Cannes 2011. Ama Tutu Muna au lancement de "Shoot in Cameroon". |
Le séjour cannois de la
délégation camerounaise a commencé par un couac. Initialement prévue le 23 mai
à 18 heures, la rencontre des professionnels organisée par le ministère des
Arts et de la Culture (Minac) du Cameroun a été annulée à la dernière minute
sans explication, alors même que la ministre des Arts et de la Culture, Ama
Tutu Muna, était arrivée à Cannes quelques heures plus tôt. La rencontre s’est
finalement tenue sans bruit le 25 mai dans la salle de conférence du Pavillon
des cinémas du monde. De plus, plusieurs membres de la délégation camerounaise
sont arrivés à Cannes après cette rencontre, pourtant objet de leur
déplacement.
Pour la seconde année
consécutive, le Cameroun est allé à Cannes présenter le projet « Shoot in
Cameroon ». Initié l’année dernière dans la précipitation, ce projet a
pour but de vendre la destination Cameroun comme étant un plateau de tournage,
en mettant en avant ses paysages, ses sites touristiques et la diversité de sa
culture, des arguments qui lui ont donné la réputation d’Afrique en miniature.
D’après Ama Tutu Muna, le fait que des cinéastes étrangers viennent tourner au
Cameroun aura des retombées pour tout le pays. Cela permettra aux jeunes
d’avoir de l’emploi, d’apprendre les métiers du cinéma et aux hôtels d’être
occupés. Dans son discours, la ministre a réaffirmé la volonté du gouvernement
et du chef de l’Etat camerounais d’œuvrer pour la relance du cinéma.
Relance
du cinéma
Depuis quelques années
en effet, le discours officiel est celui de la relance du cinéma. Un vaste
chantier qui comprend le projet « shoot in Cameroon », l’ouverture
d’au moins une salle de cinéma et l’appui aux projets cinématographiques. Pour cela,
le ministère des Arts et de la Culture entend créer un fonds pour le
développement du cinéma camerounais. L’on se souvient qu’en 1973, le Cameroun
avait déjà créé le Fonds de développement de l’industrie cinématographique
(Fodic) pour soutenir les productions par un financement direct. Moribond et
déficitaire, le Fodic a finalement fermé ses portes à la fin des années
80. C’est fort de cette expérience malheureuse que le secrétaire général du
Minac, Manaouda Malachie, et le cinéaste Bassek ba Kobhio, délégué général du
festival Ecrans noirs qui est partenaire du projet, se sont rendus au Cambodge,
au Maroc, en Grande Bretagne et en Belgique du 16 au 30 mai 2012, pour des
études préalables qui serviront à proposer au gouvernement la création d’une
structure para-étatique qui devra remettre le cinéma camerounais sur les rails.
Bassek ba Kobhio explique que cette structure technique, qui pourra être un fonds ou une commission rattaché au Minac, devra accompagner l'appel à tournages et les tournages. Il devra aussi gérer et apprécier les projets de Camerounais pour voir comment les accompagner. Car le projet "Shoot in Cameroon" est aussi destiné aux cinéastes camerounais. Bassel ba Kobhio assure que des mesures incitatives vont suivre dans les mois à venir avec l'implication des départements ministériels concernés comme le ministère des Finances et celui du Tourisme, avec l'accord du premier ministre, Philemon Yang.
Bassek ba Kobhio explique que cette structure technique, qui pourra être un fonds ou une commission rattaché au Minac, devra accompagner l'appel à tournages et les tournages. Il devra aussi gérer et apprécier les projets de Camerounais pour voir comment les accompagner. Car le projet "Shoot in Cameroon" est aussi destiné aux cinéastes camerounais. Bassel ba Kobhio assure que des mesures incitatives vont suivre dans les mois à venir avec l'implication des départements ministériels concernés comme le ministère des Finances et celui du Tourisme, avec l'accord du premier ministre, Philemon Yang.
Financement
des projets
Face à la pression d’un
groupe de cinéastes, l’appui aux projets a été inclus dans cette volonté de
réforme. Ces projets devront bénéficier du financement du volet culture du
Contrat de désendettement et développement (C2D) qui s’élève à 524 millions
Fcfa (800 000 euros). Mis en œuvre par l’Agence française de développement,
le C2D constitue le principal volet bilatéral français d’allègement de la
dette.
