vendredi 4 mars 2011

Fespaco 2011 : Cameroun, îlot de paix












Dans son film « Un homme qui crie », Mahamat-Saleh Haroun décrie la fuite des refugiés tchadiens vers notre pays.

Ce film qui raconte la tragédie d’un père déchu en quête de rédemption aurait pu s’intituler « Le poids du remord ». Nous sommes à N’Djamena au Tchad. Adam (Youssouf Djaoro), 55 ans, est le maître-nageur de la piscine d’un grand hôtel dirigé par une Chinoise. Dans la rue, on l’appelle « Champion », car il fut vainqueur d’une compétition de natation. Adam est un homme sans histoire, heureux de vivre. Il aime l’eau, il aime sa femme et il aime son fils de 20 ans à qui il a transmit sa passion pour la natation, et eux, le lui rendent bien. Il aime aussi écouter la radio et les nouvelles sont inquiétantes. Rebelles, attaques, forces gouvernementales sont les mots au contenu lointain qu’il entend tous les jours et qu’il se dépêche d’oublier une fois la radio éteinte.
Le bonheur d’Adam ne dure pas longtemps. L’hôtel rajeunit ses effectifs. Il perd son poste de maître-nageur au profit de son fils, Abdel (Diouc Koma), pour celui, moins prestigieux de gardien. Lorsqu’il voit le jeune et insouciant pavaner à la piscine ou sur sa moto en ville, Adam ne peut s’empêcher de rager. S’il est père, il est avant tout homme, donc, pécheur. Comme son homonyme le premier homme sur terre, il va céder à la tentation.
La guerre civile éclate. Le gouvernement demande aux populations un « effort de guerre ». Adam n’a pas d’argent à donner au chef du quartier (le Camerounais Emil Abossolo Mbo) qui le harcèle pour sa contribution. Mais il a son fils. Abdel sera enrôlé de force dans l’armée, pour combattre les rebelles qui avancent vers N’Djamena. Son fils parti, « Champion » retrouve sa piscine désertée par les clients. Mais il n’est pas heureux. Le remord ne lui laisse aucun répit. Dans la ville, des familles, baluchon sur la tête, fuient vers le Cameroun, qu’ils perçoivent comme un îlot de paix. Un périple que Mahamat-Saleh Haroun avait lui-même effectué à 18 ans, pour fuir la guerre civile au Tchad. Adam refuse de partir et en veut au chef du quartier de l’avoir encouragé à sacrifier son fils. Dans sa quête de la rédemption, il va enlever Abdel, blessé, dans un camp militaire. Mais Abdel ne reverra jamais sa maison. Il mourra en chemin, non sans avoir pardonné à son père à qui il laisse tout de même un petit-fils en gestation.
« Un homme qui crie » est une tragédie sèche. Le sable y est très présent, la peur aussi. On la voit dans les regards des gens, dans les pas pressés des refugiés, dans les rues vidées de N’Djamena. C’est le film d’un homme blessé qui, en silence, crie sa douleur face à la guerre, au silence de Dieu et aux contradictions de la vie. C’est un drame intime et familial devenu un drame humain.
Après le prix spécial du jury à Cannes en 2010, Mahamat-Saleh Haroun remportera-t-il le prestigieux Etalon d’or de Yennenga au Fespaco 2011 avec ce film en compétition dans la catégorie long métrage? En tout cas, « Un homme qui crie » a déjà reçu le prix de l’adhésion populaire. Pour chacune de ses projections, le cinéma Burkina a dû refuser l’entrée à des dizaines de cinéphiles, la salle étant comble.
Stéphanie Dongmo à Ouagadougou

Fiche technique
Titre : « Un homme qui crie »
Scénario et réalisation : Mahamat-Saleh Haroun
Format : 35 mm
Durée : 92 minutes
Année de sortie : 2010
Pays d'origine : Tchad, France, Belgique
Producteur délégué : Florence Stern
Co-production : Entre chien et loup et Goï Goï productions
Distribution : Youssouf Djaoro, Diouc Koma, Emil Abossolo M'Bo, Hadje Fatime N'Goua...

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