Ils sont venus nombreux, les aspirants cinéastes, à l’Institut supérieur de l’image et du son (Isis) de Ouagadougou lundi 28 février, pour prendre part à une master-class sur le thème « Problématique de la qualité de la mise en scène et de la direction d’acteur dans les films africains », organisée par Africalia, une association financée par la coopération belge. Mais ce qui a fait courir la centaine d’étudiants en cinéma, ce n’est pas tant le thème que le professeur de ce cours public : le journaliste et réalisateur Mahamat-Saleh Haroun, premier africain à remporter le prix du jury à Cannes en 2010 et second africain à être primé à ce festival avec « Un homme qui crie » (2010, 92mn), par ailleurs en compétition officielle au Festival panafricain au cinéma et de la télévision (Fespaco), dans la catégorie long métrage.
Pendant quatre heures, l’exigeant Mahamat-Saleh Haroun n’a pas cessé de se fâcher et de se réconcilier avec son public. Il a d’abord décrié le retard accusé par des étudiants, puis, il a failli s’arracher le peu de cheveux qu’il porte sur la tête lorsque des questions « mal venues » lui ont été posées, et il s’est carrément énervé quand des étudiants ont eu de la peine à lancer la projection d’un extrait de son film « Expectations » (2008, 28mn). Entre ces crises, le cinéaste que l’on dit anticonformiste a critiqué : « le cinéma africain est essentiellement caricatural ». Il en veut pour preuve la multitude de films qui condamne l’immigration des Africains, véhiculant ainsi la position des gouvernements du Nord. Et pourtant, selon lui, les Occidentaux ont dû aller à la conquête du monde pour se développer. Le cinéaste de 50 ans est de ceux-là qui ont du traverser les monts et les mers pour trouver leur voie. Fuyant la guerre civile au Tchad, il se retrouve au Cameroun en 1980, puis en Libye. Enfin, il migre vers la France où il vit encore aujourd’hui.
Sur la direction d’acteur, Mahamat-Saleh Haroun a affirmé qu’« on ne peut pas transmettre l’art de diriger les acteurs ». Néanmoins, il a partagé son expérience acquise après une dizaine de films : « Je laisse beaucoup de place à l’improvisation... Il est important que le cinéma se pose la question du drame intérieur. Pour moi, la meilleure mise en scène c’est celle qui disparaît complètement... S’il n’y a pas d’enjeux, il n’y a pas de films. Et comme disait Sacha Guitry, il n’y a pas de petit rôle, il n’y a que de petits comédiens ». Pour donc être un bon réalisateur, il a donné sa recette : « une bonne culture générale, le talent et l’imaginaire ». Le tout, accompagné de beaucoup de rigueur.
Mahamat-Saleh Haroun a terminé par une petite pique à l’endroit du Fespaco : « « En 41 ans, le Fespaco nous désespère avec son inorganisation et l’incompétence des gens qui y travaillent ». Il a conseillé aux étudiants de sortir des sentiers battus et de rêver grand. Avec cette dernière recommandation : « Je vous souhaite de ne pas avoir le syndrome camerounais », en l’occurrence, le laxisme.
Stéphanie Dongmo à Ouagadougou
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