mercredi 30 novembre 2022

Note de lecture : Zoom sur l’art et le patrimoine du Cameroun

 À l’invitation de la coopération française au Cameroun, la revue d’art L’Œil a consacré un hors-série sur l’art contemporain et le patrimoine culturel du Cameroun, délocalisant du même coup sa rédaction à Yaoundé et invitant dans cette aventure des journalistes locaux.

 

Il est important de s’arrêter un moment pour évaluer le chemin parcouru et jeter un regard prospectif sur l’avenir. C’est ce que fait L’ŒIL en nous présentant le 237 sous le prisme culturel. Un pays-continent de créativité et d’audace, de combativité et d’incroyable débrouillardise, où la théorie du danger se conjugue partout et à tous les temps. Un pays-continent où, actualité footballistique oblige, des Lions Indomptables, symboles de ce fighthing spirit, peuvent remonter la pente face à la Serbie alors qu’ils sont battus 3 buts à 1, offrant au passage le plus beau but du mondial qatari, après avoir failli donner la crise cardiaque à tout un peuple. 

J’ai aimé parcourir ces 115 pages consacrées à la création artistique camerounaise. Cette création qui est à l’image du pays, bouillonnante et énergique, pleine d’ambitions et débordante d’initiatives. Elle déconstruit les idées reçues et reconstruit l’humanité déflagrée. Elle navigue entre des esthétiques qui dérangent, intriguent et interrogent, dans une profusion de matières et un éclaboussement d’idées. Elle dit l’éternelle rupture et le perpétuel besoin de renouvellement. Plaisir pour les sens, essence pour l’intellect, nourriture pour l’âme. Un pur régal, en somme.

Au fil des pages, j’ai re-découvert Elsa Kané. Alors qu’elle brosse les portraits croisés des deux Hervé, Youmbi et Yamguen, j’ai vu davantage sa plume mature, ses écrits à la Libé et son style affiné, dans une belle navigation entre portrait, reportage, interview, enquête et analyse. Le texte fait appel à tous les sens de la critique d’art, ou presque : la vue, le goût, l’ouïe, l’odorat, le toucher. Dans un contexte où les journalistes culturels manquent cruellement d’espace où donner libre cours à leur épanchement, on peut imaginer que le plaisir que la journaliste du quotidien Le Jour a eu à écrire ce texte est aussi grand que celui que j’ai eu à le dévorer.

Autre re-découverte, le gentil et très longtemps incompris Jean-Michel Dissaké Dissaké, brossé au kaléidoscope par un Landry Mbassi en pleine forme. Ce portrait d’un artiste qui a su briser les codes et trouver un équilibre entre esthétique et engagement m’a donné envie de faire un tour, que dis-je, un pèlerinage dans son antre à Nkolndongo à Yaoundé. Moi qui suis constamment en recherche d’équilibre, j’y trouverais surement des réponses. Ou pas. Tout le bonheur du monde étant dans l’inattendu, selon les mots de Jean d’Ormesson, en citation.  

Le magazine nous présente plusieurs générations d’artistes qui vont à la quête de l’ailleurs, tout en restant bien enracinés dans l’ici. Jeunes ou plus âgés, ils ont déjà marqué d’une pierre blanche leur existence : du vénérable Joseph Francis Sumegne à l’indémontable Koko Komegne, du prolifique Barthélemy Toguo à la toute jeune Leuna Noumbiboo, en passant par Joël Mpah Dooh, Dieudonné Fokou, Max Lyonga, Wilfried Mbida et j’en passe. Autant d’artistes qui interrogent la complexité de l’humain et vont en quête d’identité.

Arrêt obligatoire sur l’œuvre monumentale de Barthelemy Toguo, qui, de Mbalmayo et Bandjoun, a su s’imposer dans le monde entier. Son travail qui me séduit à chaque fois comme au premier jour, reste dans un questionnement de l’universel, dans un imaginaire où homme et nature interrogent les croyances et ne font plus qu’un, où l’invisible domine largement le visible. Et parce que les morts ne sont pas morts, le travail et l’héritage de Goddy Leye sont revisités par la curatrice Viviane Maghela. De même que l’œuvre de Sumegne, marquée par la statue de La Nouvelle liberté qui trône depuis 1996 au rond-point Deido à Douala et qui, s’inscrivant dans l’espace public, a suscité bien des réflexions collectives.

