vendredi 27 juin 2014

Prix des cinq continents 2014 : les finalistes sont connus

Voici ci-dessous les dix ouvrages en lice pour la 13ème édition du Prix des cinq continents :

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 Arden de Frédéric VERGER aux éditions Gallimard (France)
 Feu pour feu de Carole ZALBERG aux éditions Actes Sud (France)

 Larive des jours de Jonathan GAUDET aux éditions Hurtubise (Canada-Québec)

 L'Homme qui avait soif dHubert MINGARELLI aux éditions Stock (France)

 Man de Kim THUY aux éditions Libre expression (Canada-Québec)

 Meursault, contre-enqte de Kamel DAOUD aux éditions BARZAKH (Algérie)

 Nosres dAntoine WAUTERS aux éditions Verdier (France)

 On dirait toi de Sonia BAECHLER  aux éditions Bernard Campiche (Suisse)

 L'Orangeraie de Larry TREMBLAY aux éditions Alto (Canada-Québec)

 Les Souliers de Mandela dEza PAVENTI aux éditions Québec Arique (Canada-Québec)

 Ces 10 ouvrages ont été retenus parmi 103 romans.

Créé en 2001 par l’Organisation internationale de la Francophonie, le Prix des cinq continents récompense chaque année un texte de fiction narratif d’expression française. Les candidatures d'ouvrages sont soumises par leur éditeur, ou peuvent être suggérées par les membres du jury ou autres personnalités du milieu du livre.

Cette première sélection est l’œuvre de représentants des quatre Comités de Lecture (l’Association Passa Porta de la Fédération Wallonie-Bruxelles, l’Association des écrivains du Sénégal, l’Association du Prix du jeune écrivain de langue française de France et le Collectif des écrivains de Lanaudière du  Québec). Ils témoignent de la sélection de cette année qui « refte une ouverture des auteurs sur le monde et leur capacité dancrer leur roman au-delà de leur culture dorigine, ils parviennent ainsi à jeter des ponts entre des mondes différents. Leurs personnages se forgent une identité en se confrontant à laltéri ».

Le jury cette année est présidé par un Prix Nobel de la littérature, Jean-Marie Gustave Le Clézio (Maurice) et composé d’un jury international de dix auteurs, parmi lesquels Ananda  Devi  (Maurice) et Monique  Ilboudo (Burkina  Faso.

Doté d’un montant de 10.000 euros, le Prix des cinq continents a é créé par la Francophonie signera son lauréat le 26 septembre à Paris et remettra officiellement le prix au Sénégal, au mois de novembre, en marge du XVe  Sommet de la Francophonie (Dakar). LOrganisation internationale de la Francophonie assurera la promotion du lauréat sur la scène littéraire jusquà la proclamation du prochain lauréat.

Rappellons que par le passé, le Camerounais Patrice Nganang a reçu une mention spéciale en 2011 pour son roman Mont plaisant (Ed. Phiilippe Rey) et le Congolais Alain Mabanckou a été primé en 2005 pour Verre cassé (Ed. Le Seuil).

Stéphanie Dongmo

 

 

 

mercredi 25 juin 2014

Fonds francophone : 15 projets soutenus

La Commission Télévision du Fonds francophone de production audiovisuelle du Sud a sélectionné 10 projets de films documentaires et 5 projets de séries télévisées au cours de sa session de juin 2014 à Paris. Le montant total attribué s’élève à 230 000 euros et bénéficie à 9 pays d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient.

