dimanche 30 septembre 2012

Théâtre : Léonora Miano sur scène



Son dernier livre, « Ecrits pour la parole », sera porté à la scène pour la première fois en France à la 29ème édition du Festival des Francophonies en Limousin. 

Léonora Miano
 Le spectacle est baptisé « Afropéennes », un mot cher à Léonora Miano pour désigner ces gens qui sont dans l’entre-deux mondes (Afrique et Europe). Il est créé à Limoges les 29 septembre, 1er et 2 octobre 2012 et sera repris au WIP de la Villette à Paris, les 16 et 17 octobre. La metteuse en scène d'origine ivoirienne Eva Doumbia va monter une adaptation de la première partie de ce texte (« Femmes in a city ») tiré du recueil de Léonora Miano « Ecrits pour la parole » paru l’année dernière chez L’Arche, ainsi que de son roman « Blues pour Elise » publié chez Plon en 2010. 

On retrouve dans la pièce les personnages de « Blues pour Elise » : Akasha, Shale, Malaïka et Amahoro. Ces quatre amies Caribéennes et Subsahariennes qui forment le groupe Bigger than life habitent à Paris. Elles ont la trentaine, un emploi, un logement et pas de problème de papiers. Pour combler le vide de leur existence, elles ont fait de la recherche de l’amour l’ambition de leur vie, comme les héroïnes de la série américaine « Sex and the city ». Ecrasées par l’Histoire et le poids des traditions, elles racontent la femme noire dans la France multiraciale d’aujourd’hui et, au-delà, les nouveaux Français. 

Eva Doumbia
« En s’appuyant sur l’écriture élégante et acide de Léonora Miano, Eva Doumbia nous fait découvrir dans cette nouvelle création, un théâtre féminin et féministe, où s’entremêlent la danse, la musique, l’humour, et même quelques saveurs culinaires… », peut-on lire sur le site du festival. Les « Écrits pour la parole » de Léonora Miano feront par ailleurs l’objet d’un projet radiophonique avec Juliette Heymann à la réalisation. Ils seront enregistrés en public le 5 novembre à Théâtre Ouvert à Paris, pour être diffusés sur France Culture le 21 novembre dans le cadre de l’émission Atelier Fiction / La Radio sur un plateau.

Un nouveau texte de Léonora Miano intitulé « Habiter la frontière » paraît le 1er novembre aux éditions L’Arche. L’écrivaine née à Douala au Cameroun en 1973 s’installe définitivement dans le théâtre après le roman, la nouvelle et la musique. Elle est l’auteure de six romans dont le dernier, « Ces âmes chagrines », a paru en août 2011. En décembre de l’année dernière, elle a été primée du Grand prix littéraire de l’Afrique noire pour l’ensemble de son œuvre par l’Association des écrivains de langue française (Adelf).
Stéphanie Dongmo

Fiche technique du spectacle « Afropéennes »
Textes Léonora Miano
Conception, adaptation et mise en scène Eva Doumbia
Scénographie Francis Rugirello
Musiques Lionel Elian
Costumes Sakina M’Sa
Vidéo et régie générale Laurent Marro
Lumières Erika Sauerbroon
Dispositif son Thierry Sébbar
Sociologue Dominique Poggi
Production, diffusion Julie Demaison
Avec : Atsama Lafosse, Jocelyne Monier, Annabelle Lengronne, Dienaba Dia, Nanténé Traoré, Massidi Adiatou (danse), Alvie Bitemo (jeu et chant), Krim Mohamed Bouslama (contrebasse et jeu), Gagny Sissoko (cuisine et jeu).
Tournée : 16 et 17 octobre : WIP Villette (Paris)
Saison 2013 – 2014 : Théâtre du Sémaphore, Théâtre Durance, Théâtre les Bernardines

Cinéma:La leçon de critique de Mollo Olinga



Journaliste et critique cinématographique de nationalité camerounaise, Jean-Marie Mollo Olinga vient de publier Eléments d’initiation à la critique cinématographique aux éditions l’Harmattan Cameroun. Cet essai pédagogique destiné aux jeunes critiques africains vient combler un vide certain.  