Destiné initialement à
financer une étude sur l’économie de la culture au Cameroun, ce fonds est
bloqué depuis plus d’un an à la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Béac),
le Cameroun et la France ayant eu des difficultés à s’entendre sur son
affectation. En février dernier, l’Organisation camerounaise des professionnels
du cinéma (Ocapac) que préside Jean-Pierre Dikongué-Pipa, a saisi cette
occasion pour demander que cet argent soit destiné à financer des productions
cinématographiques. L’association a pris l’initiative de créer une commission
qui a sélectionné des projets de films à financer. Les projets qui ont été
déposés au Minac, avec ampliation à l’ambassade de France du Cameroun.
Dikongué-Pipa explique
qu’aucune relance du cinéma ne peut être envisagée sans le financement des
projets pour encourager la création. Le Cameroun dispose pourtant d’un Compte
d’affectation spécial dont le budget annuel s’élève à 1 milliard de Fcfa,
destiné à financer des projets culturels. Depuis 2008 que la liste de ses
bénéficiaires n’est plus publiée, c’est le flou absolu. En 2012, le Cameroun a
contribué, à hauteur de 1 milliard de Fcfa, à l’organisation du Festival
mondial des arts nègres (Fesman) au Sénégal pour une participation jugée médiocre. L'information de cette contribution avait été révélée par le ministre sénégalais de la Culture de l'époque, Mamadou Bousso Leye.
Accueil
mitigé
« C’est très
intéressant d’inciter les étrangers à tourner au Cameroun. Mais il faudrait
qu’avant de venir à Cannes, on pense à encourager déjà les cinéastes
camerounais qui ont un mal fou à tourner dans leur pays, en faisant cesser les
lenteurs administratives et la censure », affirme le documentariste
Jean-Marie Teno. Depuis l’interdiction du festival des films des droits de
l’homme le 11 avril 2011 à Yaoundé, la censure a durcit le ton au Cameroun et
plusieurs films ont été interdits de projection. En février 2012, le ministère
des Arts et de la Culture a demandé aux centres culturels étrangers (Institut
français, Institut Goethe, Centre culturel espagnol, Centre culturel italien)
de soumettre désormais les films qu’ils diffusent à la Commission nationale de
contrôle des films cinématographiques, prises de vues et enregistrements
sonores, dite commission de censure, en vue de l'obtention d'un visa
d'exploitation. Car, au Cameroun, l'activité cinématographique demeure soumise
à un régime d'autorisation préalable.
Un véritable scandale,
d’après Jean-Pierre Bekolo : « Alors que l’Etat camerounais laisse
aux pays étrangers la charge de s’occuper de la culture des Camerounais, il a
le culot de les soumettre à la censure alors que ni la télévision, ni les
bouquets proposés par les câblo-opérateurs, ni les vidéos vendus dans la rue ne
le sont ». Depuis 2008, le Cameroun ne compte aucune salle de cinéma et le
Centre culturel camerounais de Yaoundé a fermé ses portes. Et depuis plusieurs
années, le pays n’a produit aucun grand film de fiction. Les centres culturels
étrangers sont donc devenus des lieux incontournables de diffusion du cinéma.
Rappelons que jusque depuis « Muna Moto » de Dikongué-Pipa en 1976,
aucun film camerounais n’a plus été distingué de l’Etalon d’or de
Yennenga au festival panafricain du cinéma et de la télévision de
Ouagadougou (Fespaco). De plus, depuis le lancement du projet « Shoot in
Cameroon » l’année dernière, aucune production étrangère ne s’est intéressée
à notre pays.
Stéphanie
Dongmo à Cannes
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerj'ai lu cet article, j'ai eu plaisir à le lire. Si les autorités veulent vendre la destination Cameroun "comme étant un plateau de tournage au cinéaste étrangers" pour booster le tourisme, il est intéressant de leur demander ce qu'il font pour les artistes locaux qui éprouvent milles et une difficultés pour tourner et présenter sans acros les films made in Cameroon. De même, ce pays a d'exellents comédiens et on se demande quelle réalisation culturelle sans salles de cinéma, sans théâtre. On a l'impression que le pays a peur de favoriser les artistes locaux et sa culture locale. Le Cameroun refuse-t-il de voir se dvélopper un cinéma local (ils sont loin les films POUSSE POUSSE et d'autres. Aurait-il peur de créer et exporter ses produits cinématographiques?
RépondreSupprimerBon courage à ce Journaliste Stéphanie Dongmo qui soulève ces problèmes, chose qui doivent être entendu par les autorités et surtout, par les mécénats camerounais et les artistes qui, eux,doivent s'unir pour trouver le moyen de promouvoir le cinéma camerounais, domaine qui n'est pas moins économique que les autres secteurs.