jeudi 26 avril 2012

Conférence : réflexion sur le théâtre camerounais

Le laboratoire de théâtre OTHNI organise, ce vendredi 27 avril à 16h à son siège au quartier Titi Garage à Yaoundé, une conférence-débat sur les problèmes de la pratique du théâtre au Cameroun.

Représentation d'une pièce de théâtre avec Zigoto Tchaya Tchameni et Maryse Bonny.


Le thème de cette conférence est « Théâtre : de la création à la diffusion pour quel impact sur le public ? Sa place et son importance dans une société contemporaine ». Elle sera animée par Irene Bark, la directrice de l’Institut Goethe au Cameroun, Yves Ollivier, le directeur de l’Institut français de Yaoundé, Ambroise Mbia, le président des Rencontres théâtrales internationales du Cameroun (Retic) et Martin Ambara, le directeur de la compagnie Les Ménestrels, promoteur de l’espace culturel Othni.

Cette conférence a pour objet la mise en place d’une plateforme de réflexion permanente sur la pratique du théâtre au Cameroun. Elle intervient dans un contexte de crise, marqué par la démission des pouvoirs publics, l’absence des moyens de création, la rareté des espaces de diffusion du théâtre et la désaffection du public. Conséquence, « ceux qui font les arts du spectacles sont obligés de se tourner vers les institutions étrangères pour trouver des fonds nécessaires à un projet de création et un espace pour la diffusion de leurs produits », argumente le dossier de presse de l’évènement. La conférence de ce vendredi va porter sur des questions majeures : comment continuer dans le métier de praticien du théâtre au Cameroun ? Comment et où trouver le public pour lequel on produit ? Comment améliorer la qualité des productions locales et les rendre compétitives ? A quoi sert le théâtre dans un pays où les gens ont faim ?

Cette réflexion rentre dans le cadre des activités du laboratoire théâtre Othni, créé en 2010. Une manière pour ce centre d’apporter sa contribution « à la fabrication des spectacles de qualité pour un public envahi par l’industrialisation et la mécanisation du divertissement ». Cette conférence, dont la participation est libre et gratuite, devra permettre de créer une saine émulation dans le milieu du théâtre camerounais et de doper les activités d’Othni. Contact : othni.yaounde@gmail.com

Stéphanie Dongmo


mercredi 25 avril 2012

Cameroun : L’art performance en quête de visibilité

Ce genre artistique est le fait de quelques plasticiens mais reste incompris du grand public. Les Rencontres d'art visuels de Yaoundé, qui rassemblent tous les deux ans des performeurs camerounais et étrangers, se sont donnés pour objectif de le vulgariser.

Christian Etongo fait une performance.
 Dans un quartier populaire de Yaoundé, par un après-midi ensoleillé du mois d'avril, un homme surgit dans la rue et commence à se déshabiller. Un cercle de badauds l'entoure immédiatement. Est-il fou, se demande quelqu'un. Non, répond un autre, c'est un artiste contemporain qui fait une performance. Performance, un mot nouveau pour la plupart des personnes dans le public. Serge Olivier Fokoua, le promoteur du festival Rencontres d'arts visuels de Yaoundé (Ravy) qui a organisé cette manifestation au quartier Essos, explique que le but est de vulgariser la performance artistique au Cameroun, où le genre reste peu connu et peu pratiqué. "La performance dans la rue répond au besoin de créer un pont solide entre le public et les artistes", ajoute Landry Mbassi, le commissaire de cette 3e édition des Ravy (du 2 au 8 avril 2012). La rue devient ainsi un espace de diffusion dans un pays où il en existe trop peu.

Mais c'est quoi la performance ?

Considéré par les Ravy comme le performeur le plus prolifique du Cameroun, Christian Etongo a sa définition : "Selon les académiciens, la performance c'est l'action exécutée par un artiste en temps réel devant un public. Pour moi, la performance c'est l'action", tout simplement. Stéphane Tchonang est metteur en scène et auteur d'un mémoire intitulé "Mise en scène théâtrale et performance au Cameroun". Pour lui, la performance est "une expression artistique qui relève plus des arts plastiques que du théâtre et dans laquelle les artistes utilisent leurs corps comme moyen d'expression. Il y a très peu de mise en scène et beaucoup d'improvisation". Serge Olivier Fokoua va plus loin en affirmant que "la performance est une façon de mieux dire ce que les tableaux ou les sculptures figées n'ont pas fini de dire". L'artiste utilise l'espace et tout son contenu, souvent son propre corps qui se confond à l'œuvre d'art, pour s'exprimer devant un public qui participe de façon plus ou moins passive.