Un film à l'écran

Dans la catégorie AIDES A LA PRODUCTION, ont été retenus :

- Les royaumes d’Ibrahim, documentaire de Remi Itani (Liban) : une jeune chrétienne libanaise face à un délinquant musulman d’un
quartier extrémiste.
- Docteur Mukwege, documentaire d’Angèle Diabang (Sénégal) : portrait du chirurgien qui redonne vie et dignité aux femmes victimes de viols dans l’Est de la RDC.
- Boxeuses du Kivu, documentaire de Dieudo Hamadi (RDC) : Honorine Munyole, colonelle de police dans l’Est du Congo ne se contente pas d’arrêter les violeurs, elle apprend à leurs victimes à boxer.
- Une place sous le soleil, documentaire de Karim Aïtouna (Maroc) : la lutte des vendeurs de rue du Maroc pour une place dans la société.
- L’Africain qui voulait voler, documentaire de Samantha Biffot (Gabon) : un Gabonais devenu star du Kung-fu en Chine.
- Les hommes debout, documentaire de Maya Abdul-Malak (Liban) : l’état d’immigration, vu comme un état d’apesanteur, dans le vingtième arrondissement de Paris.
- Marathon, documentaire de Clarisse Muvuba (RDC) : un sportif congolais de haut niveau a choisi de rester au pays, malgré tout…
- Chabab, documentaire de Zakia Tahiri (Maroc) : plusieurs jeunes Marocains, saisis au moment où leur vie bascule.
- La sirène de Faso Fani, documentaire de Michel K. Zongo (Burkina Faso) : un film pour fait revivre l’usine textile de la troisième ville du Burkina Faso.
- Cochinchine : documentaire de Rithy Panh (Cambodge) : retour sur une colonie qui allait devenir le Sud-Vietnam.

Dans la catégorie, AIDES AU DEVELOPPEMENT, ont été sélectionnés :

- L’Ambre, série de fiction de Binta Dembélé (Côte-d’Ivoire) : aventure, espionnage et arme bactériologique.
- Hôpital Le Dantec, série de fiction d’Ibrahima Diop et Hérikel Karaki (Sénégal, France) : chronique des patients et des soignants au grand hôpital de Dakar.
- Africa chic : série de fiction de Fabè Ouattara, Ado Noël Bambara et Catherine Lancelot (Burkina Faso/France) : un petit tailleur devient grand styliste grâce à l’escroc qui convoite sa femme.
- Bruits de tambour : série de fiction de Magagi Issoufou Sani et Charli Beleteau (Niger/France) : intrigues politiques et lutte pour les droits de la femme à Zinder, troisième ville du Niger.
- La gendarme enquête : série de fiction de Guy Foumane (Cameroun/Côte d’Ivoire) : belle et intrépide, l’enquêtrice Ziani Diallo traque les criminels au fin fond de la brousse ivoirienne.

La commission télévision du Fonds francophone effectuera sa prochaine sélection de projets en février 2015. Le dépôt des dossiers aura lieu en octobre 2014 sur le site www.Imagesfrancophones.org.

Communiqué de presse du Fonds francophone de production audiovisuelle du Sud, Paris le 24 juin 2014

jeudi 19 juin 2014

Kareyce Fotso : ''Je suis une artiste, pas une star''

La chanteuse a présenté au Cameroun en mai dernier son troisième album, Mokte. 12 titres qui, en huit langues, invitent à un voyage au cœur de la diversité culturelle camerounaise. C’est une femme en colère contre le tribalisme, émue par son parcours, heureuse en ménage et reconnaissante envers Dieu que nous avons rencontré. Entretien.



Vous revenez au-devant de la scène avec un album intitulé Mokte, qui signifie croire en ghomala. En quoi doit-on croire ?
L’idée de l’album est née après que j’aie reçu un gros choc à Mvog-Ada [quartier de Yaoundé, Ndlr]. Mes parents, qui sont venus de Bandjoun en 1959 et ont vécu depuis en harmonie avec tout le monde dans ce quartier, se sont entendu dire un jour par un autochtone : « rentrez chez vous, vous n’êtes pas d’ici ». Ça m’a bousculée, j’en ai pleuré. Je croyais qu’on avait dépassé cela, c’est un discours qu’on ne devrait plus tenir pour l’intérêt de notre nation. Le Cameroun a peut-être la paix mais qui nous dit qu’il n’y a pas une braise en dessous et qu’il ne suffit pas seulement d’une étincelle pour que le feu prenne ? Ca trotté dans ma tête.