Jean-Marie Mollo Olinga
Les écrivains du cinéma sont unanimes sur la nécessité d’une critique forte en Afrique. Olivier Barlet (Les cinémas d’Afrique des années 2000, L’Harmattan, mai 2012) la pose en urgence, en affirmant qu’elle est essentielle pour déconstruire les représentations imaginaires héritées du passé colonial. La critique, décolonisée et décomplexée, est donc un « accompagnateur d’œuvre », selon l’expression de Hassouna Mansouri (L’image confisquée, Depuis le Sud, 2010). Mais elle ne pourra véritablement remplir son rôle auprès des cinématographiques fragiles d’Afrique que si elle est crédible. C’est pour en finir avec la médiocrité et la superficialité des critiques que Jean-Marie Mollo Olinga publie ce manuel d’introduction des jeunes journalistes au métier de critique cinématographique. 

Mais à la périphérie dominée du monde, comment être un critique compétent dans un contexte où il existe très peu de salle de cinéma, où l’accès aux films africains est difficile, où les ouvrages sur le cinéma sont rarement accessibles, où il y a plus de navets que de bons films, où les patrons de presse ont une faible idée de l’exercice critique, où le métier même ne nourrit pas son homme ? Nullement découragé par ces handicaps, Mollo Olinga soutient qu’« il est temps pour les critiques d’Afrique d’affirmer une critique africaine, non qu’elle serait la seule authentique et légitime, mais parce qu’elle est généralement sans visibilité ». Cette activité ne doit pas être limitée au seul film (critique de cinéma), mais élargie à la culture générale (critique cinématographique). 

Naissance du cinéma en Afrique
Avant d’arriver à sa leçon de critique, l’auteur procède méthodiquement par la définition des termes et la « petite histoire du cinéma ». Il jette un pavé dans la marre en affirmant que le cinéma n’est pas né en Afrique en 1955 avec Afrique-sur-Seine de Paulin Soumanou Vieyra et Mamadou Sarr. « Paulin Soumanou Vieyra a manqué d’objectivité (…) Certes, il fut le premier Africain à être inscrit au prestigieux Institut des hautes études cinématographiques de Paris (IDHEC), mais il n’est ni le premier cinéaste africain, ni même le premier cinéaste d’Afrique noire ». Pourtant, Soumanou Vieyra reconnaît lui-même qu’avant son film, d’autres Africains ont réalisé, avec les moyens du bord, un certain nombre de documentaires (In Ed Présence Africaine, Paris, 1963, cité par Afrique 50 : singularités d’un cinéma pluriel, sous la direction de Catherine Ruelle, L’Harmattan, 2005).

Quel est donc le premier film africain? Mollo Olinga reste prudent lorsqu’il avance que, historiquement, c’est Mouramani du Guinéen Mamadou Touré, réalisé en 1953 en France. Il précise qu’en 1951, Albert Mongita avait déjà réalisé le court métrage La leçon du cinéma au Congo Belge avec l’aide des missionnaires et laisse finalement la porte ouverte à d’autres films d’Africains qu’on pourrait retrouver dans l’histoire en remontant jusqu’en 1897. 

La critique n’est pas neutre
Ce « rectificatif » fait, Mollo Olinga explique l’art, les mouvements, les genres, le langage cinématographiques, bref, des clés pour « cerner la structuration d’un film, sa dramaturgie, en comprendre le scénario ». Pour lui, tout comme il n’y a pas d’école de critique, il n’y a pas non plus de règles pour écrire une critique. C’est à chacun de baliser sa voie par la pratique, en se servant de sa culture cinématographique et de sa culture générale. Le critique africain, qui est un spécialiste de la lecture et de l’analyse des films, écrit avec sa sensibilité africaine. Il doit juger un film selon le contexte, les normes culturelles et le public. Mollo Olinga lui confie aussi la responsabilité de défendre l’intégrité du cinéma de nombreux téléfilms, vidéos et reportages que l’on qualifie trop facilement de film.  