Mais la performance, c'est aussi le règne de l'éphémère. Car, comment conserver une œuvre dans laquelle il y a très peu de mise en scène au-delà de son expérience ? Le plasticien Joseph Francis Sumegne, met en garde contre cette façon d'exprimer spontanément ce qu'on n'a pas pu dire par élaboration : "soyez vigilant avec ce que l'on appelle art contemporain. Demandez-vous qu'est-ce qui va survivre après vingt ans. Car, l'art c'est ce qui peut affronter le temps en instruisant". Dix-huit ans après son élévation, sa sculpture baptisée "La statue de la nouvelle liberté" se dresse encore fièrement au rond-point Deido à Douala. Mais qui se souvient de sa dernière performance à la 2e édition des Ravy en mai 2010 ?

Tout est performance ?
Face à l'œuvre de Christian Etongo, qui s'est fait poser une perfusion tout en sirotant une bière et en menant une discussion à bâtons rompus avec le public sur la démocratie, le journaliste culturel Claudel Tchinda reste dubitatif : "Si la performance est considérée comme de l'art, cela veut dire que l'infirmière qui fait une injection est une artiste. Le simple fait de se déplacer le matin pour aller au boulot, c'est donc de la performance". Stéphane Tchonang abonde dans le même sens : "Nous sommes dans une société de spectacle. C'est à se demander où se situe la frontière entre la performance et la vie. Jésus Christ, en portant sa croix pour Golgotha, a utilisé son corps pour s'exprimer. C'est de la performance". Christian Etongo ne dit pas le contraire mais reste prudent : "Tout est performance et en principe, n'importe qui peut faire de la performance. Il y a de la performance dans un concert de jazz, dans une pièce de théâtre, dans la lecture d'un poème… Mais la performance étant une catégorie de l'art, il faut avoir une base artistique et construire le message à passer". Critique d'art et directeur du centre d'art contemporain Africréa à Yaoundé, Malet Ma Njami Mal Jam vient trancher, en soutenant que la performance est le fait de plasticiens.
 Ici, l'artiste utilise tous les médiums à sa disposition et travaille de façon conceptuelle. L'œuvre d'art n'est plus faite pour être belle mais surtout pour susciter la réaction et le débat. Si les thèmes abordés par les performeurs camerounais invités aux Ravy varient, ils ont cependant l'engagement en commun. Ainsi, Christian Etongo a travaillé sur la démocratie et les relations entre les institutions financières mondiales et l'Afrique, Jean Gérard Bessala s'est intéressé à la longévité politique au Cameroun et Dieudonné Fokou s'est penché sur la destruction de l'environnement. D'après Stéphane Tchonang, la performance est forcément engagée : "l'artiste est le thermomètre de la société et le performeur est volontiers subversif. La performance est un rituel : les artistes lavent les péchés du monde en public".

Rappel historique
 Cette mouvance de l'art contemporain, né dans les années soixante aux "États-Unis, est arrivée au Cameroun dans les années quatre-vingt-dix, à la faveur de plusieurs facteurs, comme l'explique Mal Jam : la publication d'un numéro spécial que la Revue Noire consacre à l'art au Cameroun en1994 ; le début de l'expatriation des plasticiens contemporains, la création des galeries d'art contemporain, la participation des artistes aux grandes biennales dans le monde. Il ajoute qu'après la décennie 1995-2005, la scène est restée assez décousue : "les meilleurs éléments se sont expatriés ; parmi les nouveaux, on n'a pas encore vu de gens capables de les transcender". Dans ce cercle étroit, il cite volontiers Barthélemy Toguo, Pascale Marthine Tayou, Bili Bidjocka, Joël Mpah Dooh, Pascal Kenfack, Joseph Francis Sumegne… Stéphane Tchonang allonge la liste avec Goddy Leye et Émile Youmbi. Depuis 2008, l'art performance repart à la conquête d'un public, boosté par les Rencontres d'arts visuels de Yaoundé qui le mettent au centre des manifestations. Six ans après, Serge Olivier Fokoua est fier de constater : "nous avançons lentement, mais sûrement".

Artistes meurt-la-faim
 Parce que leurs œuvres sont difficilement vendables, la plupart des performeurs camerounais ont une autre carrière. La performance est donc un aboutissement pour ces artistes qui viennent de la danse (Etongo), de la mode (Bessala), de la sculpture (Fokou), de la peinture (Salifou Lindou) et du théâtre (Silvain Yimga). Pour Christian Etongo, il est impossible de vivre de l'art de la performance au Cameroun. Il avoue cependant que sa pratique lui a apporté la visibilité nécessaire pour obtenir de certaines institutions étrangères le financement de ses recherches artistiques. Serge Olivier Fokoua est catégorique : "l'artiste n'est pas un commerçant ; il est celui qui travaille pour défendre un concept, une idée. Se faisant, la récompense peut suivre". Celle-ci peut être la mise en valeur de l'artiste ou un contrat décroché. Mal Jam, lui, croit dur comme fer que si l'artiste est excellent, son travail va devenir une valeur marchande. Cela passe par la formation, la maîtrise du circuit de diffusion et la promotion.

