S'il coûte cher, ce support grand format leur permet de vendre leur image et de recruter des fidèles.
Religion et publicité sont-elles compatibles ? Il faut croire que oui. Au Cameroun, quelques pasteurs des Églises dites de réveil ont décidé de tirer leur épingle du jeu en misant sur le marketing religieux. Après l'affichage petit format pour annoncer des campagnes d'évangélisation, ils investissent chaque jour davantage l'espace public urbain en s'affichant sur de grands panneaux. Non plus pour annoncer des évènements mais pour faire passer un message et, au-delà, vendre leur image.
Messages touffus
Les messages, souvent longs et touffus, sont significatifs du but à atteindre. Extraits : « Que Dieu accorde la sagesse divine au président de la République et à toutes les autorités administratives du Cameroun au nom de Jésus Christ » ; « La nation camerounaise est la propriété privée de Jésus Christ » ; « Que l'Éternel des armées bénisse la police et les Forces Armées Camerounaise, tous les corps en Tenue et que la paix et la prospérité les accompagnent! » (Sic). Le premier texte est celui d'un panneau situé au lieu dit Texaco Elig-Edzoa à Yaoundé ; le second est visible au rond point Nlongkak et le troisième à l'entrée de l'École nationale supérieure polytechnique de Melen. Tous sont signés du « révérend docteur » Dieunedort Kamdem. Un jeune homme à l'éloquence sûre, qui, suite à une brouille, a quitté l'église du Plein Évangile pour lancer la sienne, il y a six mois : Faith convenant ministries international ou encore La Cathédrale de la foi.
Le grand panneau de Melen qui porte des écrits blancs, jaunes et orange sur un fond vert, tombe à pic, au moment où le Cameroun célèbre les 50 ans de son armée. Dieunedort Kamdem y apparaît vêtu d'un treillis. Il tient une bible dans la main gauche et sourit volontiers. Dans un coin, deux numéros de téléphone sont mentionnés, et donnent accès au secrétariat du pasteur-vedette.
Coût élevé
Dieunedort Kamdem, qui possède déjà la chaîne de télévision Kanodi Tv, ne lésine pas sur les moyens pour communiquer. Depuis mai 2010, il a fait afficher, au total, 12 grands panneaux de 4m2 sur 3m2, situés dans des lieux de forte concentration humaine, sur une période allant de trois à six mois. Un panneau tiré en couleur sur du papier vinyle coûte environ 150 000Fcfa en terme de production, révèle Hervé Fokou, le chargé de la communication et du marketing de Golgoth'art, l'établissement de conception graphique qui a réalisé ces grands panneaux. Il faut compter en plus un bail mensuel d'environ 90 000Fcfa par panneau pour l'affichage, selon les publicitaires.
Investissement rentable
Cet investissement est loin d'être vain. « Malgré le coût élevé, les grands panneaux interpellent les gens. La preuve, depuis six mois que j'ai commencé à communiquer, je suis passé de 50 à 2000 chrétiens », se satisfait le pasteur Dieunedort Kamdem, qui se dit prêt à explorer tous les canaux de communication qui existent pour faire passer son message. Et s'il se met davantage en relief sur ces grands panneaux, éclipsant parfois le message, c'est qu'il a de bonnes raisons : « si je pouvais filmer Jésus et le mettre là, je le ferais. Mais puisque je ne peux pas et que Dieu habite en moi, je mets ma photo sur le panneau ». Et d'ajouter : « Qu'on le veuille ou pas, on suit un homme qui a une vision, et non le contraire ».
Historique
Hervé Fokou raconte qu'Angela Acha Morfow est le premier pasteur camerounais à s'être aventuré dans ce canal du marketing religieux pour annoncer une campagne d'évangélisation en 2008. L'année d'après, c'était au tour de Raoul Waffo, un pasteur camerounais vivant en Côte d'Ivoire, de retourner dans son pays pour souhaiter à ses compatriotes une « bonne et sainte année » sur un grand panneau. Dieunedort Kamdem est entré dans la danse ensuite et n'a plus quitté la scène.
« Dieu est un produit que l'on vend »
Gérard-Paul Onji'i Essono, publicitaire et enseignant associé à l'Ecole supérieure des sciences et techniques explique que ce qu'on vend le plus, c'est la religion : « Le Christ lui-même a fait la publicité de son courant religieux à travers des miracles. Cela, c'est du marketing direct et ça date de Mathusalem. Les églises, les synagogues, les mosquées sont des lieux où ont prêche Dieu, et Dieu est un produit qu'on vend naturellement aux hommes, tout le monde ou presque étant à la recherche du salut ».
Stéphanie Dongmo
Bonjour,
RépondreSupprimerAnalyse interessante. En fait, il m'a interessé car je mene des recherches (sociologe) sur les associations religieuses au Cameroun.
Merci.
Mballa Elanga
www.mballaelanga.canalblog.com
Edmond, je vous savais caricaturiste. Pas sociologue, ma formation première. Bonne chance pour vos recherches
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