Danseur, chorégraphe, auteur-compositeur et interprète, il vient de sortir son 4ème album. Actuellement, il prépare la célébration de ses 30 ans de carrière, en avril 2012 à Yaoundé.
Ayissi le Duc sur scène. |
Il faut longer une route poussiéreuse à Mvan, derrière les Brasseries du Cameroun, pour arriver au domicile de la famille Ayissi à Yaoundé. Sur le perron, Ayissi le Duc, l’aîné des fils, accueille le visiteur avec un large sourire. Son short jaune laisse voir ses veines saillantes sous sa peau claire. Ses cheveux, défrisés et bouclés, sont retenus par un filet. Démarche dansante sur des sandales claquant sur le sol, Ayissi le Duc introduit le visiteur dans la maison. Sa mère, Julienne Honorine Eyenga, Miss indépendance Cameroun en 1960, est là. Son père, Jean-Baptiste Ayissi Ntsama, ancien champion de boxe anglaise d’Ile-de-France en 1956 et enseignant de cette discipline au Cameroun, aussi. De même que sa sœur cadette, Fifi Ayissi, esthéticienne à Yaoundé.
Sur la table d’Ayissi le Duc, de la paperasse. Sur un bout de papier, l’on peut lire : « Sommaire du dossier de la célébration des 50 ans d’âge et 30 ans de carrière d’Ayissi le Duc. Conception, objectifs, devenir partenaire… » Avec son air précieux et ses manières délicates héritées de 30 ans de pratique de la danse, Ayissi le Duc ne fait pas son âge : 50 ans, qu’il va célébrer en avril prochain. A cette occasion, le danseur, chorégraphe, auteur-compositeur et interprète va fêter ses 30 ans de carrière artistique, les 27, 28 et 29 avril 2012. Le programme provisoire prévoit une conférence de presse, une soirée de gala et un grand concert. A l’affiche, Le Duc, Imane et Chantal Ayissi, Grâce, Ben, Dora et Isaac Decca, Ange Ebogo Emerant et Tonton Ebogo, entre autres. Et aussi, le Ballet national, le groupe de danse Akoma Mba et les humoristes Major Asse, Valéry Ndongo, Aline Zomo Bem.
Nouvel album
Cette célébration sera l’occasion pour Ayissi le Duc de présenter au public camerounais son quatrième album, « Soul bikud-si », sorti en juillet 2011 en France. L’opus qu’il a auto-produit est un bikutsi ouvert aux musiques du monde. Il comprend quatre titres : « Je m’engage » vante la beauté de l’amour réciproque ; « Michèle Obama » est un hommage à la Première dame des Etats-Unis et partant, à toutes les femmes ; « Viens » est un hymne à la paix ; dans « Merci la France », l’auteur salue le pays où il séjourne depuis 1998. « La France m’a apporté la sérénité, elle sait valoriser la culture et les talents », explique-t-il.
Enfance
Luc Séraphin Fouda Ayissi, de son vrai nom, est né à Yaoundé le 29 avril 1962. Il est l’aîné d’une famille de neuf enfants (dont quatre sont aujourd’hui décédés). C’est auprès de son grand-père maternel, Fouda Tabi Ngono, à qui il rend très souvent visite à Nnomayos (une banlieue de Yaoundé), que le jeune Luc Séraphin apprend la danse dès l’âge de 9 ans. Avec le temps, il est convaincu que son avenir se trouve dans la danse. Aussi, décide-t-il, alors qu’il est en classe de 3ème, d’abandonner ses études pour se consacrer entièrement à sa passion. Ses parents crient au scandale, ce d’autant plus que leur fils n’a obtenu aucun diplôme. « A l’époque, la danse ne payait pas du tout et on imaginait très mal y faire carrière. Mais je sentais que j’avais une mission », reconnaît Ayissi le Duc. Face à sa conviction, ses parents finissent par se faire une raison.
A partir de 1975, Ayissi le Duc travaille avec des groupes de danse traditionnelle des quartiers de Yaoundé. Plus tard, grâce à son oncle, Victor Ayissi Mvodo, alors ministre de l’Administration territoriale, il va passer un casting et intégrer le Ballet national du Cameroun, à sa création, en 1977. Dans ce groupe cosmopolite, il apprend les danses traditionnelles des autres régions du Cameroun. Mais l’aventure tourne court. En 1978, il claque la porte du Ballet national et commence à créer des chorégraphies pour des stars de l’époque : Ashanti Tokoto, Aladji Touré, Marthe Zambo, Anne-Marie Nzié, Beti Beti, Ali Baba…
Danse unie du Cameroun
En 1982, Luc Séraphin crée le groupe Ayissi Danse unie du Cameroun, baptisé Ayissi le Duc, qui deviendra son nom d’artiste. Les premiers membres du groupe sont ses frères : le styliste Imane Ayissi et la chanteuse Chantal Ayissi. Puis arrivent Solange Anaba, Serge Abessolo, Merlin Nyakam… Sous l’encadrement de son fondateur, le groupe compose des chansons pour accompagner les chorégraphies qu’il crée. En 30 ans de carrière, Ayissi le Duc n’a pas trahit ses premières amours. « Je possède la danse traditionnelle comme un trésor, je ne veux pas faire de mélange », témoigne-t-il.
