mardi 3 avril 2012

Ravy 2012 : l’art performance à l’honneur

Trois artistes camerounais ont présenté leurs créations le mardi 03 avril à l’Institut français de Yaoundé, dans le cadre de la 3ème édition du festival des arts visuels.


Comme en 2010 déjà, les Ravy 2012 mettent la performance artistique à l’honneur. Les activités de la seconde journée du festival, qui s’achève le 8 avril prochain, ont été essentiellement consacrées à l’art performance. Les artistes Christian Etongo, Dieudonné Fokou et Jean Gérard Bessala ont présenté au public venu nombreux à l’Institut français de Yaoundé leurs dernières créations.

Christian Etongo se fait poser une perfusion.
Christian Etongo se revendique définitivement comme un artiste performeur. Devant un public curieux et étonné, il se fait poser une perfusion, tout en sirotant une bière dans laquelle il a versé le contenu d’un sachet de whisky. « La Banque mondiale et le Fmi m’ont mis sous perfusion, c’est l’Afrique ça », raille-t-il. Pour le qualifier, il dit de son happening : « Ce n’est pas de l’art, c’est de l’action ». Car, le performeur a effectivement aboli la frontière artiste/public pour amener ce dernier à participer. Pris au jeu, plusieurs spectateurs lui ont spontanément donné des répliques. La discussion menée à bâtons rompus a porté sur la démocratie et sur le discours gouvernemental pour un Cameroun émergent en 2035 : « En 2035, j’aurai 63 ans. C’est trop tard pour moi, béta je jong », lance-t-il en utilisant le camfranglais. Son travail s’intitule« Emergency : urgence ou émergence ? » et fait partie d’un projet global baptisé « Afrikan oil is not for all afrikans ».

Jean Gérard Bessala dans sa performance.

Jean Gérard Bessala a allié le son au visuel. Alors qu’en fond sonore un homme, politique certainement, fait un discours où il annonce de grands projets, un autre homme change de vêtements. Il troque un pantalon et une chemise bleus par un costume blanc. Entre-temps, le discours, qu’accompagnent par moments des applaudissements, parle de bonne gouvernance, de décentralisation, de lutte contre le chômage et de relance agricole. Le nouvel homme –qui, bien que tout de blanc vêtu, n’a pas tué le vieil homme en lui- serre des mains et s’en va sur un « vive notre cher pays, je vous remercie ». Dans cette métaphore, le discours, comme les vêtements, passent, sans jamais réussir à changer favorablement la vie des populations. Discours-mensonge.

Dieudonné Fokou dans "Le partage".
On le savait sculpteur. Pour sa première « vraie » performance, Dieudonné Fokou n’a pas lésiné sur les moyens. Dans sa création intitulée « Le partage », il représente le monde dans une sculpture en fer posé sur les trois pierres d’un foyer. Pendant la performance, il va s’amuser à la lacérer et à la détruire. Au rythme de la musique jouée en live, il raconte l’histoire de trois rescapés d’une tuerie  qui trouvent un verre de vin. Alors que les deux hommes se disputent pour savoir qui va le boire, la femme propose de le partager. La voix de la raison. Chez Fokou, la femme garde le beau rôle. C’est encore elle qui essaie de recoller les morceaux du monde détruit par l’action et l’égoïsme de l’homme. Dans sa performance, Dieudonné Fokou ne s’est pas éloigné de la sculpture. Il a aussi fait appel au conte et au théâtre par une mise en scène de son travail. Une création qui prône la solidarité humaine, mais surtout le développement durable et la préservation de la nature.

Vulgariser la performance
D’après Serge Olivier Fokoua, le promoteur de cet évènement, les Ravy s’engagent à vulgariser la performance artistique au Cameroun : « Nous recherchons des artistes innovants, les plus créatifs de l’art actuel. Nous misons sur la constance dans le travail, sur des gens qui travaillent pour l’avancement de l’art contemporain. La performance est une façon de mieux dire ce que les tableaux ou les photographies figées n’ont pas fini de dire.  Ici, l’artiste s’exprime devant un public en utilisant, pour la plupart des cas,  son propre corps ou des objets choisis. La performance est une action qui se fait en live. Généralement, elle n’est pas préparée à l’avance, elle peut conduire à  l’extrême ».

Ainsi, les performances vont dominer la suite du festival. Le programme prévoit d’autres performances jeudi à 18h à l’Institut Goethe et des performances de rue vendredi à 16h à l’avenue Germaine à Essos, de même qu’une soirée performance le même jour à partir de 18h au Centre culturel Hell. Le samedi, ce sera au tour du Centre des créateurs de mode du Cameroun d’accueillir des performances dès 16h, et le Centre culturel Francis Bebey dimanche dès 18h.
Stéphanie Dongmo

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