L’Œil questionne aussi la scène artistique dans un récent foisonnement d’initiatives. Une scène bouillonnante avec ses espaces culturels totalement dans la résistance et des artistes en résilience. De Doual’art de Marilyn Douala Manga Bell qui naît dans les années 90 au milieu des revendications populaires pour la démocratie et la liberté d’expression au La’akam de Kouam Tawa créé à Bafoussam en 2022, et qui porte l’hommage à deux artistes qu’on n’a pas fini de pleurer : Wakeu Fogaing et Louis Marie Noubissi Tchoupo, à Omaj à Douala, en passant par la Galerie Mam de Marème Malong et le CIPCA de Fabiola Ecot Ayissi, deux figures importantes.

Toutes ces initiatives font qu’aujourd’hui, « le Cameroun commence à devenir un pivot de la création », selon les mots de Marylin Douala Manga Bell, présidente de Doual’art. Un secteur que des entrepreneurs commencent à investir. C’est le cas de Diane Audrey Ngako, fondatrice de Douala Art Fair et de la galerie Logmo + Makon, qui veut contribuer à structurer le secteur en éduquant au passage les futurs collectionneurs, à la faveur d’un contexte où le commerce international des arts africains est en nette progression. Ce qui augure de lendemains meilleurs pour les artistes qui pourront vivre décemment de leur art.  

Loin du débat sur la restitution des œuvres d’art à l’Afrique, ce hors-série fait le choix éditorial de s’intéresser au patrimoine des quatre aires culturelles du Cameroun, si bien présentées par Rachel Mariembe, chef du département Patrimoine et Muséologie à l’Institut des Beaux-arts de Nkongsamba. Avec un focus sur la Route des chefferies, à l’initiative d’une Saison culturelle du Cameroun à Paris inédite et ambitieuse qui a permis de mettre en lumière, à l’international, ce formidable programme de préservation et de valorisation du patrimoine culturel, naturel et créatif du Cameroun, dont l’ambition est de conduire l’Homme vers la réappropriation de son identité.   

Plusieurs pages sont consacrées à la redécouverte de l’exposition « Sur la route des chefferies du Cameroun. Du visible à l’invisible », dont le commissariat général a été assuré du 5 avril au 17 juillet 2022 au Musée du quai Branly à Paris par Sylvain Djache Nzefa, coordonnateur général de la Route des chefferies, et qui a marqué l’histoire culturelle du Cameroun avec ses 250 œuvres exposées et près de 230.000 visiteurs. Le magazine nous conduit aussi dans les chefferies où la tradition et la création se nourrissent l’une et l’autre pour rester vivantes ; dans des cases patrimoniales (musées communautaires) qui ne sont pas centrées sur les objets mais plutôt sur leurs usages ; et dans des pratiques rituelles qui ouvrent la voie à la « spiriculture ».

Ce magazine est au final une invitation de l’Institut Français du Cameroun à « vivre les cultures ». Invitation lancée par son infatigable directeur, Yann Lorvo, qui prend le bras quand on lui donne la main, tant il demande toujours mieux et plus, et tant en deux ans, il a amené des projets de l’ombre à la lumière. Et on prend l’ambassadeur de France au mot, lui qui promet d’investir plus de moyens aux échanges culturels France-Cameroun.

