« Le Tueur silencieux », un documentaire de Blaise Pascal Tanguy, relance le débat sur la vente des médicaments dans la rue au Cameroun.
Une scène du film Le tueur silencieux. |
« Le médicament de la rue tue ». Cet avertissement est affiché dans la plupart des pharmacies camerounaises. Et chaque année, le 28 mai, à l’occasion de la Journée africaine de lutte contre la vente illicite de médicaments, des campagnes de sensibilisation sont menées tambours battants. Mais les années passent et, malgré le slogan « zéro tolérance » des pouvoirs publics, la vente illicite des médicaments prospère dans la rue. Elle s’étend même aux anti-rétroviraux subventionnés par les bailleurs de fonds internationaux. « Le tueur silencieux » (52 min, 2011), un documentaire du Camerounais Blaise Pascal Tanguy, remet au goût du jour un sujet qui fâche.
Blaise Pascal Tanguy, réalisateur et producteur du documentaire. |
Pharmaciens, médecins, délégués médicaux, laborantins, responsables du ministère de la Santé, tous ces professionnels s’accordent à décrier le phénomène. Et leur indignation est forte pour le qualifier : « poison entre des mains inexpertes », « substance vendue de manière frauduleuse »… Ils sont d’autant plus indignés que des médicaments périmés, interdits ou non contrôlés sont vendus dans les « pharmacies du poteau ». Les « docteurs du trottoir » se défendent : ils paient les impôts et leurs fournisseurs sont des spécialistes agréés.
Pauvreté
Parce que sur un sujet de santé aussi grave on ne peut rester neutre, Blaise Pascal Tanguy a choisi son camp. Qui n’est en aucun cas celui du médicament de la rue. Mais il le fait de manière élégante, en habillant cette pratique tant décriée des oripeaux de la pauvreté. Il lui donne même un visage humain : six enfants aux grands yeux qui attendent que le repas du soir, préparé grâce à ce commerce illicite, soit prêt. Ici, la caméra se balade dans les dédales insalubres d’un quartier et transmet, avec une certaine poésie, la rudesse du quotidien. Mais pas pour longtemps. Car, les statistiques sont alarmantes : « 62% de la population camerounaise consomme des médicaments de la rue, et 40% de médicaments illicites proviennent de la contrebande ».
Le film pose plus de questions qu’il ne donne de réponses : d’où viennent les médicaments de la rue ? Qui tire les ficelles de ce réseau bien huilé? A qui profite le crime ? L’auteur affirme que ce commerce a des ramifications insoupçonnées. Ce qui explique peut-être la mollesse de la répression publique. Le réalisateur sensibilise aussi sur les solutions alternatives que sont les médicaments génériques réputés à la portée de toutes les bourses. « Le Tueur silencieux » évite ainsi le piège de n’être qu’un outil de sensibilisation de plus.
Pour son troisième long métrage documentaire (après « Afrique, une économie en sursis » en 2006 et « Mboko, l’enfant de la rue » en 2011), Blaise Pascal Tanguy, par ailleurs directeur de la maison de production 2PG pictures, incite le spectateur à poser un regard neuf sur un phénomène complexe et pourtant connu. Le commentaire écrit par Rabiatou Lah et lu par Yves Léonard en français, le prend à témoin sur les dangers de la vente illicite du médicament. Une maladie difficile à soigner, tant au Cameroun que dans d’autres pays d’Afrique noire.
« Le Tueur silencieux » a les pieds plantés au Cameroun et les yeux résolument tournés vers le monde. Il a été programmé à la 31ème édition du Festival international du film d’Amiens du 11 au 20 novembre derniers. Il sortira prochainement en Dvd.
Stéphanie Dongmo
Fiche technique
Titre : Le Tueur silencieux
Sortie : 2011
Durée : 52 min
Catégorie : documentaire
Réalisation : Blaise Pascal Tanguy
Assistants réalisateurs : E.K. Patoudem et Alain Fongue
Scénario : Ervy Ken Patoudem, Blaise Pascal Tanguy
Cadreur : Sévérine Walter, Eric Rotureau
Chargée de la production : Sylvie Joëlle Akpe
Producteur exécutif : Gaston Bikaï
Production : 2PG pictures