vendredi 29 avril 2011

Livre-entretien : 32 écrivains disent l'indépendance


« Indépendances cha-cha » publié par un collectif d'éditeurs interroge des auteurs de 14 pays d'Afrique sur cette problématique.


« Indépendance cha-cha ». Le célèbre tube du chanteur congolais Joseph Kabassele Tshamala, alias Grand Kallé, symbole fort de ralliement au moment des indépendances africaines, a été emprunté pour être le titre d'un livre-entretien publié en 2010 par les éditions Magellan & Cie, en partenariat avec Apic (Algérie), Eburnie (Côte d'Ivoire) et Ifrikiya (Cameroun). Malgré son succès, cette chanson n'est pas l'unique illustration de l'indépendance. Pierre Astier, le directeur de la collection Miniatures dans laquelle paraît l'ouvrage, explique que cette littérature « a apporté son tribut à une culture multi-millénaire dont on ne perçoit pas encore l'immense rayonnement dans le monde ». L'écrivain gabonais Jean Divassa Nyama confirme : « Avant l'indépendance, c'est la littérature qui a libéré l'Afrique ».

L'ouvrage est une mosaïque d'interviews réalisées auprès de 32 écrivains de 14 pays d'Afrique, qui, en 2010, ont célébré le cinquantenaire de leur indépendance. Le Cameroun, avec le Sénégal, est le pays le plus représenté avec quatre auteurs : Eugène Ebodé, né en 1962 et installé en France; Gaston Kelman, né en 1953, vit en France; Patrice Nganang, né en 1970, vit aux Etats-Unis; et François Nkemé, né en 1968, vit à Yaoundé. Ils répondent à des questions standard: comment ils ont vécu l'accès à l'indépendance, quel impact cet événement a-t-il eu sur leur écriture, ce qu'ils pensent du fait qu'ils écrivent en français, la langue de l'ancien colonisateur et quel avenir ils souhaitent à la littérature de leur pays. Les réponses sont aussi disparates que le sont les profils des écrivains interrogés, leurs parcours et leurs pensées.

Politique nationale du livre

Sur l'indépendance, Eugène Ebodé interpelle la responsabilité des pays qui ont organisé la muse à sac de l'Afrique. Gaston Kelman, lui, veut se débarrasser du passer : « Ce n'est pas tant d'où je viens qui compte, c'est ce que je devient », dit-il. Il soutient par ailleurs qu'il n'y a jamais eu de guerre au Cameroun, alors que Patrice Nganang raconte le génocide bamiléké. Pour sa part, François Nkémé pense que « la majeure partie de la population ne voulait pas de cette indépendance » arrivée au moment où « les Camerounais en ont eu assez de tout ce maquis ». Les auteurs ne s'accordent pleinement que sur le fait que notre pays a cruellement besoin d'une politique du livre qui puisse booster la production. Les ouvrages qui paraissent au Cameroun, explique l'éditeur Nkémé, circulent très mal localement, et pire encore à l'étranger. Pour y remédier, Eugène Ebodé préconise : les pouvoirs publics doivent œuvrer, avec le concours de mécènes locaux, à l'épanouissement des arts et à la diffusion des œuvres ».

Si l'initiative de la publication de ce livre-entretien est à louer, on peut cependant interroger le casting de l'éditeur qui a adressé, à quelques phrases près, un même questionnaire à des auteurs de renommée et d'horizons différents, qu'ils aient beaucoup écrit à partir du matériau sur les indépendances africaines ou qu'ils ne s'y soient jamais intéressés.

Stéphanie Dongmo


Auteur: Collectif

Indépendances cha-cha
Editions Magellan et Cie
novembre 2010, 208 pages

Prix : 2500 Fcfa

jeudi 28 avril 2011

Censure : Un film interdit à Yaoundé


«La Banane» de Franck Bieleu décrit les conditions de travail dans les bananeraies de Penja; il n'a pas été projeté hier sur ordre du sous-préfet de Yaoundé I.

Les policiers du commissariat central N°1 de Yaoundé se sont invités à la projection du documentaire « La banane » de Franck Bieleu, mardi, 26 avril à 16h à la Fondation Muna à Yaoundé. Ils ont signifié au directeur de l'établissement l'interdiction de diffuser du sous-préfet de Yaoundé Ier. Conséquence, l'avant-première annoncée n'a pas eu lieu, alors qu'une cinquantaine de personnes était mobilisée à cet effet. Le programme de la soirée prévoyait la projection du film et une discussion sur le thème : « La problématique foncière et les conditions de travail au Cameroun ».