Aucune œuvre humaine n’est ni parfaite, ni exhaustive. Et si « une seule main ne peut pas attacher un paquet », une seule main ne peut pas non plus attacher deux paquets à la fois. La littérature apparaît dans ce magazine presque entièrement consacré aux arts visuels et au patrimoine culturel comme un Bassogog à la Coupe du Monde. La plume de l’excellent Serge Pouth n’arrive qu’à faire un rapide tour d’horizon qui me laisse complètement assoiffée. On ne saurait passer si rapidement sur les œuvres de Léonora Miano, Imbolo Mbue, Gaston Paul Effa, Eugène Ebode et tant d’autres. Impossible aussi de raconter une Djaili Amadou Amal en 500 signes. Comment ne pas entendre le silence assourdissant de l’absence d’un Patrice Nganang ou d’un Anne Cillon Perri? Il faudrait tout un hors-série sur la littérature camerounaise. Au rang des prochains chantiers aussi, l’effervescence actuelle que l’on peut observer à l’œil nu dans les domaines de la musique, du cinéma et de l’audiovisuel, qui mérite d’être analysée et documentée.

En attendant, je vais soigneusement archiver ce magazine dans ma bibliothèque, à côté du catalogue de l’exposition « Africa remix » en 2005, du beau livre « Les civilisations du Cameroun » réédité en 2021 par la Route des chefferies, et de « Cameroun, la culture sacrifiée », le hors-série d’Africultures paru en 2004. Un hors-série qui m’a donné l’envie d’écrire sur les arts et la culture, encouragée par la plume de tant d’aînés : Yvette Mbogo, Tony Mefe, Venant Mboua, Dorine Ekwe, Jean-Marie Mollo Olinga, Mérimée Pandja, Alexie Tcheuyap, Haman Mana, Célestin Monga, Joseph Fumtim et j’en oublie. La rédaction de ce hors-série de L’Œil, constituée de jeunes pousses du journalisme culturel au Cameroun me rassure : la relève est assurée. 

https://fr.calameo.com/read/0062018193e74c5273ba9?authid=7QCdSKLTRTkB&page=1

vendredi 11 juin 2021

VIENT DE PARAITRE: LA VIOLENCE N'EST PAS QUE PHYSIQUE

 

Recueil de nouvelles paru en avril 2021 aux éditions Adinkra, avec la participation de Stéphanie DONGMO dont le texte s'intitule "Je t'appartiens".




VIENT DE PARAITRE: "ELLES PARLENT D'AMOUR"

 


« Elles parlent d’amour… » est un roman paru en mars 2021 au Cameroun, à l'initiative de la maison d'éditions Nuances. Trois autrices y proposent trois textes avec des femmes fortes et déterminées comme personnages centraux : « Une autre chance de t’aimer » de Stéphanie Dongmo, « Sauvée par le Cheikh » de Faustine Ange Yaga, « Les silences de l’amour » de Koutoukoute.

 

LES POINTS DE VENTE

📍: Librairies & Web librairies
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📍Boutiques stations-Service OLA ENERGY
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Conférence-débat : Quelle stratégie de développement culturel pour les institutions muséales ?

 

Organisée par la Route des chefferies, qui est un programme de préservation et de valorisation du patrimoine culturel, créatif et naturel camerounais, elle s’est déroulée le 7 juin 2021 sur trois sites : au Musée Maritime de Douala, à l’Institut français de Yaoundé et au Musée des civilisations de Dschang.

La Route des Chefferies a organisé une conférence-débat sur le thème : « Quelle stratégie de développement culturel pour les institutions muséales ? » le lundi 07 mai 2021, en présentiel au Musée maritime de Douala et en visioconférence à l’Institut de Yaoundé et au Musée des Civilisations de Dschang.

La conférence du 7 juin avait pour but de faire connaitre le développement culturel, ses enjeux et ses mécanismes, mais également de croiser les regards sur la manière d’aborder le développement culturel d’une institution muséale à travers la programmation et les thématiques développées, en faisant un focus sur le Cameroun.

