mercredi 29 juin 2011

peinture : Boris Nzebo, architecte de moralité


Dans une exposition en cours au Centre culturel français de Yaoundé jusqu'au 9 juillet, l'artiste dresse un parallèle entre l'architecture urbaine délabrée de Douala et les coiffures soignées de ses populations.

Décidément, Boris Nzebo est hanté par la coiffure. Depuis 2009, il traite de ce sujet en peinture et en installation. Il vient de récidiver dans une exposition de peinture baptisée «Vil-visages», en cours dans le hall du Centre culturel français de Yaoundé depuis le 7 juin. Ces têtes qu'il a voulu vides, le peintre, par ailleurs vidéaste, les a projetées sur des squelettes de maisons. Celles de Douala, la ville où ce natif de Libreville vit depuis 1990. A priori, il n'y a aucun rapport entre ces deux éléments qui dominent ses toiles aux couleurs vives. Faux, répond Boris Nzebo pour qui « la coiffure est une architecture ».

Sur les 23 tableaux de l'exposition, on peut voir des maisons entourées de flaques d'eau, des routes crevassées ou encore des bâtiments collés les uns aux autres. Des coiffures soignées surplombent cette architecture urbaine passablement délabrée. Ces têtes de femmes, notamment, portent des cheveux assouplis, rasés, nattés ou tressés avec des rajouts, pour épouser le caractère cosmopolite de la ville. Mais elles ne sont pas seulement coiffées, ces têtes, elles sont aussi parées de bijoux. Des atours que Boris Nzebo semble affectionner, lui dont les colliers, les bracelets et les bagues forment le look. La couleur dominante de cette exposition est le rouge. Comme la couleur des ampoules des auberges, lieux de trafic incessant dans les quartiers populeux de Douala.

Maladie mentale

Ces têtes dessinées comme des sculptures à la gloire de l'élégance sont belles. Mais Boris Nzebo les dit viles. Il utilise la métaphore pour établir un parallèle entre un environnement sale et les coiffures soignées des personnes qui évoluent dans cet environnement. Car, pour lui, une coiffure est non seulement l'expression d'une identité et d'une esthétique, mais elle traduit aussi la construction mentale de la personne qui la porte. Boris Nzebo a commencé sa carrière en 1995 par la peinture publicitaire. L'ancien sérigraphie a ainsi eu l'occasion de dessiner souvent des têtes coiffées pour des enseignes de salons de coiffure. Aujourd'hui, il se sert de cette expérience comme d'un prétexte pour s'interroger : « Lorsque nos cheveux sont malades, nous les soignons. Mais notre environnement est malade et nous ne faisons rien ». Cette maladie dont parle le plasticien engagé n'est pas physique mais mentale. C'est la corruption et les détournements de fonds publics.

L'écriture plastique de Boris Nzebo tire sa source du pop art, mouvement artistique duquel il se réclame volontiers. Elle est cependant traversée par les influences de Koko Komegne, Hervé Yamguen et Goddy Leye, de regrettée mémoire, des plasticiens auprès desquels Boris Nzebo s'est formé par « copinage ». Le plasticien de 31 ans a voulu faire de «Vil-visages» le miroir de notre société actuelle où la beauté physique est en contradiction avec la moralité souillée. Lui qui porte des dreads locks, une coiffure considérée comme sale et négligée, semble poser la même question qu'une ancienne campagne publicitaire : « L'ordure, c'est qui ? » Ou mieux : la beauté c'est quoi ?

Stéphanie Dongmo


Cinéma : La belle et le pauvre


Projeté aux Ecrans noirs 2011, « Le mec idéal », le film de l'Ivoirien Owell Brown est une comédie romantique à la Hollywood.

Comment faire pour séduire une jeune femme belle et riche lorsqu'on est pauvre ? C'est autour de cette question centrale que «Le mec idéal» du réalisateur ivoirien Owell Brown est bâti. Estelle, malgré sa beauté et sa pureté, est une «looseuse» en amour. Marcus est le gérant du pressing où elle fait régulièrement laver ses vêtements. Il est amoureux d'Estelle mais est désespéré par ses airs distants. Alors, il échafaude des plans pour se faire remarquer par elle. Il réussit à gagner son amitié, mais développe encore des stratégies pour conquérir son cœur.
Pendant ce temps, les amies d'Estelle décident, à son insu, d'organiser un casting pour lui trouver... le mec idéal. William, un avocat d'affaires, semble être cet homme-là. En tout cas, il a tout pour plaire : il est beau, et, ce qui ne gâche rien, il est riche. Entre les William et Marcus, la compétition va être rude pour obtenir les faveurs de la belle. Mais elle va se jouer sur des registres différents. L'un amène Estelle en virée sur son yacht tandis que l'autre la traîne dans les couloirs nauséabonds d'un marché. L'un l'invite dans des restaurants chics tandis que l'autre lui remplace ses ampoules grillées. L'un l'amène jouer au golf quand l'autre l'amène écouter des contes. Entre les deux, pour qui le cœur d'Estelle va-t-il battre ?
« Le mec idéal » est l'histoire d'un amour bourgeois à la Hollywood. Il y a dans ce film quelque chose du «Desperate housewife» et du «Pretty woman». Comme la série, le film commence par la voix off d'Estelle qui présente les personnages principaux de l'intrigue. Et comme Julia Roberts dans «Pretty woman», Estelle va s'en aller à la fin avec Marcus, notre cendrillon masculin, sur son vélo. L'intrigue est sans surprise, malgré les efforts du réalisateur qui a eu recours au flash back pour créer le suspense. Dans la première scène, Owell Brown présente Estelle devant le maire. Elle doit dire oui à un homme, mais lequel? On ne le saura qu'à la fin du long métrage.
Par ailleurs, les scénaristes Raymond Ngoh et Owell Brown ont voulu sortir des clichés dans ce conte de fée à l'africaine, où c'est plutôt le garçon qui est pauvre et non plus la fille. Le film comporte aussi beaucoup de situations cocasses. Par exemple, lorsque Marie-Louise Asseue, la mère d'Estelle, qui rêve depuis toujours d'avoir un footballeur dans la famille, devient la supportrice N°1 de l'Asec Mimosa parce qu'elle croit que Marcus y joue. Le jeu à la fois maîtrisé et détendu du duo que forment la très belle Emma Lohoues (Estelle) et le très décontracté Mike Danon (Marcus) en fait un film sympathique et très agréable à voir. Etalon de bonze au Fespaco 2011, «Le mec idéal» a le mérite de permettre au spectateur d'oublier, pendant 1h10, la tristesse du quotidien pour accéder à une part de rêve.
Stéphanie Dongmo

Fiche technique Titre : Le mec idéal
Réalisateur : Owell Brown
Date de sortie : 2011
Distribution : Emma Lohoues, Mike Danon, Serge Abessolo, Marie-Louise Asseue, Bienvenu Neba...
Scénario : Raymond Ngoh et Owell Brown
Producteur délégué : Jean-Roke Patoudem

Cinéma : Une affaire de banane


Interdit de projection au Cameroun, le film « La banane » de Franck Bieleu a été projeté le 16 juin à Paris.

Interdit de projection à Yaoundé le 27 avril 2011, le film «La banane» a été projeté le 16 juin dernier à Paris. Organisée par les associations Survie et Peuples solidaires, la cérémonie a eu lieu dans la salle de conférence de la librairie Résistances, en présence d'une centaine de personnes. Le documentaire s'intéresse aux problèmes liés à la culture de la banane au Cameroun. Notamment au sort des 6000 ouvriers qui travaillent dans les bananeraies de la Plantation du Haut Penja.

Franck Bieleu, le réalisateur du film, est âgé de 30 ans. Après des études de cinéma à Londres, il commence sa carrière par la fiction. Son cinéma est engagé, car, pour lui, «c'est à nous de nous sortir de nos difficultés. Les Camerounais doivent se lever contre l'injustice et l'exploitation». Son premier film, «Quel espoir pour la jeunesse africaine», est un documentaire long métrage. Sorti en 2007, il raconte les difficultés que rencontrent les jeunes africains dans un continent rongé par la mauvaise gouvernance, la misère et la corruption. «La Banane» (58mn) est son quatrième film.

S.D.


lundi 27 juin 2011

Bassek Ba Kobhio : « Il y a des espoirs pour l'avenir »


Le directeur général du festival Écrans noirs fait le bilan de la 15e édition, du 18 au 25 juin derniers à Yaoundé.

