jeudi 23 décembre 2010

le livre du jour : Vive Barack Obama!


Marcelline Ngono Bene a publié un receuil de poèmes lyriques en hommage au président des Etats-Unis.

Deux ans après l'élection de Barack Hussein Obama à la présidence des Etats-Unis d'Amérique, Marcelline Sybille Ngono Bene, plus connu sous le nom de Marcelline Nnomo Zanga, publie un livre pour le célébrer. “Odes et chansons africaines en hommage à Barack Obama” vient de paraître aux éditions Clé à Yaoundé.

“Aaa kangalio! Kangali! ”. C'est par ce refrain que commencent les 12 poèmes lyrique de ce recueil. “Ce siècle enfant avait huit ans lorsque Barack Obama, fils de Barack l'Africain et de Anna l'Américaine, a été élu”, chante l'auteure. Et de poursuivre, enthousiaste: “Il venait de pulvériser tous les records en transformant en réalité le rêve humaniste”. Dans sa grande admiration, elle se laisse aller à un verbe emphatique, laudateur, à la limite de la vénération, et scande son nom avec différentes déclinaisons: obamanisme, obamaphile, obamania, obamanitude. Ellle ne tarit pas non plus de superlatifs pour le désigner : envoyé des dieux, homme-providence, messie des temps modernes... Pour elle, cet homme qui n'est ni blanc, ni noir, ni jaune, ni rouge est venu “refonder l'homme avec le monde, confronter les Nations et les peuples avec leurs droits et devoirs et proclamer un nouvel humanisme”.

Un beau projet qui mériterait d'être évalué aujourd'hui. En 2008, l'élection d'Obama a ému le monde entier. Son audace, sa jeunesse (49 ans), son aisance et ses méthodes ont redonné espoir jusqu'aux confins de la terre; et nombre d'Africains se sont immédiatement reconnus dans ce fils de Kényan. Dans leurs coeur, il est devenu le père, le frère et le fils. Mais depuis, la cote de popularité du Prix Nobel de la paix 2009 a baissé et le capital de simpathie qu'il avait engrangé s'est détérioré. Les élections de mi-mandat aux Etats-unis, où les démocrates ont conservé la majorité au Sénat de justesse, le prouve. Par ailleurs, certaines de ses promesses sont devenues des courses d'obstacles, à l'exemple de la fermeture de la prison de Guantanamo. Dans ce contexte, il est légitime de se demander si cet ouvrage n'arrive pas deux ans trop tard.

Dans la préface qu'il signe, Jean-Emmanuel Pondi, auteur de “Barack Obama. De l'interrogation à l'admiration” (2008, Clé), écrit : “A mon humble avis, ce qu'il convient de retenir de ce magnifique recueil, c'est, par delà l'intention poétique et l'hommage rendu à un homme pour sa grande et prestigieuse stature, l'élan créateur d'une femme profondément soucieuse d'extérioser ses émotions face au long et dur combat de l'humanité, pour exorciser les démons de l'histoire et conquérir en fin de compte l'absolu”.

Marcelline Sibylle Ngono Bene est inspecteur général des Affaires académiques au ministère de l'Enseignement supérieur. Son recueil, il convient de le lire à voix haute, avec un accompagnement musical de préférence, pour saisir toute la beauté des poèmes et se laisser pénétrer par leur profondeur.

Stéphanie Dongmo


Marcelline Sibylle Ngono Bene

Odes et chansons africaines en hommage à Barack Obama

Editions Clé, Yaoundé

96 pages

Musique : Les fêtes de fin d'année en chanson

Papa Wemba, Wes Madiko, K-Tino et plusieurs autres artistes sont annoncés en concert à Douala et à Yaoundé.

Il suffit de regarder la télévision ces temps-ci pour les voir débarquer, les musiciens étrangers et autres artistes camerounais de la diaspora qui viennent donner des concerts en cette fin d'année. Célèbres ou moins connus, ils se produisent à Douala et Yaoundé, et certains feront même plusieurs dates.

Papa Wemba est ainsi à l'affiche de l'ouverture de la 2ème édition de la foire culturelle et commerciale de Douala, Bato Ba Douala (Ba'Doul) le vendredi 24 décembre. Sur la scène, il sera accompagné du groupe Viva la musica. A l'affiche aussi, d'autres musiciens de renom: Meiway, Ben Decca, Dina Bell, Ntoumba Minka, Lady B, Charlotte Dipanda, Guy Watson le père de la “mignoncité”. Il se produiront jusqu'au 2 janvier 2011. Sont également annoncés en concert à Douala, Monique Seka et Wes Madiko.

Après Ba'Doul, Papa Wemba devra prendre la route pour Yaoundé, où le public de Yaoundé en fête (Ya-fe) l'attend le 26 décembre. Suivra Ntoumba Minka le 30 décembre. La soirée de la saint sylvestre est consacrée au bikutsi féminin avec Karine Amy, la lauréate 2010 du concours de la chanson Mutzig star, Majoie Ayi et K-Tino. Mais avant, les spectacles qui vont se dérouler en plein air au boulevard du 20 mai s'ouvrent vendredi prochain par une prestation de l'Ivoirien Meiway.

Le chant chorale n'est pas en reste dans cette foire de concerts. Le groupe Gospel singers, auteur du titre-phare “shilo”, est à Yaoundé pour des concerts religieux. Le hip hop se jette dans la danse avec, ce jeudi à l'espace culturel Urban village, un concert d'un artiste de hip hop, Silver Black.

mercredi 22 décembre 2010

publicité : Des pasteurs s'affichent sur de grands panneaux



S'il coûte cher, ce support grand format leur permet de vendre leur image et de recruter des fidèles.
Religion et publicité sont-elles compatibles ? Il faut croire que oui. Au Cameroun, quelques pasteurs des Églises dites de réveil ont décidé de tirer leur épingle du jeu en misant sur le marketing religieux. Après l'affichage petit format pour annoncer des campagnes d'évangélisation, ils investissent chaque jour davantage l'espace public urbain en s'affichant sur de grands panneaux. Non plus pour annoncer des évènements mais pour faire passer un message et, au-delà, vendre leur image.
Messages touffus
Les messages, souvent longs et touffus, sont significatifs du but à atteindre. Extraits : « Que Dieu accorde la sagesse divine au président de la République et à toutes les autorités administratives du Cameroun au nom de Jésus Christ » ; « La nation camerounaise est la propriété privée de Jésus Christ » ; « Que l'Éternel des armées bénisse la police et les Forces Armées Camerounaise, tous les corps en Tenue et que la paix et la prospérité les accompagnent! » (Sic). Le premier texte est celui d'un panneau situé au lieu dit Texaco Elig-Edzoa à Yaoundé ; le second est visible au rond point Nlongkak et le troisième à l'entrée de l'École nationale supérieure polytechnique de Melen. Tous sont signés du « révérend docteur » Dieunedort Kamdem. Un jeune homme à l'éloquence sûre, qui, suite à une brouille, a quitté l'église du Plein Évangile pour lancer la sienne, il y a six mois : Faith convenant ministries international ou encore La Cathédrale de la foi.
Le grand panneau de Melen qui porte des écrits blancs, jaunes et orange sur un fond vert, tombe à pic, au moment où le Cameroun célèbre les 50 ans de son armée. Dieunedort Kamdem y apparaît vêtu d'un treillis. Il tient une bible dans la main gauche et sourit volontiers. Dans un coin, deux numéros de téléphone sont mentionnés, et donnent accès au secrétariat du pasteur-vedette.
Coût élevé
Dieunedort Kamdem, qui possède déjà la chaîne de télévision Kanodi Tv, ne lésine pas sur les moyens pour communiquer. Depuis mai 2010, il a fait afficher, au total, 12 grands panneaux de 4m2 sur 3m2, situés dans des lieux de forte concentration humaine, sur une période allant de trois à six mois. Un panneau tiré en couleur sur du papier vinyle coûte environ 150 000Fcfa en terme de production, révèle Hervé Fokou, le chargé de la communication et du marketing de Golgoth'art, l'établissement de conception graphique qui a réalisé ces grands panneaux. Il faut compter en plus un bail mensuel d'environ 90 000Fcfa par panneau pour l'affichage, selon les publicitaires.
Investissement rentable
Cet investissement est loin d'être vain. « Malgré le coût élevé, les grands panneaux interpellent les gens. La preuve, depuis six mois que j'ai commencé à communiquer, je suis passé de 50 à 2000 chrétiens », se satisfait le pasteur Dieunedort Kamdem, qui se dit prêt à explorer tous les canaux de communication qui existent pour faire passer son message. Et s'il se met davantage en relief sur ces grands panneaux, éclipsant parfois le message, c'est qu'il a de bonnes raisons : « si je pouvais filmer Jésus et le mettre là, je le ferais. Mais puisque je ne peux pas et que Dieu habite en moi, je mets ma photo sur le panneau ». Et d'ajouter : « Qu'on le veuille ou pas, on suit un homme qui a une vision, et non le contraire ».
Historique
Hervé Fokou raconte qu'Angela Acha Morfow est le premier pasteur camerounais à s'être aventuré dans ce canal du marketing religieux pour annoncer une campagne d'évangélisation en 2008. L'année d'après, c'était au tour de Raoul Waffo, un pasteur camerounais vivant en Côte d'Ivoire, de retourner dans son pays pour souhaiter à ses compatriotes une « bonne et sainte année » sur un grand panneau. Dieunedort Kamdem est entré dans la danse ensuite et n'a plus quitté la scène.
« Dieu est un produit que l'on vend »
Gérard-Paul Onji'i Essono, publicitaire et enseignant associé à l'Ecole supérieure des sciences et techniques explique que ce qu'on vend le plus, c'est la religion : « Le Christ lui-même a fait la publicité de son courant religieux à travers des miracles. Cela, c'est du marketing direct et ça date de Mathusalem. Les églises, les synagogues, les mosquées sont des lieux où ont prêche Dieu, et Dieu est un produit qu'on vend naturellement aux hommes, tout le monde ou presque étant à la recherche du salut ».
Stéphanie Dongmo

jeudi 16 décembre 2010

Jacques-Greg Belolo vous souhaite un joyeux Noël

Jacques-Greg Belobo revient avec « Noël des enfants de chez moi ». Pour la 3ème édition de ce concept, il donne un récital de chants de Noël orchestrés de manière classique le 17 décembre à la Basilique de Mvolyé à Yaoundé, et le 18 décembre à l'église du Centenaire à Douala. Premier artiste lyrique africain sélectionné pour le prix Best singer in the world décerné par la BBC, Jacques-Greg Belobo a d'abord pratiquer le chant en autodidacte, avant d'obtenir une bourser pour étudier à l'Académie d'été de Nice en 1997. Depuis, il a travaillé sous la direction de grands chefs d'orchestre dans le monde. Il y a trois ans, il a décidé de retourner en Afrique et au Cameroun pour partager sa culture du chant lyrique. Les billets sont en vente au Ccf de Yaoundé au prix de 3000Fcfa et 5 000Fcfa.

Livre : Pour en finir avec le harcèlement sexuel à l'université

Jean-Emmanuel Pondi donne des issues de secours aux étudiantes victimes dans son dernier ouvrages paru chez Clé à Yaoundé.