La conférence était modérée par Sylvain DJACHE NZEFA, Coordonnateur Général de la Route des Chefferies. Elle a connu l’intervention de plusieurs panélistes d’exception, qui se sont exprimé sur divers aspects liés au thème principal :

-           Christine DROUIN, Directrice du Développement Culturel au MQB-JC : le développement culturel et ses enjeux, expérience du MQB-JC ;

-           Hugues HEUMEN, Directeur du Musée National de Yaoundé : état des politiques de développement culturel dans les musées au Cameroun ;

-           Marilyn DOUALA BELL, Promotrice de Doual’art à Douala: définir une stratégie de développement culturel ;

-           Théodore DIPPAH KAYESSE, Sous-directeur des relations publiques au Conseil national des chargeurs du Cameroun, qui pilote le Musée maritime: La programmation culturelle d’un musée, cas du Musée maritime de Douala ;  

-           Fabiola ECOT AYISSI, promotrice du Centre International pour le Patrimoine Culturel et Artistique (CIPCA) à Yaoundé : Quel public pour quelle politique de développement culturel ? ;

-           Flaubert TABOUE NOUAYE, Directeur du Musée des Civilisations à Dschang : Le rôle de la prospective dans le développement culturel d'un musée.

Des interventions, il est ressorti que la programmation culturelle était au cœur du développement d’un musée, c’est elle qui définit une action cohérente et efficace en direction des publics. Malheureusement, a déploré Hugues Heumen, sur la cinquantaine de musées (publics, privés, cases patrimoniales) que compte le Cameroun, rares sont ceux qui ont une stratégie de développement culturel ; et même ceux qui la développent ont beaucoup de mal à la mettre en œuvre en raison de difficultés financières. Il préconise pour cela un « renouveau » des musées.

Dippah Kayesse est allé dans le même sens en parlant du cas du Musée maritime de Douala, qui a du mal à avoir une véritable stratégie de développement culturel par manque de moyens financiers, mais aussi en raison de l’absence d’une véritable communication et d’un plan marketing qui permettrait de générer des ressources. Aussi, la programmation du Musée maritime repose beaucoup sur des activités développées à l’occasion des périodes et journées spécifiques comme les vacances, la Fête nationale de la jeunesse, etc. Et pourtant, d’après Flaubert Taboue, le développement culture est un moyen non négligeable d’obtenir des subventions, mais aussi de favoriser l’appropriation des contenus du musée par divers publics. Elle doit être vue comme un stimulant pour faire du musée un vrai espace culturel, éducatif et social.

Cela passe, d’après Fabiola Ecot Ayissi, par une meilleure compréhension des besoins du public, dont on fait peu cas dans la programmation culturelle : « on s’occupe peu du public pour l’instant dans nos initiatives, on pense le projets sans penser au public. Si on arrivait à se poser la question de savoir à qui s’adresse notre offre, définir les publics dans leurs composantes sociologiques, en tenant compte des problèmes qu’ils rencontrent, des questions d’actualité qui les touchent, on arrivera à aller vers eux de façon a être en synergie. La meilleure manière pour le faire c’est d’être en réseau, pour comprendre globalement ce que le public camerounais attend de nous ».

Marilyn Douala Bell, elle, a plutôt mis l’accent sur la question d’identité. Elle a recommandé de partir du contexte pour définir ce que les musées proposent aux habitants pour leur permettre d’être en conversation avec eux-mêmes et avec les autres qui définissent leur identité. Pour elle, le musée doit favoriser l’inclusion et le legs aux générations futures, mais aussi la manière de nous reconnaitre comme appartenant à un pays et non pas seulement à une communauté. Hugues Heumen a ajouté que « la création des musées au Cameroun traduit la volonté de relier plutôt que de s’enfermer, de choisir l’échange et le partage plutôt que le refus de l’autre, de faire de cet espace un lieu de rencontre et de médiation interculturelle ».
 

Une centaine de personnes a pris part à cette conférence, de 14h30 à 17h sur les trois sites. Les participants en sont sortis avec des connaissances nouvelles sur l’intérêt de mettre en place une stratégie de développement culturel pour une institution muséale.

Cette conférence-débat rentre dans le cadre de deux projets mis en œuvre par la RDC : le projet de renforcement de l’employabilité des jeunes du secteur des industries culturelles et créatives et du patrimoine, avec le soutien de l’Ambassade de France et de l’Institut français au Cameroun ; le projet d’exposition intitulée « Sur la Route des Chefferies du Cameroun : du visible à l’invisible », programmé au Musée du Quai Branly – Jacques CHIRAC (MQB-JC) à Paris, du 14 avril au 22 juillet 2022.