Quel bilan faites-vous de la 15e édition du festival Écrans noirs qui s'est tenu à Yaoundé du 18 au 25 juin derniers ?
Globalement, c’est un bilan très positif. Mais, comme dans toute activité, tout n'a pas été parfait. On a eu, de temps en temps, quelques petits problèmes inhérents à la vie d’une manifestation comme celle-ci. Nous sommes contents des chiffres de fréquentation des salles, nous avons eu plus de 60 films en compétition et plusieurs salles de projection. Nous pensons qu’à 15 ans, nous avons réussi à sortir de l’enfance. Nous ne sommes pas encore totalement des adultes, mais nous sommes à un stade où des espoirs pour l’avenir sont permis.
Propos recueillis par Stéphanie Dongmo

dimanche 26 juin 2011

Ecrans noirs : le Grand prix à un film algérien


« Voyage à Alger » d'Abdelkrim Bahloul a été primé à la clôture de la 15e édition des Ecrans noirs, du 18 au 25 juin à Yaoundé.

Le rideau est tombé sur la 15ème édition du festival Écrans noirs. La cérémonie de clôture s'est déroulée samedi 25 juin au palais des congrès de Yaoundé. Glamour, strass et paillettes étaient au rendez-vous, comme à l'ouverture le 18 juin. Et c'est le film « Voyage à Alger » du réalisateur algérien Abdelkrim Bahloul qui a remporté l'Écran d'or. Le long métrage raconte le combat d'une jeune veuve qui a tout perdu pendant la guerre de l'indépendance algérienne, et qui lutte pour élever seule ses six enfants. Le prix décerné par le président de la République comporte un trophée et une somme de 5000 euros (environ 3,3 millions Fcfa). Abdelkrim Bahloul l'a reçu des mains du ministre du Tourisme, Baba Hamadou, qui représentait la ministre de la Culture à cet événement.

Le palmarès

Écran d'or : « Voyage à Alger », Abdelkrim Bahloul, Algérie

Écran du court métrage : « Dina », Fonseca Mickey, Mozambique

Écran du documentaire : « Joe Ouakam », Wasis Diop, Sénégal

Écran Afrique centrale : « Wamba », Yves Tchouta, Cameroun

Écran de la meilleure interprétation : Sylvestre Amoussou dans « Un pas en avant, les dessous de la corruption », Bénin

Ecran du film étranger : « Les mains noires », Tetchena Bellage, Canada

Écran d'honneur prix Charles Mensah: Olu Jacobs, Nigeria

Cinéma : La précaution inutile


Le long métrage de Christian Kengne et Aristide Youpi Meyong a été projeté à la 15ème édition du festival Ecrans noirs.


Un homme, une femme et une passion. C'est là le triptyque du long métrage «Ainsi va la vie», co-réalisé par Christian Kengne et Aristide Youpi Meyong. Il s'ouvre sur la statue du monument de la Réunification à Yaoundé.

Dans un quartier de la ville, une jeune femme, Youpi, pleure la mort de Gabriel, son fiancé. Elle ne regarde pas la télévision pourtant allumée, où la série française «La vie devant nous» est diffusée. Dans son malheur, elle pense que sa vie est derrière elle. Car, en perdant son amour, elle a tout perdu. Mais le temps passe et la douleur finit par passer avec lui. Youpi se décide à ramasser les morceaux de son cœur brisé et à le reconstituer. Tant et si bien qu'elle épouse Camara, un homme plus âgé qu'elle. Alors que les jeunes mariés passent leur lune de miel à Kribi, Youpi croit avoir une vision : elle aperçoit Gabriel qui passe dans la rue.

Aristide Youpi Meyong qui signe le scénario l'a fait changer de ville. Il a même épousé une autre, Chantal, sous l'instigation de sa mère. Mais la précaution de cette mère se révèlera inutile. Par d'heureux hasards et un enchaînement des faits à tout le moins surprenant, l'amour de Youpi et Gabriel va briser toutes les barrières. Il sera même plus fort qu'avant, soudé par cet enfant à naître. Tout est bien qui finit bien. Mais attention ! Il vaut mieux ne pas crier victoire trop tôt. Camara, le mari trompé, va-t-il pardonner à Youpi ? Et surtout, la femme délaissée de Gabriel va-t-elle se laisser humilier de la sorte ? Rien n'est plus à craindre qu'une femme trompée.

En 1h20 mn, le film n'a cessé de démontrer que rien n'est plus fort que l'amour. Les co-réalisateurs ne se sont donné aucune limite dans cette entreprise, utilisant tour à tour des embrassades à n'en plus finir et une scène d'amour chaude. La mise en scène est parfois caricaturale. Par exemple, lorsqu'à la fin du film, Chantal surgit avec une arme à la main. Le film souffre aussi de sa direction d'acteur, qui a laissé voir le jeu emprunté des personnages tels Camara ou encore la sœur de Youpi. Et pourtant, « Ainsi va la vie » a a bénéficié de l'expertise de Jean-Pierre Dikongue Pipa, de Cyrille Masso et de Michel Kuate comme conseillers à la production.

Stéphanie Dongmo

Narcisse Wandji : Au nom des femmes


Le promoteur du festival Mis me Binga était aux Ecrans noirs 2011 avec deux court métrages en compétition.


Narcisse Wandji est le seul réalisateur qui peut se vanter d'avoir eu deux films en compétition officielle à cette 15è édition du festival Ecrans noirs, même s'il n'a pas décroché de prix. « Capronos » (26mn, 2010) et « 2011, rues des pays du Sud (3mn, 2011) font partie des 29 films qui se disputent l'Ecran du court métrage.

Pourtant, c'est presque par hasard que Narcisse Wandji, 30 ans, est arrivé au cinéma. Après avoir obtenu le baccalauréat en 2002, le jeune homme ne sait quoi faire de sa vie. En attendant de prendre une décision, il travaille pendant deux ans dans une laverie auto. Un jour, une cousine lui rapporte des dépliants de l'université de Yaoundé I. Son regard tombe sur la filière arts du spectacle et cinématographie de la Faculté des arts, lettres et sciences humaines. Le féru de théâtre qui n'imaginait même pas qu'une telle filière existait au Cameroun s'empresse d'aller s'inscrire. Après des hauts et des bas, Narcisse Wandji arrive au Master II et choisit l'option production. Mais celle-ci est supprimée cette année-là, en 2008.

Narcisse Wandji ne veut pas se tourner les pouces au quartier. Il se souvient qu'au cours de ses recherches sur l'histoire du cinéma camerounais, il a remarqué qu'il y avait peu de femmes réalisatrices. « En 50 ans de cinéma, il n'y a eu que 15 femmes environ qui ont vraiment fait des films. Et pourtant, les femmes travaillent dans toute la chaîne du cinéma comme maquilleusee, actrices... » Narcisse Wandji a trouvé un créneau. Pour le meubler, il crée une plate-forme d'échange et de rencontre pour les femmes du cinéma. La 1ère édition du festival Mis me Binga se tient en 2010, avec le soutien de l'Institut Goethe, du Centre culturel français de Yaoundé et de quelques amis et camarades. Il a pour objectif d'encourager les femmes à prendre la parole. « On peut compter sur les femmes pour le développement du Cameroun. Il est important qu'elles s'approprient le cinéma », explique le promoteur.

La même année, Narcisse Wandji réalise « Capranos ». Une histoire de loterie dans laquelle il questionne la cupidité des Hommes. En 2011, l'Union européenne lance un concours de films sur l'immigration clandestine. Pour y participer, Narcisse Wandji écrit, réalise et produit « 2011, rues des pays du Sud ». Son film s'intéresse aux passeurs. « Ils sont une cible importante qu'il faut toucher parce que sans eux, il n'y aurait pas d'immigration clandestine », estime-t-il. Le court métrage a remporté le 3e prix à ce concours.

Le cinéma, Narcisse Wandji le considère comme « une arme efficace pour changer les choses ». Mais pas seulement. « C'est aussi un consolateur, quelqu'un à qui je parle et qui me parle, et en même temps un jeu ». Narcisse Wandji a reçu la morsure du cinéma. Il annonce son troisième film, « L'apacheur ». Un documentaire dont le tournage est prévu en août prochain à l'avenue Kennedy à Yaoundé, entre autres sites.

Stéphanie Dongmo

Cinéma. Le pouvoir par la ruse


«Da Monzon...», le film du Malien Sidy Diabaté, en compétition long métrage, décrit la chute du royaume malien de Samanyana, au 18ème siècle.


