour, une femme, une vraie
femme, les aimera et les comblera. Ils peuvent surtout avoir l’impression que leur
vie est autre chose que le long chapelet de jours vaincus égrenés, les uns à la
suite des autres.
Après ces quelques heures durant lesquels ils ont permis à leur
imagination de s’évader au-delà de la banalité quotidienne, ils rentreront en
traînant les pieds dans une maison où personne ne les attend.
A ces individus-là, les mères n’ont pas appris qu’il était
mal élevé de siffler les femmes dans la rue, de donner des tapes sur les fesses
des jeunes filles. Elles étaient trop occupées à trouver de qui bourrer le
ventre au moins une fois par jour, très souvent en l’absence du père, ignorant
qu’une personne pouvait avoir besoin d’autre chose que d’être rassasié. Le
résultat, ce sont des hommes installés à la lisière de la vie, qui n’ont
d’autres perspectives de vie que des «
psst, ma chérie».
Les violences faites aux femmes ne se limitent pas à
l’excision, à la bastonnade ou à l’inégalité des chances. Elles sont partout,
dans les marchés, au coin des rues. Elles sont joliment enrobées dans des
« ma chérie » collés à toutes les femmes. On l’a tellement banalisé
qu’on n’en prend plus conscience. Ce sont les
hommes qui font violence aux femmes, mais ce sont les femmes qui éduquent les
hommes. Le mal doit être saisi à la racine.
Stéphanie Dongmo
Stéphanie Dongmo, après lecture de votre billet, on est tenté de se demander si les gens que vous décrivez ne seraient pas endroit d’ arguer du déterminisme pour justifier leurs actions. Tellement vous semblez leur dédouaner de leurs comportements. Si, par exemple, les génitrices ont manqué a leur devoir d’éducation. En sus, si le père a déserté, l’État abdiqué, et le civisme foutu le camp, comme vous le mentionnez, la suite semble logique.
RépondreSupprimerPlus sérieusement, Stéphanie Dongmo, vous mentionnez dans ce billet juste un aperçu des tares du Cameroun, de la dégringolade vertigineuse des valeurs. Une société où la violence est devenue banale, un mode de vie, la chosification du son prochain, et particulièrement de le junte féminine, un sport national. Dans un environnement paupérisé, de misère ambiante, la femme et les enfants deviennent de souffre-douleurs faciles. Notre quête du développement n’est pas seulement économique, mais sociale et sociétale.
Il nous faut inculquer a la population les notions de vivre ensemble, le respect de soi et de l’autre, et en cas de manquement, un mécanisme de réparation et punition approprié.
"Les violences faites aux femmes ne se limitent pas à l’excision, à la bastonnade ou à l’inégalité des chances. Elles sont partout, dans les marchés, au coin des rues". EXCELLENT, MERCI pour ce partage.
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