 Une action de promotion qui devra amener le public à mieux comprendre la performance artistique et à y adhérer. "De toutes les façons, l'art c'est aussi le sens et chacun y comprend quelque chose, à sa manière", défend Stéphane Tchonang. Une vision que ne partage pas entièrement Mal Jam pour qui l'art est avant tout une affaire d'initiés : "N'importe qui peut contempler une œuvre d'art, mais seuls les initiés la comprennent en profondeur. Un minimum d'initiation est requis à la base. C'est pourquoi, en l'absence d'une école des beaux-arts au Cameroun, l'école doit participer à l'éveil du goût et les médias doivent prendre leurs responsabilités pour transmettre un sens critique qui nous aidera tous à mieux apprécier l'art."

Stéphanie Dongmo


mardi 24 avril 2012

Projection : le Cinéma numérique ambulant à Okola

Le Cna Cameroun a entamé hier sa première tournée de projections de films africains dans les villages de l’arrondissement d’Okola, en partenariat avec l’Association des hommes et femmes dynamiques de la Lékié (Rehofedil).

Des spectateurs attentifs à la projection.

Hommes, femmes et enfants du village Ngoya II sont sortis de leurs maisons pour vivre une soirée exceptionnelle de projection cinématographique en plein air et en séance non payante. Animée par le Cinéma numérique ambulant Cameroun, la soirée a débuté par quelques courts métrages de fiction et de sensibilisation portant sur l’hygiène. Puis, les spectateurs ont eu droit au grand film africain. Au menu, le film « Tasuma » (Le feu) du réalisateur burkinabé Daniel Kollo Sanou.

Sorti en 2003, ce film raconte l’histoire de Sogo Sanou, un ancien tirailleur de l’armée française qui rencontre toutes les difficultés du monde pour toucher sa pension, dite retraite du combattant. Tout au long de la projection, quelques personnes dans le public attentif ont repris cette chanson, entonnée par le fou du village : « Lundi matin, Sogo, sa musette et son vélo, s'en va vers Bobo pour toucher sa pension, le vent dans le dos, le destin au loin, puisque c'est ainsi, il reviendra demain... » A la fin de la soirée, Josiane Ndomo, l’animatrice du Cna, a invité le public à revenir plus nombreux à la seconde projection, au cours de la deuxième tournée du Cna, qui se fait dans le cadre de son programme baptisé « Dix fois dix villages ».

Le Cinéma numérique ambulant Cameroun fait partie d’un réseau de cinémas mobiles installés dans sept pays africains : le Bénin, le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Sénégal et le Togo. Cette association a pour objectif majeur la diffusion des films africains de fiction et de sensibilisation dans les villages et les quartiers défavorisés des villes.

Le chronogramme de la 1ère tournée :

Mardi 24 avril : Nouma

Mercredi 25 avril : Leboudi

Jeudi 26 avril : Nkonabeng

Vendredi 27 avril : Ekabotatom

Lundi 30 avril : Okola centre

Mercredi 2 mai : Ebougsi

Jeudi 03 mai : Voua centre

Vendredi 04 mai : Nkol Poblo

NB : ce chronogramme est susceptible d’être modifié pour des raisons climatiques.

Pour plus d’information, écrire à cna.cameroun@gmail.com


samedi 21 avril 2012

Théâtre francophone : Le Grand prix Afrique est lancé

Cette année, il va récompenser exclusivement un comédien et une comédienne camerounais.
Un hommage sera rendu à Ambroise Mbia.
La 5ème édition du Grand prix Afrique du théâtre francophone est lancée depuis le 12 avril 2012, et l’appel à candidature ouvert jusqu’au 12 juillet prochain à 18h30 Gmt. La particularité cette année est que ce prix est spécialement réservé aux artistes camerounais dans seulement deux catégories : meilleur comédien et meilleure comédienne. Les vainqueurs seront connus au cours d’une cérémonie qui sera organisée en marge de la 20ème édition des Retic, en novembre 2012.