Au point de vous faire abandonner votre projet premier…
J’ai mis en instance mon projet d’album intitulé The traveller. Je peux voyager dans mon propre pays et mieux raconter son histoire à travers le monde. Le Cameroun c’est 300 ethnies, 300 cultures, 300 richesses qu’on ne pourra même pas déjà explorer en une vie. Je voulais aussi essayer de créer un lien culturel. J’ai grandi dans un carrefour culturel où  il y avait Bétis, Bassas, Doualas, Bamilékés… Il y avait même des Biafrais, Centrafricains, Tchadiens, Béninois, Maliens… J’ai voulu considérer mon CD comme ce lieu que j’ai envie de revoir, ce rêve de mon enfance que j’ai envie de recréer.

Qu’espérez-vous en dénonçant le tribalisme dans cet album ?
Le tribalisme c’est con, c’est une bêtise. Le danger serait justement de ne pas en parler. Il faut conscientiser les gens, leur dire il ne faut pas en arriver là. Mon album est une façon de percer l’abcès et ce n’est pas un hasard s’il sort officiellement au Cameroun le 20 mai, jour de la Fête de l’unité. J’ai utilisé huit langues [Ngomala’a, bassa, ewondo, duala, foufouldé, anglais, français… Ndlr] car étant Camerounaise, je peux être haoussa, douala, bassa, bami... Je veux arrêter d’être une tribu pour mieux vendre mon pays à l’extérieur, moi qui ai une vitrine internationale.

Vous revendiquez d’ailleurs une double appartenance…
Mes parents sont bamilékés mais moi, je suis béti. J’ai le droit de le dire. Je vois des enfants de Camerounais nés en France qui revendiquent d’être Français. La première langue que j’ai parlé c’est l’éwondo, avant même le ghomala.

Vous êtes musicienne instrumentiste et jouez plusieurs instruments, combien de temps cela vous a pris pour les apprendre?

Je joue à la guitare depuis 2009. Je suis une acharnée, une passionnée, je vais au fonds des choses. J’ai eu des moments de découragement mais la guitare, il faut vraiment s’y accrocher. C’est la chose qui m’a le plus accompagnée ces quatre dernières années, c’est devenu mon amie fidèle. J’ai un bon rapport avec les percussions, je crois que c’est un don. Et j’ai le rythme, comme la danse, dans le sang. Je fais plein de choses que je n’ai jamais apprise à faire. Peut-être c’est parce que j’ai grandi dans une famille où on manquait de tout. Ma mère est bayam sellam. Avec à peine un dollar [475 Fcfa, Ndlr] par jour, elle devait nourrir 19 bouches. Quand tu prends conscience de ça, tu te prends en charge très tôt.

Qu’est-ce qui fait votre succès?
Selon les journaux occidentaux -car c’est là-bas que je gagne ma vie- ce qui a fait la différence avec mon travail, c’est mon originalité. Il faut être soi, ne pas caricaturer, être vraie. J’ai compris cela en m’appuyant sur des aînés qui ont fait de longues carrières comme Youssou N’Dour, Angélique Kidjo, Salif Keita, c’est leur langue qui les a sauvés. Si tu choisis le français ou l’anglais, tu ne pas mieux chanter que Céline Dion ou Lara Fabian. Mais quand tu vends ta vérité, tu es éternel parce que personne ne sera jamais toi. Il y a 50% de talent, 25% de chance et 25% de persévérance, de discipline. Il faut être aguerri. Si je n’étais pas prête, je ne serais plus dans le circuit aujourd’hui. J’ai parfois 21 concerts en un mois dans des pays différents. Et tu ne peux pas tricher parce que c’est du live, tu donnes de la voix. Si tu n’as pas du métier, si tu n’as pas chanté au cabaret tous les soirs, tu ne peux pas le faire. 80% de mes chansons sont en nos langues et ce n’est que le début.