La critique cinématographique, qui bénéficie de la liberté d’expression, n’est pas neutre. Car critiquer un film au demeurant, c’est donner son point de vue. Il ne s’agit pas de copier la simplicité de facebook en collant sur des films des mentions « j’aime » ou « je n’aime plus ». Il s’agit de faire « une critique sans complaisance mais qui n’épingle pas sans raisons » (Olivier Barlet, Cinémas africains d’aujourd’hui, Khartala, 2010). Une critique argumentée donc. Eléments d’initiation à la critique cinématographique donne en exemple neuf critiques écrits par Mollo Olinga, mais aussi par Baba Diop et Olivier Barlet.

Ce premier livre de Jean-Marie Mollo Olinga, fruit de dix années de recherche, est desservi par une mise en page sans relief. Qui ne diminue pas sa qualité intrinsèque : rassembler en un seul document plusieurs essais souvent rébarbatifs sur l’aspect technique des films. L’auteur met cependant en garde : ce livre n’est pas une fin mais un appel à davantage de travail : « Je ne veux pas que les jeunes qui ont fini de lire mon livre aient la prétention de se proclamer critiques. Il faut s’auto-investir, que ces jeunes-là aillent fouiller dans les livres spécialisés sur le son, la caméra, l’écriture du scénario, l’histoire du cinéma, les mouvements cinématographiques… C’est au bout de cela qu’ils auront peut-être la prétention de se désigner critiques cinématographiques ». Le chemin à parcourir est encore long. 

Pour Thierno Ibrahima Dia, critique cinématographique, enseignant de cinéma et facilitateur du site www.africine.org qui signe la préface de ce manuel, « un tel ouvrage relève d’une absolue nécessité et d’une urgence impérieuse ». Il vient combler un vide certain en donnant des outils pour écrire une bonne critique cinématographique. Si son auteur le destine aux jeunes critiques, ce livre intéresse cependant tous les intervenants de la chaîne de fabrication d’un film. Mollo Olinga forme, tout en réussissant l’un des exercices les plus difficiles de l’écriture : faire court. Le succès que l’on souhaite à ce livre réussira peut-être à gommer chez son auteur l’amertume des longues années durant lesquels il a bavé à chercher un éditeur.
Stéphanie Dongmo

Jean-Marie Mollo Olinga
Eléments d’initiation à la critique cinématographique
Préface de Thierno Ibrahima Dia
L’Harmattan Cameroun
Septembre 2012
227 pages
Prix : 24 euros

dimanche 16 septembre 2012

Martin Omboudou Ndzana : « Le bilan du Cinéma Nunérique Ambulant est positif »



Maire d’Okola et président du Réseau des hommes et femmes dynamiques de la Lékié (Rehofedyl), il loue l’action du Cinéma Numérique Ambulant du Cameroun qui, depuis avril 2012, a réalisé plus de 60 projections cinématographiques dans sa localité. 


Qu’est-ce qui vous a motivé à solliciter un partenariat entre le Rehofedyl et le CNA pour une tournée de projections cinématographiques dans l’arrondissement d’Okola ?
En tant que représentants du peuple avec la responsabilité d’encadrer des gens, nous avons compris que le CNA est une arme pour l’évolution des populations. Nous étions très heureux qu’il accepte d’entreprendre cette tournée. C’est important pour développer une culture, pour éduquer les gens, pour l’ouverture au monde. 

Jusqu’ici, le CNA y a réalisé une soixantaine de projections, quel bilan vous en faites?
C’est un bilan très positif dans ce sens que les gens en redemandent. Les nouvelles que nous avons reçues après le passage du CNA est qu’il y a une grande évolution des mœurs. Deux exemples concrets : à la mairie d’Okola, on a constaté une augmentation du nombre d’actes de naissance et de mariage établis. Le médecin de l’hôpital de district a noté qu’il y a plus de jeunes filles qui viennent demander des contraceptifs. Les films de sensibilisation, qui portent sur les problèmes de santé et de développement, ont amené une conscientisation sur l’hygiène, la prévention au paludisme et au Vih/Sida, les grossesses précoces. Et là, ce n’était qu’un mise en bouche, car le CNA ne nous a pas encore montré tout ce qu’il est capable de faire. 