L'histoire du royaume bambara de Ségou au Mali ne finit pas de séduire. L'écrivaine guadeloupéenne Maryse Condé avait déjà raconté sa chute dans une trilogie. Le réalisateur malien Boubacar Sidibé, lui, a raconté sa genèse dans une série télévisée. Son compatriote Sidy Fassara Diabaté, historien de formation, a choisi de resserrer l'angle de son film sur la conquête du royaume de Samanyana par Da Monzon, le quatrième roi de Ségou. Le film historique « Da Monzon, la conquête de Samanyana » (110 mn, 2010), a été projeté au cours du festival Ecrans noirs, du 18 au 25 juin 2011 à Yaoundé.

L'histoire se situe entre 1808 et 1827. Monzon, fils de N'Golo et petit fils de Biton, le fondateur du royaume, vient de mourir. Da, son fils le plus intrépide, s'octroie le pouvoir. Même s'il hérite d'un royaume prospère, il n'est pas satisfait. Fier comme un noble bambara qu'il est, il ne digère pas l'échec de son père face au royaume de Samanyana. Bassi, son roi, est réputé pour être un sorcier puissant qu'on ne peut vaincre par la force. Ainsi, Da va chercher un stratagème pour l'atteindre.

Le film plonge directement le spectateur dans les méandres de la cour royale. Intrigues, secrets, sorcellerie, jalousie, ruse, violence et plans se mêlent et se démêlent. Dans cette lutte acharnée, une femme entre en jeu. Bassi a pour talon d'achille les belles femmes, Da Monzon s'en souvient. Nyale paraît douce comme un agneau, mais en réalité, elle est aussi redoutable qu'un lion. Là où les hommes ont échoué, elle réussit, avec pour seules armes sa beauté et son sourire. Le film comporte une belle brochette de proverbes bambara. Extraits :«Le pouvoir est un caméléon qui change de couleur tout le temps » ; « le pouvoir ne s'immisce pas la nuit, il arrive en plein jour »...

« Da Monzon... » est porté honorablement par ses acteurs : Namory Diabaté qui joue le jeune roi fougueux et ambitieux, et surtout Magma Gabriel Konate (Bassi), qui avait déjà eu le rôle du roi Ngolo dans la série «Ségou». Leurs costumes recherchés leur donnent de la majesté et de la grandeur. Les décors, du reste naturels, ont été récompensés par le prix spécial Uemoa au Fespaco 2011. Le long métrage a été tourné en bambara, pour être le plus près possible de la réalité, et sous-titré en français pour donner la possibilité à plus de monde d'y accéder. Il est fait de dialogues et de silences. Sans aucune musique composée, mais avec, de temps à autre, des chansons de louanges des griots envers les rois. Il est produit par le Centre national de la cinématographie du Mali.

Les mauvaises conditions de l'unique projection du film au cours de ce festival n'ont pas permis au spectateur d'en percevoir toutes les nuances. Mais Sidy Diabaté a le mérite d'avoir fait découvrir un pan de l'histoire du roi le plus célèbre de Ségou. Ainsi que l'organisation sociale et politique qui existait en Afrique avant l'arrivée des colons.

Stéphanie Dongmo


Sidy Fassara Diabaté

«Ce n'est pas un film de trop»

Le réalisateur explique dans quelles conditions il a fait son film.


Pourquoi un film historique sur Ségou?

C'est un hasard. La civilisation de Ségou est belle et elle séduit. Je suis historien de formation et j'ai reconstitué cette histoire avec mon équipe. On m'a guidé pour faire les décors et les costumes, afin d'être le plus près possible de cette histoire-là.

N'est-ce pas un film de trop sur ce royaume bambara?

Il y a eu une série qui retrace l'histoire de Ségou et il y a ce film. Je crois qu'il y a de la place pour tout le monde et qu'un film ne saurait être de trop. Je crois aussi que c'est maintenant que nos enfants ont besoin de films historiques. J'ai voulu monter ce film qui parle de conquête sans le sang, car, trop de sang a déjà été versé. J'ai voulu aussi montrer qu'avant la colonisation, il y avait une organisation politique en Afrique. Je l'ai fait en bambara, parce que si un film est bien fait, la barrière de la langue va sauter. Il a été difficile de reconstituer les costumes et les décors, mais on y est arrivé.

Après ce film, à quoi doit-on s'attendre ?

Je travaille en ce moment sur un projet de documentaire sur le premier député du Soudan français intitulé « Mon tour de danse ». Ce député s'appelait Fily Dabo Sissoko.

Propos recueillis par S.D.

Chantal Julie Nlend : «L'écriture m'a amenée au cinéma»


Auteure de quatre romans, elle a réalisé le documentaire « La liste », en compétition Ecran d'Afrique centrale à la 15e édition des Ecrans noirs.


Vous êtes écrivaine et réalisatrice aussi, depuis peu. Qu'est-ce qui vous a amené au cinéma ?

C'est l'écriture qui m'a amenée au cinéma. Quand je publie mon deuxième roman [Ménages d'Afrique, Puy, 2005], beaucoup de gens y ont vu des traces d'une série en dix épisodes. Cela m'a donné l'idée de faire un scénario avec mon précédent roman, qui portait sur le même thème [Batailles de bâtard, Proximité, 2004]. C'est ainsi que j'écris mon premier scénario qui a été réalisé par un jeune camerounais, M. Yando. Les difficultés que j'ai rencontrées pour produire ce film m'ont poussé à me demander ce que cela serait si je l'avais réalisé moi-même. C'est comme cela que j'ai commencé à faire mes premiers pas dans la réalisation.

Et là, votre quatrième film est en compétition aux Écrans noirs...

C'est ma quatrième expérience dans le cinéma. Dans le premier film, « La cicatrice », sorti en 2008, j'ai été scénariste et productrice. En 2009, je suis allée au Fespaco, à Ouagadougou. C'est là où j'ai vraiment pris des appétits pour le cinéma. J'ai vu beaucoup de films et je me suis dit que cela ne devait pas être la mer à boire pour être réalisatrice. Aussi, j'ai réalisé moi-même deux documentaires : « Merveilleuse Marza » et « Le commerce de la mort ». Mais les gens m'ont dit que ces documentaires ressemblaient plutôt à des reportages. Je reconnaîs que je n'avais pas assez d'armes. Mais depuis, je me suis lancée dans la lecture, les ateliers de formation et les forums, et ça commence à aller. Je suis par ailleurs guidée par Cyrille Masso, qui est une grande porte du cinéma au Cameroun. Avec son aide, j'ai réalisé le documentaire en compétition à ce festival.

De quoi est-il question dans ce film ?

« La liste », c'est tout simplement un travail sur la dot. De plus en plus, nos jeunes commencent à se mettre dans le « viens, on reste » [concubinage, ndlr] qui nous désespère, nous les parents. En étudiant le problème, je me suis rendu compte qu'il est lié au manque de moyens financiers. Aujourd'hui, les jeunes n'ont plus de bourse à l'université. Et même après l'université, ils ne trouvent pas de travail. Mais, ils ont tout de même des besoins physiologiques qui les poussent à se mettre ensemble. Et quand ils ont le courage de vouloir légaliser leur union, les parents leur demandent une dot exorbitante. Quand un jeune doit dépenser un, deux, trois millions de Fcfa, seulement pour doter une femme, avec le cours de la vie actuelle, quand est-ce qu'il va prendre sa famille en charge ? Je pense que j'ai réussi à démontrer dans ce film que la dot est un frein au mariage.

Mais c'est un sentier que vous avez déjà battu dans vos romans...

Oui. J'ai l'aptitude de publier au moins deux romans par an. Mais les gens ne lisent pas; c'est comme si j'écrivais pour moi-même. Aussi, pour faire passer mes messages, je vais les porter à l'écran, autant que mes moyens me le permettront.

Mais est-ce qu'il suffit d'avoir la volonté pour faire des films ?

Non, il faut avoir des aptitudes intellectuelles, un moral de fer et une persévérance à toute épreuve. Etant fonctionnaire moyen [elle est technicienne en science pharmaceutique], j'ai pris mon salaire de toute une année pour produire un documentaire, sur la base du bénévolat des acteurs. Ce n'est pas facile, d'autant plus que vous n'êtes pas sûr de rentrer dans vos frais. De toutes les façons, pour le moment au Cameroun, on n'est pas encore prêt de faire les comptes de la culture. Mais quand on est mordu, on continue.

Propos recueillis par Stéphanie Dongmo

mercredi 22 juin 2011

Plaidoyer contre les mutilations génitales


Le documentaire de Françoise Baba a été projeté dimanche aux Ecrans noirs en séance spéciale.