Des experts camerounais et étrangers sont désignés par le comité d’organisation du Grand prix Afrique du théâtre francophone pour proposer des candidatures et les faire parvenir au comité d’organisation. Cependant, les candidats ont aussi la possibilité de postuler directement. Ces comédiens camerounais résidant au pays ou à l’étranger sont invités à se rendre sur le site www.prixtheatreafrique.com pour y télécharger les fiches de candidature et le règlement de la compétition. Le dossier de candidature est composé de cette fiche dûment remplie, d’un cv de parcours artistique, d’une lettre de motivation et d’engagement et de deux photos de scène. Les dossiers peuvent être remis aux hommes de théâtre Ambroise Mbia ou Tony Mefe, BP 8163, Yaoundé-Cameroun. Ou envoyés directement au Grand prix Afrique du théâtre francophone à l’adresse 05 BP 1312, Cotonou-Bénin / prixtheatreafrique@gmail.com / Tel : +229 97 63 08 56

Un hommage sera également rendu à Ambroise Mbia qui célèbre ses 50 ans de carrière théâtrale, et à Sidiki Bakaba. Le Grand prix Afrique du théâtre francophone a déjà honoré Monique Blin en 2008, Jean-Pierre Guingane en 2009, Emile Lansman en 2010 et les hommes de théâtre béninois Tola Koukoui, Dine Alougbine et Lazare Houetin en 2011.

Stéphanie Dongmo

Théâtre : L’homme est un loup pour la femme

Ecrite par Wakeu Fogaing et mise en scène par Eric Delphin Kwegoue, la pièce « Confessions de femmes » a été représentée le 20 avril à l’Institut français de Yaoundé. Elle raconte avec engagement le vécu de femmes victimes des agissements des hommes.
L'affiche de la pièce.

Tamara Tchientcheu, Beky Beh, Corine Josiane Kameni. Elles sont trois sur la scène et incarnent, à elles seules, toutes les souffrances, les humiliations, la solitude affective et sexuelle des femmes. Ce soir, elles ont décidé de tout déballer. Les nuisettes qu’elles portent témoignent de leur volonté de creuser même dans l’intimité. Car, elles veulent parler, dire au monde leur malheur de femmes victimes : objets sexuels, délaissées, méprisées. Elles crient leur douleur au monde et vomissent leurs tripes, pour se libérer d’une peine longtemps contenue et en guérir.

Ce sont des histoires qu’on entend tous les jours, mais auxquelles ont ne prête plus attention, à force. En cause, un homme, toujours. Prédateur, assurément. Un homme qui quitte une femme pour sa cousine ou pour sa mère ; un homme qui ne regarde plus sa femme et la confond aux meubles de la maison ; un homme qui abandonne sa famille pour l’aventure ; un homme qui touche les fesses d’une femme dans la foule... Ils sont  ingrats, désinvoltes, irresponsables, violents, lâches… Ce qui se résume à ce cri : « les hommes sont méchants ! »

Wakeu Fogaing a écrit « Confessions de femmes » à partir des témoignages de 25 femmes pour lesquelles il prend fait et cause. Les comédiennes, pénétrées par leurs rôles, ont donné la pleine mesure de cet engagement sur une scénographie assez dépouillée de Fleury Ngamaleu. La mise en scène d’Eric Delphin Kwegoue s’est faite proche du public pour mieux susciter la remise en question. Kwegoue a admirablement transposé l’œuvre de Wakeu à son univers fait de délire. Un traumatisme qui pousse les comédiennes à se jeter sur leurs genoux, à entrer en transe pour exorciser les misères féminines. La vidéo qui montre une femme battue, un viol et le témoignage vivant d’une victime qui a tué son bourreau, vient ajouter au drame de la pièce. La religion, refuge inespérée, vient délivrer les femmes. Mais est-ce suffisant pour les guérir de leurs blessures ?

La pièce a volontairement choisi de prendre le parti des femmes contre les hommes. Mais derrière chaque malheur de femme qu’elle raconte, se cache, bien souvent… une autre femme. Ce travail mérite de connaître une suite, qui pourrait être intitulé « Confessions d’hommes ». En attendant, la pièce produite par l’association Koz’art (créée en 2006 à Douala) sera représentée le 10 mai à 19h30 au Foyer jeunesse protestant à Akwa, à Douala.

Stéphanie Dongmo


mardi 17 avril 2012

Critique : Une telenovela à la camerounaise

Sacrée meilleur sitcom 2011 aux Canal 2’Or en mars dernier, la série « Au cœur de l’amour » de Chantal Youdom veut faire concurrence aux productions sud-américaines et indiennes qui inondent les chaînes de télévision locales.

Une scène du film avec Nadine Adi et Alain Bomo Bomo.