Après cette tournée, envisagez-vous d’autres collaborations avec le CNA ? 
La mairie d’Okola organise une foire pendant la semaine de la jeunesse en février 2013, en partenariat avec les ministères de la Jeunesse et des Arts et de la Culture. Le CNA sera impliqué dans les activités pour des projections à Okola.   

Interview parue dans La Newsletter du CNA Cameroun, N°2, septembre 2012
http://www.c-n-a.org/publications/newsletter/cameroun/news_CNA_cameroun_201209.pdf

samedi 15 septembre 2012

Françoise Ellong dans les "W.A.K.A"



La réalisatrice de "NEK" prépare le tournage de son premier long métrage, en novembre prochain à Douala. 

L'affiche du film.

"Suicide", "Surnaturel", "Nazisme", "Violences conjugales", "NEK". Françoise Ellong a le sens de la concision lorsqu’il s’agit de donner des titres à ses films. Son sixième film et premier long métrage en préparation n’y échappe pas : « W.A.K.A » 

Dans le langage populaire camerounais, « waka » désigne une prostituée ou une femme aux mœurs légères. Il signifie aussi marcher. Dans le projet de Françoise Ellong, il a tout un autre sens : Woman Act for her Kid Adam. Autrement dit, une mère dont la maternité relève de l’héroïsme. 

La page facebook de "W.A.K.A" révèle un peu plus sur le scénario : « Mathilde, la trentaine passée, est serveuse dans un snack-bar populaire de la ville de Douala, Cameroun. Agressée et  violée un soir alors qu’elle rentre du travail, Mathilde tombe enceinte et perd son job. Dès lors qu’elle décide de garder cet enfant malgré tout, s’ensuit pour elle une véritable descente aux enfers » qui la mène jusqu’à la prostitution. 

Né à Douala au Cameroun, Françoise Ellong, qui vit depuis plus de dix ans entre Londres (où elle a étudié le cinéma) et la France, revient en novembre prochain dans la ville qui l’a vu naître le 8 février 1988 pour le tournage de "W.A.K.A", dont la première phase du casting  a été lancée en juillet dernier. 

Le long métrage fiction est une co-production française (Grizouille production) et camerounaise (Malo pictures). Sur l’affiche du film, la maison de production de Cyrille Masso a récemment et discrètement remplacé NS pictures de Régis Talla. Le film est écrit Séraphin Kakouang, sur une idée originale de Françoise Ellong qui le réalise. La sortie de "W.A.K.A" est annoncée en juin 2013.

La réalisatrice explique que "W.A.K.A" est un vrai challenge pour toute l’équipe, et à quelques mois du tournage, nous redoublons d’efforts pour être totalement prêt le Jour J. C’est assez compliqué en tant que réalisatrice de ne pas être présente pour l’instant dans le pays, mais j’ai fait en sorte de m’entourer suffisamment et d’être constamment en communication avec toutes les personnes côté Cameroun pour minimiser cette absence. Je me réjouis tous les jours de voir l’implication de l’équipe au Cameroun qui essaye de suivre mon rythme effréné ». Cette équipe est composée des réalisateurs Francis Kengne, qui dirige le casting, et Gervais Djimeli Lekpa, par ailleurs promoteur de Cinemaducameroun.com. 

Peu de réalisateurs camerounais font autant parler de leur film avant même le tournage. Mais le buzz fait autour de ce projet ne lui attire pas que des sponsors. Des personnes de mauvaise foi profitent de l’aubaine pour annoncer des pré-castings payants à Douala. Une arnaque en règle.
Stéphanie Dongmo