La pièce « Compassion. L’histoire
de la mitraillette » du metteur en scène suisse Milo Rau a été représentée le
11 juin 2018 à Braunschweig, Allemagne, dans le cadre du Festival
TheaterFormen. Dans un réalisme qui rappelle le documentaire, cette pièce donne
libre cours à une histoire à la fois vécue et imaginée avec des comédiens qui
rendent la scène vivante, malgré un déséquilibre prononcé dans la distribution
des rôles.
En entrant au théâtre pour assister à la dernière représentation de « Compassion. L’histoire de la mitraillette », j’étais loin de me douter de ce qui m’attendait. Tout juste avais-je parcouru les deux phrases de présentation en anglais dans le catalogue du festival, à défaut de pouvoir lire l’allemand. Grand bien m’en fit ! J’aime découvrir les pièces sur scène, sans influence.
J’ai commencé par regarder la scène
avec étonnement. Un bric à brac d’objets jonche le sol, les uns plus vieux et
inutiles que les autres : canapé noirci, branches d’arbres, sachets plastiques,
poupées, chiffons, pneus, vêtements usagés.... En un instant, cette
scénographie me transporte dans un lieu désolé où les ruines ont succédé au
chaos.
Assise dans un coin, dans une
demi-pénombre, une jeune femme noire prend la parole face à une caméra posée
sur un trépied. Son visage apparaît en gros plan sur un écran, comme pour mieux
la rapprocher du public. Je peux alors distinguer son visage fin, ses cheveux
courts qui n’auraient pas refusé un coup de peigne, la fine boucle qu’elle
porte au nez. Elle s’appelle Consolate Sipérius, mais je préfère le nom par
lequel plus personne ne l’appelle, Ndaysaba. Son histoire qu’elle veut bien
nous raconter est tragique. A 4 ans, elle a vu ses parents se faire tuer dans
le génocide rwandais. A 6 ans, elle débarque en Belgique, adoptée par un couple
de Blancs.
Un second personnage entre en
scène. Une femme, blanche, blonde, mince. Assise sur une chaise haute ou debout
marchant sur les ruines, elle veut aussi bien nous raconter son histoire dans un
monologue qui occupe 70% de la pièce. Habillée d’un bleu qui rappelle le
drapeau de l’Union européenne, elle s’adresse à l’Occident. Elle ne s’émeut pas
devant la photo du corps sans vie sur une plage d’un enfant syrien qui a
bouleversé l’Europe en 2015. Non, elle en a vu de pires. En 1994, alors qu’elle
n’a pas 20 ans, cette Suisse s’engage dans une Ong qui l’envoie dans la région
des Grands lacs. Le conflit éclate. Sa position de femme blanche l’épargne de
la mort mais pas de l’horreur. Bilan du génocide, des millions de morts. Une
histoire connue. Qui, au-delà de cette tautologie, a le mérite de rappeler que
tous les hommes ne se valent pas. Elle s’en sort avec aucune égratignures alors
qu’autour d’elle s’entassent des milliers de morts.
L’histoire se raconte en deux
dimensions. Au premier degré, Consolate Sipérius témoigne de sa propre histoire
en introduction et en conclusion. Au second degré, Ursina Larsi interprète un
rôle qu’elle porte avec tellement de réalisme qu’on en est bluffé, malgré la
longueur du texte. Les deux monologues se rejoignent entre le Burundi, le
Rwanda, le Zaïre devenu RD Congo et l’Europe. Le théâtre est réel. Sur cette
scène, il est vivant, au point de choquer.
La pièce « Compassion »
est une charge violente contre la fausse compassion occidentale qui s’indigne
pour un mort et se tait pour des millions d’autres. Une indignation éphémère
qui s’évanouit dans le fil d’actualité et sert à rassurer la bonne conscience
occidentale face au colonialisme et au néocolonialisme. C’est cette compassion
corrompue par les médias qui a poussé les parents belges de Consolate à
l’adopter. Une compassion, somme toute faite de bons sentiments, mais qui se
laisse corrompre et influencer par les médias. Le doigt accusateur
est volontairement pointé sur l’Europe. Ces millions de morts ont une raison :
les richesses, le confort, la culture qu’ils rendent possible.
Milo Rau travaille sur des projets
plutôt que sur des spectacles. Un an après avoir créé la pièce « Compassion »,
il a tourné le documentaire « Le tribunal
sur le Congo » sorti en 2017. Il part du génocide rwandais pour montrer les
causes et antécédents d’une des guerres économiques les plus sanglantes de
notre histoire. Il institue pour le film un tribunal du peuple et réunit les
victimes, les bourreaux, les témoins et les experts et fait juger trois cas. Là
où la politique a échoué, Milo Rau apporte le théâtre pour faire réparation.
Cet acte de réparation passe par la
reconnaissance de la souffrance d’autrui et le devoir de vérité. Alors, les
millions de victimes des richesses des sous-sols de l’Afrique centrale pourront
peut-être trouver la paix, dans cette vie ou dans l’autre. Dans ce devoir de
vérité, il met en lumière le rôle trouble des Organisations non
gouvernementales (ONG), l’un des effets pervers de l’aide internationale.
L’histoire africaine est là, une
fois encore, racontée grandement par les autres. Le témoignage de Consolate apporte
une caution morale à la pièce. Mais il laisse au spectateur le sentiment qu’il est
en dehors de la pièce, comme s’il n’avait pas été prévu au départ. « Confession »
aura au moins permis à Consolate de
commencer à se regarder comme une femme noire, elle qui avoue avoir vécu dans
le déni jusqu’à un passé récent. Elle envisage un workshop qui va durer deux
ans à partir d’octobre prochain. En privé, cet atelier devrait l’aider à se
réconcilier avec son histoire, de retourner au Burundi et de faire son deuil,
loin des canapés de psy. En public, il va produire une œuvre sur la souffrance,
la résilience et l’identité. Une guérison nécessaire pour que Consolate
retrouve Ndaysaba, afin de cesser d’être cette feuille dans le vent qui essaie
de s’accrocher à une branche dont la sève ne peut la nourrir.
Stéphanie Dongmo
Fiche technique
Conception, texte et mise en
scène, Milo Rau
Avec Ursina Lardi et Consolate
Sipérius
médias qui a poussé les parents belges
RépondreSupprimerLa voie de la libération de tout problème commence par l'admettre. C'est pour ça que c'est la façon dont on enseigne un film https://papystream.tv/biopic/v sur la richesse.
RépondreSupprimeru511v4wlrhr454 realistic dildos,anal vibrators,dildo,Rabbit Vibrators,horse dildo,dog dildos,Wand Massagers,dog dildo,dildos s091e2qicvc227
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