Une femme belle, gentille et intelligente. Un homme charmant, ambitieux et fidèle. Entre les deux, quoi de plus normal que l’amour qui s’installe ? Mais tout le monde sait que rien, sur cette terre, ne s’obtient sans effort. Tout au long des trois saisons de la série qui les peint, les deux tourtereaux vont ainsi braver les pièges des hommes, les ruses du destin et les revers de fortune pour s’aimer. Si leur amour chancelle souvent, si l’adversité est parfois plus forte que leur désir d’être unis, Rowena (Nadine Adi) et Thomas (Alain Bomo Bomo) finissent toujours par se retrouver, parce que leur amour est vrai, sincère et entier.

Telle est l’intrigue de cette série télévisée. Il ne s’agit pas de « La fille du jardinier », ni de « Paloma», encore moins de « India, a love story ».  Mais de « Au cœur de l’amour », une série camerounaise diffusée en fin 2011 sur Tv5 Afrique (la deuxième saison). Elle a aussi été sacrée meilleur sitcom 2011 aux Canal 2’Or, des awards décernés chaque année par la chaîne de télévision privée Canal 2 international, où la série a été diffusée au début de l’année dernière (la première saison). « Au cœur de l’amour » a été créé et produit par Chantal Youdom à travers le Gic Art et culture qu’elle dirige. La scénariste formée sur le tas en a aussi réalisé la deuxième et la troisième saison, alors que la première l’a été par Abel Nguekam.

Intrigue

« Au cœur de l’amour », c’est l’histoire d’une jeune fille qui n’a pas connu son père. Recrutée dans une entreprise de production d’huile de palme, elle tombe éperdument amoureuse d’un homme déjà convoité par la fille de son patron. Au menu, intrigues, secrets et trahison, avec en toile de fond des thèmes comme la classe sociale, la cupidité et le mensonge. Cette série, somme toute plaisante, se situe entre la candeur de « Marimar » et l’action de « El diablo ». Elle est admirablement portée par ses acteurs. Pour créer un « star system » autour de sa production, Chantal  Youdom a recruté des visages pas populaires, mais néanmoins connus : Nadine Adi, Alain Bomo Bomo (dont le talent s’était confirmé dans des rôles de bad boy et qui surprend en amoureux), Martin Poulibé, Nasser Menkes, Emilienne Ambassa, Jacobin Yarro...

La série de 26 minutes l’épisode a de l’ambition. Pour vendre le rêve, la production a voulu faire les choses en grand, avec des villas cossues, des acteurs principaux beaux, des personnages bien vêtus. Mais elle a été rattrapée par la difficulté qu’elle a eue à trouver des décors à la taille de ses ambitions. Cela créé, dans la série, une impression de déséquilibre. Aussi peut-on retrouver le président directeur général d’une grande société sous-régionale dans un bureau étroit et chichement aménagé, qui contraste avec le luxe de sa maison. La musique de Kareyce Fotso, qui en a cédé les droits gratuitement pour encourager cette production, est omniprésente dans chacun des épisodes de la série. Dans un difficile équilibrage du son, elle étouffe parfois la conversation, quand le thème ne va pas à contre-courant de l’ambiance dans une séquence. L’écriture de la série a négligé des détails. Dans la même séquence par exemple, un employé tutoie et vouvoie invariablement son patron.

Comme dans toute telenovela qui se respecte, le générique raconte déjà la fin de l’histoire. Rowena et Thomas s’embrassent à pleine bouche, alors que les obstacles s’effacent. Promesse d’un avenir plein d’amour et de bonheur. Pour Chantal Youdom, ce baiser était incontournable. « Dans les telenovelas brésiliennes, les comédiens s’embrassent. C’est ce que le public aime voir à la télé. Mais en Afrique, les parents ne sont pas encore prêts à voir leur enfant embrasser un inconnu à la télé », soutient-elle.

Car Chantal Youdom veut, avec « Au cœur de l’amour », faire concurrence aux telenovelas sud-américaines et plus récemment indiennes qui inondent les chaînes de télévision africaines en prime time, alors que les séries locales sont reléguées à des heures creuses, lorsqu’elles existent. Pourtant, « Au cœur de l’amour » a manqué de moyens financiers pour s’offrir des décors adaptés et des équipements techniques de qualité, qui lui auraient permis de combattre à armes égales avec les telenovelas étrangères.

Stéphanie Dongmo

lundi 16 avril 2012

Festival : Yaoundé en poésie

Nora Atalla, présidente du comité d'organisation.

