Le Cinéma Numérique Ambulant a
organisé, du 14 au 28 janvier, une tournée de projections-débat en plein air dans
des villages de l’Extrême-Nord.
Près de 400 personnes attendent impatiemment le début de la projection. |
Mardi,
21 janvier 2014 à Bogo. Il est 17h30 sur la place du village, devant le
lamidat. L’équipe du CNA Cameroun monte l’écran et le matériel pour la projection.
Tout autour, près de 300 personnes attendent déjà impatiemment le début de la soirée.
Ils seront 800 à la fin de la soirée. Certains, surpris, regardent de tous leurs
yeux le grand écran qu’ils découvrent.
18h30.
La nuit est tombée, la prière du soir vient de s’achever, la projection peut
commencer. Au micro, Valérie Tchuente, l’animatrice, présente le projet de
ciné-débat éducatif contre les violences faites aux femmes que le Cinéma
Numérique Ambulant (CNA) du Cameroun mène dans les départements du Diamaré et
du Mayo-Tsanaga, région de l’Extrême-Nord, en partenariat avec le Fond canadien
d’initiative locales.
Assis
devant sa cour, le lamido assiste de loin à la projection. Le sous-préfet de
Bogo, Fouapon Alassa, est présent. De même que la déléguée d’arrondissement de
la Promotion de la femme et de la famille, Pauline Monembou, qui, durant le
débat, répond aux questions du public en sa qualité de personne-ressource. Deux
films sont diffusés : « Lani »
du Béninois Claude Balogoun qui porte sur la répartition inégale des
travaux domestique entre fille et garçon dans une famille et « Moolaadé » du Sénégalais
Sèmbène Ousmane, sur l’excision et le courage d’une femme.
Un
programme qui plait particulièrement au public. Le long métrage de fiction
constitue le clou de la soirée. Les cris d’horreur fusent quand Collé Ardo, le
personnage principal du film, se fait fouetter sur la place du village par son
mari. Les commentaires vont bon train dans l’assistance, toute la soirée. Les populations saluent le courage de cette femme qui a su défendre les droits de sa fille. D’autant
plus que le film est traduit en fulfulde, la langue locale, en simultanée à la
diffusion.
Puis
vient le débat. Les gens se bousculent pour prendre la parole et parler des
violences et discriminations dont les femmes sont victimes : poser des
questions, témoigner de leur expérience ou dire simplement leur réticence. Les femmes
restent en retrait et se taisent. Mais les jeunes filles brisent le silence et disent
leur détermination à s’autodéterminer, face aux hommes qui essaient
d’expliquer, de justifier. Le débat est lancé, les discussions au sein de cette
communauté se poursuivront bien après le passage du CNA.
Cinéma social
Le
cinéma pour promouvoir l’équité homme-femme, à quelques semaines de la Journée
internationale de la femme. Violences physiques et psychologiques, viol,
excision, mariage forcé et précoce, scolarisation de la fille, tout y passe. Pour
présenter ce projet, la présidente du CNA Cameroun, Stéphanie Dongmo, a donné
une conférence de presse le 14 janvier à Maroua. Elle explique que les
problèmes cités plus haut limitent les capacités des femmes, les exposent à la
dépendance et réduisent leur contribution dans la lutte contre la pauvreté.
Aussi, « le but
de ce projet est d’amener les femmes, mais aussi les hommes et les jeunes, à
prendre conscience des discriminations et des violences dont les femmes sont
victimes. Cette prise de conscience va entraîner un changement favorable de
comportements, propice à l’autonomisation des femmes ».
Mais pourquoi
utiliser le cinéma pour faire passer des messages sociaux ? Stéphanie
Dongmo répond : « Il existe une véritable
synergie entre cinéma et sensibilisation. Le cinéma est un canal approprié pour la diffusion
des messages vecteurs de développement
humain durable. Par le billet de l’imaginaire et de la symbolique, les
films que nous projetons permettent à des gens peu informés de percevoir que
d’autres choix sont possibles pour leur vie ». Joseph Peyo, le chargé de programme
politiques et affaires publiques au Haut-Commissariat du Canada au Cameroun, ajoute:
« nous pensons que le CNA est un
moyen puissant pour faire passer des messages concernant la promotion des
droits de la personne ».
Par cette opération, le CNA Cameroun espère toucher 10 000
personnes. Un public conquis, qu’il reste à fidéliser pour le cinéma africain.
Ashley
Tchameni
Article paru dans la mensuel Mosaiques de Février 2014
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