« La banane » s'intéresse au sort des près de 6000 ouvriers qui travaillent dans les bananeraies de la Plantation du Haut Penja (Php). D'après le dossier de presse parvenu à notre rédaction, « la rémunération dans la banane est des plus dérisoires. La moyenne étant d'environ 25 000Fcfa par mois pour un travail à la tâche et non à l'heure ». De plus, avec l'épandage des pesticides, les risques sanitaires sont nombreux dans ces plantations et aux alentours, les risques environnementaux également.

Le film s'intéresse aussi à la problématique foncière. Il montre que la Php, qui, au départ, détenait une superficie réduite, a, avec la complicité des élites locales, des élus régionaux et nationaux, fini par en acquérir de grandes, après l'expropriation des petits exploitants. Pour terminer, le documentaire interroge la nature et l'ampleur des retombées économiques positives de ces opérations pour le développement du Cameroun. « La banane » s'appuie sur des témoignages des employés et ex-employés de la Php, les responsables de l'entreprise n'ayant pas accepté de parler.

Franck Bieleu, réalisateur et producteur du film dont le budget se chiffre à 20 millions de Fcfa, n'a pas manqué de dire son indignation: « Je me sens frustré. Pour être cinéaste au Cameroun, il faut vraiment le vouloir. Je ne fais pas ce film pour taper sur les doigts, c'est ma façon de participer à la vie de mon pays. Je m'endette pour faire un film et on me dit qu'un sous-préfet dans son bureau l'a interdit !». Le cinéaste qui compte quatre longs métrages à son actif reconnaît cependant n'avoir pas demandé d'autorisation de diffuser auprès du ministère de la Culture. « C'était une projection restreinte. Le film n'est pas fini. Je voulais juste avoir les critiques des journalistes pour le perfectionner, avant de le sortir », explique-t-il.

La projection d'hier était organisée en partenariat avec quatre organisations de la société civile: la Coalition souveraineté alimentaire Cameroun (Cosac), L'Association citoyenne de défense des intérêts collectifs (Acdic), le Réseau de lutte contre la faim au Cameroun (Relufa) et le Centre pour l'environnement et le développement (Ced).

L'interdiction de projeter de « La banane » intervient après l'interdiction du Festival international du film des droits de l'homme par le préfet du Mfoundi, le 11 avril dernier.

Stéphanie Dongmo

mercredi 27 avril 2011

Musique: Valsero s'en va en guerre

Le rappeur engagé revient avec un single, dans lequel il demande aux Africains de se mobiliser pour barrer la voie à la communauté internationale.


Valsero voit désormais grand. Plus indigné que jamais, le rappeur revient avec un nouveau single qui s'ouvre aux problématiques africaines, tout en continuant à dénoncer. Produit par le mouvement « Valsero et les enfants de la révolution », dans le cadre de son projet « Liberté pour l'Afrique », le single de deux titres sort officiellement le 19 mai 2011. Avec ses textes incisifs et courageux, qui épousent les thématiques actuelles, le rappeur dit vouloir s'impliquer dans la reconstruction de l'Afrique.

« J'en veux » est le premier titre inédit de ce single. L'artiste, que ses fans ont surnommé Général, y porte le cri des Africains qui en ont marre de vivre « libres mais enchaînés ». De sa voix rocailleuse, il balance des volées de bois vert à tous ceux qui ont une part de responsabilité dans cette situation. Chacun en prend pour son grade: la communauté internationale pour son ingérence, l'Occident pour son manque d'humanisme, les présidents africains complices de l'impérialisme occidental, la société civile qui reste muette, les multinationales jouisseuses de richesses africaines. Valsero n'épargne pas même la jeunesse dont il s'est souvent fait le porte-parole, et l'accuse de défaitisme. Il va plus loin et s'assène un coup de massue, pour aimer tant « remuer la merde ». Dans son texte, des bips viennent parfois taire des mots grossiers qu'il balance. Déchaîné, Valsero ? Absolument.

Onu, persona non grata

L'artiste, qui s'inspire de l'actualité mondiale, a suivi de près la crise ivoirienne. Voyant la passion qu'elle suscitait au Cameroun, il s'est souvenu de ce qu'Alpha Blondy lui a dit un jour : « Valsero, faut jamais laisser rentrer l'Onu chez vous. Une fois que l'Onu entre chez vous, vous perdez le contrôle de votre pays, parce que derrière le manteau des soldats de la paix, il existe toujours la guerre ». Ces paroles lui inspirent la chanson « Freedom », dans laquelle il demande à la communauté internationale de laisser l'Afrique gérer ses problèmes. « Si aujourd'hui l'Afrique se transforme en un bain de sang, c'est parce que la communauté internationale pratique bien la technique d'attiser la flamme », soutient-il. Ainsi, il appelle les Africains à se mobiliser face aux « envahisseurs », en l'occurrence les soldats de la paix, qu'il qualifie de « vendeurs d'illusion ».