Jean-Emmanuel Pondi a choisi de briser le silence sur un phénomène bien présent dans les universités camerounaises: le harcèlement sexuel exercé par des enseignants sur des étudiantes. Dans son livre, « Harcèlement sexuel en déontologie en milieu universitaire » qui vient de paraître en français et en anglais aux éditions Clé, le secrétaire général de l'université de Yaoundé I, en acteur du système, examine les causes et les conséquences de ce phénomène pour, enfin, proposer des issues de secours aux victimes qui ne doivent plus se taire.

En prélude à toute réflexion, l'auteur publie neuf témoignages d'étudiantes de l'université de Yaoundé I victimes de harcèlement sexuel. Le seul témoignage fait à visage découvert est celui d'Elise Mballa Meka, ancienne étudiante à l'université de Yaoundé, aujourd'hui présidente du conseil d'administration de la Sociladra. Pour Jean-Emmanuel Pondi, « il ne peut y avoir égalité de droit, de chance ou progrès pour tous quand une partie de la population estudiantine subit des traitement qui portent atteinte à la dignité humaine et entravent la bonne poursuite de son cursus normal à l'université » (P. 26).

Les causes du harcèlement sexuel en milieu universitaire sont nombreuses : la faiblesse du ratio de l'encadrement académique (un enseignant pour 140 étudiants dans les grandes métropoles); la masculinité de l'enseignement (seulement 19% des enseignants sont des femmes) ; la sur-représentation des filles dans les filières autres que scientifiques et technologiques, « filières dans lesquelles l'attribution des notes obéit à un barème plus clair et plus strict facilement chiffrable » ; la précarité financière des étudiantes qui les rend vulnérables et la démission de certains parents face à leur responsabilité. Les conséquences de cette dérive vont de la violation des droits de l'étudiante aux meurtrissures morales difficiles à soigner. Victimes de harcèlement sexuel, beaucoup d'étudiantes choisissent de changer de filière, d'université ou encore de pays, avec un coût psychologique et financier supplémentaire.

Au Cameroun, déplore l'auteur, il n'existe pas de loi spécifique sur le harcèlement sexuel. De plus, « parce qu'elles sont perpétrées de façon insidieuse, les violences faites aux femmes comptent parmi les actions les plus difficiles à identifier et à établir par une tierce personne comme le veut la loi. Cette caractéristique n'enlève rien à leur illégalité », écrit-il. Et de donner des issues de secours aux victimes : la cellule d'écoute et de conseil du Centre médico-social de l'université de Yaoundé I; l'Association de lutte contre les violences faites aux femmes (Alvf); la commission diocésaine justice et paix de l'archidiocèse de Yaoundé; l'Association camerounaise des femmes juristes (Acafej).

Cependant, pour une meilleure protection des étudiantes, Jean-Emmanuel Pondi, qui est par ailleurs enseignant à l'Institut international de relations internationales du Cameroun (Iric), suggère l'élaboration d'une charte d'éthique et de déontologie universitaire qui stipulerait les droits et les devoirs de chaque membre de la communauté universitaire.

Stéphanie Dongmo


Jean-Emmanuel Pondi

Harcèlement sexuel et déontologie en milieu universitaire

Préface de Marcelline Nnomo

Editions Clé, Yaoundé

Décembre 2010

80 pages, prix: 2500Fcfa

médias : Un journaliste du Jour interpellé par la Sémil


Adolarc Lamissia a été interrogé pendant plusieurs heures le 10 décembre 2010 à Ngaoundéré, à la suite d'un article sur la tentative d'assassinat du commandant du 5e Bir.

Vendredi 10 décembre 2010, Adolarc Lamissia, journaliste au quotidien Le Jour, a été interpellé à Ngaoundéré par des militaires et conduit à l'antenne Semil (Sécurité militaire) de l'Adamaoua. Entre 16h et 22h15, notre collègue y a subi deux interrogatoires, l'un mené par le chef de la division des enquêtes à la Semil, l'adjudant chef Boubakary Issa, et l'autre par le chef d'antenne de la Sémil qui lui a dit exécuter ainsi les ordres conjoints du gouverneur de la région de l'Adamaoua, Enow Abrams Egbe, du commandant de la 3ème région militaire et du ministre de la Défense, Edgard Alain Mebe Ngo'o.

Cet interrogatoire n'avait qu'un seul but : obtenir d'Adolarc Lamissia le nom de sa source d'information, en rapport avec la tentative d'assassinat du commandant du 5ème Bir par un sergent, le 08 décembre 2010 à la place des fêtes de Ngaoundéré, à l'occasion de la célébration des 50 ans de l'armée camerounaise. L'article, paru dans Le Jour vendredi dernier, donnait, du reste, la parole au commandant du 5ème Bir, le lieutenant colonel Tiokap Lotti.

Pendant l'audition, les responsables de la Semil ont fait défiler plusieurs agents de la Semil devant Adolarc Lamissia pour qu'il identifie sa source d'information. Mais le journaliste est resté ferme. Le commandant de l'antenne Semil lui a dit qu'il ferait tout pour qu'il soit poursuivi par le procureur de la République pour « ingérence et tentative de nuire à l'armée camerounaise ». Adolarc Lamissia a finalement été libéré après avoir subi plus de six heures d'audition, des tortures psychologiques et des insultes, d'après ses déclarations.

Menaces de mort

Samedi, 11 décembre dernier, aux alentours de 16h, notre collègue a été abordé par un homme qui s'est présenté à lui comme étant le substitut du procureur de la République près le parquet de la Vina. Il lui a demandé de se rendre audit parquet ce lundi matin, de même qu'à la brigade de recherche de Ngaoundéré pour être entendu, sans toutefois lui donner de convocation écrite. Depuis lors, Adolarc Lamissia reçoit des appels anonymes des personnes qui lui promettent la mort.

Suite à l'interpellation du journaliste, le Syndicat des journalistes employés du Cameroun (Sjec), dans un communiqué signé de Denis Nkwebo, secrétaire national à la communication chargé des alertes, et publié le 10 décembre, a condamné « cette tentative manifeste de violation du secret des sources ». Le Sjec a par ailleurs encouragé Adolarc Lamissia à s'abstenir de toute déclaration à la Sémil, et appelé tous les journalistes camerounais à se tenir prêts à répondre aux mots d'ordre éventuels contre « cette agression inutile ».

Stéphanie Dongmo

lundi 13 décembre 2010

« Biens mal acquis » : France24 censure une vidéo

La chaîne française a retiré de son site une vidéo où Paul Biya, en compagnie d'autres chefs d'États africains, affirme:"ils ne peuvent pas établir que j'ai une fortune".

La chaîne publique France 24 a retiré une vidéo potentiellement embarrassante de son site internet, à la demande d'une ambassade africaine, et sans en informer ses internautes.

Cette vidéo est liée à l'affaire dite des « biens mal acquis », c'est-à-dire l'utilisation de l'argent de la corruption par des chefs d'Etat africains pour acheter des biens immobiliers en France. L'affaire, lancée par des associations (Sherpa, Transparence international (TI) France et le CCFD), est engagée dans un parcours du combattant judiciaire, dont le dernier épisode, début novembre, est le feu vert de la Cour de cassation pour le renvoi du dossier devant un juge d'instruction.

Trois chefs d'Etat sont visés par cette enquête : Denis Sassou Nguesso du Congo, Ali Bongo du Gabon, et Téodoro Obiang Nguema de Guinée équatoriale.

Conversation « off » filmée

Le 28 novembre, les chefs d'Etat africains se retrouvent en sommet à Tripoli (Libye), et le président camerounais Paul Biya croise ses collègues du Sénégal, Abdoulaye Wade, et de Guinée équatoriale, Téodoro Obiang Nguema. Ils bavardent sous une tente tandis que les caméramen font leur travail. Seul problème, leur conversation est également enregistrée.

La conversation, ou du moins ce qu'on en capte, révèle l'agacement des chefs d'Etat africains contre cette procédure en France visant trois d'entre eux et potentiellement d'autres comme Paul Biya, au pouvoir depuis plus d'un quart de siècle.

Disponible quelques jours sur le site de France 24, l'article racontant cette histoire, vidéo à l'appui, en a été retiré. Les internautes ont droit désormais à cette seule phrase d'accueil : « vous n'êtes pas autorisé à accéder à cette page ».

A quoi ressemblait la page avant sa dépublication sans explication ? Pas compliqué de la retrouver.

Dans son article, désormais inaccessible, daté du 3 décembre, dans sa section « Les Observateurs », France 24 écrivait :

« Mise en ligne le 30 novembre sur le site de la présidence camerounaise, la vidéo a fait la une de deux journaux locaux (Le Jour et Quotidien Mutations), mercredi. Selon ces quotidiens, la vidéo a été modifiée et repostée dès le 1er décembre à 11 heures du matin, une musique arabe recouvrant désormais la discussion “off” des trois présidents africains. »

Extrait de l'échange entre les trois présidents :

Wade : « J'ai vu, j'ai vu. Ta réaction était très bonne, j'ai vu. »
Biya : « Mais, franchement, nous avons des oppositions. Ils inventent des choses, ils traduisent les chefs d'Etats africains devant des tribunaux étrangers. »
Biya continue : « Ils ne peuvent pas établir que j'ai une fortune ou je ne sais pas moi. Mais, mais ce qui est assez anormal, c'est la complaisance des médias, à lancer le détournement dans l'opinion. »

Source : Rue89

mercredi 8 décembre 2010

Portrait : Koko Komegne tel quel

A 60 ans, le plasticien qui se définit comme un disciple de Picasso a célébré, cette année, 44 ans de carrière. (Article paru le 11 mars dans Le Jour)

Dreads locks cachés par un bonnet. Blouson et pantalon jeans. Lunettes de soleil dans une poche. Cigarette allumée entre deux doigts. Bienvenue dans l’univers de Koko Komegne. Mais Koko Komegne ce n’est pas que le look. C’est aussi la personnalité. Affabilité, passion, verve. L’artiste anticipe même les questions et parle de manière presque ininterrompue. De sa vie, de sa carrière, de son art.

Né le 02 octobre 1950 à Batoufam, Gaston Komegne, de son vrai nom, a passé une partie de son enfance à Yaoundé. Au départ, il est attiré par la photographie. Mais l’appareil photo est hors de prix. Il s’oriente alors vers la peinture, moins coûteuse. Le véritable déclic va se produire en 1965 à Douala, lors d’une rencontre fortuite avec un peintre français, Jean Sabatier. Koko commence véritablement sa carrière par la peinture publicitaire. L’argent gagné ici, il l’investit dans ses recherches picturales. Pour forger son art, il reproduit des œuvres des grands peintres comme Van Gogh et Picasso, son modèle.

Plus tard, il va créer un courant qu’il appelle la « diversion optique ». « C’est un symbolisme qui introduit le visiteur et l’égare ; c’est l’ensemble des valeurs culturelles du monde noir allié à la modernité ; c’est une technique qui schématise, stylise et résume ; c’est un dialogue silencieux entre l’homme et la matière ; c’est une peinture qui ne s’adresse pas aux yeux mais à l’âme », explique-t-il. Artiste militant, il a été à l’origine de plusieurs regroupements de plasticiens au Cameroun, parmi lesquels le Collectif des artistes plasticiens du Littoral (Caplit) en 1983. Koko Komegne aime Douala, la ville où il réside. Et Douala le lui rend bien. « Je suis fier de Douala, parce que c’est devenu le porte flambeau de l’art plastique au Cameroun et dans la sous-région ».

