dimanche 21 novembre 2010

Théâtre : Mourir d'aimer


« Tant que durera l'homme » a été représenté hier au Ccf de Yaoundé, dans le cadre de la 18ème édition des Retic. Mise en scène par Jacobin Yarro, la pièce raconte les frustrations d'une femme mal aimée.

Soudain, la scène est plongée dans le noir. Une ombre armée se profile à l’horizon et un bruit de détonation retentit. Des tréfonds de l’obscurité, une voix se fait entendre : « Je m’appelle Frida. Je viens de tuer un homme et je m’apprête à me faire sauter la cervelle ». Ces paroles dramatiques sont les premières de la pièce intitulée « Tant que durera l'homme », mise en scène par Jacobin Yarro et jouée par Anita Kamga.
Adaptée du roman « D’eaux douces » de Fabienne Kanor (2004, Gallimard), la pièce, sortie en mars 2010, a été projeté hier au Ccf de Yaoundé, au cours de la seconde journée des Rencontres théâtrales internationales du Cameroun (Retic). Elle raconte l’aliénation d’une Martiniquaise prise dans les rets d’un amour à sens unique qui, pour s’affranchir, tuera son compagnon et se donnera la mort. Mais avant, elle se confessera dans un monologue intimiste où le passé prend souvent le pas sur le présent.

Née en France d’un père effacé et d’une mère castratrice, Frida a passé son enfance dans une maison silencieuse, sans amour et sans chaleur. Plus grande, elle se jette dans une sensualité débridée. Eric dont elle s’éprend sera le point final de son « enfilade d’hommes ». Elle voit en lui l'homme qui comblera le vide de son existence. Seulement, Eric est un homme « machine à jouir ». Et malgré cela, un homme que son corps et son sexe cherchent à en perdre la raison. Et cette inconstance sera tant que durera l'homme.

Frida le sait mais ne peut empêcher la passion de la consumer. Une passion qui devient vite dévotion malsaine. « De combien de corps Eric s'est-il nourris ? Entre cinquante et cent, trois cents et mille, un peu plus, beaucoup plus, davantage encore ? Je brûle et finis par penser que la terre entière a fait l'amour avec lui ». Ces questionnements augmentent son désespoir. Au fil de son monologue, Frida semble perdre la tête. Elle passe en effet du fou rire à une tristesse profonde et procède à une déformation nominale du nom de l'homme dont elle a perdu la maîtrise depuis longtemps, mais qu’elle continue d’aimer, au-delà de la mort : Eric, Rico-au-plus-haut-des-cieux. Sa mort ne le soulage pas. Au contraire. Pour mettre un terme à ses tourments, Frida décide de tuer à jamais son sexe et sa chair coupables de désirs.

Comment garder un homme pour soi toute seule? C'est l'exercice auquel Frida, comme beaucoup d'autres femmes, s'est soumise. Calixthe Beyala lui a donné du ventre. Frida, elle, lui a donné du bas-ventre à l'en dégoûter. Lady Ponce, pour sa part, a recommandé la combinaison des deux. En attendant d'essayer cette solution, Anita Kamga a réussi à transmettre l'émotion sur un texte poignant. Ce qui a fait oublié le jeu quelque peu décalé de la régie son.

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