En fait de documentaire, « L'excision : une pratique, des vies brisées » est un reportage sur le phénomène dans les régions de l'Adamaoua, du Nord et de l'Extrême-Nord. Commenté par la journaliste Anytha Baba, le film raconte, en 29 mn, la pratique de l'excision dans cette partie du pays, et notamment à Kousséri où ce « crime né de l'égoïsme des hommes » est le plus criard.

« L'excision... » est réalisé par Françoise Baba pour le compte de l'Association des femmes et filles de l'Adamaoua (Affada) dont elle est par ailleurs la présidente. Il s'ouvre sur l'image de couteaux tranchants dont on se sert pour « raser les femmes ». Cette image reviendra plusieurs fois dans le film, pour décourager les personnes qui auraient pu être tentées par cette pratique, considérée comme une coutume. Plusieurs acteurs y interviennent : chef de village, imam, autorités administratives et médecins. Ils expliquent l'origine, le mode et les conséquences de l'excision qui sont graves : douleur, risques d'infection, fistules obstétricales... Françoise Baba a le mérite d'avoir fait témoigner, à visage découvert, une femme excisée, qui raconte sa triste expérience. De même que d'anciennes exciseuses qui disent pourquoi elles ont arrêté cette activité.

Le documentaire affirme que face aux campagnes de sensibilisation, le phénomène a changé de forme et est devenu plus pernicieux. Par crainte de représailles, les fillettes à exciser sont conduites du Tchad, où la pratique n'est pas condamnée. La faiblesse du film est qu'il s'est contenté de faire dire cela, sans aller sur le terrain pour toucher le phénomène du doigt. Par ailleurs, le documentaire est resté régional. Passant ainsi sous silence l'excision dans le Sud-Ouest, où la sensibilisation est tout aussi nécessaire.

« L'excision... » est sorti en mars 2011 grâce aux financements de l'Union européenne et du Programme d'appui à la structuration de la société civile au Cameroun (Pasoc). Il porte la voix de l'Affada qui milite pour l'adoption d'une loi contre les mutilations génitales. Mais le documentaire ne donne pas de chiffre sur l'ampleur du phénomène. Des statistiques qui auraient pu soutenir la nécessité d'une telle loi.

Stéphanie Dongmo




Faites de la musique!


La 30ème édition de la fête de la musique s'est célébrée hier au Cameroun à travers des concerts gratuits.

La fête a battu son plein hier à Yaoundé, à l'occasion de la 30ème édition de la fête de la musique. Dès 14h, des musiciens ont envahi l'entrée du Centre culturel français de Yaoundé pour donner un bref spectacle live, devant des badauds éberlués. Mains, tam-tams et autres instruments traditionnels ont accompagné leurs chansons, qui visaient à attirer le plus de monde possible pour venir célébrer avec eux la fête de la musique. A 15h, le public a envahi la salle de spectacle dont les deux battants ont été laissé grandement ouverts pour marquer la gratuité du spectacle.

Les artistes se sont succédés sur la scène par groupe de trois. Entre deux passages, des impresario étaient là pour annoncer les prochains artistes et animer la salle. C'est ainsi que des mélomanes ont pu gagner des Cds de l'album « Un taxi pour Yaoundé », produit par le Ccf l'année dernière. Une large palette de chanteurs, tout genre confondu, ont défilé sur la scène : les groupes X-Maleya, Cfa, Pa2nem, Aksang Grav, C-minaire. De même que Phatal, Cirailly, Yeren, Becks, Gizél, Princesse Victoire, Marie Lissom, Patrick Youmba, Danielle Eog, Museba, Carole Bakotto, Alima Mahoussi, Thaddy Black, Juju Crazy, Yomo, Larry Fon, Uni-Sons, Christian Akoa et aussi, Adala Gildo, le doyen de la bande.

La délégation régionale du ministère de la Culture pour le Centre était aussi de la partie. En partenariat avec les mairies, elle a organisé des concerts gratuits en plein air hier. A l'esplanade de la mairie de Tsinga, au carrefour Mvog-Ada et à Madagascar. Dans la soirée, c'était au tour du cabaret le Buffet à Yaoundé d'ouvrir ses portes pour accueillir mélomanes et artistes : Tsimi Toro, René Ben's, Prince Tchetche et le groupe Les sauvages de la capitale.

Mais la fête de la musique n'était pas seulement à Yaoundé. Le Syndicat des musiciens du Cameroun, en partenariat avec la Société civile de l'art musical (Socam), a organisé un concert à relent politique avec une centaine d'artistes hier à Mvomeka : Eko Rosevelt, Nkotti François, Ange Ebogo Emérant, Anne-Marie Nzié, Odile Ngaska et bien d'autres, sous la houlette de Roméo Dika.

Stéphanie Dongmo



Historique

La fête de la musique se célèbre le 21 juin de chaque année, actuellement dans une centaine de pays dans le monde. C'est en 1976 que cet événement est imaginé par le musicien américain Joël Cohen, animateur pour Radio France. Puis, l'idée a été adaptée en France par Jack Lang, alors ministre français de la Culture. C'est ainsi que la première édition de la fête de la musique a eu lieu le 21 juin 1982. La célébration a été officialisée l'année d'après, sous le slogan « faites de la musique! ». Occasion d'une liesse populaire. La fête de la musique a pour vocation de promouvoir la musique. Elle encourage les musiciens amateurs à se produire de manière bénévole dans les rues et espaces publics. Grâce à des concerts gratuits, elle permet aussi à un large public d'accéder à la musique.

S.D.


dimanche 19 juin 2011

Critique : Une tragédie blanche et sèche


Prix du jury à Cannes 2010, «Un homme qui crie» du Tchadien Mahamat Saleh Haroun a été projeté le 18 juin à l’ouverture de la 15ème édition des Ecrans noirs à Yaoundé.


Nous sommes à N’Djamena, la capitale du Tchad. Adam (Youssouf Djaoro), 55 ans, est le maître-nageur d’un grand hôtel qui vient d’être racheté par des Chinois. C´est un homme heureux de vivre. Il aime l’eau, sa femme et son fils, qui vit dans l'instantanéité des photos qu'il ne cesse de prendre. Il aime aussi écouter la radio, et les nouvelles sont de plus en plus inquiétantes. Rebelles, attaques et forces gouvernementales sont les mots au contenu lointain qu’il entend et qu’il s’empresse d’oublier une fois la radio éteinte. Jusqu´au jour où il est pris au piège de la guerre. Elle devient pour lui une occasion de chute. Car, même s’il est père, il est avant tout homme, donc pécheur, à l’image de son homonyme le premier homme sur terre. Aussi va-t-il sacrifier son fils sous l'autel de « l’effort de guerre ».

« Un homme qui crie », c’est le drame d’un père déchu en quête de rédemption. Le réalisateur le raconte avec, en toile de fond, la guerre civile qui contraint les populations à emprunter le chemin de l’exil. Cette tragédie blanche, sèche et silencieuse est le film d’un homme meurtri. Il crie une rage et une douleur que ni le temps ni le succès n’ont réussi à effacer face à la folie des hommes, aux contradictions de la vie et même aux silences (complices?) de Dieu. « Je suis croyant mais je commence à désespérer de Dieu », fait dire le scénariste au personnage de David, qui reconnaît son impuissance devant Goliath. Atteint d´une balle perdue au plus fort de la guerre civile à 18 ans, Mahamat Saleh Haroun est évacué au Nord du Cameroun dans une brouette. Il vit quelque temps dans un camp de réfugiés avant de migrer vers la Libye, puis la France où il vit depuis lors. Il a essayé d’exorciser ses démons dans ce film. Mais la fragile paix autour de laquelle la violence rôde toujours n’a pas réussi à cicatriser sa plaie.

La guerre se raconte ici avec pudeur. On ne voit pas les combats. Mais on les vit dans les regards terrifiés des populations, dans le pas pressé des réfugiés et dans les rues vidées de N’Djamena. Journaliste de formation, Mahamat Saleh Haroun a privilégié un langage châtié. Il donne ainsi un aspect épuré à ce film. «Un homme qui crie», titre inspiré d’un texte d’Aimé Césaire, c´est aussi un film qui nous parle. Il est rendu dans toute sa dimension par un jeu d´acteur exigeant qui donne aux acteurs (Youssouf Djaoro et le Camerounais Emil Abossolo M'bo notamment) l'occasion d'exprimer tout leur talent. Cependant, la mise en scène disparaît par moments pour céder l’espace à l´improvisation. Au détour d´une scène, un brin d´humour décapant vient baisser la tension et accorder au spectateur de souffler.

