Dans un recueil de nouvelles, Irène Maben raconte comment, tous, nous sommes victimes de l'environnement dans lequel nous vivons.
Les douze nouvelles du recueil “Victimes” de Irène Maben, paru chez Ifrikiya en septembre dernier, ont pour dénominateur commun la perte de l'innocence. Le livre nous plonge au cœur de la pauvreté, pour raconter les mésaventures de personnages qui, à un moment ou à un autre, ont fait des choix qui ont fait basculer leurs vies.
Quelques uns méritent que l'on sy attarde: le jeune étudiant Fekak a été contraint de se livrer à des pratiques homosexuelles en échange d'une somme d'argent qui lui a servi à payer ses droits universitaires; l'héroïne de la nouvelle “Bonheur volé” a dû céder sa place d'épouse à une étrangère ; Dorine a épousé un vieux Blanc qui a essayé de la prostituer une fois en Europe ; Mboussi Emmanuel a perdu son âme en échange d'une chefferie; Hermine, déjà mère de trois enfants de pères différents, a épousé un homme qui a fini par violer ses deux filles ; le fiancé aimant de l'héroïne de “La honte de ma vie” s'est révélé être un braqueur.
La meilleure nouvelle de ce recueil est sans conteste “Une nuit en forêt”. Elle raconte l'histoire de Keedi, un vieillard qui s'est perdu en forêt. Ses yeux ont vu ce qu'aucun humain ne devrait voir, ses oreilles ont entendu des choses réservées aux esprits. Alors que tout le village attend qu'il paie de sa vie cette intrusion dans un monde mystérieux, il se voit plutôt récompensé. Une chute inattendue qui captive le lecteur, suscite en lui des émotions et, au-delà, des réflexions. Mais une chute qui manque à beaucoup d'autres textes de ce recueil.
Pour Irène Maben, tous ces personnages sont des victimes. Victimes du simple fait d'être en vie, victimes de leurs proches, victimes de la société dans laquelle ils vivent, victimes de leur pauvreté mais aussi victimes de leur cupidité. Car, Fefak aurait pu choisir d'abandonner ses études au lieu de se livrer à un homme; Mboussi Emmanuel aurait tout aussi bien pu refuser d'être fait chef de village. Le comédien américain Ambroise Bierce ne disait-il pas à cet effet que “Les victimes sont parfois aussi coupables que les bourreaux”?
L'écriture de Irène Maben est pressée, comme si, pour elle, il était urgent de vite boucler une histoire pour en écrire une autre. Certains scènes sont si vite décrites qu'elles en deviennent anecdotiques. Dans ses textes écrits de manière progressive, avec très peu de flash back, le côté psychologique des personnages est seulement évoqué, au profit des évènements extérieurs qui viennent bousculer leurs existences. Toutefois, la couleur verte de la couverture de l'oeuvre jette une touche d'espoir dans cette collection de catastrophes.
Doctorante à l'université de Yaoundé I, Irène Maben a choisi, pour sa première publication, la nouvelle, le genre par excellence des auteurs novices, qui n'est pour autant pas un genre mineur. Elle annonce pour bientôt la publication d'un roman où, on l'espère en tout cas, son écriture s'affirmera mieux.
Irène Maben
Victimes (nouvelles)
Edition Ifrikiya
Collection Proximité
Yaoundé, septembre 2010
97 pages, prix: 3000Fcfa
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