Dans son premier roman, Dajïli Amadou Amal raconte les attitudes que quatre femmes musulmanes ont adopté pour mieux partager un mari.
C'est avec une pointe de regret que le lecteur referme ce roman de 134 pages, tant l'histoire qu'il raconte est saisissante. Publié chez Ifrikiya, «Walaande, l'art de partager un mari» revient sur un thème éculé : la polygamie dans une famille musulmane. Mais Djaïli Amadou Amal est parvenue à le renouveler avec brio en racontant l'existence de quatre co-épouses qui, de manière surprenante, décalée et personnelle, vivent leur quotidien fait de patience, de secrets et de non-dits nécessaires pour traverser le temps et survivre aux épreuves.
Sakina est la dernière épouse. Elle travaillait dans un banque lorsqu'elle a accepté d'épouser Oumarou, un riche commerçant de Maroua dont elle était amoureuse. Depuis lors, sa vie se résume à attendre son «walaande», son tour pour coucher avec son mari. Mais en secret, elle prend la pilule pour ne plus enfanter. Nafissa, la troisième épouse, est la plus jeune, la plus fragile aussi. Mariée à 14 ans à un homme qui l'intimide, elle n'a jamais pu s'adapter dans son foyer. Elle est amoureuse d'un médecin, qui deviendra son amant. Djaïli, la seconde épouse, est rongée par la jalousie. Son temps, elle le consacre à concocter des coups bas pour nuire à ses co-épouses et à consulter des marabouts pour envoûter son mari. Aïssatou, la «mère de la maison», a épousé Oumarou alors qu'il n'était qu'un pauvre commerçant. Au fil des années, elle l'a vu s'enrichir et s'éloigner d'elle. Meurtrie, elle a développé une patience à tout épreuve.
Au milieu de ces quatre femmes, Oumarou, le coq de la basse cour, est aussi seul que malheureux. Ses épouses et ses enfants ne sont que des ombres qui peuplent sa vie, pire, des loups qui le dévorent à petit feu: Aissatou l'intimide par son calme, Djaïli le fatigue avec sa jalousie, Nafissa a peur de lui, Sakina s'est éloignée de lui, ses enfants lui sont étrangers.
Et c'est de ces enfants que viendra la révolution. La vie en apparence tranquille de cette famille bascule le jour où Oumarou décide de marier trois de ses enfants sans leur consentement. Le fils vole l'argent du père et s'enfuit avec une de ses sœurs, tandis que l'autre fille se laisse mourir de chagrin. La famille éclate. Désarmé, Oumarou doit affronter ses épouses en colère et plus solidaires que jamais.
Dans ce roman aux relents autobiographiques, Djaïli Amadou Amal dénonce les discriminations faites aux femmes. Pour rendre cette accusation moins ennuyeuse, elle a mis un point d'honneur à tracer les limites de l'univers de ses héroïnes, à raconter la banalité de leur humanité, pour, enfin, prendre le lecteur par les sentiments. Au détour, elle a révélé un sujet trop souvent passé sous silence dans la littérature camerounaise: la solitude affective des hommes, en général, et du polygame, en particulier.
Comme certains de ses personnages, Djaïli Amadou Amal a refusé de rester enfermé dans la concession d'un polygame. Après Maroua, la diplômée en gestion commerciale est aujourd'hui installée à Douala, où elle prépare un second roman.
Stéphanie Dongmo
Djaïli Amadou Amal
Walaande. L'art de partager un mari
Editions Ifrikiya
Collection Proximité
Yaoundé, septembre 2010
134 pages, prix: 3000Fcfa
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