Le groupe Ayissi le Duc connaît du succès. Des cabarets, il est invité à des rencontres internationales et sous-régionales. Il accompagne aussi les Lions indomptables en Coupe du Monde : en Italie en 1990, aux Etats-Unis en 1994 et en France en 1998. Quelques mois avant cette compétition, Ayissi le Duc sort son premier album, « Le soleil se lève en France ». Un titre un peu controversé, parce que le public ne comprend pas que le chanteur prédise la victoire à la France et non au Cameroun. « J’ai un don de prémonition. J’avais eu une vision qui s’est révélée juste », confie-t-il aujourd’hui. La même année, Ayissi le Duc s’installe en France. Il y réside aujourd’hui encore, entre Paris, où il travaille, et Montpellier, où vivent son épouse française et leur fils de 13 ans. En 1992, Yannick Noah le sollicite pour créer la chorégraphie de « Saga Africa », pour une tournée européenne.
Spiritualité
Comme Atshepsut, Ayissi le Duc est de cette race de musiciens camerounais qui a choisi de s’élever par la spiritualité. La sienne se situe loin de la religion qui « enferme les gens dans le dogmatisme pour leur cacher des vérités ». Cette nouvelle façon de voir, de penser et d’agir, explique-t-il, l’a aidé à corriger ses défauts, notamment à maîtriser sa colère. Et aujourd’hui, il peut lancer, détendu : « Je suis le bonheur, je suis la vie, je suis le présent, je suis le tout. » Ses paroles sont profondes et empreintes de sagesse, fruit des heures qu’il consacre chaque jour à la méditation. Morceau choisi : « J’ai appris à me détacher des choses matérielles. Je ne possède rien, car telle est la loi de la vie : “ Tu ne feras pas d’excès, tu ne feras pas d’abus“. » Sa spiritualité, Ayissi le Duc l’a déroulée dans un livre, « Art de la danse et spiritualité », paru en 2009 chez L’Harmattan Paris.
Ayissi le Duc dit porter la danse en lui. Son conseil aux jeunes danseurs ? « Ne dansez pas avec la chair, dansez avec l’esprit. Et pendant que vous dansez, ne pensez pas au concurrent, mais plutôt à l’amour ». D’ailleurs, ajoute-t-il, « la danse camerounaise est médiocre aujourd’hui car les artistes ne sont pas spirituels ». Encore faut-il qu’ils aient pleinement conscience de leur don pour le valoriser. L’artiste qui dit ne s’inspirer d’aucun modèle, et qui confectionne lui-même ses tenues de scène, assure que la danse lui a apporté une élévation spirituelle et de l’énergie positive. Après 30 ans de carrière artistique, Ayissi le Duc affirme ne pas avoir de regret : « J’estime que tout ce qui m’arrive, c’est mon destin. » Il ajoute : « La danse, on l’a en soi ou on ne l’a pas. Dans l’art, il y a des élus. » Ayissi le Duc croit, et dur comme fer, faire partie de ces élus.
Stéphanie Dongmo
Curriculum vitae
29 avril 1962 : naissance de Fouda Ayissi Luc Séraphin à Yaoundé
1982 : création du groupe Ayissi le Duc
1998 : « Le Soleil se lève en France », 1er album. Il s’installe en France
2002 : « Les artistes du monde », 2ème album
2007 : « Afro-Bantou », 3ème album, avec un hommage à Nelson Mandela
2009 : « Art de la danse et spiritualité », L’Harmattan, Paris
2011 : « Soul Bikud-si », 4ème album
Avril 2012 : célébration de ses 30 ans de carrière
Mes influences : Méfiez-vous de vos pensées. On devient ce qu’on pense parce que c’est la pensée qui crée. J’ai passé beaucoup de temps avec mes grands-parents et j’ai eu une formation surnaturelle. Parfois, je sortais de mon corps et je me voyais couché sur le lit. Je me sentais bien. Je voyais aussi des êtres de lumière (des anges).
Mes dons de prémonition : Cela peut arriver dans le sommeil, ou par des signes et des visions… Mes mélodies et mes chorégraphies me viennent spirituellement, c’est comme cela que je crée. Ma spiritualité m’a fait découvrir qui est l’homme. Il n’est pas chair mais esprit, nous sommes un avec Dieu, il n’y a pas de barrière.
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