Ce long métrage clôture une trilogie commencée avec «Abouna» (81 mn, 2002), «Daratt» (1h35mn, 2006), dans laquelle Mahamat Saleh Haroun pose la question du drame intérieur. Au passage, il semble se délecter de la déchéance du père, son thème de prédilection. Cette parricide se vit dans les larmes d’Adam, assis, seul, au milieu de ses propres turpitudes. Le film se termine, mais la tristesse reste.

« Un homme qui crie » sera à nouveau projeté mardi à 20h au palais des sports de Yaoundé.

Stéphanie Dongmo


Fiche technique

Titre : « Un homme qui crie »

Scénario et réalisation : Mahamat-Saleh Haroun

Format : 35 mm

Durée : 92 minutes

Année de sortie : 2010

Pays d'origine : Tchad, France, Belgique

Producteur délégué : Florence Stern

jeudi 16 juin 2011

Socadap : Théodore Ondigui réélu


L'assemblée générale élective de la Société civile de gestion des droits d'auteur et droits voisins des arts plastiques et graphiques s'est tenue mardi 14 juin à Yaoundé. La candidature de Jean-Marie Ahanda a été invalidée, Othéo reste Pca.


Théodore Ondigui Onana, plus connu sous le nom d'Othéo, a été réélu président du conseil d'administration de la Société civile de gestion des droits d'auteur et droits voisins des arts plastiques et graphiques (Socadap). C'était mardi aux alentours de 23h, au parc Kyriakides à Yaoundé. A la tête de la société depuis sa création en 2003, il commence ainsi un troisième mandat de trois ans.

Seul candidat en lice, Othéo a été élu par 115 voix sur 121, alors qu'un peu plus tôt, la candidature de Jean-Marie Ahanda ayant été invalidée. Pour expliquer cette décision, le président du comité électoral, Saidou Mouliom, a affirmé que le candidat avait déposé un dossier incomplet. Il y manquait notamment la liste du conseil d'administration qu'il propose. Sa mise à l'écart a fait sortir Jean-Marie Ahanda de ses gonds : «c'est une mascarade», a-t-il lancé, avant de sortir de la salle accompagné de ses supporters, une dizaine de personnes, dont Tang Mbilla, le secrétaire général de l'Union des plasticiens du Cameroun.

Avant d'arriver aux élections, les statuts de la Socadap ont été revus et adoptés. Parmi les modifications notables, le nombre des membres du conseil d'administration est passé de 32 à 10 ; les indemnités des administrateurs ont été revus à la baisse ; le nombre des mandats du conseil d'administration est limité à deux ; les pouvoirs du directeur général ont été renforcés et es personnes habilitées à participer aux assemblées générales ont été définies. Désormais, seuls les sociétaires, les stagiaires et 50 représentants des adhérents pourront le faire; une mesure qui a pour but de contourner la nécessite d'atteindre le quorum des membres pour la tenue de l'ag. Toutes ces modifications visent à harmoniser les statuts de la Socadap avec ceux de la Socam, une exigence du ministre de la Culture, Ama Tutu Muna.

Invité à dresser le bilan financier de la Socadap pour le mandat qui s'achève avec un an de retard, le directeur général par intérim, Narcisse Rupert Ndjock, a affirmé n'avoir pas hérité du rapport de la société lorsqu'il est nommé en 2009. A la suite de quoi des artistes ont demandé son limogeage. Et c'est finalement Othéo qui, dans un jeu de questions-réponses, a essayé de faire un bilan, sans aucun chiffre cependant : «j'ai trouvé un siège à la Socadap, j'ai lutté pour qu'elle ne soit pas marginalisée parmi les autres sociétés, j'ai même pré financé l'organisation de cette assemblée... »

Le conseil d'administration de la Socadap intervient au moment où la société qui dispose du plus faible portefeuille de droits d'auteurs traverse une grave crise financière. Le personnel n'a pas été payé depuis novembre 2010 et a déserté les bureaux sis à Bastos; la société qui comptabilise plusieurs mois d'arriérés de loyer est menacée d'expulsion.

Stéphanie Dongmo


Réactions


«C'est une escroquerie»

Jean-Marie Ahanda, candidat malheureux

Nous sortons avant le vote en signe de protestation. On ne peut pas voter quelqu'un qui se présente pour la troisième fois. Les statuts qui ont été adoptés ce soir et qui sont entrés immédiatement en application le disent. La Cpmc et le ministère de la Culture favorisent une candidature unique. On ne nous a pas laissé assez de temps pour préparer un dossier. Cette escroquerie n'a que trop duré, tout se passe dans l'obscurité. La gestion de la Socadap, jusqu'ici, est catastrophique. Depuis 2003, il n'y a pas de bilan financier, les répartitions sont gérées à la tête du client.


«On n'a pas eu de moyens»

Saidou Mouliom, président comité électoral

La candidature de Jean-Marie Ahanda a été rejetée parce qu'elle était incomplète. Le dossier qu'il a présenté avait seulement la carte d'identité, son extrait de casier judiciaire et son acte de naissance. On n'a pas pu le mettre en lice, conformément au code électoral. D'ailleurs, la période prévue pour le dépôt de candidature était déjà passé et c'est par magnanimité qu'on a accepté de le recevoir. Au comité électoral, on a travaillé sans moyens. J'en profite pour lancer un appel aux artistes : ce ne sont pas les droits d'auteurs qui donnent l'argent, c'est la création. Qu'ils travaillent et cessent de compter sur les droits d'auteur.


«Leur revendication a du sens»

Théodore Ondigui, Pca Socadap

Je suis venu à l'élection mais je n'étais pas sûr de la victoire. J'ai été appelé à rassembler des adversaires qui sont, au fond, des collègues. J'ai eu un peu peur car leur revendications avaient du sens, pour la construction de la Socadap. Mais c'est la manière de le dire, avec la violence, qui a posé problème. Mes priorités pour ce nouveau mandat sont nombreux: la classification des membres de notre société, la modernisation de notre système de gestion collective par rapport aux normes internationales, le réajustement du fichier du personnel et un processus efficient de perception auprès des usagers.

Propos recueillis par S.D.

Cardinal Christian Tumi : «Si j'étais Biya, je ne serai pas candidat»


Vous venez de publier votre deuxième ouvrage dans lequel vous désapprouvez la manière dont l'Opération Epervier est menée et proposez de faire faire aux coupables des travaux d'intérêt public. Pouvez-vous préciser votre pensée ?

Je n'ai pas traiter de la manière dont l'Opération Epervier est traitée. Ce que je désapprouve, c'est la durée que les personnes accusées font en prison. C'est une injustice, une torture morale de garder quelqu'un pendant tant d'années en prison sans qu'il soit jugé. Par ailleurs, s'ils sont coupables, qu'ils fassent la prison et que l'argent détourné soit récupéré.

Vous dites que cet argent devrait être restitué par le coupable ou par ses héritiers. Le fils devrait-il payer la faute du père ?

Oui, s'il a profité de cet argent.

La mise en application de l'article 66 de la Constitution pourrait-elle limiter les détournements de fonds?

Oui, parce qu'on saura avec quoi quelqu'un est arrivé au pouvoir et avec quoi il en est sorti. Connaissant son salaire, on saura s'il a détourné ou non. Si quelqu'un veut être riche, qu'il ne devienne pas fonctionnaire.

Beaucoup de personnes accusées de détournement sont des produits de l'Eglise catholique. Est-ce là un échec du catholicisme au Cameroun?

Oui, c'est en quelque sorte un échec pour le catholicisme. Mais les personnes accusées sont des chrétiens, pas seulement catholiques, mais aussi protestants. Il ne suffit pas d'être chrétien, encore faut-il vivre sa foi. Ce qui n'est pas toujours le cas.

On vous a récemment vu au palais de justice aux côtés de Jean-Marie Atangana Mebara. Quels sont vos rapports?

J'ai commencé à connaître Jean quand il était secrétaire général de la présidence de la République. L'archidiocèse de Douala avait fait une demande pour avoir sa radio. Trois ans après, on n'avait pas toujours eu d'autorisation, alors que d'autres personnes, qui avait fait la demande au même moment que nous, l'avaient déjà. Nous avons donc commencé à émettre sans autorisation. J'ai écrit au président de la République pour lui présenter le problème et il a envoyé Jean à Mvolyé me dire qu'il avait donné son accord. J'ai continué à le côtoyer. Alors, étant de passage à Yaoundé et sachant qu'il devait être au tribunal, je ne pouvais pas ne pas aller le voir. Les gens en ont fait des gorges chaudes.