Impossible pour lui de parler du nombre exact de ses expositions, tant il en a fait. Mais de son apport à l’art plastique, certainement. « Je suis le père de l’art contemporain au Cameroun. J’ai permis aux artistes de sortir du réalisme pour se lancer dans l’abstraction ». Depuis les années 60, en effet, la peinture a fait du chemin dans notre pays. De la peinture pour touristes (folklore, portrait, nature morte…), on est arrivé à la peinture contemporaine. Au point où, pour l’artiste, il n’est plus indiqué de parler de peinture mais d’art plastique. Car, au final, l’installation, le body art, la sculpture et la performance se sont greffés à la peinture pour le prolonger.

Koko Komegne ne dissocie pas la peinture de la sculpture, mais en fait un prolongement. Pour créer une rupture avec la représentation figurative, son graphisme navigue entre abstraction et expressionnisme, tout en incluant des collages (tissus jeans, aluminium, capsules de bière…) Ses tableaux chargés d’écriture rappellent toutes ces années que le plasticien a passées à faire de la peinture publicitaire. Les corps en mouvement sont des formes récurrentes dans ses œuvres. L’artiste aime pratiquer ce qu’il appelle la diversion optique, une technique qui consiste essentiellement à tromper l'œil du spectateur.

Koko Komegne a su s’adapter et même anticiper ces évolutions. « Ma peinture a traversé le temps, les courants et les tendances parce qu’il est le fruit d’un regard prospectif », explique-t-il. Et d’ajouter : «J’ai apporté à l’art plastique mon refus de la quotidienneté, mon combat pour la liberté, car, le peintre, c’est avant tout un homme libre ».

Stéphanie Dongmo

mardi 7 décembre 2010

Cinéma: Bientôt un site internet pour la diffusion des films africains


C'est l'objectif d'un séminaire organisé par l'Institut Goethe de Yaoundé la semaine dernière entre cinéastes africains et européens.

“Mokolo”, c'est le nom provisoire du site. Il a été révélé vendredi dernier à l'Institut Goethe de Yaoundé, au quatrième et dernier jour du séminaire organisé par l'institution allemande pour la mise en réseau d'une plate-forme cinématrographique entre professionels africains et européens. D'après les participants venus d'Afrique du Sud, d'Allemagne, d'Ethiopie, de France, du Sénégal, du Nigéria et du Cameroun, “Mokolo” aura pour but de diffuser des films africains et européens et d'initier des échanges professionnels entre cinéastes. Il est aussi question de mettre en réseau les différents sites spécialisés dans le cinéma qui existent déjà, tels africiné, cinémaducameroun, scripthouse, ethiopianfilminitiative, onlinefilm...

Le critique de cinéma Jean-Marie Mollo Olinga a expliqué que “c'est aux Africains de s'approprier cette plate-forme qui va donner plus de visibilité au cinéma africain”. Ce à quoi Waa Musi, président de l'association Cameroon films industry, a ajouté: “C'est une ouverture pour les films africains qui font face à un problème crucial, celui de la distribution”. Ainsi, les 15 films produits en moyenne chaque trimestre au Cameroun vont trouver un public sur Internet. Et les retombées, elles, se feront sur le long terme, d'après Enrico Chiesa d'Africafilms.tv: “Tous les Africains qui ont un portable aujourd'hui seront connectés à internet demain. L'important est que nous commencions à apprendre ensemble maintenant pour être prêt demain”. En attendant, le marché que représente la diaspora africaine est à conquérir.

Thierno Ibrahima Dia d'Africiné pose quelques préalables à cette aventure: des bases juridiques claires, la transparence et la confiance. Gérard Essomba, lui, est pour la qualité des films et l'implication, aux côtés des réalisateurs, des producteurs, scénaristes, acteurs et techniciens de l'image. Sur internet, la piraterie est présente. Pour la contourner, Enrico Chiesa recommande de crypter les films et d'utiliser des logiciels qui n'acceptent pas le téléchargement.

Irene Bark, la directrice de l'Institut Goethe de Yaoundé qui joue ici le rôle de médiateur, a expliqué que ce projet, qui n'est encore qu'au stage des discussions, est “un rêve que nous voulons réaliser”. Pour le moment, aucune date n'a été avancée pour son démarrage effectif.

Note de lecture : Victimes ou bourreaux?


Dans un recueil de nouvelles, Irène Maben raconte comment, tous, nous sommes victimes de l'environnement dans lequel nous vivons.


Les douze nouvelles du recueil “Victimes” de Irène Maben, paru chez Ifrikiya en septembre dernier, ont pour dénominateur commun la perte de l'innocence. Le livre nous plonge au cœur de la pauvreté, pour raconter les mésaventures de personnages qui, à un moment ou à un autre, ont fait des choix qui ont fait basculer leurs vies.

Quelques uns méritent que l'on sy attarde: le jeune étudiant Fekak a été contraint de se livrer à des pratiques homosexuelles en échange d'une somme d'argent qui lui a servi à payer ses droits universitaires; l'héroïne de la nouvelle “Bonheur volé” a dû céder sa place d'épouse à une étrangère ; Dorine a épousé un vieux Blanc qui a essayé de la prostituer une fois en Europe ; Mboussi Emmanuel a perdu son âme en échange d'une chefferie; Hermine, déjà mère de trois enfants de pères différents, a épousé un homme qui a fini par violer ses deux filles ; le fiancé aimant de l'héroïne de “La honte de ma vie” s'est révélé être un braqueur.

La meilleure nouvelle de ce recueil est sans conteste “Une nuit en forêt”. Elle raconte l'histoire de Keedi, un vieillard qui s'est perdu en forêt. Ses yeux ont vu ce qu'aucun humain ne devrait voir, ses oreilles ont entendu des choses réservées aux esprits. Alors que tout le village attend qu'il paie de sa vie cette intrusion dans un monde mystérieux, il se voit plutôt récompensé. Une chute inattendue qui captive le lecteur, suscite en lui des émotions et, au-delà, des réflexions. Mais une chute qui manque à beaucoup d'autres textes de ce recueil.

Pour Irène Maben, tous ces personnages sont des victimes. Victimes du simple fait d'être en vie, victimes de leurs proches, victimes de la société dans laquelle ils vivent, victimes de leur pauvreté mais aussi victimes de leur cupidité. Car, Fefak aurait pu choisir d'abandonner ses études au lieu de se livrer à un homme; Mboussi Emmanuel aurait tout aussi bien pu refuser d'être fait chef de village. Le comédien américain Ambroise Bierce ne disait-il pas à cet effet que “Les victimes sont parfois aussi coupables que les bourreaux”?

L'écriture de Irène Maben est pressée, comme si, pour elle, il était urgent de vite boucler une histoire pour en écrire une autre. Certains scènes sont si vite décrites qu'elles en deviennent anecdotiques. Dans ses textes écrits de manière progressive, avec très peu de flash back, le côté psychologique des personnages est seulement évoqué, au profit des évènements extérieurs qui viennent bousculer leurs existences. Toutefois, la couleur verte de la couverture de l'oeuvre jette une touche d'espoir dans cette collection de catastrophes.

Doctorante à l'université de Yaoundé I, Irène Maben a choisi, pour sa première publication, la nouvelle, le genre par excellence des auteurs novices, qui n'est pour autant pas un genre mineur. Elle annonce pour bientôt la publication d'un roman où, on l'espère en tout cas, son écriture s'affirmera mieux.

Irène Maben

Victimes (nouvelles)

Edition Ifrikiya

Collection Proximité

Yaoundé, septembre 2010

97 pages, prix: 3000Fcfa



Humour: Un seul mot, rions seulement!


C'était le mot d'ordre de Major Asse et Valéry Ndongo, au cours du Stand up night show qu'il ont donné le 3 décembre 2010 au Ccf de Yaoundé.

Le public était là, les humouristes aussi. La représentation pouvait commencer. Comme d'habitude au Stand up night show, une floppée de thèmes étaient au programme, tant l'engagement de Valéry Ndongo et de Major Asse est grand: les détournements de fonds publics, la colonisation, les 50 ans d'indépendance, la présence chinoise, l'opération Epervier... Autant de sujets sérieux tournés en dérision pour mieux faire passer le message chez les uns et faire avaler la pilule aux autres. Le résultat était captivant, hilarant, réaliste.

Chez ces artistes, la politique et le sexe ne sont jamais loin, les histoires caustiques du “kwatt” aussi. Ainsi, Valéry Ndongo a incarné tour à tour le chef d'un gang qui braque avec “rigueur et moralisation”, pour emprunter au mot d'ordre du Renouveau ; la prostituée syndiquée qui réclame son dû après une nuit de dur labeur ; le “docta” qui vend ses produits à base de ginseng dans un bus ; le “travailleur de Dieu” qui se nourrit de la détresse spirituelle des autres.

La “copine des Camerounais”, Major Asse, a présenté un nouveau sketch. C'est l'histoire de “Pickpocket”, grand voleur devant l'Eternel, à laquelle se sont greffés d'autres thèmes: la corruption des forces de l'ordre, le dévergondage sexuel de certains prêtres et le rapport entre Blancs et Noirs. A un moment, l'humoriste a laissé la place au poète, pour déclamer des vers d'amour. Major Asse est ainsi revenu à ses premières amours, la poésie, qu'il a pratiquée au sein de La Ronde des poètes, tout comme Valéry Ndongo, avant de se faire un nom dans l'humour.

Sur scène, les promoteurs du Stand up night show étaient accompagnés de deux jeunes recrues, Christelle et Charlotte, dont les sketches portaient l'empreinte de Major Asse. En fin observateurs, Valéry Ndongo et Major Asse puisent leur inspiration dans la réalité sociale camerounaise. Si le pays vit encore “sous perfusion”, 50 ans après son indépendance, leurs personnages, eux, ont pris leur destin en main... dans un bar. Comme beaucoup de laissés-pour-compte du système, ils essayent de noyer les soucis qui, à leur grand dam, ont appris à nager. “Un seul mot, buvons seulement!” ont lancé les humouristes en choeur. Et nous, nous leur disons: “Un seul mot, continuez!”

jeudi 2 décembre 2010

Spectacle: Le Japon célèbre 50 ans de relations avec le Cameroun

Cinq artistes nippons ont donné un concert de musique traditionnelle lundi à l'Institut Goethe à Yaoundé.

C'est par un tonnerre d'applaudissements que le spectacle de musique traditionnelle japonaise, Minyou, s'est achevé lundi dernier à l'Institut Goethe de Yaoundé, aux alentours de 21h. Organisé par l'ambassade du Japon au Cameroun et la Japan foundation, il célébrait les 50 ans de relations diplomatiques entre ce pays et le Cameroun.

A l'ouverture du concert, quatre musiciens nippons, dont trois habillés en hakama japonais, et une femme vêtue d'un kimono, ont investi l'estrade. “Bon concert, on est ensemble”, a lancé la chanteuse Maya Nemoto, dans les quelques mots de français qu'elle a appris. Les artistes ont présenté les instruments traditionnels japonais avec lesquels ils allaient jouer. Puis, à tour de rôle, chacun d'eux a étalé son savoir-faire. Abe Ginzanburou, comme Maya Nemoto, a joué du shamisen (sorte de guitare) en interprétant des chansons. Senba Takayuki, lui, a fait entendre toute la richesse de ses percussions. Tagawa Tomofumi a battu le taiko (tambour), en dansant. Koshi Tsukada a le plus impressionné. Sa gorge semblait ne jamais manquer de souffle pour faire sortir des sons aigus de son shakuhachi (flûte en bambou).

