Journaliste
et critique cinématographique, il vient de publier « Eléments d’initiation
à la critique cinématographique » aux éditions L’Harmattan Cameroun. Il
parle des problèmes de la jeune critique africaine à qui cet essai pédagogique
est destiné.
Jean-Marie Mollo Olinga |
Qu’est-ce
que votre livre apporte de nouveau ?
Ce que mon livre apporte de
nouveau c’est une espèce de structuration d’un article de critique de film. Je crois
que ça n’existait pas avant. Mon livre se propose d’aider les jeunes qui
veulent se lancer dans ce métier, parce que c’en est un, de les accompagner en
balisant le terrain, en leur montrant les écueils à éviter et en leur disant ce
qu’il faut faire pour une critique bien faite. Je ne veux pas que les jeunes
qui ont fini de lire mon livre aient la prétention de se proclamer critiques, c’est
plutôt un appel à davantage de travail. Il faut s’auto-investir parce qu’on n’enseigne
pas la critique dans les écoles comme on enseigne le journalisme. C’est donc
pour que ces jeunes-là aillent fouiller dans les livres spécialisés sur le son,
la caméra, l’écriture du scénario, l’histoire du cinéma, les mouvements
cinématographiques… Il faut qu’ils travaillent davantage. C’est au bout de cela
qu’ils auront peut-être la prétention de se désigner critiques
cinématographiques. C’est un livre qui donne des outils pour être un critique
compétent.
Vous
dites que la critique de cinéma doit prendre en compte l’aspect culturel des
films…
Je veux qu’en faisant la
critique, les jeunes essaient de se décomplexer parce que, jusque-là, nous
avons une critique imposée par les Occidentaux qui regardaient nos films après
avoir chaussé leurs lunettes. Mais aujourd’hui, il faut réparer cela. Ils ont
essayé de nous faire croire que le jeu doit être naturel. Je dis non ! Le jeu
au cinéma est culturel. Sinon, on aurait la même réaction devant les mêmes
évènements. Un exemple : dans le film « Une vie brisée » de Jude Ntsimenkou,
une femme perd son fils unique envoyé en Europe pour y poursuivre ses études.
Quand on lui annonce la mort par assassinat de cet enfant, elle se roule par
terre et crie sa douleur. Les Occidentaux
diraient que c’est un jeu théâtral mais moi, je dis non. C’est ainsi qu’on
pleure un fils en Afrique, c’est culturel. Les Occidentaux, face aux mêmes
évènements, de tamponneraient tout simplement le visage et parleraient de
dignité. On fait le cinéma comme on vit. Donc, il faut faire prévaloir la
culture, en évitant le piège du repli identitaire.
Publier
un livre sur la critique, c’est encourager les jeunes à se lancer dans la
critique cinématographique. Peut-on vivre de ce métier en Afrique ?
Absolument, j’encourage les
jeunes à faire de la critique. Maintenant, peut-on vivre de la critique en
Afrique ? Oui si le politique le veut, parce que la critique est une matière
qu’on peut enseigner dans des universités. D’ailleurs, il y a une université à
Paris qui a un module critique cinématographique. On peut introduire le même
module ici pour les étudiants en art et même à l’école de journalisme. On
pourrait intéresser les jeunes journalistes à la critique cinématographique, ça
viendrait combler un vide. Le cinéma est d’autant plus aimé qu’il est bien
critiqué. Et c’est le travail du critique d’apporter l’éclairage sur les ombres
qui se seraient glissées dans la compréhension d’une œuvre filmique par le
spectateur.
C’est un livre qui peut
intéresser les décideurs parce qu’il y a des postes à créer dans les
universités, au niveau même des écoles primaires. Le cinéma doit être enseigné
à la base, il faut une formation à ceux qui pourraient dispenser ce genre
d’enseignements. Je crois qu’il y a là un filon à exploiter pour les décideurs.
Je n’ai pas arrêté de le seriner : le cinéma chez nous, c’est-à-dire au
Cameroun et en Afrique, est caractérisé par les financements extérieurs. On
peut arrêter avec ça tout simplement en instituant des journées de cinéma dans
nos écoles primaires une fois par semaine, que les enfants sortent de leurs
classes pour aller regarder des films faits par des Camerounais moyennant par
exemple 100 francs. Nous avons des écoles où il y a 5000 élèves. Cela donnerait
la possibilité au cinéaste de faire des films ne serait-ce que tous les six
mois et de donner du travail à tous les corps de métiers qui rentrent dans la
fabrication d’une œuvre filmique.
La 1ère de couverture du livre |
Certains
cinéastes africains comme Djo Munga, l’auteur de « Viva Riva !», estiment qu’il
n’y a pas de critique de cinéma en Afrique en ce sens que les gens qui écrivent
sur les films ne sont pas outillés pour le faire. Que leur répondez-vous ?
Je leur demande de lire
simplement mon livre. Je ne sais pas sur quoi il se base pour affirmer cela. Les
gens qui écrivent sur les films ne sont pas formés mais est-ce qu’il y a des
écoles de cinéma ? Je crois que Djo Munga devrait plutôt prendre un
abonnement au site de la Fédération africaine de la critique cinématographique [www.africiné.org]
pour voir les œuvres qui sont critiquées. Je crois qu’il y a des critique de
cinéma, il y a des gens que quand ils écrivent, ils savent de quoi ils parlent,
où ils vont.
Quels
sont les problèmes de la jeune critique africaine ?
C’est d’abord la documentation. Il
y a un problème d’ouvrages didactiques qu’on ne trouve pas aisément.
Deuxièmement, il y a le problème d’accès aux films qui est réel, parce qu’on
doit pouvoir accéder aux films en quantité et en qualité. Malheureusement, ce
n’est pas toujours le cas. Le critique n’a pas besoin d’être cinéaste mais d’avoir
une culture cinématographique et une culture générale.
Quelle
est la différence entre la critique de cinéma et la critique cinématographique
?
La critique de cinéma est un peu
réductrice alors que la critique cinématographique comprend aussi bien
l’histoire, la philosophie, l’anthropologie… En fait, la critique
cinématographique est beaucoup plus englobante que la critique de cinéma.
D’ailleurs, j’y ai consacré un paragraphe dans mon livre.
Propos
recueillis par Stéphanie Dongmo
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