La première édition du Festival de poésie des sept collines, en abrégé Fep7, se tiendra à Yaoundé du 28 novembre au 1er décembre 2012. Le festival initié par l’association La Ronde des poètes du Cameroun entend unir les poètes d’expressions diverses : français, anglais, espagnol, allemand et langues africaines. Pour cette première édition dans la ville aux sept collines, le thème du Fep7 est « Villes et symboles ». Le comité d’organisation du Festival des sept collines est présidé par la poétesse québécoise Nora Atalla.

mardi 3 avril 2012

Ravy 2012 : l’art performance à l’honneur

Trois artistes camerounais ont présenté leurs créations le mardi 03 avril à l’Institut français de Yaoundé, dans le cadre de la 3ème édition du festival des arts visuels.


Comme en 2010 déjà, les Ravy 2012 mettent la performance artistique à l’honneur. Les activités de la seconde journée du festival, qui s’achève le 8 avril prochain, ont été essentiellement consacrées à l’art performance. Les artistes Christian Etongo, Dieudonné Fokou et Jean Gérard Bessala ont présenté au public venu nombreux à l’Institut français de Yaoundé leurs dernières créations.

Christian Etongo se fait poser une perfusion.
Christian Etongo se revendique définitivement comme un artiste performeur. Devant un public curieux et étonné, il se fait poser une perfusion, tout en sirotant une bière dans laquelle il a versé le contenu d’un sachet de whisky. « La Banque mondiale et le Fmi m’ont mis sous perfusion, c’est l’Afrique ça », raille-t-il. Pour le qualifier, il dit de son happening : « Ce n’est pas de l’art, c’est de l’action ». Car, le performeur a effectivement aboli la frontière artiste/public pour amener ce dernier à participer. Pris au jeu, plusieurs spectateurs lui ont spontanément donné des répliques. La discussion menée à bâtons rompus a porté sur la démocratie et sur le discours gouvernemental pour un Cameroun émergent en 2035 : « En 2035, j’aurai 63 ans. C’est trop tard pour moi, béta je jong », lance-t-il en utilisant le camfranglais. Son travail s’intitule« Emergency : urgence ou émergence ? » et fait partie d’un projet global baptisé « Afrikan oil is not for all afrikans ».

Jean Gérard Bessala dans sa performance.

Jean Gérard Bessala a allié le son au visuel. Alors qu’en fond sonore un homme, politique certainement, fait un discours où il annonce de grands projets, un autre homme change de vêtements. Il troque un pantalon et une chemise bleus par un costume blanc. Entre-temps, le discours, qu’accompagnent par moments des applaudissements, parle de bonne gouvernance, de décentralisation, de lutte contre le chômage et de relance agricole. Le nouvel homme –qui, bien que tout de blanc vêtu, n’a pas tué le vieil homme en lui- serre des mains et s’en va sur un « vive notre cher pays, je vous remercie ». Dans cette métaphore, le discours, comme les vêtements, passent, sans jamais réussir à changer favorablement la vie des populations. Discours-mensonge.

Dieudonné Fokou dans "Le partage".
On le savait sculpteur. Pour sa première « vraie » performance, Dieudonné Fokou n’a pas lésiné sur les moyens. Dans sa création intitulée « Le partage », il représente le monde dans une sculpture en fer posé sur les trois pierres d’un foyer. Pendant la performance, il va s’amuser à la lacérer et à la détruire. Au rythme de la musique jouée en live, il raconte l’histoire de trois rescapés d’une tuerie  qui trouvent un verre de vin. Alors que les deux hommes se disputent pour savoir qui va le boire, la femme propose de le partager. La voix de la raison. Chez Fokou, la femme garde le beau rôle. C’est encore elle qui essaie de recoller les morceaux du monde détruit par l’action et l’égoïsme de l’homme. Dans sa performance, Dieudonné Fokou ne s’est pas éloigné de la sculpture. Il a aussi fait appel au conte et au théâtre par une mise en scène de son travail. Une création qui prône la solidarité humaine, mais surtout le développement durable et la préservation de la nature.

Vulgariser la performance
D’après Serge Olivier Fokoua, le promoteur de cet évènement, les Ravy s’engagent à vulgariser la performance artistique au Cameroun : « Nous recherchons des artistes innovants, les plus créatifs de l’art actuel. Nous misons sur la constance dans le travail, sur des gens qui travaillent pour l’avancement de l’art contemporain. La performance est une façon de mieux dire ce que les tableaux ou les photographies figées n’ont pas fini de dire.  Ici, l’artiste s’exprime devant un public en utilisant, pour la plupart des cas,  son propre corps ou des objets choisis. La performance est une action qui se fait en live. Généralement, elle n’est pas préparée à l’avance, elle peut conduire à  l’extrême ».