Justement, comment avez-vous vécu la polémique qui a suivi cette visite?

Je n'ai pas pris ça au sérieux. Les gens ont dit n'importe quoi, que c'est lui qui avait fait créer Radio Véritas. Les journalistes doivent souvent s'informer à la bonne source.

Votre présence au tribunal n'était-elle pas, quand même, une manière pour vous d'influencer la justice?

Qui suis-je pour influencer la justice ? Et puis, les juges que j'ai vus m'ont donné l'impression d'être sérieux, ils prenaient le temps pour écouter.

Quel regard portez-vous sur la justice camerounaise?

Elle est corrompue, je l'ai dit dans mon livre. Il y a peu de gens qui font vraiment confiance à cette justice.

Dans cet ouvrage, vous parlez également de démocratie. Quel bilan faites-vous de sa pratique au Cameroun ?

La démocratie est un grand mot. Son bilan est à voir dans l'organisation des élections. Et je n'ai jamais vu des élections organisées avec transparence au Cameroun. Même du temps du parti unique, il y avait des fraudes.

Les partis politiques de l'opposition peuvent-ils impulser cette démocratie ?

Non, ils n'ont pas le courage de s'affirmer.

Et la société civile ?

Elle est faible.

Vous fustigez également dans votre bouquin l'assimilation du Cameroun anglophone. Y a-t-il un problème anglophone au Cameroun?

Oui, le problème anglophone est bien réel. Il y a des anglophones qui regrettent la réunification des deux Cameroun, car ils constatent qu'ils sont marginalisés, ils sont traités comme des citoyens de 2ème degré. Dans l'administration publique, ils sont des adjoints ; c'est rare qu'ils occupent des ministères importants comme les Finances; même le secrétariat général de la présidence ne leur a jamais été ouvert.

Je vais vous raconter une anecdote. Un jour, alors que je me trouve à Rome, je suis invité, avec d'autres évêques d'Afrique francophone, à l'ambassade de France auprès du Saint-Siège. Un fonctionnaire de l'ambassade m'a alors approché et m'a demandé de quelle nationalité je suis. Quand je lui ai répondu que je suis Camerounais, il m'a dit: «Nous sommes contents que vous soyez en train de réussir l'assimilation culturelle des anglophones». J'ai alors su quelle était la politique de la France au Cameroun.

Dans votre livre, vous conseillez aussi la création d'une commission électorale indépendante. Que reprochez-vous à Elecam ?

Elecam, ça veut dire quoi ?

Elections cameroon...

Ca ne veut rien dire. Cameroon elections, peut-être. J'ai remarqué que à Elecam, il y a deux responsables : un directeur des élections et un président. Je ne sais pas qui fait quoi. Une commission électorale indépendante est meilleure, elle a tous les pouvoirs pour gérer les élections, de l'organisation à la proclamation des résultats.

Pensez-vous que la présidentielle annoncée cette année puisse engendrer ce Cameroun nouveau dont vous rêvez?

Je ne crois pas, parce que ce que je propose est spirituel. Or, les politiciens ne s'occupent pas de cela. Cette proposition est un appel que le pape Jean-Paul II avait déjà lancé en 1995 dans Ecclesia in Africa.

Pouvez-vous dresser le portrait robot du candidat idéaà cette élection?

Le candidat idéal, c'est quelqu'un qui aime son pays, qu'il soit chrétien ou pas. Il devra aussi avoir des vertus, c'est-à-dire être bon, éviter de faire le mal, savoir partager et servir.

Paul Biya correspond-il à ce profil?

Il faut distinguer la personne et le chef de l'Etat. Comme personne, je n'ai pas de jugement. Mais comme chef de l'Etat, c'est difficile de le juger parce qu'il ne gouverne pas seul, même s'il assume la responsabilité de ce qui est fait. Personne ne peut savoir ce qui se passe dans le cœur de l'autre.

Quels sont vos rapports avec le chef de l'Etat?

Elles sont bonnes. On s'est rencontré en mai à Rome, lors de la béatification du pape Jean-Paul II. C'était six ans après qu'on s'était rencontré à ses obsèques, toujours à Rome.

S'il vous était donné de le rencontrer aujourd'hui, à quelques mois de la présidentielle, que lui diriez-vous?

On parlerait sûrement de politique et je lui dirais de réfléchir avant d'accepter de se représenter aux élections comme candidat. A notre âge [Christian Tumi est âgé de 81 ans, Paul Biya de 78 ans, ndlr], ça pose un problème d'assumer certaines charges.

Voulez-vous dire qu'il est trop âgé pour se représenter?

Les gens sont différents, il y a des présidents de la République plus âgés que lui. En tout cas, moi, si j'étais à sa place, je ne me présenterais pas. En 2009, j'ai demandé à prendre ma retraite et certaines personnes me disaient que je pouvais travailler jusqu'à 90 ans. Mais je ne voulais pas prendre ma retraite quand je ne pourrais plus rien faire, et c'est ce qui m'a permis d'écrire ce livre.

Christian Tumi, un homme politique?

Je ne suis pas un homme politique. Si je n'étais pas prêtre, je serais peut-être un homme politique.

Ou président de la République ?

Qui sait ?

Propos recueillis par Stéphanie Dongmo

Essai: Mon rêve pour le Cameroun


Dans son dernier ouvrage, le cardinal Christian Tumi invite le chef de l'État à promouvoir l'alternance politique au Cameroun.

Après «I have a dream», le célèbre discours de Martin Luther King en 1963, le cardinal Christian Tumi fait à son tour un rêve. Il rêve d'un Cameroun nouveau où les vertus chrétiennes auront droit de cité. Ce qu'il croit, l'archevêque émérite de Douala l'a consigné dans un livre qu'il vient de publier aux éditions Véritas. «Ma foi : un Cameroun à remettre à neuf» a été dédicacé mercredi dernier à 15h à l'hôtel Djeuga palace, à Yaoundé.

Dans cet ouvrage, l'auteur fait l'autopsie des maux qui minent notre pays : la mauvaise gestion, la démocratie tâtonnante, les droits humains bafoués, le non-respect de la personne humaine, la corruption endémique... Sur la mauvaise gestion, le cardinal Tumi, avec son franc-parler habituel, affirme que tout ce qui a été volé doit être remboursé par le coupable ou ses héritiers. Car, pour lui, il ne suffit pas d'interpeller les gens, il faut surtout récupérer les sommes détournées (voir bonnes feuilles). Contre la corruption, il a une solution : la mise en application de l'article 66 de la Constitution sur la déclaration des biens et la création d'une commission électorale indépendante.

Assimilation culturelle

Par ailleurs, l'auteur qui, après ses études au Nigéria, a commencé son ministère pastoral à Fiango, près de Kumba, dans le Sud-Ouest, en 1966, dénonce les inégalités entre la minorité anglophone et la majorité francophone. Au passage, il accuse la France d'organiser l'assimilation de la culture anglophone au Cameroun. Un autre mal relevé ici est l'absence de la démocratie qui, jusqu'ici, a été une «piteuse mise en scène» au Cameroun. Avec une assemblée nationale inerte, une administration publique qui se sert au lieu de servir, des partis politique de l'opposition qui n'ont pas le courage de s'exprimer, une société civile faible. Le bon pasteur affirme qu'une véritable démocratie est pourtant possible au Cameroun. Elle passerait par une alternance politique sans heurts qui ne dépend que du chef de l'Etat, lui qui «a concentré tous les pouvoirs entre ses mains».

Son crédo social ? Tumi l'indique en plusieurs points : l'autorité qui ne recherche pas le bien commun de ceux qu'elle gouverne perd sa légitimité et doit être démocratiquement écartée du pouvoir ; ceux qui nous gouvernent doivent savoir qu'ils ont affaire à des êtres doués d'intellect et de volonté... Contrairement à Bernard Muna (''Dieu, le politicien'', 2010) qui soutient que le peuple n'a que le gouvernement qu'il mérite, le cardinal Tumi croit que les Camerounais méritent mieux. Les deux auteurs s'accordent cependant à dire que toute autorité vient de Dieu et appellent les chrétiens à prier pour qu'il leur accorde des dirigeants vertueux.

Un Cameroun nouveau

Le prélat, auteur de l'essai «Les deux régimes politiques d'Ahmadou Ahidjo, de Paul Biya et Christian Tumi» (Macacos, 2006) prône, au final, la construction d'un Cameroun nouveau, sur une fondation biblique. Car, «si le Seigneur ne bâtit pas une maison, c'est en vain que le maçon se donne du mal». Ce pays dont il rêve aura des citoyens nés de nouveau (dans le cœur et dans l'esprit), unis dans l'amour du travail, avec un minimum pour mener une vie digne.