Que représentent ces langues pour vous?
Pour moi, la langue c’est comme un attachement à ma mère, c’est ce qui nous construit. Lorsque tu sais parler ta langue, tu es attaché à quelque chose de fort, tu es en accord avec ton âme, ton esprit, ta patrie. Lorsqu’un enfant ne sait pas parler sa langue, il est perdu, il ne sait pas d’où il vient, il n’a pas un rapport clair avec sa tribu, son pays. C’est pour cela que beaucoup de jeunes aujourd’hui ont envie de partir parce que, ne sachant pas parler leurs langues, ils ne sentent pas d’attachement à cet endroit qu’est le Cameroun.

Comment faites-vous pour garder votre identité alors que vous êtes confronté tous les jours à beaucoup d’autres cultures ?

Je me nourris des cultures que je rencontre mais je ne me fonds pas dans ces cultures-là. Je donne et je reçois. Je ne me perds pas parce qu’avant de partir de chez moi, j’avais les pieds bien ancrés dans ma culture. Aussi, je n’oublie pas d’où je viens. Il faut savoir d’où on vient et où on va.

Vous travaillez beaucoup plus à l’étranger mais vous avez une vie de famille au Cameroun, comment vous faites pour concilier les deux ?
J’ai beaucoup de chance, ma mère est toujours là pour moi. Mon homme travaille beaucoup, jusqu’à tard le soir. Alors, quand je pars, je laisse mes deux filles dont l’aînée a 9 ans à ma mère à Mvog-Ada, pour qu’elles aient un équilibre scolaire. Mais quand je suis là, on les prend. C’est un choix de vie.

Combien de mois vivez-vous au Cameroun par an?
L’année dernière, je suis restée au Cameroun 8 semaines.

Vous avez trouvé une solution pour vos enfants en les confiant à votre mère. Mais à qui confiez-vous votre homme ?
Il m’accompagne de temps en temps en tournée, quand il le peut. C’est ce qui met du piment dans notre couple. Chaque jour, c’est comme si on venait de se rencontrer. Quand on se voit, on profite vraiment des moments passés ensemble.

Votre parcours ressemble, en bien des points, à un conte de fée. Racontez-la nous?
Quand tu pries, tu demandes à Dieu de te faire toucher ta destinée, mais il ne faut pas la laisser passer. Je suis la 5ème d’une famille de six enfants. J’ai fait trois ans d’études en biochimie à l’Université de Yaoundé I, j’ai un BTS en audiovisuel et photographie. Entre 2001 et 2002, j’ai été sollicité par le groupe Korongo Jam comme choriste. Comme je voulais parfaire mon niveau en tant que chanteuse lead, j’ai donc commencé à travailler dans les cabarets tous les soirs. Entre-temps, j’ai fait la connaissance d’une metteuse en scène, Yaya Mbilé, qui m’a amené au théâtre entre 2005 et 2008.

En 2008, j’ai commencé à traverser un moment d’incertitude et de questionnements. Je voulais être chanteuse mais la musique ne marchait pas. Je travaillais dans les cabarets où je gagnais 2 000F le soir, je m’interrogeais sur mon avenir. Alors, j’ai tout arrêté. Je venais de faire ma deuxième fille, je n’avais pas de quoi lui payer du lait. Ma mère était à la fois ma mère et celle de mes enfants, elle m’avait déjà élevée et je venais encore lui coller deux gosses sur le dos. Durant cette période, je me suis rapprochée de Dieu, ma vie était devenue les églises et les prières.
Sur les conseils de la chorégraphe Gladys Tchuimo, j’ai postulé au concours Visas pour la création organisé par l’Institut français parmi 850 candidats, sans trop y croire. Un matin début 2009, j’ai reçu un appel m’annonçant que j’ai été retenue. J’ai pleuré d’émotion... (Elle s’arrête quelques instants et pleure d’émotion)

A ce moment-là, qu’est-ce que ce concours représentait pour vous ?
C’était la Coupe du monde. Cette émotion très forte, je ne l’ai ressentie que quand j’ai eu ma première fille. Je traversais des moments vraiment difficiles. Dans ce pays, être musicien et travailler dans les choix artistiques que nous faisons c’est très difficile, surtout si tu ne chantes pas les dessous de ceinture pour plaire au commun des mortels. Nous sommes des artistes, pas des stars. Les Camerounais ordinaires n’aiment pas les choses qui font réfléchir. La preuve, on me dit que je fais la musique de Blancs et moi, ça me fait mal.