Ainsi, les performances vont dominer la suite du festival. Le programme prévoit d’autres performances jeudi à 18h à l’Institut Goethe et des performances de rue vendredi à 16h à l’avenue Germaine à Essos, de même qu’une soirée performance le même jour à partir de 18h au Centre culturel Hell. Le samedi, ce sera au tour du Centre des créateurs de mode du Cameroun d’accueillir des performances dès 16h, et le Centre culturel Francis Bebey dimanche dès 18h.
Stéphanie Dongmo

Atelier : comment bien manager un projet culturel ?

A l’occasion des Rencontres d’arts visuels de Yaoundé (du 2 au 8 avril), des responsables de projets culturels ont participé à un atelier sur le management culturel, lundi dernier à l’Institut Goethe de Yaoundé.

Les participants à l'atelier.

Treize responsables de projets culturels ont pris part à un atelier portant sur le management culturel, animé par Serge Olivier Fokoua dans le cadre de la 3ème édition des Rencontres d’arts visuels de Yaoundé (Ravy), le lundi 02 avril 2012 à l’Institut Goethe du Cameroun. La directrice de l’Institut Goethe, Irene Bark, a introduit l’atelier par ses souhaits de bienvenue aux participants. Serge Olivier Fokoua a précisé que cet atelier était la restitution d’un atelier similaire auquel il a participé en 2011 en Allemagne.

Atelier pratique: portait-robot d'un bon manager culturel.
L’atelier a défini le management culturel, tout en dressant le portrait-robot d’un bon manager culturel. Les participants ont aussi débattu des problèmes que rencontrent les différents responsables de projets culturels dans un contexte camerounais bien particulier. Un contexte caractérisé par les lenteurs administratives, le dialogue de sourd avec le ministère de tutelle, la méfiance des artistes vis-à-vis des managers et l’inorganisation des acteurs culturels.  Hilarion Faïson, le chef du service des Arts plastiques du ministère des Arts et de la Culture, a affirmé que le Minac souffre d’une insuffisance de communication sur ses actions, car, avec un petit budget, il fait le maximum.
Participant à l’atelier, Henri Matip Ma Soundjock de l’Agence com et management (Aicp) a exprimé le souhait que les managers culturels se regroupent en syndicat, pour défendre leur métier contre les imposteurs et constituer un groupe de pression. Yves Eya’a, le directeur du Centre des créateurs de mode du Cameroun (Ccmc) lui, a recommandé la poursuite des échanges entre les participants. D’après Serge Olivier Fokoua, cet atelier consistait en un échange d’expériences et « il revient à chaque participant de capitaliser toutes les propositions qui ont été faites ».

Stéphanie Dongmo

dimanche 1 avril 2012

Rencontre: Des journalistes à l’école de Sumegne

La Cameroon art critics, bureau de Douala, a organisé une rencontre avec le plasticien Joseph Francis Sumegne le 30 mars au centre d’art contemporain Doual’art.

Photo de famille entre les journalistes culturels et Sumegne.

Plusieurs journalistes culturels ont répondu à l’invitation du bureau régional de la Cameroon art critics (Camac) pour une rencontre avec le peintre et sculpteur Joseph Francis Sumegne. Et c’est volontiers que l’artiste, venu de Yaoundé, a partagé avec eux son expérience. Il les a notamment entretenus sur son parcours, son travail, l’art contemporain au Cameroun et sa relation difficile avec le ministère des Arts et de la Culture.

Né le 30 juillet 1951 à Bamenjou, Sumegne est un artiste autodidacte dont le travail est caractérisé par la fusion de plusieurs disciplines. Il est l’auteur de la statue de la Nouvelle liberté qui se dresse au Rond-point Deido depuis 1996, une œuvre commandée par Doual’art et offert à la ville de Douala. Depuis quelques années, il travaille sur une exposition baptisée « Les neuf notables », un travail en cours qui a pourtant déjà été présenté à plusieurs reprises. Sumegne a aussi inventé la technique du Jala’a pour manifester le dépassement de soi.

La rencontre entre l’artiste et les journalistes culturels s’est achevée par une visite de son œuvre la plus visible, la statue de la Nouvelle liberté au rond-point Deido qui a été vandalisée. Joseph Francis Sumegne a apprécié l’initiative de Camac à sa juste valeur et l’a qualifié de « la réhabilitation du fou ».