Au milieu du spectacle, les musiciens camerounais invités se sont produits. Venant Ntiomo, Sylvain Mbassi et Martin Ambara ont apporté chacun son instrument (tambour, mvet, balafon) pour accompagner la chanteuse Alima. Rapprochement des cultures oblige, Camerounais et Japonais se sont mis ensemble pour interpréter d'abord un morceau beti, ensuite un morceau japonais, avec des sons souvent discordants.

D'après Keiji Yamamoto, ambassadeur du Japon au Cameroun, “ce concert est une occasion d'échanges culturels entre les deux pays. Cette année déjà, le Ballet national a donné des représentations dans plusieurs villes du Japon”.

Stéphanie Dongmo

mercredi 1 décembre 2010

Affaire Bibi Ngota : Harrys Mintya refuse le prix de la liberté d'expression

Cette distinction lui a été décernée en septembre dernier par le Canadian journalist for free expression (Cjfe), de même qu'à Serge Sabouang et Bibi Ngota.

Dans un lettre adressée hier au « président de la l'association de défense des journalistes opprimés, Montréal, Canada » (sic), avec ampliation au ministre de la Communication, Harrys-Robert Mintya Meka, directeur de la publication du journal Le Devoir, refuse le « prix de combat pour la liberté et la démocratie octroyé en mon honneur » (sic). En effet, le 7 septembre dernier, le Canadian journalist for free expression (Cjfe) a décerné le prix international 2010 de la liberté de la presse à deux journalistes mexicains, ainsi qu'à trois confrères camerounais: Harrys Mintya, Serge Sabouang et, à titre posthume, Bibi Ngota.

Carole Off, la présidente du comité d'organisation de la “soirée d'hommage au reportage courageux” du Cjfe, déclarait alors : « Les journalistes auxquels nous rendons hommage n'ont pas hésité à courir des risques pour leur sécurité personnelle afin de rapporter des histoires que le monde doit apprendre». La soirée de remise des prix s'est déroulée à Toronto au Canada le 25 novembre dernier, en présence de Thérèse Tchoubet, la soeur du regretté Bibi Ngota, et de son époux Bosco Tchoubet. En récevant le prix des trois journalistes, Thérèse Tchoubet a déclaré que ce prix “ a contribué directement à la libération de Serge et de Harris. C'est une victoire”.

Harrys Mintya qui dit l'ignorer estime qu'il ne mérite pas cette distinction: “On décerne un prix à quelqu'un lorsqu'il a combattu pour quelque chose ou posé un acte de bravoure. Moi, je fais juste mon travail de journaliste”. Il se plaint par ailleurs du peu d'information dont il dispose à propos de ce prix. Il raconte que “l'association de défense des journalistes opprimés” (sic) lui a envoyé une équipe de Canal2 international pour la réalisation d'un reportage, alors qu'il étais interné à l'hôpital Jamot de Yaoundé pour déprime. “Les reporters en question n'ont pas mis plus de cinq minutes pour le faire et, de surcroit, ne m'ont pas permis d'en savoir plus”, précise-t-il.

En rappel, Harrys-Robert Mintya et Serge Sabouang ont été mis en liberté provisoire le 24 novembre dernier. Avec leur confrère Bibi Ngota, ils avaient été écroués à la prison centrale de Yaoundé en avril 2010 à la suite d'une plainte du secrétaire général à la présidence de la République, Laurent Esso, pour faux et usage de faux. Aujourd'hui, Harrys Mintya semble pressé de tourner la page: “L'affaire est finie. Puisqu'elle a été classée, je considère qu'elle n'a jamais eu lieu”. Il n'a plus qu'un mot à la bouche: “Je remercie le président Paul Biya qui nous a libérés”.

Stéphanie Dongmo

Médias : Les misères du journalisme culturel au Cameroun


La pratique du métier bute sur de nombreuses difficultés, allant de l'amateurisme des acteurs au manque de considération au sein des rédactions.

Du 20 au 26 novembre 2010, la 18ème édition des Rencontres théâtrales internationales du Cameroun (Retic), en partenariat avec la Cameroon art critics (Camac), a organisé à Douala et à Yaoundé un atelier de formation sur le journalisme culturel, animé par Laure Malécot, journaliste culturelle française. Ambroise Mbia, le promoteur des Retic, explique qu'il est nécessaire pour la culture camerounaise d'avoir des journalistes bien formés qui savent de quoi ils parlent.

A ce propos, les artistes, premiers concernés par le travail de cette catégorie de journalistes, ne tarissent pas de critiques. « Il n'y a pas beaucoup de journalistes culturels au Cameroun », lance le musicien Roméo Dika. Il en veut pour preuve le fait que « parfois, un journaliste culturel fait des commentaires inappropriés sur un album alors qu'il n'y connaît rien ». Cette ignorance est aussi relevée par le metteur en scène Jacobin Yarro : « Les journalistes culturels n'ont pas le langage professionnel adéquat. Lire un spectacle, par exemple, veut dire qu'on est capable de décoder les codes utilisés par les artistes. Sur le plan culturel, on a besoin que les journalistes culturels se forment à la lecture des différents formes d'expression artistiques et se cultivent ». Or, jusqu'à présent, regrette-t-il, le journalisme culturel ne va pas au-delà du simple reportage classique, et aborde rarement la critique artistique.

L'absence de formation n'est pas le seul problème auquel font face les journalistes culturels. Parfait Tabapsi, le président de Camac, l'association des journalistes culturels du Cameroun, en a recensé d'autres : « Un : il y a des rédactions qui n'ont pas du tout de rubrique culture, notamment à la radio et à la télévision. Et même quand la rubrique existe, elle n'est pas toujours régulière. Deux : les gens ne viennent pas toujours en culture par passion, et l'un des combats de Camac est que les gens fassent le journalisme culturel par conviction». Justin Blaise Akono, le chef de la rubrique culture à Mutations, lui, explique que la première difficulté à la pratique de son métier est interne. Il vient du manque de reconnaissance du travail des journalistes culturels qui fait rarement la une, en dehors des polémiques. « La page culture peut sauter à tout moment pour laisser la place à la publicité. Quand on se retrouve avec deux pages au frigo, on n'est pas motivé à aller sur le terrain couvrir l'actualité », se plaint-il. Serge Edzou, directeur des programmes à Magic Fm, estime que la culture est très souvent lésée face aux effectifs insuffisants dans les rédactions.

Pour Laure Malécot, les journalistes culturels camerounais s'en sortent déjà pas mal : « ile ne sont pas aidés par le contexte au niveau du manque de matériel et du manque d'information, mais ils son prolifique. Maintenant, il faudra évoluer vers un mieux ». Et ce mieux passe par la formation. « Cet atelier nous renforcent dans notre conviction que nous sommes sur la bonne voie et nous permet d'affiner notre art. Notre souhait est que de telles initiatives se multiplient », espère Parfait Tabapsi.

Stéphanie Dongmo

mardi 30 novembre 2010

Laure Malécot:« Les journalistes culturels sont aussi des critiques”


Animatrice d'un atelier de formation sur le journalisme culturel, elle explique que , dans le cadre de la 18ème édition des Retic. Elle parle des qualités d'un bon professionnel.

Qu'est-ce que le journalisme culturel?

C'est une forme de journalisme très particulière qui emprunte un peu au journalisme d'investigation parce qu'il faut être curieux, savoir enquêter pour chercher l'orginine de l'inspiration d'un artiste, d'où il est originaire, dans quel contexte il a vécu. Il y a un peu du journalisme politique là dedans aussi, parce qu'un artiste exprime toujours la situation politique d'une société. Pour bien comprendre ce qu'il fait ou dit, il faut absolument se renseigner sur la situation du pays d'où il est originaire.
Quelle différence entre le journaliste culturel et le critique ?
Je ne fais pas vraiment de nuances entre le journaliste culturel et le critique, mais je dirais que le critique analyse une œuvre pour aider l'artiste à réfléchir sur son travail, alors que le journaliste culturel est plus axé à donner l'information au public. Mais en gros, les journalistes culturels sont aussi des critiques.
Quel est le rôle du journaliste culturel?
Il est vital, c'est un pilier du milieux culturel. C'est grâce à lui que le travail des artistes est connu par le public. Cela permet au quelqu'un qui ne peut pas y aller à un spectacle, par exemple, de suivre la vie culturelle de son pays, de pouvoir réfléchir et appréhender ce qui se passe. C'est aussi un élément de réflexion pour les artistes.
Quelles sont les qualités à avoir?
La passion, la curiosité, l'intégrité et l'éthique. Si on a ces quatre qualités, le reste vient ensuite. C'est la patience, le courage, le gout du sacrifice, parce que si on veut vraiment faire ce métier, on doit pouvoir sortir le soir. Cela veut dire qu'il faut avoir une vie privée pas très envahissante.
Y a-t-il des pièges à éviter?
Oui. La tentation de l'opportunisme et l'égocentrisme. A force de côtoyer les artistes, on peut se tromper.
Justement, la familiarité entre les artistes et le journaliste culturel n'interdit-il pas l'objectivité?
Je ne cois pas. Si on aime vraiment les artistes, on a envie de les aider. Et les aider c'est pas dire tout le temps que c'est bien ce qu'ils font, c'est garder un oeil critique sur leur travail. Cependant, il faut savoir dire les choses, car, les artistes sont très sensibles.
Propos recueillis par S.D.

lundi 29 novembre 2010

Le Festival mondial des arts nègres se prépare

Le Brésil est l'invité d'honneur de cette 3ème édition qui se tient du 10 au 31 décembre 2010 au Sénégal.

Pour cet événement culturel majeur qui coïncide avec l'année où 14 pays africains célèbrent le cinquantenaire de leur indépendance, Abdoulaye Wade, le président sénégalais, a confié l'organisation à l'Union africaine. D'après le comité d'organisation, le festival 2010 porte la vision d’une Afrique libérée, fière, créative et optimiste. Il a pour invité d'honneur le Brésil, terre de métissage et de diversité culturelle. Le Fesman, dont l'accès est gratuit, sera l’occasion de redécouvrir l'héritage africain de ce pays d'Amérique du Sud. Toutes les disciplines artistiques y seront représentées : littérature, arts plastiques, danse, théâtre, cinéma, architecture, gastronomie...

Initiée par le président Léopold Sédar Senghor, la première édition du Festival mondial des arts nègres s’est tenue en 1966 à Dakar pour célébrer les cultures noires. Son but était de « permettre au plus grand nombre possible d’artistes noirs, ou d’origine noire, de se faire connaître et de se faire aimer par un auditoire aussi vaste que possible dans un climat de tolérance, d’estime mutuelle et d’épanouissement intellectuel». Pour Senghor, l'un des chantres de la négritude, il devait servir à réaffirmer la noblesse des cultures africaines. « Il a permis de rendre visibles et palpables les années de reconquête de la dignité des peuples noirs sur une terre d’Afrique restituée depuis peu aux Africains », lit-on sur le site officiel du festival. En 1977, le Nigeria a accueilli la seconde édition, avec le même objectif. 33 ans après, la troisième édition retourne au Sénégal. Prévu l'année dernière, le Fesman avait été reporté.