A 81 ans, Christian Tumi n'invente pas la poudre et le sait. Mais, comme l'a dit Alain Didier Olinga dans «Propos sur l'inertie» (2009), «l'état de notre société actuelle accule l'intellectuel, au sens propre du terme, au moins à la parole éclairante». Aussi, Tumi a refusé de se taire. Dans la préface qu'il signe, l'archevêque de Yaoundé, Mgr Victor Tonye Bakot, affirme qu'il donne ainsi la preuve que sa retraite ministérielle, qu'il a prise en novembre 2009, est une chance qui lui est offerte pour donner corps à un projet de société qui n'est pas utopique : tout remettre à neuf.

L'élection présidentielle annoncée cette année pourra-t-elle engendrer ce Cameroun nouveau? Cela dépend uniquement du chef de l'Etat, répond en substance l'auteur qui prend le risque de prêcher dans le désert. Car, rien n'est encore gagné. Or, c'est à ce prix-là seulement que notre pays deviendra une nation.

Stéphanie Dongmo


Christian Cardinal Tumi

Ma foi : un Cameroun à remettre à neuf

Editions Véritas

Mars 2011, Douala

271 pages

Prix : 6500 Fcfa


mercredi 15 juin 2011

Canal 2 : mobilisation pour deux journalistes licenciés


Le Syndicat des journalistes employés du Cameroun invite la chaîne à réintégrer Guy Zogo et Albert P. Eya'a qui, de leur côté, menacent de porter plainte pour diffamation.

Le communiqué du Syndicat des journalistes employés du Cameroun (Sjec), rendu public lundi 13 juin dernier est ferme. Le président du Sjec, Norbert Tchana Ngante, y invite le directeur général de Canal 2 international à réintégrer «sans délai» les journalistes Guy Zogo et Albert Patrick Eya'a dans leurs services et fonctions occupés avant le «licenciement abusif» intervenu le 8 juin dernier, et à sursoir à toute autre mesure répressive tant que la lumière ne sera pas faite autour de cette situation par une commission mixte syndicat-employeur-inspection du travail.

Pour le Sjec, «les faits reprochés aux intéressés relèvent du domaine journalistique et ont été traités dans le strict respect de l'art». Et d'ajouter: «Canal 2 a changé sa ligne éditoriale sans en référer à son personnel et celui-ci a continué à exercer sans faire prévaloir la clause de conscience». Le syndicat accuse le promoteur de l'entreprise violer les dispositions de la Convention collective nationale des journalistes et des professionnels des métiers connexes de la communication sociale, qu'il a pourtant souscrit en 2008.

Pour faire pression sur l'entreprise, le Sjec appelle d'abord les journalistes à se mobiliser pour faire un sit in devant les locaux de Canal 2, ensuite les employeurs du secteur des médias à peser de tout leur poids pour convaincre leur collègue. Le syndicat lance aussi un appel au boycott de toutes les émissions produites ou diffusées par la chaîne de télévision jusqu'à nouvel avis et invite les journalistes concernés à saisir les autorités en charge du travail en vue d'un éventuel arrangement à l'amiable.

Même si leurs droits leur ont été calculés, Albert Patrick Eya'a, joint au téléphone lundi soir, se plaint d'avoir été diffamé : «M. Chatué a laissé entendre que nous avons écrit des articles subversifs, ce qui est de nature à nous discréditer. Or, nous n'avons fait que notre travail. Il faut que notre honneur soit rétabli, on ne va pas en rester là, je pourrais porter plainte pour diffamation», menace-t-il. Le journaliste entend par ailleurs donner une conférence de presse dans les prochains jours.

L'on se rappelle que Guy Zogo et Albert Patrick Eya'a ont été licenciés le 8 juin à la suite d'une réunion de crise convoquée à Douala par Emmanuel Chatué, le président directeur général du groupe Canal 2 international. Le premiera été sanctionné pour avoir fait un reportage sur les émeutes après le match Cameroun-Sénégal le 4 juin, dans lequel un témoin faisait état de quatre morts. Au second, il a été reproché la couverture de la conférence de presse de Abba Aboubacar le 25 mai dernier. Une rencontre au cours de laquelle le président de la Révolution camerounaise du peuple uni (Rcpu) avait réclamé la démission de Paul Biya. «On ne peut pas garder dans nos effectifs des gens qui ne respectent pas notre ligne éditoriale (…) Nous sommes en période électorale et Canal 2 n'est pas la Radio des Milles cCllines», a avancé Emmanuel Chatué.

Stéphanie Dongmo



mardi 14 juin 2011

En bref

Fally Ipupa annoncé au Cameroun

L'Association de promotion des arts et de la culture camerounaise, Apac2ef, annonce deux concerts de Fally Ipupa à Douala et à Yaoundé, courant juillet. Jusqu'ici, aucune date précise n'a été avancée pour cet événement piloté par Valère Georgette Segwe, la présidente d'Apac2ef. Elle explique que le but de cette organisation créée en janvier 2009 en France est de «faire connaître la culture la culture camerounaise en Europe où il y a un véritable public», à travers l'évènementiel.


Propos sur le leadership

Le pasteur Ghislain Sonffo de la Harvest global mission a dédicacé, samedi à Yaoundé, son ouvrage intitulé «Comment devenir un leader extraordinaire dans sa génération». Dans ce livre, l’auteur explique qu’un bon leader est une personne qui a de la vision et du caractère, en même temps qu'il dénonce les «leaders fabriqués». Car, conclut-il, un leader qui n’a pas de vision ne conduit le peuple nulle part.


Tiken Jah Fakoly à Bercy

Pour clore une tournée française bien remplie, le reggaeman ivoirien, donne un concert au Palais omnisports de Bercy, à Paris, le 18 juin prochain. Il poursuivra ensuite son «African Revolution tour»(le titre de son dernier album) dans les plus grands festivals. Tiklen Jah Fakoly, 43 ans, est l'un des artistes les plus charismatiques d'Afrique.

jeudi 9 juin 2011

Deux journalistes de Canal2 licenciés


Guy Zogo et Albert Patrick Eya'a sont tombés hier 9 juin 2011, à la suite de la diffusion d'un reportage sur les émeutes après le match de samedi à Yaoundé.

Les journalistes Albert Patrick Eya'a et Guy Zogo ne font plus partie du personnel de Canal2 international. Il ont été licenciés à la suite d'une réunion de crise convoquée hier à Douala par Emmanuel Chatue, le président directeur général du groupe. Cette réunion qui a vu la participation de toute l'équipe de Canal2 à Yaoundé avait pour ordre du jour les problèmes de la maison, le but étant de laver le linge sale. Il a surtout été question du reportage réalisé par Guy Zogo aux alentours du stade omnisports de Yaoundé, le lendemain du match Cameroun-Sénégal, qui a déclenché des émeutes.

Dans ce reportage diffusé une seule fois au cours du journal de 20h dimanche avant d'être retiré, le reporter parle de morts : «Dimanche matin, sur le terrain, il y avait un mort par balle et un autre qui avait été asphyxié par le gaz lacrymogène. Dans le reportage, j'ai donné la parole à une fille qui disait qu'il y a eu au moins quatre morts. Canal2 me le reproche et me demande d'apporter des preuves». Joint au téléphone hier, Emmanuel Chatué, le Pdg, explique : «Vous-même, vous ne pouvez pas écrire dans Le Jour que la police a tué des gens sans être capable de dire ''voici les douilles''. L'information n'a pas été vérifiée, c'est une faute lourde. D'autant plus que nous sommes en période électorale. Canal2 n'est pas la Radio des milles collines», affirme-t-il.

D'après nos informations, après la diffusion du reportage de Guy Zogo, le Pdg de Canal2 aurait reçu des reproches et des pressions tant de la présidence de la République que de la Délégation générale à la sûreté nationale. La Dgsn lui aurait d'ailleurs demandé de fournir des certificats de genre de mort des victimes mentionnées dans le reportage. Ce que Emmanuel Chatué dément : «Nous n'avons pas reçu de pression. C'est juste que notre ligne éditoriale n'a pas été respectée». Il reste que Guy Zogo est sanctionné alors que plusieurs autres organes de presse ont fait état d'au moins un mort après le match. «Mais la télévision est un média sensible, et Canal2 est une télévision populaire», justifie un responsable de Canal2.