Artiste et pas star. C’est quoi la nuance ?

La star c’est le paraître, le bling bling, je n’ai pas le temps pour cela, mon métier me prend déjà beaucoup de temps. Moi, je suis une artiste. Je voudrais que quand je meurs, les générations futures gardent de moi mes œuvres et non le nombre de vêtements que j’ai porté ou le look que j’avais. Je veux être une personne ordinaire, aller acheter des beignets au marché Mvog-Ada si j’en ai envie.

Cette année 2009 a été pour vous la consécration…

Il y a des années qui sont des contes de fées. En 2009,  j’ai été médaillée d’argent aux Jeux de la Francophonie, j’ai eu le concours Visa pour la création et j’ai été finaliste du concours Découvertes Rfi. Cela m’a permis de rencontrer mon producteur belge, Contre-Jour. Dieu m’a appelé et il m’a élevé. Si on n’a pas Dieu, on n’a rien ; on croit qu’on vit mais on est mort. Pour moi, Dieu c’est le début et la fin de toute chose.
Quels sont vos secrets de beauté ?

Je prends soin de moi avec nos produits naturels, j’utilise beaucoup les huiles naturelles qui hydratent fortement la peau comme l’huile de palmiste raffiné, le « magnanga » fait par nos grands-mères et le beurre de karité que j’aime beaucoup pour ma peau et mes cheveux. J’ai fait deux enfants mais j’ai un ventre plat, sans vergeture et sans rides. Je fais aussi beaucoup de sports, je pratique la gym à peu près cinq fois par semaine. Mais il faut aussi être bien dans sa tête, ne pas garder de rancœur. Parfois, le fait de ruminer des trucs contre les gens donne des rides, l’Avc… Je prends la vie telle qu’elle vient, le plus naturellement possible. Tout cela concourt à vous faire garder une certaine beauté, une certaine jeunesse.
Propos recueillis par Stéphanie Dongmo

Interview parue dans Kwin Magasine, Juin 2014


Discographie:

2009 : Mulato
2010 : Kwegne (Contre-Jour)
2014 : Mokte (Contre-Jour)

Mokte en 12 titres

Te wa vouan ne ma : c’est l’histoire d’une amie qui avait un salon de coiffure. La vie étant difficile, elle et son gars ont tout vendu pour qu’il aille en Occident se chercher. Elle lui écrit donc cette lettre pour lui dire : « je sais que tu peux rencontrer une autre et que tout peut arriver, mais ne m’oublie pas ».
Ndolo comment ça va ? Cest une femme obligée de laisser enfants et mari à la maison pour aller travailler. Elle rappelle à son mari que bien qu’elle soit loin de lui, elle le porte dans son cœur.

Azani est chanson où je dis à ma sœur aînée que c’est dommage qu’elle ne soit plus là pour voir ma fille, qui est son homonyme. Ma sœur était médecin, elle s’est laissé mourir du Sida en 2005 parce qu’elle n’a pas voulu assumer.

Manke c’est quelqu’un qui reconnaît avoir offensé l’autre et lui demande pardon.

Just believe c’est un peu tout l’album. Dans cette chanson, je dis qu’il faut croire en ses rêves, en soi-même et en ce qu’on fait.

Kak Pou Tseu veut dire lève le doigt. Souvent on jette la pierre à l’autre mais qui peut dire qu’il n’a jamais fait du mal ?

