«La Banane» de Franck Bieleu décrit les conditions de travail dans les bananeraies de Penja; il n'a pas été projeté hier sur ordre du sous-préfet de Yaoundé I.
Les policiers du commissariat central N°1 de Yaoundé se sont invités à la projection du documentaire « La banane » de Franck Bieleu, mardi, 26 avril à 16h à la Fondation Muna à Yaoundé. Ils ont signifié au directeur de l'établissement l'interdiction de diffuser du sous-préfet de Yaoundé Ier. Conséquence, l'avant-première annoncée n'a pas eu lieu, alors qu'une cinquantaine de personnes était mobilisée à cet effet. Le programme de la soirée prévoyait la projection du film et une discussion sur le thème : « La problématique foncière et les conditions de travail au Cameroun ».
« La banane » s'intéresse au sort des près de 6000 ouvriers qui travaillent dans les bananeraies de la Plantation du Haut Penja (Php). D'après le dossier de presse parvenu à notre rédaction, « la rémunération dans la banane est des plus dérisoires. La moyenne étant d'environ 25 000Fcfa par mois pour un travail à la tâche et non à l'heure ». De plus, avec l'épandage des pesticides, les risques sanitaires sont nombreux dans ces plantations et aux alentours, les risques environnementaux également.
Le film s'intéresse aussi à la problématique foncière. Il montre que la Php, qui, au départ, détenait une superficie réduite, a, avec la complicité des élites locales, des élus régionaux et nationaux, fini par en acquérir de grandes, après l'expropriation des petits exploitants. Pour terminer, le documentaire interroge la nature et l'ampleur des retombées économiques positives de ces opérations pour le développement du Cameroun. « La banane » s'appuie sur des témoignages des employés et ex-employés de la Php, les responsables de l'entreprise n'ayant pas accepté de parler.
Franck Bieleu, réalisateur et producteur du film dont le budget se chiffre à 20 millions de Fcfa, n'a pas manqué de dire son indignation: « Je me sens frustré. Pour être cinéaste au Cameroun, il faut vraiment le vouloir. Je ne fais pas ce film pour taper sur les doigts, c'est ma façon de participer à la vie de mon pays. Je m'endette pour faire un film et on me dit qu'un sous-préfet dans son bureau l'a interdit !». Le cinéaste qui compte quatre longs métrages à son actif reconnaît cependant n'avoir pas demandé d'autorisation de diffuser auprès du ministère de la Culture. « C'était une projection restreinte. Le film n'est pas fini. Je voulais juste avoir les critiques des journalistes pour le perfectionner, avant de le sortir », explique-t-il.
La projection d'hier était organisée en partenariat avec quatre organisations de la société civile: la Coalition souveraineté alimentaire Cameroun (Cosac), L'Association citoyenne de défense des intérêts collectifs (Acdic), le Réseau de lutte contre la faim au Cameroun (Relufa) et le Centre pour l'environnement et le développement (Ced).
L'interdiction de projeter de « La banane » intervient après l'interdiction du Festival international du film des droits de l'homme par le préfet du Mfoundi, le 11 avril dernier.
Stéphanie Dongmo
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire