Dreads locks cachés par un bonnet. Blouson et pantalon jeans. Lunettes de soleil dans une poche. Cigarette allumée entre deux doigts. Bienvenue dans l’univers de Koko Komegne. Mais Koko Komegne ce n’est pas que le look. C’est aussi la personnalité. Affabilité, passion, verve. L’artiste anticipe même les questions et parle de manière presque ininterrompue. De sa vie, de sa carrière, de son art.
Né le 02 octobre 1950 à Batoufam, Gaston Komegne, de son vrai nom, a passé une partie de son enfance à Yaoundé. Au départ, il est attiré par la photographie. Mais l’appareil photo est hors de prix. Il s’oriente alors vers la peinture, moins coûteuse. Le véritable déclic va se produire en 1965 à Douala, lors d’une rencontre fortuite avec un peintre français, Jean Sabatier. Koko commence véritablement sa carrière par la peinture publicitaire. L’argent gagné ici, il l’investit dans ses recherches picturales. Pour forger son art, il reproduit des œuvres des grands peintres comme Van Gogh et Picasso, son modèle.
Plus tard, il va créer un courant qu’il appelle la « diversion optique ». « C’est un symbolisme qui introduit le visiteur et l’égare ; c’est l’ensemble des valeurs culturelles du monde noir allié à la modernité ; c’est une technique qui schématise, stylise et résume ; c’est un dialogue silencieux entre l’homme et la matière ; c’est une peinture qui ne s’adresse pas aux yeux mais à l’âme », explique-t-il. Artiste militant, il a été à l’origine de plusieurs regroupements de plasticiens au Cameroun, parmi lesquels le Collectif des artistes plasticiens du Littoral (Caplit) en 1983. Koko Komegne aime Douala, la ville où il réside. Et Douala le lui rend bien. « Je suis fier de Douala, parce que c’est devenu le porte flambeau de l’art plastique au Cameroun et dans la sous-région ».
Impossible pour lui de parler du nombre exact de ses expositions, tant il en a fait. Mais de son apport à l’art plastique, certainement. « Je suis le père de l’art contemporain au Cameroun. J’ai permis aux artistes de sortir du réalisme pour se lancer dans l’abstraction ». Depuis les années 60, en effet, la peinture a fait du chemin dans notre pays. De la peinture pour touristes (folklore, portrait, nature morte…), on est arrivé à la peinture contemporaine. Au point où, pour l’artiste, il n’est plus indiqué de parler de peinture mais d’art plastique. Car, au final, l’installation, le body art, la sculpture et la performance se sont greffés à la peinture pour le prolonger.
Koko Komegne ne dissocie pas la peinture de la sculpture, mais en fait un prolongement. Pour créer une rupture avec la représentation figurative, son graphisme navigue entre abstraction et expressionnisme, tout en incluant des collages (tissus jeans, aluminium, capsules de bière…) Ses tableaux chargés d’écriture rappellent toutes ces années que le plasticien a passées à faire de la peinture publicitaire. Les corps en mouvement sont des formes récurrentes dans ses œuvres. L’artiste aime pratiquer ce qu’il appelle la diversion optique, une technique qui consiste essentiellement à tromper l'œil du spectateur.
Koko Komegne a su s’adapter et même anticiper ces évolutions. « Ma peinture a traversé le temps, les courants et les tendances parce qu’il est le fruit d’un regard prospectif », explique-t-il. Et d’ajouter : «J’ai apporté à l’art plastique mon refus de la quotidienneté, mon combat pour la liberté, car, le peintre, c’est avant tout un homme libre ».
Stéphanie Dongmo
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