Contrairement aux millions de jeunes camerounais qui « ne savent que subir en silence dans les bars, tout en rêvant de l'étranger », Valsero, lui, veut regarder la réalité bien en face, aussi laide qu'elle soit. Ayant touché cette laideur du doigt, il dénonce avec ses tripes. Cette hargne, il la partage avec une dizaine d'autres jeunes qui forment le mouvement « Valsero et les enfants de la révolution ». Une organisation qui, sans être une association, combat la corruption et appelle les jeunes à s'inscrire massivement sur les listes électorales, en vue de la présidentielle de cette année.

Après « Autopsie » en 2010, « Réponds » en 2009 et « Lettre au président » en 2008, Gaston Ebe, de son vrai nom, marque une nouvelle étape dans sa carrière en s'ouvrant au monde, de la Chine en Israël, en passant par l'Afrique. Les dirigeants camerounais auxquels il n'a jamais fait de cadeau dans ses précédents morceaux peuvent souffler. Ouf ! Mais pas trop vite. Car, dit Valsero, « parler de l'Afrique, c'est parler du Cameroun ».

Stéphanie Dongmo



mardi 26 avril 2011

Musique : Un nouveau groupe dans la place

Pa2nem sera officiellement lancé le 4 mai 2011 à Yaoundé, à l'occasion de la sortie de son premier album.


Ils sont jeunes, talentueux, ambitieux et beaux, ce qui ne gâche rien. Ils portent des dreadlocks et s'habillent volontiers en jeans et blousons en cuir. Etienne Eben, 33 ans, Otis, 30 ans, Le Shegall, 26 ans et Priscelia Nchare, 23 ans, sont les quatre membres de Pa2nem [lisez pas de name]. Nouvellement constitué, le groupe de musique sera officiellement présenté le 4 mai 2011 au cours d'un café concert à l'Institut Goethe de Yaoundé, en même temps que son premier album de 10 titres, en préparation, baptisé « Enyin » (la vie, en bulu).

Tout est parti d'une rencontre entre Etienne Eben Essian et Blanche Nchare, qui a adopté Priscelia comme prénom d'artiste. « On s'est dit, puisqu'on partage la même passion, pourquoi ne pas former un duo? » Priscelia chante, tandis qu'Etienne joue de la guitare. A partir de septembre 2010, le duo se fait accompagner sur scène par un percussionniste, Patrick Njioungang Detchouta, dit Le Shegall. Un mois plus tard, il est intégré, le duo devient un trio baptisé Enyin. Puis arrive un quatrième membre. Otis, de son vrai nom Dieudonné Nyamngoub, est pianiste et guitariste. Le groupe ainsi formé décide de changer d'appellation. «Enyin fait référence à une identité ethnique bulu. Or, nous venons d'aires culturelles différentes», explique Etienne Eben. Le groupe choisit donc Pa2nem. Une appellation neutre inspiré du camfranglais, qu'il dit correspondre à sa musique.

Ni nom, ni genre

Car, aussi bien qu'il n'a pas de nom, le groupe n'a pas de genre musical défini. Rap, slam, reggae, afro pop et ethno groove sont quelques rythmes qui constituent son répertoire, de même que la musique instrumentale et la chanson en a cappella. « On fait ce qu'on sent, on ne voudrait pas être prisonnier d'un genre, d'un style », clame Etienne Eben. Pa2nem a des ambitions : faire le tour du Cameroun, d'abord, et seulement ensuite, le tour du monde. « Pour cela, nous devons garder la tête froide », assure Etienne Eben. « C'est un combat et un rêve qu'on est seul à faire », renchérit Priscelia Nchare. «On a une façon commune de penser. Notre raison de vivre, c'est le groupe, on veut passer un message d'union et d'amour dans un monde essentiellement dirigé par l'individualisme », ajoute Otis.

Les trois artistes avaient déjà formé, entre 2005 et 2008, le groupe de musique Dawn, qui a fini par mourir. Malgré cette expérience non concluante, Priscelia Nchare se dit confiante quant au succès de Pa2nem : «Aujourd'hui, nous sommes plus disciplinés. Nous partons sur beaucoup d'humilité et de travail. Nous allons rencontrer des obstacles, mais nous allons nous épauler ». Pour ne pas se marcher sur les pieds, le groupe a adopté une répartition claire du travail : « Quand il faut équilibrer les voix, c'est Otis ; les arrangements sont faits par Priscelia. Lorsqu'il s'agit des idées, de couleurs, c'est Le Shegall qui intervient. L'écriture des textes est laissée à Etienne Eben », explique ce dernier.