Kowadi est une chanson écrite par Iznebo que j’aime beaucoup.

Messa c’est la suite de la chanson sur le mariage forcé. La jeune fille qu’on obligeait à se marier va vers ses parents pour leur présenter le mari qu’elle a trouvé elle-même.

Tiwassa c’est l’histoire d’un jeune très brillant à l’école qui n’a cependant pas réussi dans la vie.

Youmbata est un cri d’espoir qui dit que si tu veux voir la lumière, regarde dans ton cœur. On a toujours l’impression que le bonheur est ailleurs. Or, le bonheur comme le malheur est en nous.

Ke wouac A est une chanson où je demande au Seigneur de ne jamais m’abandonner.

Aya s’adresse aux jeunes qui ne rêvent que d’Occident. On peut se créer son propre paradis là où on est. Nous avons le devoir de nous sacrifier pour nos enfants, pour qu’ils ne vivent pas demain ce que nous vivons aujourd’hui.

mercredi 11 juin 2014

Cinéma : Voir ‘‘mbeng’’ et mourir

La série Harraga, brûleurs de frontières, écrite et réalisée par Serge Alain Noa sur l’immigration illégale, est diffusée depuis mai 2014 sur Tv5 Afrique. Elle dresse le portrait de cinq jeunes Camerounais désespérés, prêts à tout pour aller tenter leur chance en Europe. Mais le chemin pour y arriver est long et périlleux.
 
Des acteurs de la série Harraga

L’immigration clandestine. Le sujet a inspiré nombre de longs métrages en Afrique, au rang desquels Bako, l’autre rive de Jacques Champreux (France, 1h50, 1979), Heremakono, en attendant le bonheur de Abderrahmane Sissako (Mauritanie, 1h30, 2002), Paris à tout prix de Joséphine Ndagnou (Cameroun, 2h13, 2007), La Pirogue de Moussa Touré (Sénégal, 1h27, 2012). Le Camerounais Serge Alain Noa nous propose la même histoire dans une enveloppe différente : une série télévisée qu’il a écrite et réalisée. Harraga, brûleur de frontières (20 épisodes x 26 mn, 2013) est diffusé depuis le 8 mai sur Tv5 Afrique à 19h30, et rediffusé le lendemain à 9h10.

Naître de nouveau
Le titre, il ne l’a pas cherché bien loin. Les Tunisiens Salouad Benabda et Wissem El Abdel avaient déjà intitulé leur livre illustré Harraga, les brûleurs de frontières 2011, Encre d’Orient). Merzak Allouache s’en était rapproché en baptisant son long-métrage Harragas (Algérie, 1h43, 2008). Harraga est un néologisme en arabe qui désigne les personnes qui tentent de partir en Europe clandestinement. Ils brûlent donc la frontière et l’ordre établi en même temps que leurs papiers, leurs identités et même leurs vies. Ils doivent passer par cette petite mort qui efface leur histoire et leur passé pour naître de nouveau dans un pays et une situation meilleurs.

« Tu restes au pays, tu as une chance sur dix de rater ta vie ; tu pars, tu as une chance sur dix de mourir », disait déjà un personnage de « La Pirogue ». C’est aussi à cette conclusion que sont arrivés les cinq personnages principaux de cette série. Ils sont jeunes (entre 26 et 30 ans), ils ont été scolarisés mais ils sont pauvres, ou presque. Le scénariste les a savamment placés dans des situations professionnelles et familiales différentes. Bath (Alain Bomo Bomo) est diplômé en marketing et communication et son entreprise a fait faillite. Ingénieur agronome au chômage, Tangui (Axel Abessolo) vit au crochet de sa grand-mère. Fiancé et bientôt père, le chauffeur de taxi Marco (Gabriel Fomogne) accuse dix mois d’arriérés de salaire. Tookie (Pierre Bala) est musicien et n’arrive pas à trouver un producteur. Délaissé par la mère de sa fille pour un Blanc, Zongo (Henri Owono) vend des livres au poteau.