«Biya must go»

Albert Patrick Eya'a a été licencié en même temps que Guy Zogo, mais pas pour les mêmes motifs. «Il a fait un papier sur un monsieur qui disait ''Biya must go''. On ne peut pas garder dans nos effectifs des gens qui ne respectent pas notre ligne éditoriale», explique encore Emmanuel Chatué. Un proche du journaliste, qui n'a pas souhaité s'exprimer sur le sujet, révèle qu'Albert Patrick Eya'a a effectivement rédigé un article sur Abba Aboubacar, le président du parti de l'opposition La Révolution camerounaise du peuple uni (Rcpu), qui réclame la démission de Paul Biya. L'article, du reste censuré, n'a jamais été diffusé.

Avant ce licenciement, les deux journalistes n'étaient plus en odeur de sainteté au sein de l'entreprise. En avril, Guy Zogo et Albert Patrick Eya'a ont été suspendus d'antenne pour un mois. Il leur était reproché d'avoir délivré de «fausses factures», après la diffusion d'un reportage commercial sur la Sosucam. Guy Zogo explique qu'il s'agissait juste d'une note de frais demandée d'ailleurs par l'entreprise. Ladite note aurait créé une incompréhension avec le directeur commercial. Écœuré, il ajoute: «Au Cameroun, on veut museler la presse, la démocratie est en danger». Depuis hier, les deux journalistes et l'entreprise sont en négociation pour un arrangement à l'amiable. «Leurs droits seront payés, Canal2 n'a pas de problème d'argent», dit Emmanuel Chatué.

Stéphanie Dongmo


mercredi 8 juin 2011

Norbert Tchana Nganté : «Tirer la profession par le haut»


Le président du Syndicat des journalistes employés du Cameroun (Sjec) explique la proposition de projet de loi présentée le 7 juin dernier à l'Esstic à Yaoundé.


Pourquoi une proposition de projet de loi en ce moment ?

Ce qui nous a motivé à penser à ce nouveau cadre juridique et légal de la presse au Cameroun, c'est qu'on a constaté qu'après la négociation et la signature de la convention collective nationale des journalistes et des métiers connexes de la communication sociale au Cameroun, son application devenait difficile. On s'est dit que la mise en route d'une convention seule ne suffisait pas. C'est pourquoi nous avons organisé un colloque international les 17 et 18 février 2010 à Yaoundé et, par la suite, les experts ont estimé qu'il fallait penser à un nouveau cadre juridique et légal.

Qu'est-ce qui devra fondamentalement changer ?

De manière ramassée, il y a la création des entreprises de presse et non des organes de presse, comme c'est le cas actuellement. Il faut que les entreprises de presse deviennent viables ; il faut une subvention institutionnalisée à la presse camerounaise et non plus l'aide à la communication qui prend les allures d'une affaire de copains-copains. Les entreprises de presse doivent se référer au système de l'Ohada. C'est-à-dire des sociétés anonymes à responsabilité limitée, avec la possibilité d'avoir dix journalistes actionnaires dans l'entreprise, ce qui va motiver davantage le personnel. Nous avons restreint un peu la définition de journaliste. C'est tout le monde qui rentrait dans ce fourre-tout et nous avons pensé à remettre le journalisme dans son contexte en distinguant le journaliste du journaliste professionnel. Par ailleurs, nous ne parlons pas de dépénalisation des délits de presse, mais de création d'une haute autorité de régulation des médias qui va veiller à la discipline au sein de l'organisation et à la pratique des valeurs universelles que sont l'éthique et la déontologie.

Vous prônez la création d'un organe de régulation alors que le débat actuel est celui de la dépénalisation des délits de presse. N'est-ce pas faire diversion?

Ce texte est une proposition, nous n'exigeons pas. Le Sjec a posé le problème aux partenaires que sont l'Union européenne à travers le Pasoc, qui a estimé que c'était une initiative louable. Nous avons alors mis sur pied des experts qui ont travaillé sur le projet. Maintenant, s'il y a d'autres associations ou organisations de journalistes qui peuvent compléter ce qui a été fait, c'est tant mieux.

Comment comptez-vous faire adopter ce texte par le gouvernement?

Notre souhait est que cela prenne la forme d'un projet de loi, c'est-à-dire que le gouvernement le soumette à l'Assemblée nationale. Nous avons saisi le Premier ministre. Sur son instruction, nous avons été reçu par le secrétaire général des services du Premier ministre le 27 mai dernier. Nous lui avons remis notre travail et il a apprécié. Maintenant, nous attendons. Une œuvre bien faite n'est jamais perdue et on espère que ça va aboutir.

Il y a déjà des textes qui régissent le fonctionnement de la presse et qui ne sont pas appliqués. La convention collective et l'accord de Florence sur les franchises douanières, par exemple. Votre proposition ne sera-t-il pas un texte de plus sans réel effet ?

Les patrons de presse estiment que le contexte socio-économique ne leur permet pas d'appliquer la convention collective. Ils évoquent, par exemple, cette non-application de la convention de Florence avec son protocole additionnel de Nairobi. Mais, nous estimons que cette convention n'est pas vraiment un blocage au traitement humain du journaliste. Parce qu'au fond, le gros des journalistes se trouve dans la presse audiovisuelle qui n'est pas concernée par la convention de Florence. Cette proposition d'avant-projet peut mettre un terme à toutes ces revendications et tirer la profession par le haut. Nous sommes sûrs que s'il est pris en compte par le gouvernement, les médias camerounais vont s'arrimer à la modernité.

Propos recueillis par Stéphanie Dongmo

lundi 6 juin 2011

Un texte pour assainir la presse au Cameroun


Une proposition de projet de loi du Syndicat des journalistes employés du Cameroun sera présentée ce mardi 7 juin 2011 à Yaoundé. Elle prévoit la création des entreprises de presse par les entreprises et non plus les individus, et érige une haute autorité de régulation.

Le Syndicat des journalistes employés du Cameroun (Sjec) organise, à partir de 15h ce mardi à la salle de conférences de l'Esstic à Yaoundé, la cérémonie de présentation d'une proposition de projet de loi portant sur un nouveau cadre juridique et légal de la communication sociale au Cameroun. Le texte qui a été soumis au gouvernement le 27 mai dernier porte révision de la loi n° 90/052 du 19 décembre 1990, modifiée par la loi n° 96/04 du 04 janvier 1996 relative à la liberté de communication sociale. Il prévoit des changements considérables et vise l'assainissement du secteur de la presse.

Déjà, l'entreprise de presse ne sera plus créée par des individus mais par des entreprises. Le dossier de déclaration devra comprendre, outre les pièces habituelles, une expédition des statuts de l'entreprise de presse, ainsi que les noms de ses principaux dirigeants et d'au moins cinq journalistes dont les contrats de travail sont conformes à la convention collective. Le personnel sera également intéressé dans le capital : «chaque entreprise de médias doit réserver à sa création au moins 10% de son capital au personnel de son service».

Le texte prévoit que l'aide à la presse soit plus effective. Son article 38 de ce texte stipule que les entreprises de médias qui contribuent à la mise en œuvre du droit à l'information devront bénéficier d'un régime fiscal préférentiel, des exonérations de la Tva et des franchises douanières telles que prévues dans l'Accord de Florence et son Protocole additionnel de Nairobi.

L'assainissement de la presse est l'autre préoccupation de cette proposition de projet de loi qui distingue journaliste et journaliste professionnel. Est considéré comme journaliste ici «toute personne qui, sur la base de ses facultés intellectuelles, de sa formation ou de ses talents, apporte une collaboration directe et permanente à la rédaction d'un journal, d'un périodique en presse écrite, en radio, en télévision ou sur internet, sur la base de la collecte et du traitement de l'information d'actualité».

Pour sa part, le journaliste professionnel est celui qui a un diplôme de journalisme obtenu dans une école de formation reconnue par l'Etat. Il devra aussi avoir le journalisme pour activité principale et régulière depuis deux ans au moins, entre autres exigences. Ce statut, attesté par une carte de presse, est réservé aux journalistes et collaborateurs directs de la rédaction dont les entreprises de médias répondent aux critères définis. Mais il comporte aussi des exigences. Car, le journaliste professionnel ne devra exercer «aucune activité ayant pour objet la publicité, la promotion d'une organisation à quelque titre que ce soit, y compris au sein d'un organe d'information».

Pour réguler le secteur, le texte prévoit la création d'une «haute autorité de la communication sociale chargée de la régulation de l'environnement professionnel des médias».

Stéphanie Dongmo