Source : blackwordfestival.com


Les gens : Landry Mbassi en transit


« 5phonie pour transit », c'est le titre de la nouvelle création de Landry Mbassi. Le plasticien va la présenter le 1er décembre à 19h à l'Institut Goethe, dans le cadre de son traditionnel Café de l'art. Le projet qui en est à sa première phase est inspiré d’une expérience personnelle de son auteur, des conceptions que l’on peut se faire de soi-même, de l’immigration clandestine, mais aussi des voyages qu'il a effectués récemment. Landry Mbassi exprime, à sa façon, l’idée que « nous sommes tous des entités clandestines et nécessairement en transit sur cette terre ». Sa création utilise le slam, la vidéo, l’installation et les lumières pour, tantôt sublimer, tantôt interroger la dimension matérielle du corps.

Les gens : Landry Mbassi en transit

« 5phonie pour transit », c'est le titre de la nouvelle création de Landry Mbassi. Le plasticien va la présenter le 1er décembre à 19h à l'Institut Goethe, dans le cadre de son traditionnel Café de l'art. Le projet qui en est à sa première phase est inspiré d’une expérience personnelle de son auteur, des conceptions que l’on peut se faire de soi-même, de l’immigration clandestine, mais aussi des voyages qu'il a effectués récemment. Landry Mbassi exprime, à sa façon, l’idée que « nous sommes tous des entités clandestines et nécessairement en transit sur cette terre ». Sa création utilise le slam, la vidéo, l’installation et les lumières pour, tantôt sublimer, tantôt interroger la dimension matérielle du corps.

vendredi 26 novembre 2010

Roméo Dika : “Ama Tutu Muna a du respect pour moi”



Auteur-compositeur, arrangeur et producteur, Roméo Dika est né 1964 à Abidjan en Côte d'Ivoire. Le 11 décembre 2010, il organise un concert au palais des sports de Yaoundé pour célébrer ses 25 ans de carrière. Nous l'avons rencontré dans son studio sis au quartier Tsinga à Yaoundé. Il parle de ses débuts, des droits d'auteur, de ses démêlés avec le ministère de la Culture et de ses rapports avec la politique.

Roméo Dika
Vous célébrez vos 25 ans de carrière en décembre prochain. Pourquoi faire un arrêt maintenant?
Ce n'est pas un arrêt. Un arrêt veut dire qu'on est arrivé à l'apogée. Moi, je suis au début, j'essaie, à chaque étape, de faire le point. 25 ans de carrière, c'est une opportunité assez rare, surtout dans nos pays à forte paupérisation financière et culturelle. Avec la grâce de la providence, j'ai la chance d'atteindre 25 ans, pas dans l'anonymat. C'est aussi pour moi l'occasion de remercier le public qui, depuis tant d'années, m'a toujours gardé dans son cœur.

Quel le programme de cette célébration?
Le programme a été marqué déjà avec la sortie de mon nouvel album “You and me”, au mois d'août. Nous allons avoir une conférence de presse dans la période du 8 décembre, nous allons débattre entre nous, artistes, pour trouver les voies et moyens d'exposer aux pouvoirs publics notre vision de l'avenir de l'industrie culturelle et musicale au Cameroun. L'apothéose, c'est le 11 décembre au palais des sports de Yaoundé. Le concert commence à 20h00. On n'attendra personne. Les billets seront vendus à partir du 1er décembre par des hôtesses dans la rue, à nos bureaux à Tsinga et dans des supermarchés. Il y a des billets de 2500 francs. Les billets de 5000 francs donnent droit à un Cd de Roméo Dika. Ceux de 10 000 francs donnent droit à deux Cds: un de Roméo Dika, un autre de Mango ou de Claudia Dikosso.

Qui sont les artistes invités?
Moi-même, d'abord. Pour la première fois, je serai sur la scène à Yaoundé. Nous allons pouvoir revisiter mon reportoire, qui est riche de 10 albums, presque 120 titres. Il y aura Nkotti François et Salle John. Ils sont, avec Toto Guillaume, ceux que je considère comme mes parrains dans le domaine de la musique au Cameroun. J'aurai à mes côtés une amie de très longue date, Monique Séka, de même que AïJo Mamadou, Ntoumba Minka, Mango, Devis Mambo, Claudia Dikosso, Patou Bass, Mathematik de Petit Pays, Majoie Ayi, Abanda Kiss Kiss et le nouveau phénomène de la musique au Cameroun, Guy Watson.

Parlons de vos débuts. Comment êtes-vous arrivé dans la musique?
J'ai commencé au lycée de Manengouba. A l'époque, la culture semblait être le fondement de notre processus de développement. Dès le plus bas âge, la jeunesse était imprégné de deux choses: la culture et le sport. Au lycée de Manengoumba, on avait l'avantage d'avoir des instruments de musique; c'était au début des année 70. Par la suite, j'ai commencé à faire de petits cabarets à Douala et Nkongsamba. Je suis allé ensuite au Nigeria. Du Nigeria, je suis retourné en Côte d'Ivoire, où vivait mon père et où je suis né. Là-bas, j'ai joué avec l'orchestre de mon père, qui faisait beaucoup plus dans la musique classique, le jazz, ce qu'on appelait la musique intellectuelle. J'ai intégré l'orchestre les Zyglibithiens de feu Ernest Djedje, qui était l'une des méga-stars de la musique ivoirienne à cette époque. J'ai tourné avec lui une année, et lorsqu'il est décédé à Ouagadougou, j'ai décidé de partir en France.

Où vous êtes entré au conservatoire...
En France, un aîné, Toto Guillaume, me conseille d'aller au conservatoire pour apprendre la théorie musicale, parce qu'il sentait qu'au-delà de chanter, je pouvais aussi aider les carrières des autres. C'est comme cela que je suis entré au conservatoire de la Croix de Chavaux à Montreuil.

Quand arrive votre premier album ?
Le premier album dans lequel on entend ma voix ne porte pas mon nom, mais celui de Jules. C'est un artiste ivoirien qui, arrivé en studio, n'a pas pu chanter. J'ai posé la voix sur l'ensemble de titres et l'album a très bien marché en Côte d'Ivoire. C'était en février 1985. La même année, François Missè Ngoh arrive pour enregistrer. Je suis invité à interpréter un certain nombre de titres sur son album. Vers la fin de l'année 1985, je sors un album avec un groupe nigérian, comme compositeur et arrangeur. C'est en 1987 que je réalise mon premier titre solo.

En 1987, vous lancez le label DRI production...
DRI production est lancé en 1986, sous le nom de Avant-garde production. On ne savait pas qu'en France, la culture était très bien suivie. A la fin des années 86, nous avons eu les impôts derrière nous et nous avons changé d'appellation pour Dika Record International production, le 20 novembre 1986. Le premier disque que je produits sous ce label est celui de Barbara Akabla, qui, à l'époque, est une jeune chanteuse ivoirienne.

Plus tard, vous vous êtes offert un studio d'enregistrement...
J'ai fait un studio d'enregistrement ici à Yaoundé, à Elig-Essono, dans les années 97. Vivant à l'étranger à l'époque, j'ai confié les choses aux gens qui ne les ont pas bien gérées. Maintenant, le studio est installé à Tsinga.

En 2001, vous êtes élu vice-président de la Fédération internationale des musiciens et démissionnez quelques années après. Pourquoi?
Je suis devenu d'abord membre du comité exécutif de la Fédération internationale des musiciens en 1988. Je suis élu par la suite au poste de vice-président international à la Havane, à Cuba. J'ai démissionné en 2005 parce que je voyageais trop, je n'avais pas le temps d'organiser ma famille. Mon fils est né entre-temps, je voulais m'en occuper un peu plus. Par ailleurs, dans les organisations internationales, il y a un certain nombre de pressions auxquelles je ne voulais pas me soumettre. Je suis un homme de principes. Or, à un certain moment, il faut faire des compromissions. J'ai pris un peu de recul, mais, je suis toujours dans les instances de la fédération, qui s'occupe des questions liées à la propriété intellectuelle, à la défense des intérêts des auteurs.

Vous avez été secrétaire général de la défunte SOCINADA. Quel regard portez-vous sur la gestion des droits d'auteurs au Cameroun?
J'ai l'impression qu'on fait une confusion. Quand on utilise le mot gestion, cela renvoie immédiatement à l'argent. Or, on gère un patrimoine qui est immatériel, c'est son exploitation qui produit un certain impact qu'on transforme en numéraire. Lorsqu'aujourd'hui vous voyez la plupart d'entre nous squelettiques, croulants sous la maladie, incapables de se soigner, on n'a pas besoin de parler. A l'époque de la Socinada, mon salaire était de 75 000 francs le mois, celui du président du conseil d'administration était de 175 000 francs. Nous sommes très loin de cette réalité aujourd'hui, où les présidents [de conseil d'administration] touchent un million de francs. L'histoire seule répondra un jour.

Mais je peux dire que le destin de l'ex-Socinada a été une conspiration entre les acteurs qui étaient sensés animer l'action de politique culturelle nationale. Cela a été le plus beau gâchis en matière de gestion de droits d'auteur pour toute l'Afrique. La Socinada était un projet pilote de l'Unesco, qui est devenu une référence. On avait eu une subvention de 200 millions de l'Unesco pour la construction du siège et des agences de l'ex-Socinada, les gens au ministère ont voulu gérer ce pactole qui arrivait.

Aujourd'hui, quels sont vos rapports avec la Socam?
J'ai fait adhérer DRI production et moi-même à la Socam. Elle évolue dans un environnement assez confus, nous observons.

Vivez-vous de votre art?
Je ne me plains pas. Après l'ex-Socinada, j'ai été banni du ministère de la Culture pendant 10 ans, on m'avait interdit d'y accéder. J'ai vécu cela la mort dans l'âme. Même au sein des sociétés de gestion collective où on exploitait mes œuvres, on ne me payait pas. C'est lorsque le Pr Magloire Ondoa est désigné président de la Commission permanente de médiation que, finalement, on va me payer. Il y a des moments où on m'a payé 2911 francs de droits d'auteur ici au Cameroun, avec tout le répertoire que j'ai et tous les artistes que j'ai produits. Mais comme je ne vis pas de cela, je ne fais pas de polémique. Je pense que le plus important, c'est que les choses marchent. 

On espère que le gouvernement va mettre la force qu'il faut pour que les artistes vivent de leur art, en amenant les usagers à s'acquitter du paiement de leurs droits. Aujourd'hui, on a beau accuser Odile Ngaska, la situation reste que quand on vous empêche de percevoir, vous ne pouvez pas payer les droits. Les produits contrefaits circulent librement. Si on n'arrête pas cela, comment voulez-vous que les artistes vivent de leur art? Quand vous organisez un évènement, tout le monde vous demande d'offrir les billets, d'offrir les Cds. Comment des gens qui travaillent peuvent quémander encore auprès des artistes qu'ils considèrent déjà comme des pauvres?

