mardi 15 février 2011

Livre : Là où je t'emmènerai...


L'écrivain camerounais Hervé Madaya et le photographe français Georges A. Bertrand viennent de publier un ouvrage illustré, qui est un appel au voyage.


Un écrivain et un photographe, deux cultures et deux talents qui se rencontrent pour donner naissance à un recueil de textes illustrés. « Le bleu de mon regard » du Camerounais Hervé Madaya et du Français Georges A. Bertrand vient de paraître aux éditions Créations en France. Ce sont, en tout, 19 textes courts, qu'accompagnent 18 photographies argentiques en noir et blanc.

Les écrits de Madaya sont des confidences adressées à ami invisible et partout présent. Le narrateur raconte les petits bonheurs de la vie, comme l'odeur âcre de la terre battue après une ondée. Il raconte l'enfance, quand les pieds nus et insouciants courent dans les rues poussiéreuses du village. Mais il raconte aussi le drame, avec des nuits peuplées de pleurs d'enfants, des nangabokos qui violent des jeunes filles et des enfants-soldats qui tirent sur d'autres enfants. Les mots sont terribles pour décrire les dérives d'une société en crise : « J'ai douze ans, je sais faire le ménage, la vaisselle, les travaux champêtres et la lessive pour une famille qui en retour [...] m'enverra peut-être à l'école un jour... » Chez Madaya, l'horreur n'est jamais loin : «Bikissou se retrouve seule avec son beau-père [...] Il descend son pantalon, en sort son sexe et l'oblige à la sucer. ''Suce, Bikissou ! Tiens-le avec tes petites mains''. Quand elle reçoit le liquide aigre dans sa bouche, elle peut enfin rejeter la tête en arrière et le cracher sur son menton ». Révoltant! Un sentiment que l'écriture délicate de Madaya, qui semble caresser les mots, ne réussit pas à taire.

Sur la première de couverture du livre, l'écrivain darde sur le monde un regard mélancolique aussi bleu que le kaba dont certaines femmes se revêtent en signe de deuil, et qui cache mal toutes les passions qui sommeillent en lui et qu'on a eu l'occasion de voir bouillonner dans son premier roman, « Sur les traces de Säer » (Ifrikiya, 2009). Sa plume, plus qu'un mode d'expression, est une manière d'être. Il y met son talent, l'essence de son être.

Toutes les photos, ou presque, parlent le même langage : celui de la pauvreté, de la débrouillardise, du dur labeur. L'objectif de Georges A. Bertrand, auteur de plusieurs ouvrages photographiques réalisés dans des pays arabo-musulmans, a capturé des instants précieux, simples et anodins au Cameroun, qu'il a immortalisés. Comme les textes, ils sont intimistes, remplis de poésie et de chants.

« Le bleu de mon regard » invite au voyage, à l'amitié et au dépassement de soi, en même temps qu'il prône un monde où des enfants seront protégés et aimés. Odile Tobner, veuve Mongo Beti, qui signe la préface, affirme que terrible sera le jugement des pseudo-élites et des étrangers prédateurs qui, « jouissant de tous les attributs du pouvoir, n'ont pas su ni les protéger ni leur forger un avenir fier et indépendant ».

Hervé Madaya et Georges A. Bertrand dédicacent leur ouvrage en mars prochain à Yaoundé.

Stéphanie Dongmo


Hervé Madaya (textes)

Georges A. Bertrand (photographies)

Le bleu de mon regard

Éditions Créations

Paris, 2010

Prix : 5000Fcfa

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