Les sirènes de l’Europe

Dans un contexte où le développement se planifie à l’horizon 2035 alors que les jeunes ont besoin de solutions pour aujourd’hui, comment leur reprocher d’envier la réussite d’Amsa (Frank Olivier Ndema) qui revient au quartier plein de fric et de morgue après 8 ans en Europe ? Ce retour sera donc l’élément déclencheur qui va décider ces garçons plein d’appréhension sur leur avenir à tenter l’aventure. Plus que la pauvreté, c’est le creusement des inégalités, le sentiment d’injustice et l’absence de perspective qui les amènent à fantasmer sur une Europe où tout est possible, pourvu qu’on soit prêt à retrousser ses manches. D’ailleurs, au fil des premiers épisodes, l’expression « dans ce pays » revient dans les dialogues comme un refrain, pour souligner le quotidien déprimant des personnages.

Serge Alain Noa
Serge Alain Noa a conçu sa série en trois saisons. La première énumère les mille et une raisons qui poussent les jeunes à partir (chômage, corruption, favoritisme, etc.) La seconde, prévue en 2015, va porter sur le chemin de croix qui mène à l’Europe, avec les différentes possibilités qui s’offrent aux migrants clandestins. Une fois la frontière franchie, la troisième et dernière saison décriera les conditions de vie en Europe où on est très vite rattrapé par la clandestinité et la difficile intégration. L’affiche de cette série d’intervention sociale présente, sous un ciel bleu faussement serein, l’ici et l’ailleurs séparés par des barbelés. Le personnage ayant traversé est écrasé par la tour Eiffel qui se dresse loin, au-dessus de sa tête.

L’intention du scénariste est évidente : décourager les jeunes à tenter une aventure aux risques inconsidérés car l’Europe n’est pas le paradis. Pour leur donner une raison de continuer à vivre ici, il laisse entrevoir un avenir radieux en appuyant, avec une emphase frisant la publicité, les faits d’armes de la Commission nationale anti-corruption (Conac), mise en place au Cameroun en 2007 pour lutter contre la corruption.
Hommage à Charles Nyatte
Charles Nyatte
La distribution de Harraga, brûleurs de frontières a attiré le gros des acteurs qui occupent la scène ces dernières années au Cameroun, avec plus ou moins de bonheur : Martin Poulibé, Deneuve Djobong, Rosalie Essindi, Massan à Biroko, Tony Bath Atangana, Joseph Mouetcho, Daniel Leuthe, etc. Avec des découvertes qui partent de derrière la caméra pour se placer devant : Frank Ndema, Alain Biozy, Nathalie Mbala Mpesse et Avit Nsongan Mandeng, qui assure également le montage de la série. A noter aussi un passage éclair du très regretté Charles Nyatte (décédé le 15 novembre 2011 à l’âge de 67 ans, au cours la première semaine du tournage de la série où il tenait un rôle).

L’épisode 13 lui donne d’ailleurs le meilleur rôle. C’est une séquence du précédent film de Serge Alain Noa, Le don involontaire (2007, 56mn) qui met en scène un détourneur de fonds publics, sa femme et un voleur. Si elle rend un hommage mérité à un acteur de poids, elle alourdit en revanche le rythme de la série. Malgré les tentatives louables de raccord, cette séquence paraît décalée car elle éloigne le téléspectateur de l’intrigue principale durant une trentaine de minutes, sans interruption.

Harraga, brûleurs de frontières sera officiellement présenté au Cameroun en août prochain. Avec l’espoir que ceux qui attendent le bonheur d’ailleurs se décident à la chercher ici.
Stéphanie Dongmo

Fiche technique
Titre : Harraga, brûleurs de frontières
Type : série Tv
Genre : société
Scénariste / Réalisateur : Serge Alain Noa
Productrice : Elisabeth Kounou
Production : Vynany Sarl avec le soutien du Fonds francophone
Distribution internationale : Côte Ouest
Année : 2013