Vous avez évoqué le fait que vous avez été banni du ministère de la Culture pendant 10 ans. Que s'était-il passé?
A l'époque, il valait mieux encaisser que parler. Je suis quelqu'un de nature assez directe. On avait estimé, à l'époque, que j'avais dit des vérités à l'endroit de certains responsables du ministère. Il fallait tout mettre en œuvre pour me casser. Malgré tout ce que j'ai pu faire pour la musique camerounaise, c'est 25 ans après que j'ai été invité par le ministère pour chanter lors de la célébration du cinquantenaire. Pour vous dire vrai, cela m'a surpris moi-même. Et je suis content que cela soit arrivé sous Ama Tutu Muna.

Pourquoi?
Simplement parce que je la considère comme une soeur et parce que c'est une femme. Sans flagornerie aucune, je suis l'auteur-compositeur qui a composé le plus de grands succès dans les albums des autres artistes. Quand on parle de Grace Decca aujourd'hui, on ne peut pas oublier que c'est ma chanson, “Compréhension” qui l'a révélée au plan international. J'ai fait les Julia Young, Annie Anzouer, Chantal Ayissi, Sala Bekono... Si le Cameroun compte 100 artistes, il y en a au moins 80 qui ont interprété une mesure d'un texte ou d'une musique de Roméo Dika. 
Je n'ai pas besoin de revendiquer ces choses, c'est la nation qui devait m'être reconnaissante pour le travail que je fais pour le patrimoine culturel. J'ai été très meurtri, parce que, même sur le plan politique, aucun artiste camerounais n'a posé les actes que, moi, j'ai posés pour le régime Biya. C'est moi qui suis l'initiateur du contact entre les artistes et les politiques en 1992, au plus fort de la crise. J'ai mobilisé plus de 200 artistes de renom pour soutenir le président Paul Biya. En 1997, j'étais encore dans la campagne. En 2004, j'étais parmi les deux personnes qui pouvaient faire signer un document à Joseph Charles Ndoumba, secrétaire général du Rdpc.

Vous étiez son secrétaire particulier...
Nous étions les penseurs. Si 25 ans après je n'ai pas la reconnaissance du ministère de la Culture, dont le ministre est membre du Rdpc comme moi, qui d'autre l'aura? Je pense que tout a été rétabli aujourd'hui.

Est-ce à dire qu'aujourd'hui, vos rapport son bons avec le ministère de la Culture?
Mes rapports sont bons avec le ministre de la Culture. Ama Tutu Muna a du respect pour moi, mais je pense qu'il y a des personnes parmi ses collaborateurs qui n'apprécient pas trop cela. Ce qui m'intéresse, c'est que le ministre ait pu m'écrire pour me féliciter pour mon œuvre durant 25 ans et me donner son accord pour parrainer la célébration de cet anniversaire. Cela efface complètement toutes les humiliations que j'ai pu vivre. Je suis à l'heure de la célébration, je voudrais rester en joie, mais j'attends que cela se concrétise. Il y a des gens qui n'ont même pas eu 10 ans de carrière et qui ont reçu la médaille de l'ordre national de la valeur. Moi, j'ai représenté le Cameroun dans le monde entier, et c'est moi qui finance la célébration de mes 25 ans de carrière.

Vous tendez la main?
Non, je ne tends pas la main. Ce qui m'intéresse, au-delà de l'argent, c'est la reconnaissance, par un titre de chevalier de l'ordre national de la valeur. Il y a des choses que je ne devrais pas demander.

Sur le plan politique, allez-vous, une fois de plus, rentrer dans la campagne présidentielle en 2011?
Je suis un homme de conviction, je n'ai pas soutenu le président Biya parce qu'on m'a donné de l'argent. En 2004, le secrétaire général du Rdpc m'a fait mobiliser les artistes, pour un coût de 90 millions de francs, qu'on ne m'a pas payés jusqu'aujourd'hui. Cela aurait pu me pousser ailleurs, mais j'ai adhéré au Rdpc par conviction. J'ai été intéresse par l'idéal du parti. A cela s'ajoute l'affection que j'ai pour le président Paul Biya, dont la ligne idéologique n'a jamais changé.

Qu'est-ce que la musique peut apporter à la politique et vice-versa?
Depuis 1992, j'ai fait en sorte que le Rdpc utilise la musique comme un instrument d'action politque, qu'à travers la musique, on porte des actions vers les populations. Les hommes politiques paient pour se faire entendre des populations lors des meetings. Mais ces populations paient pour écouter les artistes. Il faut que les politiques sachent qu'en impliquant les artistes, ils donnent un autre impact à leur campagne. Il faut aussi que les artistes sachent que leur destin est tributaire de la société dans laquelle ils vivent, laquelle société est entre les mains du politique.

Deux musiciens camerounais sont en ce moment en prison. Quelle est votre réaction sur le cas Longuè Longuè d'abord?
Longuè Longuè est un petit frère qui m'a toujours marqué beaucoup de respect et d'affection; en retour, je me dois de lui marquer beaucoup de compassion dans la situation difficile dans laquelle il se trouve. Si j'étais président [de la République[, j'aurais déjà tout fait pour qu'il vienne purger sa peine ici. Mon souhait le plus profond c'est que sa femme lui pardonne, quelle que soit la douleur. Il y a des gens qui peuvent poser des actes de manière inconsciente, mais il faut savoir pardonner. Je souhaite aussi qu'une fois sorti de prison, Longuè développe beaucoup d'humilité, de modestie.

Sur le cas de Lapiro de Mbanga?
Deux mois avant qu'il ne soit arrêté, Lapiro est allé dans les médias pour m'accuser d'avoir volé l'argent de l'ex-Socinada pour financer la campagne de Paul Biya. Lui-même, il porte le germe de sa propre destruction. Mais ce n'est pas une raison pour que j'accepte qu'il soit en prison, s'il n'a pas fait de faute. En tant qu'artiste, Lapiro est un personnage assez engagé, qui peut nous aider à impulser un certain nombre de choses. Je voudrais appeler les artistes à se mobiliser pour que la situation de Lapiro puisse trouver une solution politique.

Sur un plan plus privé, vous avez été en couple avec trois musiciennes: Coco Mbassi, Chantal Ayissi et aujourd'hui Mango...
Je voudrais répondre très calmement et dire aux Camerounais qu'il ne fait pas bien de toujours développer des reptations. Je suis content que les gens s'intéressent beaucoup à ma vie, et qu'on me classe dans la catégorie de tombeurs de femmes que tombeur d'autre chose. Je réponds simplement que, pour le moment, je me suis marié à Mango. Les autres noms qu'ils citent n'engagent qu'eux. Je peux confirmer que Chantal Ayissi a été mon épouse, pour le reste, je connais pas.

Parlant de femmes, on constate que vous travaillez beaucoup avec elles, est-ce délibéré?
C'est un choix. Au début de ma carrière, j'ai travaillé avec beaucoup d'hommes et je me suis rendu compte que les hommes sont très bornés et braqués. Quand un auteur-compositeur arrive avec son oeuvre, il ne permet pas que quelqu'un d'autre lui fasse une réflexion, tandis que les femmes sont flexibles et ouvertes.

Après 25 ans, quel regard jetez-vous sur l'évolution de votre carrière?
Je remercie le seigneur parce qu'il m'a accordé la capacité de travailler. J'ai beaucoup travaillé pour ne pas être parmi les médiocres, et dans un esprit de partage.

Comment voyez-vous l'avenir de la musique camerounaise?
L'avenir de la musique camerounaise, je le vois en peu comme la vie. Il y a le temps de la naissance, de la maturation et ensuite du déclin. Le Cameroun a connu tous ces cheminements. Nous sommes arrivés au sommet. Les années 90 sont arrivées avec la politique qui a divisé les Camerounais et apporté le tribalisme. La misère dans laquelle nous sommes en train de vivre aujourd'hui amène les uns et les autres à réfléchir. Si on arrive à une répartition des rôles entre les producteurs, managers, chanteurs et autres, je pense que la musique camerounaise a un très bel avenir, elle connaîtra une résurrection. Il faut aussi que certaines sociétés qui organisent des concours arrêtent un peu la tricherie. On ne peut pas comprendre que, dans certains concours, les gens gagnent alors que le jury même est constitué de gens qui n'ont pas la compétence technique nécessaire pour juger les candidats.

Parlant de tricherie, que pensez-vous des awards décernés eaux artistes? L'année dernière, il y a eu beaucoup de contestation...
Le Cameroun ne s'élèvera jamais tant qu'on sera dans une logique de magouille. Je prends l'exemple d'un jeune comme Guy Watson, dont la chanson est jouée dans tous les bistrots, mais vous verrez qu'il n'est pas dans le hit parade. Je n'ai pas besoin de tourner ma langue dans la bouche pour dire qu'il y a tricherie. Les gens ne doivent pas être contents d'acheter des prix. Quel est ce pays où chaque radio, chaque animateur, a son hit parade? Dans certaines radio, il y a même deux ou trois hits parades!

Quels sont vos vœux pour 2011?
Que la culture devient le fondement de notre processus de développement. Au plan international, la culture est l'un des vecteurs de la relance de l'économie, les États-Unis nous le démontrent chaque jour. Nous avons un important patrimoine culturel inexploité. Il faut qu'on puisse s'assoir autour d'une table et discuter pour trouver des voies et moyens pour permettre aux acteurs culturels de vivre de leur art, et que cet art soit un élément fondamental de la relance de notre économie. Au plan politique, je souhaite que les Camerounais s'inscrivent massivement sur les listes électorales pour exercer leur devoir et droit de citoyen. Que tous les démons de la haine et de la division soient étouffés par le saint-esprit, afin qu'ils ne puissent pas créer des conditions de tension au Cameroun.
Propos recueillis par Stéphanie Dongmo

jeudi 25 novembre 2010

Patrick Noukpo : « Ferdinand Léopold Oyono a été un prophète »


Comédien et metteur en scène béninois, il a adapté au théâtre les trois romans de Ferdinand Léopold Oyono. Ses pièces sont jouées à Yaoundé dans le cadre des Rencontres théâtrales internationales (Retic) qui, cette année, rendent hommage à l'écrivain décédé en juin 2010.


Pourquoi avoir choisi de travailler sur les œuvres de Ferdinand Léopold Oyono?

J'ai été épris de ses ouvrages, du comique avec lequel il les a écrits, alors qu'il parle de sujets assez poignants. Au-delà de cela, j'ai constaté que, de plus en plus, les jeunes ne lisent pas, même lorsque les ouvrages sont au programme scolaire. Je me suis dit qu'adapter ces textes au théâtre, c'est une façon de les inciter à la lecture. Le fait de découvrir ces livres sur la scène peut les motiver à aller vers la lecture. J'ai aussi été touché par les thèmes qui sont abordés dans les livres d'Oyono.

La colonisation?

Je ne m'intéresse pas à la critique de la colonisation. Ce sujet n'est plus d'actualité, il ne sert à rien de retourner le couteau dans la plaie. Il est plutôt question aujourd'hui de regarder l'avenir en face, pour savoir comment nous avons géré nos indépendances. D'autres critiques qu'il a faites dans ses livres restent d'actualité. C'est clair qu'aujourd'hui, les jeunes veulent partir, comme si chez nous, il n'y a vraiment rien à faire. Mais on ne doit pas croire que chez les Blancs, il fait toujours bon vivre. C'est pour toutes ces raisons que j'ai décidé de travailler ces classiques qui sont déposés dans la grande bibliothèque universelle par Ferdinand Oyono. Paix à son âme.

