jeudi 18 août 2011

Roman : Patrice Nganang écrit l'histoire


«Mont plaisant», le dernier livre de l'écrivain camerounais paru en janvier chez Philippe Rey, tisse l'histoire du sultan Njoya autour de l'occupation allemande, anglaise et française au Cameroun. 



Patrice Nganang est resté égal à lui-même. Avec une imagination débordante et une rupture marquée avec les schémas classiques de la littérature. «Mont plaisant», son dernier roman paru en janvier 2011 chez Philippe Rey en France, est resté dans le même sillage. Il raconte « l'histoire de Njoya, de Charles Atangana et de Sara ». Sara avait neuf ans quand elle a été offerte au Sultan Njoya qui, contraint à l'exil par les Français, s'est réfugié au Mont plaisant, à Nsimeyong à Yaoundé.
Dans ce roman de 506 pages, les histoires et les personnes se croisent et s'emmêlent. C'est d'abord Bertha, la Camerounaise vivant aux Etats-Unis qui décide de rechercher les origines du nationalisme camerounais et devient ainsi la première narratrice du roman. C'est Sara, 90 ans, doyenne du quartier Nsimeyong qui décide de ne plus se taire. De sa bouche, sortent des personnages que l'auteur met en scène, dans des périodes et des décors : Bertha, la matrone chargée de l'éducation des futures femmes de Njoya qui adopte Sara et la travesti en garçon pour combler la perte de son fils, Nebu. C'est Nebu, obsédé par la femme de son père, Ngutane, d'où viendra sa chute qui, à son tour, va entraîner celle de Njoya en 1921.
Au fil des vies étalées, «Mont plaisant» relate l'histoire romancée de l'occupation allemande, anglaise et française au Cameroun. Au passage, Patrice Nganang rend hommage au doigté des artistes bamoun et surtout, à la production intellectuelle du sultan Njoya (1871-1933) qui a inventé son propre alphabet et a écrit le « Saa'ngam », les mémoires du peuple bamoun. A partir de son exil yaoundéen, Njoya, quand il n'est pas trop saisi par le sentiment de culpabilité qui ne le lâche plus depuis que les Allemand ont assassiné Douala Manga Bell, pose son regard sur le Cameroun et le monde, englué dans la Première guerre mondiale.
«Les archives du bavardage»
Dans ce 4ème roman, Patrice Nganang installe le dialogue entre l'histoire académique incarnée par Bertha, et l'histoire vécue à travers le témoignage de Sara, qui n'a pour elle que «les archives du bavardage». Tout comme les deux femmes se rejoignent le temps d'une séance de tresse, l'auteur a mélangé les deux histoires dans un roman qui emprunte aussi bien à l'imagination qu'aux ressources historiques, bâties en huit ans de recherches au Cameroun, aux Etats-Unis, en Allemagne et en France. L'auteur y mêle allègrement des personnages et des histoires qu'il a inventé de toutes pièces. Car l'histoire, tout comme le roman, est une œuvre d'imagination, selon Nganang.
Pour écrire ce roman, Nganang a délaissé les africanisme qu'il avait déjà utilisé dans «Temps de chien» (2001) pour un français classique. Mais, on ne se refait pas. Il y injecte quand même quelques expressions bien de chez nous comme «la vielle maman», «la fille d'autrui»... «Mont plaisant» est un roman ambitieux. Il sort déblaie le chemin des préjugés pour montrer les Camerounais dans leur intelligence, leur sens élevé de l'art, leur bonté... Il écrit l'histoire d'avant-indépendance pour que notre passé «viole» enfin nos âmes et que nous nous en imprégnons.
Mais, comme il l'écrit lui-même, « écrire, n'est-ce pas fuir la complexité de la vie elle-même pour se réfugier dans l'aseptisé des alphabets, dans la magie des mots? » La pavé est jeté dans la marre. Et l'auteur espère que le dévoilement de ce pan de notre histoire contribuera à changer le cours d'un pays où les jeunes ne rêvent plus que de l'étranger.
Stéphanie Dongmo

Patrice Nganang
Mont plaisant (roman)
Ed. Phillipe Rey
Paris, 2011
506 pages


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