Sumegne a dit :
Joseph Francis Sumegne
Sur l’art
Dans le domaine de l’art, il y a beaucoup d’honneur et peu d’argent. Si vous ne rêvez pas, vous ne pouvez pas avancer. Je suis libre de dire de l’art ce que j’entends. Chaque plasticien fait des efforts pour occuper l’espace qu’il s’est donné. Que chaque artiste sache que l’art est un espace qu’on doit occuper permanemment. Etre un artiste et présenter une toile, en laissant à chacun le soin de l’interpréter comme il le sent, c’est une démission de l’intelligence. L’art c’est ce qui peut affronter le temps en instruisant. L’art, ce n’est pas le niveau scolaire, ni l’école des beaux-arts. Un artiste sans vision se perd.

Sur son travail
Au fond, le Jala’a c’est des conneries parce que je n’imagine pas que cela puisse plaire. Mais ça plaît. L’art m’a permis de m’élever au-dessus de mes problèmes ; l’art m’a aidé à faire taire la famine du ventre pour remplir la tête. J’ai reçu beaucoup de coups. Mais je suis connu, c’est l’important.  
Sur la relève
On n’apprend pas à quelqu’un à être fou. J’ai des choses à donner, mais si on ne me les demande pas d’une certaine manière, je ne pourrais pas les donner parce que je ne suis pas riche.

Stéphanie Dongmo

Yaoundé au rythme des arts visuels

La 3ème édition des Rencontres d’arts visuels de Yaoundé (Ravy) se tient du 2 au 8 avril prochains.
Ravy 2010. Olivier et Ruth Feukouo dans une performance à l'Avenue Kennedy.

La biennale démarre lundi 02 avril par un atelier animé par son promoteur, Serge Olivier Fokoua, sur le management culturel à l’Institut Goethe de Yaoundé. Suivront, pendant la semaine, des expositions de peinture, de photographie et de sculpture, notamment à la Bibliothèque nationale, à l’espace l’Awale et au Centre des créateurs de mode du Cameroun (Ccmc). Mais aussi des vidéos d’art, des installations numériques et des performances publiques. Ces performances qui sont devenues la marque des Ravy vont se dérouler  à l’Avenue Germaine au quartier Essos. Il y aura aussi une conférence sur le thème « L’art contemporain dans la société », animée par Paul Assako. Après le 8, le festival va se prolonger par un workshop organisé à Limbé du 11 au 14 avril, sur le thème « Bakassi ». Ce workshop va réunir quatre artistes nigérians et autant d’artistes camerounais et nigérians pour réfléchir sur la question.

Serge Olivier Fokoua, promoteur des Ravy.
D’après ses promoteurs, les Ravy sont une occasion d’enrichir des artistes et des curateurs par l’organisation des workshops, tant sur la pratique des arts contemporains que sur le management des projets culturels. L’objectif étant de promouvoir l’art contemporain au Cameroun et en Afrique. Par ailleurs, cet évènement devra permettre de dénicher des talents, mais aussi « d’assurer leur promotion de manière durable ». D’après Olivier Fokoua, le résultat attendu est la vulgarisation de l’art contemporain au sein du public de Yaoundé, pour qu’il se familiarise avec les disciplines qui sont l’installation, la vidéo d’art et la performance ».

Cette année, des artistes et des curateurs de 12 pays ont été invités à séjourner à Yaoundé : Nigeria, Rwanda, Angola, Zimbabwe, Namibie, Kenya, Mozambique, Malawi, Allemagne, Hollande, France et bien sûr Cameroun. Les Ravy, organisées avec la contribution du Centre des ressources basé en France, sont une initiative de l’association Les palettes du Kamer (créée en 2004) que dirige Serge Olivier Fokoua.

Stéphanie Dongmo


Programme

Lundi 02 avril
09-16 : Atelier sur le management culturel à l’Institut Goethe

Mardi 03 avril
18 : Soirée performance à l’Institut français

Mercredi 04 avril
10 : Conférence débat sur le thème « L’art contemporain dans la société », Institut français
14h : Ouverture officielle des expositions à la Bibliothèque nationale
18h : Réception à l’Institut Goethe

Jeudi 05 avril
09h-16h : Rencontre entre artistes et curateurs à l’Institut Goethe
18h : Vidéo d’art, installations et performance à l’Institut Goethe

Vendredi 05 avril
10h : Visite de l’atelier d’Em’kal Eyongakpa à Mendong
15h : Performance publique à l’Avenue Germaine à Essos
18 : Soirée performance au Centre culturel Hell

Samedi 07 avril
10 : Visite de l’atelier de Joseph Francis Sumegne à Ngousso
16 : Exposition et installations in situ au Ccmc à Bastos

Dimanche 08 avril
15 : Visite de l’atelier d’Emile Youmbi à Odja
18h30 : Soirée performance au Centre culturel Francis Bebey

Fin du festival