Vous êtes Béninois, comment avez-vous découvert cet auteur camerounais?

La littérature est universelle. A l'école, j'avais écrit une dictée extrait d' « Une vie de boy ». Mon maître m'a demandé si j'ai lu ce roman. Je ne savais même pas ce qu'est un roman. Une fois à la maison, j'ai demandé à mon père de me procurer le livre. Dès cet instant, je me suis dit qu'il fallait que je prête ma voix à ce monsieur-là, que je l'aide à faire passer ce message. Si j'avais eu plus de moyens, j'aurais fait de films de ses livres, car, Oyono a été un prophète. Je l'ai rencontré l'année dernière, à l'occasion des Retic. On en a discuté, il était très content. Il avait même promis qu'il sera là cette année, mais la nature en a décidé autrement.

Quand avez-vous adapté chacune de ces œuvres ?

Nous [la compagnie Oshumare] avons adapté « Le vieux nègre et la médaille » en 2005. La mise en scène a été faite en 2006. « Une vie de boy » a été adaptée en 2008-2009, et « Chemin d'Europe » il y a à peine deux mois. Ce sera la première représentation [vendredi, 19h à l'hôtel Hilton de Yaoundé].

Toutes ces pièces sont des monologues...

Dans nos pays, la création souffre d'un manque de moyens. On n'a pas toujours les moyens pour appeler les comédiens lorsqu'on n'a pas un fonds de création. Aussi, j'ai décidé de porter tout en moi, c'est un challenge que je me suis lancé.

Comment réussissez-vous à mettre en scène tous les personnages que compte la pièce?

Passer d'un personnage à l'autre, avec la voix, la démarche, les mimiques, ce n'est pas facile. Il faut avoir une personnalité d'acteur. Il faut aussi que les gens qui travaillent avec vous prennent la peine de connaître ces personnages, de lire le texte.

Sur scène, vous dites le texte avec un débit assez rapide. Est-ce délibéré?

Le débit dépend de l'interprète. C'est aussi relatif au rythme, à la respiration du texte. Il n'est pas linéaire, il monte et il descend, il donne une certaine musicalité au texte. C'est de cette manière que je peux apporter le roman autrement.

Cela a-t-il été difficile d'adapter les romans d'Oyono?

Évidemment, oui, cela été difficile de raconter ces romans en 60 minutes ou 1h30 sur scène, sans les dénaturer. Pour le faire, il faut aimer la lecture, il faut savoir disséquer un texte. C'est un travail fou, mais plaisant.

Propos recueillis par Stéphanie Dongmo

mardi 23 novembre 2010

Aladji Touré : « Il y a des tintins dans le makossa aujourd’hui »


A l’occasion de la célébration de la célébration de ses 30 ans de carrière en avril 2010 à Yaoundé et Douala, le célèbre bassiste nous à accordé une interview. Elle a précédemment parue le 2 avril dans le quotidien Le Jour à Yaoundé.


Vous célébrez vos 30 ans de carrière, pourquoi faire un arrêt
maintenant ?

Pour moi, c’était le moment. Après avoir donné autant, il a fallu que je me fasse plaisir, que je réunisse des amis pour qu’on fasse une fête, 30 ans après. Je présente par la même occasion mon premier album de 12 titres, intitulé « New face». Mais en fait, c’est mon réel visage.

Quel est ce réel visage ?
C’est cette sensibilité que j’ai et qu’on découvre dans ma musique. Les gens m’ont toujours écouté à travers les autres, comme bassiste qui accompagne un chanteur ou comme arrangeur qui arrange les morceaux des autres. Mais là, c’est moi, c’est mon inspiration et ma sensibilité que je mets à la disposition du public. Et c’est pour cela que les gens qui me cataloguaient comme musicien bassiste de makossa sont surpris d’écouter cet album, car ils pensaient que je ne faisais que du makossa. Je leur explique que ce n’est pas moi qui fais le makossa, je travaille simplement sur les albums des gens qui font du makossa.

Quel est le programme de cette célébration ?

Je donne une conférence de presse à Douala le 13 avril. Tous les musiciens seront déjà là : Richad Bona, Guy Nsanguè, Toto Guillaume, Jean Dikoto Mandengue, Henri Dikongue, Ekambi brillant, Prince Eyango, Dina Bell et Ebeny Wesley qui est le batteur de l’équipe nationale du makossa. Ce sont les principaux invités. Le 14 avril, je dédicace l’album au Cabanon, un cabaret de jazz à Bonapriso à Douala. Le lendemain, on aura une soirée dédicace au cabaret La Réserve à Yaoundé. Je vais jouer quelques morceaux, juste pour donner un avant-goût. Le 16 avril, je vais donner un concert avec tous mes invités au palais des congrès de Yaoundé et le 17 avril à Douala Bercy.

Vous serez entouré de bassistes camerounais qui sont assez sollicités à l’international. Qu’est-ce qui fait la particularité de la basse camerounaise ?

Le Cameroun est une vraie pépinière de bassistes, on ne peut pas parler de la basse en Occident sans parler des bassistes camerounais, qui occupent une place assez importante dans la musique internationale aujourd’hui. C’est quelque chose qui est difficile à expliquer, je pense qu’on a eu de bons exemples. Nous avons une diversité de rythmes folkloriques et nous jouons la basse comme un instrument rythmique, en y ajoutant les mélodies et les harmonies occidentales. Au niveau du jeu aussi, les bassistes camerounais ont une sonorité très percutante et cela fait toute la différence.

Votre album est prêt, quand va-t-il sortir?
L’album sera mis sur le marché le 14 avril prochain. Mais en prélude à cet album, un single de deux titres, Renaissance et Ison, est sorti il y a quelques mois, de même qu’un Dvd qui est un extrait d’un concert que j’ai fait en Allemagne. A la suite de ce concert, il y a un hommage que des artistes me rendent: Richard Bona, Ekambi Brillant, Richard Mbappé et Petit Pays, l’un de mes filleuls.

Comment avez-vous réussi à concilier les divers rythmes que l’on retrouve dans cet album ?
Il y a du jazz, du bikutsi, du mangambeu, du makossa, des rythmes folkloriques bafia, le bolobo, la mazurka et même des rythmes caribéens. Je n’ai même pas fait exprès, c’est venu de toutes les influences musicales que j’ai eues en côtoyant différents musiciens du monde. J’ai quand même roulé ma bosse en Afrique, en Amérique latine, aux Etats-Unis, en Europe.

Pourquoi faire un album totalement instrumental?
J’ai remarqué que dans les pays occidentaux, les gens écoutent les musiques sans voix. Chez nous au Cameroun, en Afrique en général, personne n’a pensé à faire un album complètement instrumental. Je crois que les musiciens sont lésés parce qu’on ne fait pas attention à eux, alors que c’est eux qui font tout le boulot, qui rendent le produit beau. Prenons l’exemple de… disons Charlotte Dipanda, elle est d’actualité. Si elle est sur scène avec ses musiciens, à 98%, les gens vont avoir le regard fixé sur elle, parce que c’est elle la tête d’affiche. Lorsque l’album est chanté, les gens ne se focalisent que sur la voix, même s’ils savent qu’il y a quelque chose derrière. Or, c’est ce quelque chose qui donne le ton. Moi, je ne mets que de la musique avec une mélodie qui joue le rôle du chanteur et là, les gens commencent à faire attention et se rendent compte qu’on peut faire la musique sans la voix. Je vais être sur scène bientôt. Aladji Touré, d’accord, mais il n’y aura pas forcément un Aladji Touré qui est devant. Je dirige mon orchestre mais chacun a un rôle et on va faire attention aux différentes interventions. Cela permet aux gens de connaître les différentes sonorités. A travers cet album, les gens vont commencer à faire la différence entre un son de violon, de soprano, de flûte, de saxo, de trompette, tout instrument que j’utilise… J’ai toujours été celui-là même qui défend les intérêts des instrumentistes.

En aviez-vous marre de travailler à l’ombre des autres?
Pas forcément. C’est quelque chose que j’estime bien pour le public et que je voudrais, non pas imposer, mais plutôt proposer… Il y a des gens ici qui écoutent du Mozart. Pourquoi ne pas écouter une musique de chez nous sans voix et commencer à avoir un contact étroit avec l’instrument de musique ? La musique ne se limite pas au chant. Tout le monde ne peut pas être chanteur, tout le monde ne peut pas sortir d’album. Et puis, pendant toutes ces années, je n’ai pas chômé. Je me suis occupé de tous ces jeunes qui sont aujourd’hui des musiciens de renom. C’est un travail pas du tout négligeable. Il n’y a pas d’année, pas d’âge. La musique c’est quand vous vous sentez prêt, quand l’inspiration vous vient. Depuis quelques années, ca me trottait dans la tête. Cet album, c’est l’aboutissement d’un travail énorme. Peut-être a-t-il fallu que je passe par tous ces gars-là pour arriver à faire quelque chose pour moi-même.

30 ans plus tard, quel bilan faites-vous de votre parcours?

Je suis assez content de tout ce que j’ai fait. J’ai quand même fabriqué, entre guillemets, des stars, à l’exemple de Mony Bilé, feue Charlotte Mbango, Prince Eyango avec «You must calculer», les jumeaux Epée et Koum, Manulo… Erico est ma dernière production. J’ai œuvré pas mal et je suis fier aujourd’hui de savoir que les artistes que j’ai fabriqué tournent sur le plan international et font plein de concerts partout. J’ai servi pas mal pour la culture. Le bilan est positif, c’est pourquoi je m’offre un cadeau. C’est aussi pour dire merci à tous ceux qui m’ont donné la possibilité de m’exprimer et de faire ce que j’ai fait, en leur offrant, ainsi qu’au public, cet album, et en réunissant autant de têtes d’affiche au Cameroun pour des concerts.

Il y a quelques années, vous avez sorti le Testament du makossa. Est-ce par opposition à la Bible du makossa ?

Pas par opposition. J’ai intitulé cette compilation Testament du makossa parce que j’ai été un peu choqué que des gens qui, à mon avis, n’ont pas qualité pour le faire, se sont levés comme ça pour dire qu’ils vont faire la Bible du makossa. Le makossa a une histoire et je fais partie des gens qui ont bâti cette histoire. Je considère que c’est une bonne idée qu’ils ont eue, mais qu’ils aient la force d’aller jusqu’au bout. Etant donné qu’ils n’ont pas toute la culture nécessaire pour prétendre faire la Bible du makossa, j’ai voulu créer un truc similaire pour aller le plus loin possible et apporter ma pierre à l’édifice. J’ai donc sorti le Testament. On y retrouve les anciens artistes qui avaient cette inspiration qu’on n’a plus aujourd’hui. J’ai voulu que les gens revivent un peu la grande époque de la musique.

Pensez-vous qu’il y a des imposteurs dans le makossa aujourd’hui?

