mercredi 28 novembre 2012

Brigitte Rollet : «Les réalisatrices africaines ne sont pas vues»


Chercheur au Centre d'histoire culturelle des sociétés contemporaines (CHCSC) de l’Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines en France, elle a organisé un colloque international sur les « 40 ans de cinéma » de réalisatrices d’Afrique francophone, les 23 et le 24 novembre à Paris au Musée du Quai Branly et à la Bibliothèque nationale de France (BnF). Elle parle de l’enjeu de cette rencontre et des difficultés que rencontrent les femmes réalisatrices en Afrique.

Brigitte Rollet

Qu’est-ce qui vous a motivé à organiser ce colloque sur les 40 ans de cinéma des réalisatrices d’Afrique francophone?
En étudiant l’histoire des réalisatrices françaises, je me suis rendu compte qu’il y avait les mêmes problèmes de financement et les mêmes problèmes d’image. Ces réalisatrices ont toujours été un petit peu marginalisé dans les ouvrages d’histoire du cinéma. Il y a le fait de ne pas intégrer que le cinéma africain est aussi fait par les femmes. Je me suis dit qu’il fallait célébrer ces femmes qu’on ne célèbrera sans doute jamais et marquer l’émergence d’un cinéma fait par les femmes en Afrique.

Historiquement, la première réalisatrice africaine est la Camerounaise Thérèse Sita Bella avec son film Tam-tam à Paris en 1963, mais vous avez plutôt choisi la Guadeloupéenne Sarah Maldoror comme pionnière. Pourquoi ?
C’est vrai qu’il y a eu Sita Bella mais les films de Sarah Maldoror et de Safi Faye ont marqué. Je ne pense pas qu’on pourrait dire la même chose du film de Sita Bella parce qu’il est moins connu, il y a beaucoup de gens qui ignorent son existence, je ne sais pas où on peut le voir. C’est aussi le cas pour La passante de Safi Faye. En organisant ce colloque dans un lieu comme la BnF, je voulais aussi montrer la difficulté de garder un patrimoine de ces films,  rappeler qu’il y a des films qui disparaissent.

Quel est l’histoire des réalisatrices d’Afrique francophone ?
Elle varie selon les pays, selon qu’il y a une volonté politique de promouvoir le cinéma. Mais les femmes sont toujours un peu le parent pauvre du développement de la cinématographie, surtout dans les sociétés où les différences de sexe font que la place d’une femme n’est pas derrière la caméra. Quand on cherche des femmes, on les trouve. Mon souhait c’était de rendre visible cette histoire.

Quels sont les problèmes spécifiques que rencontrent les réalisatrices d’Afrique francophone ?
Le cinéma reste une activité pensée comme masculine. Le fait qu’il y a beaucoup de femmes réalisatrices n’empêche pas cette perception, et les réalisatrices africaines ne sont pas vues. Il y a des trajectoires individuelles, mais il y a les développements ou non des politiques cinématographiques dans les pays. Dans les pays où il y a eu véritablement une volonté politique de développer le cinéma, il y a eu plus de femmes réalisatrices que dans les pays ou, au contraire, cette préoccupation n’existe pas. C’est une question de financement. Le cinéma est un art coûteux, il y a quand même, malgré tout, des hésitations des producteurs à confier des budgets élevés à une femme. Et on ne prête qu’aux riches. Si on ne peut pas faire ses preuves, on ne peut pas justifier de recevoir un budget important, c’est une situation que les réalisatrices africaines partagent avec de nombreuses réalisatrices occidentales.

De plus en plus de festivals de films de femmes se créent dans le monde. Est-ce que ces festivals spécialisés sont la solution ?
Les festivals de films de femmes, c’est une solution pour que ces films soient vus. Après, la question est de savoir si on donne ou non la possibilité à ces films d’exister en dehors des festivals, et ça c’est le problème du cinéma africain en général. C’est un cinéma qui est beaucoup financé mais qui a du mal à trouver de la place dans les salles en sorties normales. C’est un phénomène global. Si les festivals de films de femmes permettent aux films d’être vus, ça ne peut avoir qu’un effet positif pour les femmes qui font du cinéma en Afrique.
Propos recueillis par Stéphanie Dongmo

2 commentaires:

  1. On doit penser à une industrie cinématographique en Afrique, soutenu par les Etats.

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  2. Vous avez bien raison Noel. Et penser aussi nous à organiser ce genre de manifestations pour célébrer nos professionnels, et non plus laisser les autres le faire à notre place.

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