Chacun des membres du groupe compte plusieurs cordes à son arc. Etienne Eben est comédien et acteur; Otis est comédien et dessinateur; Le Shegall est peintre et photographe ; ancien mannequin, Priscelia Nchare est aussi comédienne. Malgré ces autres occupations, tous disent vouloir se consacrer pleinement au succès de Pa2nem.

Stéphanie Dongmo


Agenda de la semaine

Mardi, 26 avril

Cinéma : Projection restreinte du film « La banane », ce mardi 26 avril, à 16h à la Fondation Muna, à Yaoundé. Le documentaire de Franck Bieleu décrie la « maltraitance » des travailleurs camerounais sous-payés dans les plantations de la PHP à Penja, ainsi que la subordination des autorités politiques et administrative à cette entreprise. La projection sera suivie d'un débat sur la problématique foncière et les conditions de travail au Cameroun.

Mercredi, 27 avril

Documentaire. Dans le cadre du « film klub » de l'Institut Goethe de Yaoundé, mercredi 27 avril à 17h, quatre court-métrages issus de l'atelier de formation de la dernière édition du festival Images en live seront projetés, en présence de leurs réalisateurs. Il s'agit de « Ban nem » (endurance) de Joseph Ndjomm, « Moto taxi » d'Ahmadou Issa, « Ta'aga njoum womo » (la cigarette de mon époux) de Marie Désirée Nogo et « Est-ce possible? » de Jean Marcel Kpoimie Lindou.

Vendredi, 29 avril

Rencontre. Les assises de l'Union catholique internationale de la presse (Ucip) s'ouvrent à Mvolyé Yaoundé le vendredi 29 avril, et s'achèvent le 03 mai. Organisées par la Conférence épiscopale nationale du Cameroun, ces assisses vont plancher sur les médias et l'éducation à la citoyenneté.

Conférence. Le Centre d'études stratégiques pour la promotion de la paix et du développement (Caped), que dirige Alain Fogue Tedom, organise, vendredi 29 avril 2011 à 15h, une conférence. Elle portera sur la motion de soutien adressée à Paul Biya par certains universitaires camerounais. La rencontre se tiendra au restaurant Le mont Cameroun, sis à Mvog Mbi à Yaoundé.

Humour. La compagnie Noctiluk organise un spectacle de rire vendredi 29 avril à 19h au Centre culturel Hell, situé au lieu dit Ben le boucher à Essos à Yaoundé. Le spectacle baptisé « Coup d'Etat » met en scène deux jeunes humoristes : Amadou Bouna et Basseek Fils. La régie sera assurée par Sosthène Roger Zé.

Les gens : Pascal Boniface est au Cameroun

Géopolitologue, écrivain et éditorialiste français, il donne une série de conférences aujourd'hui et demain à Yaoundé.

« Football et mondialisation », c'est le thème d'une conférence que donne Pascal Boniface, demain 27 avril à 14h30 au Centre culturel français de Yaoundé. Avant cela, dans la matinée, il donnera une conférence à l'École de guerre sur le thème « Le printemps arabe et ses conséquences ». Aujourd'hui, le géopolitologue français va participer aux célébrations du 40ème anniversaire de l'Institut des relations internationales du Cameroun (Iric). Il va y prononcer une conférence inaugurale sur le thème « Les bouleversements de l'ordre stratégiques mondial ».

Né en 1956 en France, Pascal Boniface est le directeur de l'Institut des relations internationales et stratégiques de Paris (Iris). Il dirige également La revue internationale et stratégique et L'Année stratégique. Écrivain, Pascal Boniface compte une quarantaine d'ouvrages. Ses livres portent sur les relations internationales, les questions nucléaires, le désarmement, la politique étrangère de la France et aussi l'impact du sport dans les relations internationales. Dans ce dernier domaine, il a publié « Football et mondialisation » (2006, Armand Colin) et, avec Hervé Mathoux, il a co-écrit « La coupe du monde dans tous ses états » (2010, Larousse). Il préside d'ailleurs le Prix de l'Union des clubs professionnels de football. Pascal Boniface est aussi éditorialiste. Il signe notamment dans l'hebdomadaire marocain Actuel et dans les quotidiens La Croix, en France, Vanguardia, en Espagne et El Ittihad, aux Emirats arabes unis.

Stéphanie Dongmo