Ah oui ! Il y ades «tintin» dans le makossa aujourd’hui. Je dirais même qu’il y a des gens qui nous bouffent le métier. Ils sont là pour le plaisir de passer à la télé, d’avoir les petites filles au quartier. Je ne peux pas supporter ça, je les combats en permanence. Ca ne nous fait pas avancer du tout. Nous avons d’autres préoccupations. La musique c’est la vie ; j’ai donné ma vie à la musique. En général, chez les jeunes, il suffit qu’un artiste fasse quelque chose qui marche pour que tous les autres s’alignent. Et quand on écoute, c’est le même esprit, la même connotation. C’est un peu embêtant. C’est pour cela que je respecte les artistes qui sortent du lot comme Richard Bona, Etienne Mbappè, Charlotte Dipanda, Henri Dikongue… Vivement que des gens comme Toto Guillaume, qui ont servi la musique et qui ont été d’un apport qu’on ne peut pas évaluer, reviennent sur la scène pour faire avancer les choses.

Justement, vous aviez un projet de revalorisation de la musique camerounaise avec Toto Guillaume…
On avait parlé d’organiser des ateliers de formation de temps en temps. Pour l’instant, c’est en stand by. Ca demande des financements.

Quel regard portez-vous sur la musique camerounaise aujourd’hui ?

Je pense qu’il y a un réel manque d’identité, notre musique a perdu son identité. Il y a quand même quelques-uns qui font l’exception, qui essayent de faire des choses qu’on peut écouter, mais globalement, il y a des problèmes. Il y a beaucoup de gars qui ont besoin de conseils, d’apprendre même. La musique est un métier, il faut la prendre au sérieux. C’est en tout cas le conseil que je peux leur donner pour leur permettre d’avancer. Par ailleurs, il ne faut pas faire des albums pour en faire. Prenez mon exemple : Aladji Touré, 30 ans, un album. J’aurais pu en faire des centaines, mais, il faut être prêt et là, je suis content parce que les gens qui ont écouté mon album apprécient. Je ne fais pas cet album forcément pour faire exploser le grand public, ce n’est pas une musique populaire qu’on va danser en boîte, c’est une musique pour des gens qui ont envie d’écouter quelque chose d’original. Et je pense qu’ils sont de plus en plus nombreux, quand on voit le succès des albums de Richard Bona ou Charlotte Dipanda, qui ne sont pas pour grand public mais qui marchent bien. Ma musique est pour des oreilles avisées. Ma lutte, c’est d’ailleurs que toutes les oreilles camerounaises soient avisées, dans un temps relativement court.

Qu’est-ce qui, d’après vous, menace le plus notre musique? L’amateurisme de ceux qui la font ou l’ouverture aux musiques étrangères ?
Ce sont les deux. L’ouverture a quand même empoisonné la musique camerounaise. Je ne suis pas contre la fusion des musiques. Il y a pratiquement de tout dans ma musique. Quand nos artistes font le mélange de rythmes, il faut qu’ils le fassent proprement, sans tomber dans la facilité. Il ne faut pas non plus calquer, car la copie ne sera jamais l’original. En général, il faut que les artistes suivent leur inspiration et travaillent, à l’exemple de Hugo Nyamè, Erico… c’est vers ces artistes que je vais aujourd’hui pour les encourager davantage.

Que reste-t-il de l’Equipe nationale du makossa ?
Dans le noyau dur, il y avait Jules Kamga, Ebeny Wesley, Toto Guillaume et moi. Il ne reste plus que Toto Guillaume et moi. Il y a eu un moment d’abattement et cela a affecté la qualité de la musique camerounaise. On a repris les choses. Je viens de faire le nouveau Marco Bella qui va sortir bientôt ; Toto Guillaume, lui, a fait Benji Matéké

Vous êtes bassiste, arrangeur, producteur, distributeur, enseignant de musique… lequel de ces casquettes préférez-vous ?
Je préfère toujours la casquette de musicien. Il y a un lien étroit entre un musicien bassiste, un arrangeur, un distributeur et producteur, c’est une chaîne. C’est vrai que ces dernières années, j’ai arrêté pas mal d’activités, la production en l’occurrence, pour me consacrer à mon album. Mais, j’ai trouvé un juste milieu entre mes activités.

En 2006, vous avez lancé les Aladji Touré Master Class (Atmc). Qu’est-ce qui a motivé l’organisation de cette compétition ?
A un moment donné, je me suis dit que nous, les musiciens de ma génération, avons eu la chance d’aller en Europe pour apprendre la musique. Entre-temps, il est devenu difficile d’y entrer. Or, nous commençons à vieillir et il faut assurer la relève. J’ai donc décidé de crée Atmc qui a porté ses fruits. En 2006, Erico a eu le 1er prix de la chanson et j’ai produit son album qui a cartonné. Aujourd’hui, les jeunes musiciens ont la chance de pouvoir apprendre la musique.

Quel a été le sort des autres lauréats?
Il y en a qui jouent dans des cabarets. Un autre est chef d’orchestre dans un groupe en Guinée Equatoriale. Les instrumentistes qui ont suivi des cours pendant deux, trois ans, avec moi travaillent tous aujourd’hui dans l’orchestre des Brasseries (Société anonyme des brasseries du Cameroun, ndlr).

Mais peut-on fabriquer des artistes en quelques semaines, le temps d’un concours?

Non, ce n’est pas en quelques semaines. Je vous parle là des gens qui ont fait deux, trois ans, car nous leur donnons des informations pour bosser pendant un an au moins. Ils doivent prendre le temps de travailler tous les jours pendant un an, pour assimiler. C’est comme ça qu’ils deviennent calés dans leur domaine.

A quand la 5ème édition des Atmc ?
J’ai fait très peu de « tapage » autour de cette édition parce que je n’ai pas voulu que ça fasse doublon avec la célébration de mes 30 ans de carrière. J’ai eu des sponsors qui m’ont aidé pendant les quatre premières années, mais, cette année, je préfère qu’ils m’aident pour mes 30 ans. Encore que ce n’est pas toujours évident, je rame encore, mais je continue à travailler. La formation des candidats présélectionnés du Centre et du Sud a commencé ce matin à Yaoundé (lundi, 29 mars 2009, ndlr). Suivra celle des présélectionnés du Littoral. D’ici trois semaines ou un mois, on aura une finale nationale à Douala, pour boucler.

Jusqu’ici, que vous ont apporté les Atmc ?
Aujourd’hui, j’arrive à voir des musiciens qui jouent proprement, qui ont fait un travail énorme au niveau de la justesse, qui chantent de mieux en mieux et qui sont maintenant prêts à faire de la musique dans le vrai sens du terme, et, éventuellement, à affronter l’international. J’entends en faire des milliers comme ça avant de disparaître.

En 2005, vous avez publié un ouvrage sur «Les secrets de la basse africaine». Pourquoi un tel livre ?

Je me suis rendu compte que nous avons un plus que les Occidentaux n’ont pas. C’est notre côté rythmique et beaucoup de folklore. J’ai côtoyé des bassistes de très haut niveau qui m’ont demandé à quand une méthode de basse africaine ? Ils m’ont dit qu’ils aimeraient bien l’avoir pour comprendre pourquoi on a un jeu aussi puissant. C’est comme ça que j’ai eu l’idée de faire cet ouvrage. J’ai travaillé essentiellement sur les basses bikutsi, bolobo, benskin, mangambeu, makossa et assiko. C’est un livre pédagogique, écrit en français et en anglais, qui contient l’histoire de la musique camerounaise et un Cd d’études. J’y donne un canevas de travail. Le livre qui a été publié aux éditions Henry Lemoine coûte presque 20 000Fcfa en France. Au Cameroun, j’en ai vendu près 200 exemplaires, surtout aux amis.

Comment voyez-vous la musique camerounaise de demain?
J’ai beaucoup d’espoir, parce que les jeunes ont envie d’apprendre aujourd’hui. Il y a quelques années, ce n’était pas le cas. Ils commencent de plus en plus jeunes. Ils sont là, ils en veulent. A mon humble avis, l’avenir de la musique camerounaise est assuré, à condition qu’on multiplie les formations, les ateliers, les écoles, les conservatoires.

Où en êtes-vous avec votre projet d’ouvrir un conservatoire de musique au Cameroun?
J’ai toujours ce projet, mais ça demande des financements. J’ai déjà avancé pas mal, j’ai commencé à mettre les premières pierres à Ndogbong, à Douala. Mais si je ne suis pas soutenu financièrement, ça ne verra jamais le jour, je n’aurai jamais les moyens pour terminer. Mais, j’avance, je vais rechercher les fonds et, avec un peu de chance, ça ira. C’est un projet qui me tient à cœur et je ne voudrais pas l’abandonner, sauf si je me rends définitivement compte que ce n’est pas faisable. Dans ce cas, je vais faire juste une petite structure pour encadrer les jeunes.

Après 30 ans de carrière, avez-vous des regrets ?
Le seul regret que j’ai c’est que j’aurais dû m’organiser beaucoup plus tôt que ça. Je suis en France depuis 32 ans et il y a cinq ans seulement que j’ai décidé de venir transmettre mes connaissances aux jeunes. Quand je vois à quelle vitesse les enfants apprennent, je regrette de ne l’avoir pas fait plus tôt. Je suis fier de cette école ambulante que sont les Atmc, de tous ces jeunes qui sont avec moi et qui apprennent, parce qu’après moi, la musique va continuer. Seulement, il faut qu’il y ait d’autres gens qui initient.

On connaît beaucoup Aladji Touré le musicien, mais on connaît finalement bien peu Aladji Touré l’homme…

Je suis né à Douala le 21 janvier 1954. J’ai connu une enfance assez paisible. Je passais mon temps à jouer du tam-tam. A l’âge de neuf ans, je me fabriquais des guitares avec des câbles de freins et c’est comme que j’ai commencé à gratouiller. Après, j’ai eu accès à de vraies guitares. J’avais des voisins qui en avaient une. J’ai commencé réellement la musique au collège. J’ai été chef d’orchestre, d’emblée. J’allais aussi voir les aînés jouer dans les bars et les cabarets. Je ne m’intéressais pas encore à la basse, je faisais de la guitare. J’estime que la basse, c’est un instrument qui recadre tout, c’est lui qui donne le ton. Je faisais musique et études jusqu’en classe de 1ère, où j’ai arrêté mes études. Ensuite, je suis allé en France, le 13 septembre 1977.

Comment est-ce arrivé ?

Papa a estimé que puisque je voulais faire de la musique, il fallait que je la fasse proprement. Aussi m’a-t-il envoyé en France pour apprendre la musique. Tout de suite, je me suis inscrit au conservatoire supérieur de musique, de danse et d’art dramatique Schola Cantorum à Paris. J’y ai passé cinq ans et ensuite, j’ai fait deux années de contrebasse. Puis, j’ai passé quatre ans dans une école de jazz américaine, American school of modern music à Paris. Après cela, je me suis lancé dans une carrière. Voilà, je suis encore là, c’est un très beau métier.

Qu’en est-il de votre vie de famille ?
Je suis mariée à une femme Baham, nous avons quatre enfants. L’aînée qui a 35 ans, a fait de hautes études commerciales à Paris. Il travaille à la Banque mondiale en Afrique du Sud. Mon deuxième garçon a 27 ans, Kennedy Touré. Après sept ans de piano, il a choisi de faire le rap et son 2e album venait de sortir. Il a signé avec une grosse boîte, Universal music. Ma troisième fille de 25 ans vient de terminer ses études de droit. J’ai un autre garçon de 15 ans.

Écrit par Stéphanie Dongmo

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